mercredi 23 octobre 2024

Tableaux singuliers (21)

Connaissez-vous Alfred Smith, peintre français d’origine bordelaise, auteur de paysages qu'on dit postimpressionnistes, au style plutôt retenu, à la limite parfois de l’originalité, qu’on ne doit pas confondre avec Alfred Carlton Smith (1853-1946), peintre anglais de jeunes filles (toujours habillées) dans des activités modestes de la vie, ni avec Alfred Everett Smith (1863-1955), peintre américain sans intérêt, mais qu’on peut facilement confondre avec Alfred Aloysius Smith, peintre anglais qui peignait exactement les mêmes paysages que le premier Alfred Smith, et qui en est une sorte de double ?


Les sites spécialisés, bien informés, font généralement naitre l’Alfred Smith anglais, Aloysius, en 1854 et mourir en 1927. Son double approximatif, sans deuxième prénom, est né à Bordeaux en 1853 (d’un père gallois) et mort en 1932 pour artnet, site de référence du marché de l’art, mais pas pour le musée des beaux-arts de Bordeaux, dans la notice de ses œuvres, pour qui il nait en 1854 (le 30 juillet) et meurt en 1936 (le 5 décembre, mais certains disent le 3 novembre), sauf sur le cartouche fixé sur le cadre ancien du tableau Le quai de la Grave, dans le même musée, qui le fait mourir en 1937. 

Notons aussi qu’il est parfois appelé André-Alfred Smith de Strnburg (sic) sans dates, chez Sotheby’s par exemple. 

Tous les trois sont certainement le même peintre, qui signe généralement ses toiles d’un "Bx F Alf(red) Smith" un peu oblique qu’il souligne d’un trait.


Ce peintre donc multiple aura représenté les grands boulevards de Paris sous la pluie, des scènes en forêt, des vues anodines de Venise, des sujets très communs de son temps, mais aussi beaucoup de vues de Bordeaux et sa région, jusqu'à la Creuse dans sa dernière période plus colorée.

Juste retour, le musée de Bordeaux (MusBa) possède une petite collection de ses paysages urbains et régionaux, grâce aux prix modestes de ses œuvres sur le marché de l’art, entre 1000 et 10 000€, comme ce brumeux Quai de la bourse à Bordeaux en 1883, parti contre 8 600€ en 2023.


Le Quai de la Grave à Bordeaux en 1884 (notre illustration), actuellement exposé, avec à gauche la flèche de la Basilique Saint-Michel, le Pont de pierre à droite, et en haut l’ombre du cadre ouvragé du tableau, est peut-être sa toile la plus réussie, par la fraicheur de sa lumière matinale, rare chez Smith qui préférait alors les brouillards et les grisailles, et la belle singularité du banal motif central, citerne rouille et pavés de calcaire. 


Mise à jour du 24.10.2024 : Et voilà, par manque de confiance dans le médiocre catalogue des collections du musée d'Orsay (et la mauvaise qualité de ses reproductions), on oublie de le consulter avant de rédiger une chronique ! Résultat, on passe à côté de jolies perles.
On a vu que l'identité même d'Alfred Smith comportait beaucoup d'approximations. Orsay en ajoute une dose avec ce portrait de la mère de l'artiste (qu'il n'expose pas). On y lit dans les détails du peintre qu'il ne serait pas du tout né à Bordeaux mais à Paris (75) où il serait mort itou. On y lit aussi que la date de réalisation du portrait est estimée entre 1854 (la naissance d'Alfred) et 1913. Le commentateur, expert paresseux, avait ainsi peu de chance de se tromper. En réalité, la modèle était née en 1830 et morte en 1910. On peut donc dater le tableau autour de 1880. Jeanne Amazélie avait alors 50 ans et son fils le peintre 26 ans. Et on apprend incidemment dans l'arbre généalogique une nouvelle date de décès pour Alfred, 1933. 

5 commentaires :

GJG a dit…

Au premier clic, je me suis dit : « tiens, voilà du Boudin ! »
Ben non, ce n’est pas Eugène, mais Alfred, un autre « agent Smith » peintre et Beach Boy à ses heures. (Non, vous n’aurez pas de lien vers ces surfeurs musicaux !)
Merci pour cette découverte.
Finalement, elle n’est pas si terne, sa citerne si surprenante. On y espère des litres de bord d'eau.

Costar a dit…

Vous ne pouvez décidément pas vous empêcher de vous jouer des mots. Je dois admettre que dans ce flot je ne saisis pas toujours vos alluvions, par exemple le passage d'Alfred aux Wilson en passant par Matrix m'a un peu noyé. Mais j'ai refait surface.

Costar a dit…

𝘉𝘰𝘯𝘫𝘰𝘶𝘳 𝘎𝘑𝘎
𝘝𝘰𝘵𝘳𝘦 𝘣𝘭𝘰𝘨 𝘳𝘦𝘧𝘶𝘴𝘢𝘯𝘵 𝘮𝘰𝘯 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘦𝘯𝘵𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘴𝘶𝘳 𝘷𝘰𝘵𝘳𝘦 𝘤𝘩𝘳𝘰𝘯𝘪𝘲𝘶𝘦 𝘥𝘶 𝘤𝘩𝘢𝘯𝘨𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘥'𝘩𝘦𝘶𝘳𝘦 𝘦𝘯 𝘮'𝘪𝘯𝘫𝘶𝘳𝘪𝘢𝘯𝘵 𝘥'𝘶𝘯 𝘫𝘰𝘭𝘪 "AKSDT20001" 𝘳𝘰𝘶𝘨𝘦 𝘢𝘶-𝘥𝘦𝘴𝘴𝘶𝘴 𝘥𝘦 𝘮𝘰𝘯 𝘯𝘰𝘮, 𝘫𝘦 𝘮𝘦 𝘱𝘦𝘳𝘮𝘦𝘵𝘴 𝘥𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘴 𝘭𝘦 𝘤𝘰𝘮𝘮𝘶𝘯𝘪𝘲𝘶𝘦𝘳 𝘱𝘢𝘳 𝘭𝘢 𝘷𝘰𝘪𝘦 𝘥𝘦́𝘵𝘰𝘶𝘳𝘯𝘦́𝘦 𝘥𝘦 𝘮𝘰𝘯 𝘣𝘭𝘰𝘨. 𝘋𝘦́𝘴𝘰𝘭𝘦́ !

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Joli texte.
Peut-être serez-vous intéressé par une reproduction plus détaillée du tableau de Steen (voir plus bas) et par le fait qu'au Kunsthistorisches museum le titre du tableau est "Die verkehrte Welt", le monde inversé ou le monde à l'envers (le proverbe est sur l'ardoise en bas à droite).
On sait bien ce que valent les titres des tableaux (😉) et je ne comprends pas un seul des sous-entendus et dictons illustrés ici. Je ne connais pas non plus le mécanisme des horloges du 17e siècle mais on peux imaginer, puisque le singe retient le poids qui était arrivé le plus bas, que le temps va au moins s'arrêter, sinon s'inverser (il y avait déjà sans doute un système évitant que l'autre poids n'entraine le temps à reculons, quoique le titre du tableau y invite).
Alors il n'est peut-être pas si inculte que cela, le singe. D'ailleurs il est généralement le moraliste dans ces peintures anciennes, celui qui nous confronte à nos absurdités.

𝗟𝗮 𝗿𝗲𝗽𝗿𝗼𝗱𝘂𝗰𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲́𝘁𝗮𝗶𝗹𝗹𝗲́𝗲 :
https://www.dropbox.com/scl/fi/xin3h47n7es3jfqnx1md6/Steen-Jan-Le-monde-l-envers-Vienne-KHM.jpg?rlkey=xqxwhbicjxkqjua0m53whpy09&dl=0

𝗟𝗮 𝗻𝗼𝘁𝗶𝗰𝗲 𝗮̀ 𝗩𝗶𝗲𝗻𝗻𝗲 𝗞𝗛𝗠 :
https://www.khm.at/objektdb/detail/1833
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GJG a dit…

Merci Costar pour ces précisions et désolé pour le bug sur mon blog…(?)
Cela étant, c’est certainement grâce à vous que j’ai découvert ce drôle de Jan Steen auquel j’ai bien envie de consacrer un billet en particulier. Je ne manquerai pas évidemment de renvoyer mes quelques lecteurs sur votre blog sagace et bien documenté. Bien à vous. Guillaume.

Costar a dit…

C'est très aimable de votre part, mais ils seraient certainement déçus, je n'ai jamais cité Steen, en 18 ans et 923 chroniques (mais je m'en veux, croyez-le bien)...