jeudi 30 juin 2016

Tableaux singuliers (4)

Actif en Allemagne entre 1880 et 1920, Max Klinger est connu pour ses gravures mêlant dans des scènes oniriques animaux fantastiques, personnages symboliques, érotisme et macabre.

Ses visions insolites aux mises en page instables, comme cette histoire autour d'un gant féminin, plus près du cauchemar que du rêve, impressionneront Alfred Kubin et le surréalisme jusqu’à Roland Topor.

La peinture de Klinger n’a généralement pas la finesse de ses gravures, mais un petit panneau de bois peint en 1878 à 21 ans, intitulé « Les promeneurs (Die Spaziergänger) » et aujourd’hui à la Alte Nationalgalerie de Berlin, se distingue nettement des productions mythologiques qui suivront.
 
La scène représente un long mur aveugle de briques orange, d’aspect récent et isolé sur un terrain vague. Au centre dos au mur un jeune bourgeois brandit maladroitement un pistolet. Autour de lui se tiennent quatre hommes armés de bâtons. L’un d’eux ramasse une pierre.


Le tableau mesure 86 centimètres par 37. Un critique d’art de l’époque a précisé que la scène se situait dans une zone abandonnée près de Berlin, Hasenheide, et que dans un premier état du tableau le jeune homme menacé était accompagné d’une femme apeurée que le peintre a finalement effacée.

Ainsi seul dos au mur, ce jeune homme au feutre noir semble préfigurer le destin de Joseph K. le personnage du « Procès » de Franz Kafka, dans la scène finale, quand les deux fonctionnaires exécuteurs l'emmènent dans un carrière, sans que l’on ne comprenne vraiment pourquoi. Kafka conclura ainsi son roman : « … l’autre lui enfonça le couteau dans le cœur et l’y retourna par deux fois. Les yeux mourants, K. vit encore les deux messieurs penchés tout près de son visage qui observaient le dénouement joue contre joue. « Comme un chien ! » dit-il, et c’était comme si la honte dût lui survivre. (1) »

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(1) Traduction d’Alexandre Vialatte.


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