vendredi 25 octobre 2019
dimanche 20 octobre 2019
La vie des cimetières (89)
Du temps de l’empereur Auguste, quand ils durent achever l’entreprise de civilisation des tribus de la Gaule, les Romains établirent un imposant camp militaire à Aunedonnacum, aujourd’hui Aulnay-de-Saintonge, en Charente-Maritime. Les Gaulois mirent cependant un certain temps à acquérir les bonnes manières, et éliminèrent encore quelques soldats, qu’on enterra à la manière romaine, en dehors des limites du camp.
Puis les colonisateurs partirent.
Le lieu, au carrefour de deux anciennes routes impériales, devint une agglomération gallo-romaine. Près des tombes romaines (trois stèles funéraires ont été retrouvées) grandit alors une nécropole autour d’un édifice religieux, probablement un temple païen, puis un sanctuaire chrétien.
Des siècles plus tard, l’endroit était devenu une étape obligée du plus long des pèlerinages vers Compostelle, celui qui partait de Paris et passait par Poitiers. Et le sanctuaire d’Aulnay dépendant des moines bénédictins de Poitiers, ils jugèrent au début du 12ème siècle qu’il était temps d’ériger une église digne d'accueillir et d'impressionner la multitude des pèlerins de passage.


De nos jours, dans l’enclos qui entoure l’église, la vieille nécropole vivote, tant bien que mal, en une sorte de cimetière hétéroclite. Au long du 19ème siècle, les antiques éléments de sarcophage avaient été recyclés en pierres tombales, et couverts d’épitaphes gravées pour les défunts du temps, et ainsi datées 1840, 1860, 1880...
À suivre…
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Mots clefs : Aulnay , Charente , Colonisation , Eglise , Gaule , Guerre , Nuages , Pèlerinage , Poitiers , Roman , Rome , Sarcophages , Vie des cimetières
mercredi 9 octobre 2019
Mohlitz éparpillé
Mohlitz - c’est un pseudonyme - est mort en mars, discrètement. Il était né en 1941 à Saint-André-de-Cubzac, près de Bordeaux, y a travaillé, et y est mort, donc, au printemps 2019.
Alors on disperse le contenu de son atelier et de sa modeste collection de gravures du fabuleux Bresdin, qu’il admirait. On vend tout ça en ligne, sur internet, le 12 octobre 2019.
206 extraordinaires dessins originaux, 196 tirages de gravures au burin, et 12 petites sculptures.
Mohlitz était graveur. Artisan minutieux, il passait des semaines, parfois des mois sur une plaque de cuivre de 25 à 35 centimètres, dont on pressait ensuite exactement 100 épreuves, inversées comme dans un miroir, naturellement.
On le disait renommé chez les amateurs de gravure. Cependant les estimations des experts dépassent rarement 5 ou 600 euros. Le dessin original d’une de ses plus célèbres gravures, « Le ministère de la santé », est estimé pour 1000 euros. C’est peu.

Alors qu’il aura passé sa vie à en prévoir tous les détails à la pointe ironique de son burin, Mohlitz n’assistera donc pas à la ruine de notre civilisation.
Mais samedi prochain, quelques bienheureux enchérisseurs emporteront ses visions fantastiques et les accrocheront sobrement encadrées sur un mur de leur salon. Et un jour, en levant les yeux sur elles, ils constateront qu’elles ressemblent de plus en plus à la réalité.
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Mots clefs : Bordeaux , Bresdin , Civilisation , Dessin , Enchères , Épaves , Gravure , Internet , Mise à jour , Mohlitz , Prix , Réalisme , Ruines
samedi 5 octobre 2019
Un bilan des Degas
On écrira sobrement D818 ou K415, mais à l’oral, votre nom résonnera à l’appel de chaque œuvre, et on dira « divertissement Deutsch 818 » de Schubert, ou « concerto Köchel 415 » de Mozart.
Cela se pratique moins chez les artistes plasticiens. Leurs catalogues sont souvent nombreux et les œuvres sont alors alignées dans de longues tables de concordance entre les différents inventaires.
Le recensement en ligne par Frank Seinstra des tableaux de Rembrandt récapitule 14 catalogues. Mis en ligne en 2007, il est toujours accessible à la même adresse depuis 12 ans, ce qui est miraculeux sur internet.
Michel Schulman s’est attaqué à l’œuvre d’Edgar Degas, dont il n’existait que 3 ou 4 catalogues sérieux, sur papier. Travail considérable qu’il vient de mettre en ligne en accès libre, et qu’il appelle « Le catalogue critique ». C’est impressionnant.
Les avantages de la chose sont nombreux, gratuité, efficacité comme outil de recherche, facilité de mise à jour et moyen commode de faire participer spécialistes et collectionneurs à sa révision.

Et Michel Schulman a bien mérité d’accoler ses initiales devant la numérotation des peintures et pastels de Degas, qu’on mentionnera donc « MS-numéro », au moins dans son propre catalogue, et dans le reste de l’univers si son souhait de devenir une référence se réalise.
Mais il n’explique pas les critères de sa numérotation. Ni chronologique, ni thématique, ni alphabétique, elle est… personnelle. Ainsi, le magnifique Chapeaux chez la modiste du musée d’Orsay (illustration) auquel Lemoisne - La référence, jusqu’à présent - donnait en 1946 le numéro 683, et qui se retrouvait en 1970 dans le catalogue de Minervino (classé par thèmes) sous le numéro 585, porte ici le MS-560. Mais un numéro est-il utile ?
Quant au support du catalogue, les œuvres de Degas, c’est un plaisir de les survoler avec cette aisance, par thèmes, par noms, par dates, et de constater - ce qui a été écrit à maintes reprises - que très peu sont achevées.
Il ne faut pas confondre l’inachevé avec le sous-entendu, l’allusif, l’épure, qui est le comble de l’achevé, ce qu'il reste quand tout l’inutile a été enlevé.
Il y a l’inachevé de l’artiste négligent qui laisse volontairement des lacunes par fainéantise, manque d’intérêt ou arrogance, et l’inachevé qu’il n’aurait pas imaginé exposer mais que la curiosité ou la cupidité des générations suivantes fait ressortir des fonds de tiroir et des poubelles, les essais, les chutes.
Dans le catalogue de Degas, on trouve certainement des deux.
Cela dit, de nos jours, l’incomplet, l’esquisse, le brouillon sont très prisés. Peut-être parce qu’ils laissent la plus grande liberté d’interprétation au spectateur, qui peut y voir, comme dans la forme d’un nuage, la matérialisation de ses propres fantaisies.