Le mystère Van Gogh de l'été
Alors il faut sortir le grand jeu. Juillet-aout c’est l’été, les champs de blé, le jaune citron, et Van Gogh. Ça tombe bien, un expert du peintre vient de découvrir le lieu où il aurait peint son dernier tableau, laissé inachevé dans sa chambre d’Auvers-sur-Oise. Il représente un sous-bois, peut-être un talus, avec des arbres au tronc noueux.
La chose n’était pas simple. Il fallait disposer de cartes postales d’époque (ici vers 1900), d’Auvers-sur-Oise ou alentour (ici à 200 mètres de l’auberge où Van Gogh logeait), et avec des arbres. Puis, faire coïncider l’image avec le tableau en le contorsionnant et le maquillant à l’aide d’un outil de dessin sur ordinateur et de manipulations expertes. Le résultat est bluffant.
C’est une belle histoire édifiante. Van Gogh, dont on estime sans doute qu’il aura raté sa vie parce qu’il n’a pas vécu de sa peinture, aurait tout de même réussi quelque chose, son suicide.
Si l’emplacement de la rue Daubigny est plausiblement celui du tableau, le récit d’un Van Gogh en pleine période créative mais déterminé à se supprimer en laissant un message d’adieu au monde est un conte de fée pour journal télévisé. Il renforcerait même involontairement certains arguments des défenseurs de l’hypothèse du coup de révolver accidentel lors d’une beuverie.
C’est cependant la version enchantée qui sera reproduite par les médias, convoqués en fanfare le 28 juillet dernier au 49 rue Daubigny, pour apprendre au monde la bonne nouvelle. Nous n'en savions rien, il y avait pourtant un mystère, mais il n'était plus mystérieux.
Ainsi dans ce village où le peintre ne passa que deux mois mais où chaque pierre, chaque feuille, chaque nuage, chaque affiche, évoque, respire, irradie l’art de Van Gogh, comme on le lit dans les réseaux sociaux, un nouveau lieu de pèlerinage ouvrira bientôt.
Pour l’instant protégé de l’avidité idolâtre du public, qui pourrait bien s’y tailler des allumettes ou des cure-dents, les officiels cherchent encore que faire de ce tronc d’arbre pourri par les intempéries, au pied d’un raidillon poussiéreux au bord de la route.