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vendredi 10 novembre 2023

Un panier de crabes au Gala des fraises


Jérôme Bosch l’a démontré dans son Jardin des délices ci-dessus, la passion de la fraise, à la manière de la tulipe en son temps, conduit à tous les débordements sexuels, jusqu’à la folie collective.

La présidente du musée du Louvre s’est trouvée atteinte le 23 mars 2022, lors de l’achat aux enchères à Paris, par un musée du Texas, d’un panier de fraises de la main du peintre Chardin.

De ce jour, elle manigance pour récupérer le tableau. Elle veut le voir trôner dans son musée, parmi les 38 Chardin déjà exposés, et leurs poires, pêches, prunes, lapins, faisan, raie et brioche. L’adjudication du tableau était de 24,3 millions d’euros, frais compris. Elle en a fait interdire l’exportation au motif de Trésor national pour s’accorder le délai légal de 30 mois, le temps de trouver de quoi le payer.
Nous avions abondamment relaté ce feuilleton médical sur les tourments d’une addiction.

18 mois plus tard, il y a trois jours, elle lançait la dernière étape de la machination, nécessairement publique cette fois, afin de réclamer aux citoyens français la faveur d’une aumône, car il lui manque 1,3 million d’euros, 5% de la somme totale. Il y aurait eu d’autres moyens d’arrondir l’opération, mais comme on sait que la stratégie "Tous mécènes", ces appels annuels du Louvre à la conscience artistique nationale, rapporte en moyenne un million d’euros, pourquoi ne pas en profiter ?

La présidente annonce sa complainte dans une courte vidéo et sur une page de presse du musée, où il est question, comme pour toute réclame du genre, "d’absolu chef-d’œuvre de la peinture française du 18ème siècle qui menace de quitter la France" si le citoyen ne fait pas un petit effort. On y lit surtout la gloire de LVMH, qui aurait avancé 15 millions dans l’affaire !
Mais si, vous savez, ce marchand de sacs à main, de mousseux et d’eau de toilette hors de prix qui a parfaitement compris que la plus célèbre des institutions culturelles françaises était le support publicitaire idéal, économique et quasi éternel.

Économique, parce que la communication du Louvre, qui met en avant, avec force exemples de calcul, les 66% de déduction fiscale applicables aux bons citoyens qui feraient un don, oublie discrètement, en parlant de "l’importante réduction fiscale qui s’applique aux entreprises", d’en afficher le taux, qui est, le tableau ayant été déclaré Trésor national, de 90% !
Et quasi éternel, parce que le nom de la marque LVMH sera ainsi définitivement attaché au tableau, sur les cartels, dans les catalogues et livres d’art, tous écrits citant l’œuvre, et pour un investissement raisonnable de 1,5 million d’euros puisque les 13,5 millions restants, les 90%*, seront payés étourdiment par le gentil contribuable.
* Dans un recoin du site Tous mécènes, il est écrit que les entreprises bénéficieraient d’une réduction d’impôt de 60% du montant versé. C'est certainement une erreur, qui dérogerait au Code général des impôts.

Cahier pratique : comment se faire offrir des entrées gratuites au Louvre, et monter éventuellement, si on est extrêmement indélicat, un petit trafic de billets :
Dans le document du communiqué de presse (PDF) où il détaille les modalités de donation, le Louvre a peut-être commis une petite libéralité de calcul (qui ne serait pas la première bourde dans sa gestion des entrées au musée). 
On y lit parmi les exemples de déduction fiscale, qu’un don de 50€ ne nous couterait après remise que 17€, et qu’en plus deux billets d’entrée au musée nous seraient offerts (page 5).
Versez aujourd’hui 50€, et 67€ vous seront finalement restitués, sachant que le prix actuel de l'entrée est de 17€, c'est une plus-value de 34% ! (33€ pour les 66% de déduction fiscale, plus 2 billets d’entrée soit 34€). Et votre nom sera inscrit quelque part dans le musée et cloué au "mur des donateurs" sur une page de remerciements du site du Louvre.

Comme on l'a vu à propos de LVMH, y a-t-il un moyen plus sûr de faire profiter des intérêts privés que de les investir dans le domaine public ?

Et puis le communiqué prévoit que les plus généreux des donateurs auront droit à des visites privées, les plus que généreux jouiront de "soirées privées", et ultime cerise, pour les plus libéraux d’entre eux sera organisé un "Gala des fraises" dont le seul nom fait déjà saliver tout amateur d’art, et dont on ose à peine imaginer les implications érotiques.

Jusqu'où la folie des fraises mènera-t-elle la présidente du Louvre ?

dimanche 15 juin 2014

Le retour du refoulé

Pour fuir l'intolérable pudibonderie des grands réseaux sociaux et la censure aveugle des moteurs de recherche nous éviterons de nommer directement l'objet de cette chronique par ses noms les plus usuels. Georges Brassens l'appelait jadis « Le Blason ». De nos jours, le dernier cri est de le nommer « L'Origine du monde », ce qui est tout de même très approximatif sur le plan scientifique, et de l'exposer fièrement sur les cimaises des musées les plus en vogue.

Qui ignore encore ce tableau, illustrissime depuis peu, de Gustave Courbet, peintre provocateur du milieu du 19ème siècle qui peignait à grand renfort de couleurs au bitume et au blanc de plomb des tableaux naturalistes devenus aujourd'hui très sombres ?
L'œuvre figure un corps féminin réaliste sans jambes ni bras ni tête, comme une nature morte posée sur un étal, avec au milieu un organe velu. Depuis qu'il est exhibé en permanence, depuis 1995, la pensée parisienne s'enthousiasme sur ce puissant symbole d'on ne sait trop quoi, au point qu'il est presque devenu l'emblème du musée qui l'héberge et le fleuron des ventes de cartes postales.

Le 29 mai 2014, une jeune femme en robe dorée (filmée par un complice) s'approchait calmement du tableau de Courbet, s'asseyait sur le sol en lui tournant le dos, écartait généreusement les cuisses et s'aidant des mains présentait alors au public épars du musée une vue plus explicite encore que celle du tableau qui lui servait de modèle.
On a pu lire que son geste était dicté par un concept consistant et impérieux, ce que ne confirme pas réellement le poème puéril récité pendant l'exhibition sur les notes de l'inévitable rengaine de l'Ave Maria de Schubert. On peut également mesurer la profondeur vertigineuse du verbiage de la dame dans cette vidéo.
Disons simplement que pour faire plus provocateur que le tableau de Courbet, il fallait bien exposer la réalité plutôt que sa représentation. C'est le fondement de tout exhibitionnisme.
Notons cependant que Courbet, qui aimait pourtant faire scandale, n'avait pas peint ce tableau pour choquer, mais pour le cabinet privé d'un riche diplomate turc et obsédé.

Robert Crumb, dessin original pour la couverture du numéro 13 de la revue Weirdo représentant 20 modèles de psychopathes sexuels. Le 21ème est le dessinateur.

Le plus amusant dans cette historiette libidinale est certainement l'illustration éclatante de la schizophrénie d'une société qui peut, sur la même image, afficher sans vergogne un blason triomphal, et flouter ou masquer la même chose quand elle constitue une intrusion de la réalité dans son confortable univers imaginaire. On le constatera sur les photos de la scène reproduites dans la presse.

dimanche 16 mars 2014

Le gros pétard de David

Il faut l'admettre, Michel-Ange était un artiste immense, un gros travailleur qui imaginait des ouvrages toujours plus impressionnants. Et un art monumental ne se fait pas sans des imprécisions et des erreurs dues à l'empressement. Michel-Ange n'en fut pas exempt. Il n'est qu'à examiner les proportions exagérées, les corps déformés des personnages androgynes qui peuplent le plafond de la chapelle Sixtine au Vatican, ou son gigantesque David sculpté de 5 mètres, mal proportionné, ses grandes mains simiesques, son évidente macrocéphalie, ses traits grossiers et son petit sexe si finement ciselé, avec amour.

Et pourtant l'Italie considère le David, cette effigie martiale et sans grâce, comme un des symboles de la nation, au point d'avoir parsemé Florence de copies colossales. Et bien qu'elle ne se soit jamais opposée aux usages les moins raffinés de ses icônes nationales, elle vient, prise d'une poussée soudaine de vertu outragée, de réagir violemment à la vue d'une affiche publicitaire américaine qui vante un énorme fusil ultramoderne en le plaçant dans les bras dudit David, par un médiocre trucage photographique.

La presse, qui ne s'embarrasse pas à vérifier ce qu'elle retransmet, serine en chœur les propos offensés du ministre italien de la culture et du directeur (qui se nomme Angelo Tartuferie) du musée de l'Académie qui héberge à Florence l'original du monument insulté. Et tous de répéter que l'utilisation publicitaire de l'image du David doit faire l'objet d'une autorisation de l'État italien assortie du paiement de droits de reproduction, et que ce détournement de mauvais gout est illégal.
On lit aussi dans les journaux italiens que « la violence exercée sur la sculpture est pire qu'une attaque au marteau ... et il faut réclamer à la société américaine un milliard de dollars qui serviraient à restaurer Pompéi. »

Cinéma et hypocrisie que tout cela. Le droit de la propriété intellectuelle italien, qui semble, à la lecture des commentaires italiens, assez proche du droit français, ne pourra rien contre l'utilisation, même douteuse, d'une œuvre qui a toujours été dans le domaine public. Et y aurait-il manipulation d'une photographie soumise à droits d'auteur (puisque les photos sont interdites - bien vainement - dans le musée) que les italiens auraient du mal à obtenir réparation dans un litige international contre une entreprise américaine, pour une simple citation parodique.


Alors à défaut d'argument juridique l'Italie peut toujours déclarer la guerre aux États-Unis. Le prétexte ne serait pas moins sérieux que pour nombre d'autres conflits et elle aurait sans doute des chances de gagner, David (ou Daoud) n'a-t-il pas vaincu le géant Goliath et sauvé les tribus hébraïques de l'hostilité des philistins, dans les mythologies biblique et coranique ? Il conviendra cependant, comme dans l'astucieuse publicité incriminée, de remplacer les frondes archaïques par des fusils mitrailleurs.

Quant à l’emblème bafoué de la nation, et s'il faut absolument contenter les amateurs d'anatomie masculine, il se trouve à Florence, à 400 mètres de la statue de Michel-Ange, au bout d'une allée du Musée d'archéologie de la ville, une sculpture romaine au lignes raffinées et au geste pacifique, l'Idolino di Pesaro, éphèbe porte lampe (l'original grec tendait une grappe de raisin), qui remplacerait avantageusement l'idole déchue.
Ou encore, 900 mètres plus au sud, la merveille du musée Bargello, le David sculpté par Donatello 70 ans avant celui de Michel-Ange. Mais les détails sensuels et la pose ambigüe de cet adolescent efféminé l'éloigneraient certainement un peu de l'idéal fade et inexpressif de Monsieur Tartuferie.

dimanche 28 avril 2013

La vie des cimetières (49)


Mystifié par le puritanisme intolérant venu d'Amérique sur les réseaux sociaux, l'adolescent contemporain ne sait plus très bien ce qu'est le sexe. Il le découvrira lorsque, lassé de l'improductivité de ses occupations sur lesdits réseaux, il éteindra l'appareil électronique.
Mais il sera un peu tard. Désormais il le craindra, à l'instar des générations formées à l'école des religions monothéistes et de leurs idées primitives.

Aussi, afin d'éviter à l'avenir ces légions de demeurés frustrés et agressifs, Ce Glob est Plat ne reculant devant aucune bassesse dévoile de temps en temps l'emplacement d'œuvres sexuellement orientées (1) que l'adolescent peut aller admirer sans risque, et même caresser en imaginant que la pierre se réchauffe au contact de ses doigts.

Le modèle d'aujourd'hui, magistral, se trouve dans le cimetière monumental de Milan, dans la galerie supérieure ouest, sur la tombe Bianchini. Le nom du sculpteur n'est hélas pas indiqué.

***
(1) On aura bien sûr noté le genre nettement féminin des exemples choisis. Car les statues des cimetières sont quasi exclusivement modelées par des hommes, et quand ils sculptent leurs congénères, c'est pour les affubler de la musculature de Superman et les placer dans des positions ridicules qui manquent singulièrement d'érotisme, comme cette célèbre sculpture d'Enrico Pancera également à Milan.