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dimanche 20 avril 2025

Ce monde est disparu (18)

 

Le Metropolitan Museum of Art de New York a fièrement annoncé qu’il exposait désormais en salle 829 un portrait d’Yvonne Suys à 7 ans, peint par Fernand Khnopff en 1890, acheté* par une fondation étasunienne chez Millon-Belgique le 18 janvier 2024 contre 650 000$, et confié donc récemment au musée en prêt à durée indéterminée.

* cliquer sur "Read more" pour une notice détaillée en français


Un tableau qui disparait aux enchères pour réapparaitre après quelques mois au Metropolitan, ce musée si généreux en belles reproductions, quelle chance, se dit-on. Mais la fondation prêteuse a ses caprices, et le musée a une conception particulièrement floue du droit d’auteur et du domaine public ; un tableau peint après 1880 - la limite est très vague, à 50 ans près en plus ou en moins - ne sera reproduit que par une médiocre vignette, et zoom et téléchargement en seront prohibés.   

Évidemment, la règle nébuleuse s’applique à ce tableau de Khnopff, dont l'huile est pourtant sèche depuis 135 ans (et l’auteur depuis 104 ans).


Heureusement Ce Blog veille et fournit des images de bonne qualité en taille réelle qu’il est conseillé de conserver au frais, ci-dessus avec la photo du modèle et ci-dessous bordée de son beau cadre.


Il va sans dire que vous pouvez choisir d’aller voir l’original, il suffira d’effectuer les 15 000 prochains kilomètres de vos déplacements quotidiens en vélo plutôt qu’en voiture, et économiser ainsi suffisamment de dioxyde de carbone pour vous offrir un aller-retour vers New York en avion.


Note pipole : L’enfant modèle, née dans la haute bourgeoisie, épousera un champion d’escrime issu aussi de la haute bourgeoisie.

Ils exposeront leur riche collection de tableaux dans l’hôtel particulier qu’ils feront construire au cœur de Bruxelles.

Yvonne Suys mourra à 41 ans, 3 ans après son mari.


vendredi 24 octobre 2014

Miracle à l'italienne

L’indispensable Monsieur Rykner, toujours au fait des informations réellement importantes, signale dans sa Tribune de l’art qu’une loi italienne sur le développement de la culture et la relance du tourisme, promulguée le 30 juillet 2014, autorise désormais la photographie dans tous les établissements culturels du pays.
Parmi beaucoup d’autres mesures, le texte déclare la photographie libre si elle est destinée à l’étude, la recherche, la libre expression, la création artistique ou la promotion non lucrative du patrimoine culturel.

Rappelons que la France venait quelques jours auparavant de faire le même geste (en plus timoré) par une directive ministérielle (Charte Tous Photographes).
Et il est bien possible que nombre de musées en Italie pratiqueront encore quelque temps l’insubordination, par habitude, ou cupidité comme en France le musée d’Orsay.

D’ailleurs, le Musée des impressionnismes de Giverny qui pratique aujourd’hui le harcèlement intensif du visiteur photographe, prétend ne pas connaitre la directive mais affirme tout de même qu’elle ne lui est pas applicable.
Au sens strict, la Charte ne lui est pas imposée, mais seulement conseillée, puisqu'il est un établissement public culturel régional (et non national). Notons cependant que son vice président se trouve être l’inévitable et constant baron G.C., actuel président récalcitrant de l'établissement public culturel national du musée d’Orsay.
 
Disons que ça ne serait pas très malin de laisser les régions de France à la traine d'un mouvement qui est de toute façon inéluctable. Cela avantagerait les 34 musées nationaux qui sont principalement parisiens.

Morren George, le verger, 1890 (collection particulière - Galerie Lancz, Bruxelles), lors de son exposition au musée des impressionnismes en octobre 2014. La photo était interdite, ce qui est une excellente précaution si on souhaite qu'un peintre inconnu ou méconnu le soit pour toujours.

samedi 19 juillet 2014

Mitraillez !

C'est certain, le chômage redouble, les avions s'écrasent encore et encore, les centrales nucléaires fuient de partout. Mais on s'y fait, par peur de perdre quelque chose, car il faudrait tout détruire et tout reprendre à zéro.

Et pourtant la révolution est en marche. La nouvelle est tombée très discrètement le lundi 7 juillet 2014. Le gouvernement français faisait paraitre sur le site du ministère de la Culture une page frileusement audacieuse intitulée « Tous photographes ! La charte des bonnes pratiques dans les établissements patrimoniaux ». Il s'agit d'une charte de cinq articles applicable dans tous les musées et monuments nationaux.

Article 1. Le photographe doit désactiver le flash de son appareil. Qui ne le fait pas, au moins pour éviter les reflets désagréables ?
Article 2. Il n'abime pas ce qu'il photographie. Sans rire.
Article 3. L'article le plus important et néanmoins le plus sibyllin, ou le moins précis. Le visiteur peut partager ses photos comme il le désire, mais dans le cadre de la législation en vigueur. En bas de page, des liens renvoient vers les textes en vigueur. Rappelons, pour simplifier, que dans ces lieux publics, même la photo des œuvres encore protégées par des droits d'auteur ne peut pas être interdite, c'est leur utilisation en dehors d'un cercle privé qui l'est.
Article 4. Le photographe demande son accord avant de photographier le personnel comme sujet principal. Comme il le ferait pour tout autre personne.
Article 5. Il demande une autorisation spécifique s'il veut utiliser du matériel supplémentaire. L'article vise probablement les pieds photographiques, ou des éclairages complémentaires.

Il n'est écrit nulle part explicitement que le visiteur peut toujours photographier tout ce qu'il veut dans les musées et monuments du patrimoine, mais comme on précise ce qu'il ne doit pas faire, on supposera que tout le reste lui est permis, implicitement.
Et il y aura certainement des établissements récalcitrants qui useront d'arguties juridiques, car c'est par exemple un réel camouflet pour le baron du musée d'Orsay qui avait obtenu récemment le soutien d'un ministre congédié depuis de la Culture pour interdire toute photographie dans l'enceinte du musée.

Finalement elle n'a peut-être l'air de rien, ou d'une gélatine informe, mais si cette charte est appliquée et devient un droit, c'est une part d'arbitraire et d'abus de pouvoir qui échappera aux marchands de cartes postales et aux voleurs de souvenirs.

Alors mitraillez, mitraillez tout ! C'est désormais autorisé.


Si la photographie n'avait pas été permise dans le musée de Rennes, comment aurait-on appris la lâche agression du pape Jean-Paul 2 par une météorite non identifiée, durant sa visite de l'établissement ? (Maurizio Cattelan, La Nona Ora, sculpture 1999).

mercredi 21 mai 2014

Zoom sur Washington

Bierstadt Albert, le lac de Lucerne à Brunnen 1858 (détail) NGA Washington.

Quel plaisir de flâner des heures durant au cœur des paysages peints par Bellotto, Bierstadt, Calame, Canaletto, Cuyp, Doughty, Eckersberg, Gifford, Haseltine, Inness, Lane, Rembrandt, Turner, Vernet, Wright of Derby et tant d'autres.

La National Gallery of Art de Washington, capitale des États-Unis, abrite une des plus riches collections d'art de la planète, et comme les plus grands musées maintenant (à part le Louvre évidemment) elle a mis en ligne des images d'une grande partie de son catalogue.
Et les images sont zoomables, et téléchargeables en très haute qualité si on s'inscrit, gratuitement.

Le musée réel, à Washington, est un énorme bloc de béton et de marbre, sans aucune fenêtre. Afin d'éclairer les œuvres par la lumière du jour, zénithale, le toit est une immense verrière de 10 000 mètres carrés.

L'entrée du musée est également gratuite.
   

dimanche 16 mars 2014

Le gros pétard de David

Il faut l'admettre, Michel-Ange était un artiste immense, un gros travailleur qui imaginait des ouvrages toujours plus impressionnants. Et un art monumental ne se fait pas sans des imprécisions et des erreurs dues à l'empressement. Michel-Ange n'en fut pas exempt. Il n'est qu'à examiner les proportions exagérées, les corps déformés des personnages androgynes qui peuplent le plafond de la chapelle Sixtine au Vatican, ou son gigantesque David sculpté de 5 mètres, mal proportionné, ses grandes mains simiesques, son évidente macrocéphalie, ses traits grossiers et son petit sexe si finement ciselé, avec amour.

Et pourtant l'Italie considère le David, cette effigie martiale et sans grâce, comme un des symboles de la nation, au point d'avoir parsemé Florence de copies colossales. Et bien qu'elle ne se soit jamais opposée aux usages les moins raffinés de ses icônes nationales, elle vient, prise d'une poussée soudaine de vertu outragée, de réagir violemment à la vue d'une affiche publicitaire américaine qui vante un énorme fusil ultramoderne en le plaçant dans les bras dudit David, par un médiocre trucage photographique.

La presse, qui ne s'embarrasse pas à vérifier ce qu'elle retransmet, serine en chœur les propos offensés du ministre italien de la culture et du directeur (qui se nomme Angelo Tartuferie) du musée de l'Académie qui héberge à Florence l'original du monument insulté. Et tous de répéter que l'utilisation publicitaire de l'image du David doit faire l'objet d'une autorisation de l'État italien assortie du paiement de droits de reproduction, et que ce détournement de mauvais gout est illégal.
On lit aussi dans les journaux italiens que « la violence exercée sur la sculpture est pire qu'une attaque au marteau ... et il faut réclamer à la société américaine un milliard de dollars qui serviraient à restaurer Pompéi. »

Cinéma et hypocrisie que tout cela. Le droit de la propriété intellectuelle italien, qui semble, à la lecture des commentaires italiens, assez proche du droit français, ne pourra rien contre l'utilisation, même douteuse, d'une œuvre qui a toujours été dans le domaine public. Et y aurait-il manipulation d'une photographie soumise à droits d'auteur (puisque les photos sont interdites - bien vainement - dans le musée) que les italiens auraient du mal à obtenir réparation dans un litige international contre une entreprise américaine, pour une simple citation parodique.


Alors à défaut d'argument juridique l'Italie peut toujours déclarer la guerre aux États-Unis. Le prétexte ne serait pas moins sérieux que pour nombre d'autres conflits et elle aurait sans doute des chances de gagner, David (ou Daoud) n'a-t-il pas vaincu le géant Goliath et sauvé les tribus hébraïques de l'hostilité des philistins, dans les mythologies biblique et coranique ? Il conviendra cependant, comme dans l'astucieuse publicité incriminée, de remplacer les frondes archaïques par des fusils mitrailleurs.

Quant à l’emblème bafoué de la nation, et s'il faut absolument contenter les amateurs d'anatomie masculine, il se trouve à Florence, à 400 mètres de la statue de Michel-Ange, au bout d'une allée du Musée d'archéologie de la ville, une sculpture romaine au lignes raffinées et au geste pacifique, l'Idolino di Pesaro, éphèbe porte lampe (l'original grec tendait une grappe de raisin), qui remplacerait avantageusement l'idole déchue.
Ou encore, 900 mètres plus au sud, la merveille du musée Bargello, le David sculpté par Donatello 70 ans avant celui de Michel-Ange. Mais les détails sensuels et la pose ambigüe de cet adolescent efféminé l'éloigneraient certainement un peu de l'idéal fade et inexpressif de Monsieur Tartuferie.

dimanche 16 février 2014

Léger frisson dans le domaine public

Alors que de grands musées français qui se pensent modernes interdisent toujours au public de photographier les œuvres exposées, même celles qui appartiennent au domaine public, donc à tous, un très léger frémissement semble poindre des ministères, peut-être embarrassés par tant d'abus de pouvoir et de gouvernances féodales.
Ainsi le ministère de la Culture a récemment envoyé aux responsables de musées et monuments une timide « Charte des bonnes pratiques photographiques ». Calimaq en fait une analyse excellente dans SILex. Et ses conclusions sont assez désappointées, car le sujet du domaine public en est délibérément absent. Elle entérine plutôt les pratiques frauduleuses des musées et les rares points de progrès ne seront pas mis en pratique, pense-t-il.

Pendant ce temps, à Los Angeles aux États-unis, la famille Getty dont la fortune pétrolière est colossale et qui s'est entourée de dizaines de milliers d'œuvres d'art les expose dans deux musées librement ouverts au public.

Annonciation de Dieric Bouts, Crucifixion du Maitre de Dreux Budé, Femme préparant un goûter de Pieter De Hooch, Achille et les filles de Lycomède de Pietro Paolini.
Quelques détails de tableaux grappillés sur le site du musée Getty.

Disons, comme exemple de la qualité des collections, que le musée Getty possède le tableau le plus mythique de Van Gogh, Les iris (le grand tableau de 94 cm peint à l'asile de Saint-Rémy en 1889). Il avait été acheté en vente publique chez Sotheby's à New York le 11 novembre 1987, presque 54 millions de dollars (dont la moitié à crédit), par l'homme d'affaires (et escroc) australien Alan Bond. C'était alors le tableau le plus cher du monde. Mais Bond ne remboursant pas son emprunt, Sotheby's l'a revendu à la fondation Getty en 1990 pour un prix resté secret.

Et si la gratuité de la visite ne suffisait pas, la fondation présente, pour les amateurs d'art qui n'iront jamais à Los Angeles, l'intégralité de sa collection sur un site Internet où chaque œuvre, peinture, gravure, sculpture, dessin, photographie peut être téléchargée en très haute définition (les fichiers font de 15 à 50 mégaoctets).

Alors si vous n'avez jamais vu Les iris de Van Gogh en grandeur nature, n'attendez plus, c'est ici.
 

dimanche 9 juin 2013

Vive Taco Dibbits !


Taco Dibbits est directeur des collections du Rijksmuseum, le musée des arts hollandais à Amsterdam. Bien qu'il ne représente qu'un microcosme restreint à l'art hollandais (à part une collection d'art oriental), et qu'il n'ait pas l'envergure internationale des plus grands temples de l'art, tout le monde pense qu'il est un des plus beaux musées du monde.

Car, comme la National Gallery de Londres ou le Prado de Madrid plus récemment, le Rijksmuseum présente depuis quelques années sur son site Internet une grande partie de ses collections dans de magnifiques reproductions en haute définition et accessibles à tous sans restriction.
Pire encore, dans une entrevue récente citée par le New York Times, Taco Dibbits persiste dans ses idéaux libertaires et encourage le téléchargement et la réutilisation à outrance dans les réseaux sociaux des splendides reproductions qu'il met à disposition gratuitement.

Ses arguments sont des plus simples. Le musée est une institution publique, ce qu'il expose appartient à tous. Et comme il est impossible de contrôler l'utilisation des reproductions qui circulent sur Internet, autant qu'elles soient de la plus haute qualité possible plutôt que les mesquines copies pisseuses qu'on y voit habituellement.
« Même sur du papier-toilette, je préfère voir une reproduction d'un Vermeer du musée en très haute qualité » déclare-t-il.

Il a raison. La renommée d'un musée ne se fait certainement pas en y interdisant toute photographie et en présentant sur son site des reproductions anémiées et affublées de droits d'auteurs illégalement accaparés. Cette méthode, choisie par le musée d'Orsay, avec la bénédiction d'un ministre qu'on dit de la culture, condamne irrémédiablement un musée. Qui peut avoir envie de faire un long voyage pour visiter un musée dont il ne connait que de tristes clichés ?

Le nouveau site du Rijksmuseum, pour marquer la réouverture du musée après dix ans de travaux, présente aujourd'hui des reproductions d'une qualité exceptionnelle et qu'on croirait repeintes pour l'occasion. Signalons aux collectionneurs de liens qu'il sera nécessaire de renouveler ceux qui pointaient auparavant vers les tableaux du musée, car ils conduisent désormais dans le vide.

Pour la plupart des touristes du monde qui n'ont pas les moyens de naviguer autrement que sur Internet et n'iront jamais à Amsterdam, le Rijksmuseum est l'un des plus beaux musées du monde, loin devant les médiocres musées français comme le Louvre et Orsay.
Et ce portrait de jeune fille en robe bleu (détail en illustration ci-dessus) peint par Johannes Cornelisz Verspronck en 1641 est certainement pour eux le plus beau tableau du monde.

Maudits soient les revendeurs de cartes postales.
Béni soit Taco Dibbits.


vendredi 31 août 2012

Améliorons les chefs-d'œuvre (3)

Décidément, le mot d'ordre libertaire de Ce Glob est Plat, « Améliorons les chefs-d'œuvre », a fait en quelques mois beaucoup d'émules. Pour preuve cette mésaventure qui fait actuellement scandale à Borja près de Saragosse, dans le nord de l'Espagne, et dans le monde entier.

Vous connaissez certainement l'histoire. Accoutumée aux petits travaux que nécessite régulièrement l'église du Sanctuaire de Notre-Dame de la Miséricorde dans les faubourgs de Borja, une très vieille femme dévote avait décidé de sauver le Christ d'une dégradation déjà bien avancée. C'était un portrait médiocre peint à la fresque par Elias Garcia Martinez, obscur décorateur et professeur à Saragosse, mort en 1934. La vieille dame avait déjà repeint la tunique pourpre du Christ en faisant au passage une grossière erreur de perspective, avec la bénédiction du prêtre de la paroisse.

Forte de cette approbation, elle s'est donc attaquée au visage qui se décomposait. Emportée par une indéfectible foi chrétienne et des limites techniques incontestables, elle transforma la mauvaise croute en un étrange pâté, dans le style d'un Georges Rouault ou Modigliani terminé au chiffon par Francis Bacon.
Plus de 20 000 internautes déjà ont néanmoins trouvé du charme à ce Christ zombi au point de signer une pétition pour sa préservation.


Soyons modestes, Ce Glob est Plat n'est pas l'inventeur de ce concept prometteur d'amélioration des chefs-d'œuvre du passé. L'archétype, le modèle indépassable, c'est le Spéléo-Club albigeois qui le 5 mars 1992, aidé d'un groupe d'Éclaireurs de France adolescents et filmé par la télévision régionale, effaçait soigneusement, à la lessive et la brosse dure, deux bisons maladroitement dessinés par un peintre inconnu il y a au moins 20 000 ans dans la grotte de Mayrière à Bruniquel.
C'était une méprise, l'intention était bonne, la grotte était aussi couverte de graffitis récents. Ils en obtinrent le prix igNobel d'archéologie en 1992.
Ironie, la peinture rupestre avait été découverte par le même club de spéléologie 40 ans plus tôt. Ce qui prouve bien qu'en matière d'art le progrès n'existe pas.

Mise à jour du 20.09.2012 : la suite devient lamentable, naturellement. La Fondation propriétaire de l'église prélève un euro par visiteur. La vieille dame va demander à la Justice sa part des milliers d'euros, en droits d'auteur. 

samedi 10 décembre 2011

Le jeu des 7 erreurs

Des méfaits dus à l'âge. 

Pour ne pas lui causer d'embarras appelons-le Robert. C'est un petit américain désœuvré. Dans les années 1960, il écrit quelques chansonnettes qu'il marmonne d'une voix plaintive en grattouillant sa guitare. Par chance, les deux décennies qui suivent seront contestataires. Et toute génération révoltée a besoin de porte-paroles, d'hymnes, de slogans, de rengaines rudimentaires. Les textes protestataires de Robert, volontairement sibyllins façon Arthur Rimbaud, se prêtent aux plus vastes ralliements.
Sa musique également a toutes les qualités requises. Sans originalité et tellement inspirée des folklores américains, avec ses trois sempiternels accords, on la connait avant de l'avoir entendue. Robert devient alors pour quelques temps le guide spirituel d'une génération.

Mais tout s'émousse. Dans les années 1980 il tente un renouveau biblique, avec prophéties apocalyptiques et relents de bondieuserie. Sans succès.

Et récemment, à 70 ans, c'est le dérapage, la régression infantile. Sous d'amicales pressions il consent à exposer ses coloriages. Il faut dire que Robert est atteint d'un trouble compulsif. Il récupère des photos dans des archives d'images sur internet (parfois de photographes connus comme Cartier-Bresson) et il les décalque avec application et les colorie du mieux qu'il peut, sur de grandes toiles qu'il signe «Bob Dylan». 
Eh bien on peut désormais voir ces jolis coloriages au Musée national de Copenhague ou sur les murs de la célèbre galerie Gagosian à New York. Ne les ratez pas. Le gentil Robert aura beau tenter un peu naïvement d'effacer l'ombre de l'auteur de la photo originale (voir la 2ème image du diaporama), il pourrait hélas être rattrapé par le vilain spectre du droit d'auteur. 

Sources : Le Guardian (en anglais), Artinfo (en anglais mais avec un instructif diaporama comparatif), Arrêt sur images (en français et très illustré).


Si tu trouves les 7 erreurs commises par Robert (en bas) en recopiant une photo trouvée sur internet (en haut) tu gagneras une splendide compilation de ses plus belles chansons réunies sur une mini-K7 et rehaussées par l'accordéon d'Yvette Horner.

vendredi 4 mars 2011

Enfin mort (ou presque)

En général, l'hystérie des héritiers du dessinateur Hergé est protégée par les décisions de justice. La moindre vignette extraite d'un album de Tintin et reproduite sans l'autorisation des légataires est pourchassée jusqu'à la mortification du contrevenant. Quand la décision de première instance est par hasard plutôt tolérante, la cour d'appel rétablit sans tarder le droit arbitraire et illimité des héritiers. Et c'est toujours dans une théorie d'arguments juridiques sophistiqués, qui enchevêtrent sans issue le droit de propriété intellectuelle et les exceptions de courte citation ou de parodie.
Alors que les faits sont généralement simples. Il y a d'un côté les héritiers ou légataires qui vivent d'un patrimoine fini créé par Hergé, terrorisés par l'émiettement de leur trésor, despotes jusqu'à la paranoïa et n'autorisant que les apologies et les citations à la gloire de leur gagne-pain.
De l'autre côté, quelques idolâtres déçus, une fois devenus adultes, d'avoir été abusés par des situations et des sentiments tellement schématiques, comme par les westerns de John Ford avec John Wayne, et qui tentent d'égratigner l'idole. Si on peut leur reprocher parfois un peu de parasitisme, l'accusation a de quoi faire sourire quand elle est plaidée par les ayants droit, qui ne font que profiter d'un héritage providentiel.

Le 9 juillet 2009, l'inénarrable Gordon Zola, écrivain, auteur des parodies impayables des aventures de Saint-Tin et son ami Lou («Le 13 heures réclame le rouge», «L'affaire tourne au sale»...), romans probablement désopilants, avait été condamné pour parasitisme par le tribunal de grande instance d'Évry. Or le 18 février 2011, à la surprise de tous les avocats de la liberté d'expression, la cour d'appel de Paris a tellement rigolé à la lecture des titres des romans incriminés, qu'elle a fusillé la décision de première instance et intégralement disculpé Gordon Zola, pour exception de « parodie évidente ».

Les nostalgiques du reporter à l'éternel pull-over bleu commencent à manquer et les parents ont un peu honte de faire lire à leurs enfants ces histoires vaguement suspectes (même si le cinéma contemporain distille sans retenue la même pensée rudimentaire). L'œuvre d'Hergé survit parce que les souvenirs d'enfance sont persistants, mais si elle demeure dans cet état de momification, le jour viendra où elle ne sera plus rééditée que pour de rares collectionneurs passionnés de la ligne claire. Les héritiers, enfin, n'auront plus rien à ronger.
Au moment où un musée Hergé ouvre à Louvain-la-Neuve, et y embaume Tintin (les chiens sont interdits mais l'actualité y est pleine d'évènements passionnants animés par diverses troupes de scoutisme), cette décision de justice marque peut-être une discrète résurrection du petit personnage inconsistant aux aventures puériles.


Afin de protéger l'auteur de cette chronique des aigreurs de la famille Hergé, de l'opprobre, de la faillite, et peut-être du suicide salvateur, les héros du génial créateur ont été substitués sur cette illustration par des personnages fictifs. On peut néanmoins constater que Tintin est assez souffrant, et peut-être même un peu mort. À ses pieds, son fidèle chien Milou est également mal en point. (Rogier Van der Weyden, Lamentation - 1441, 47 x 32cm, Bruxelles, musée royal des beaux arts).

vendredi 25 juin 2010

Le visiteur à l'état fluide

Voilà. Dorénavant, entrant dans le musée d'Orsay (1) après avoir payé votre droit de visite et acheté une réserve de jetons d'un euro à la caisse idoine (2), vous pénétrez dans une immense galerie réaménagée et méconnaissable, baignée d'une reposante pénombre, ponctuée de petites oasis intermittentes de lumière. Les approchant, vous réalisez que ce sont les tableaux et sculptures du musée, momentanément éclairés par l'obole du visiteur précédent. Un jeton glissé dans une ingénieuse tirelire à minuterie donne droit à deux minutes d'éclairement par objet, comme cela se pratique depuis longtemps dans certaines églises richement dotées. Pour compléter le dispositif, un discret parcours lumineux au sol informe et oriente le touriste.

Florence, église Santa Felicità. Cette déposition de croix de Pontormo (ici un détail) considérée comme un de ses plus beaux tableaux, est enfermée au fond d'une petite chapelle latérale, dans le noir. Un euro versé dans une tirelire à minuterie éclaire la chapelle pour cinq minutes, mais n'ouvre pas les grilles.


Ne vous inquiétez pas, le système n'est encore qu'un projet. Ça n'est pour l'instant que l'ironique suggestion de F. P., professionnel déçu qui s'attriste dans le livre d'or du site du musée. Car une chose est en revanche certaine : les gestionnaires d'Orsay viennent soudainement d'interdire toute photographie à l'intérieur du musée, œuvres et architecture du site, sous le prétexte facilement réfutable de la fluidité du visiteur.

On ne reviendra pas sur l'illégalité du procédé, elle a largement été démontrée en 2005 lors de l'affaire de l'article 33 du règlement de visite du Louvre, où l'autorisation de photographier est encore aujourd'hui dans une situation incertaine. La photographie y est interdite mais tolérée, dans l'attente peut-être d'un incident qui justifierait alors l'application stricte du règlement.

Comme le ressent N.D. de B., un des nombreux scandalisés qui se soulagent sur le livre d'or, ne pas autoriser la photographie dans un musée, c'est comme demander au visiteur d'effacer ses souvenirs en sortant. Cette nouvelle manifestation de la longue série des petits abus de pouvoir et des détournements du bien public ne mérite que le mépris et évidemment l'irrespect.

Actualité du 05.12.2010 : Didier Rykner (La Tribune de l'Art) couvre une périlleuse manifestation pacifique dans le musée d'Orsay (15 participants) organisée avec le soutien de LouvrePourTous.fr, en protestation contre l'interdiction de photographier.
Six mois après sa publication au Journal Officiel le 22.06.2010 sous le numéro 81937, la question écrite au ministre de la Culture n'a toujours pas de réponse.
Actualité du 15.03.2011 : Le Sinistre de la culture vient de répondre à la question écrite 81937. On en parle ici, hélas !


***
(1) Célèbre établissement public parisien présentant des œuvres principalement françaises créées entre 1848 et 1914.
(2) Le maximum autorisé par visiteur est de 50 jetons, surnommés «photons» par le personnel du musée.

samedi 13 juin 2009

Chronique de quelques petites libertés

La loi, digne d'une république bananière, avait été fignolée «aux petits ognons». Jugez-en. Ça se passe sur internet.
Les marchands de culture (disques et films, surtout) prétendent que leurs médiocres résultats sont dus aux téléchargements illicites, sur les réseaux de partage, des œuvres dont ils détiennent les droits. Alors ils ont obtenu une loi qui devait les autoriser à se connecter sur ces réseaux, simuler la recherche d'œuvres protégées, noter soigneusement l'adresse électronique des internautes qui les téléchargent (donc les partagent), et en transmettre la liste à un organisme d'enregistrement appelé Hadopi. Cette entité administrative, sans la moindre vérification, demandait alors aux fournisseurs d'accès, à la première récidive, de couper la connexion internet des contrevenants, de leur interdire pendant un an la souscription d'un autre abonnement, et de continuer cependant à percevoir le montant de l'abonnement suspendu. Tout ceci était entièrement automatisé pour répondre à des impératifs de performance (1000 abonnements suspendus par jour), sans moyen sérieux de défense ou de protection contre les usurpations d'identité, parait-il aisées.
Tout était vraiment bien ficelé. Le Conseil d'état, l'Assemblée nationale et le Sénat n'avaient rien trouvé à redire et les premiers milliers de lettres recommandées étaient prêts à partir quand a été connu l'avis du Conseil constitutionnel (décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009). Il remettait en cause toutes les avancées démocratiques de la loi : la présomption de culpabilité, l'absence de droit à la défense, la suspension d'une liberté fondamentale par une autorité non judiciaire. Quand on sait comment sont nommés les membres du Conseil constitutionnel, on frémit devant une telle ingratitude, ou une telle mesquinerie. Néanmoins le gouvernement a promulgué la loi sans attendre, le 12 juin, en supprimant les phrases et articles censurés par le Conseil constitutionnel, certainement pour les replacer bientôt après rafistolage.

Et il parait qu'en matière de libertés Hadopi n'est rien à côté de la loi Loppsi qui va passer cet été, pendant le mois d'aout, quand tout le monde fera la sieste. Comme en Chine, c'est le gouvernement qui interdira désormais sans contradiction possible les sites qui ne lui conviennent pas, et un tas d'autres plaisanteries dans le même esprit.

Au Louvre, ce qu'il reste de la douce main de la liberté parvient encore à apaiser la croupe fougueuse de l'abus de pouvoir devant les yeux absents de la République.Profitons de cette réjouissante chronique des libertés pour nous inquiéter de l'article 33. Rappelons qu'il instaurait une interdiction progressive de photographier les œuvres appartenant au domaine public exposées dans le musée du Louvre et qu'un article bancal du site du musée contredisait le règlement de visite et prétendait l'article 33 modifié et la photographie tolérée. Aujourd'hui, plus d'un an après, le règlement n'a pas changé et reste en contradiction avec les propos du site.
Alors Ce Glob Est Plat, fidèle à l'actualité la plus brûlante, a envoyé un reporter téméraire et chevronné constater la situation. Il en est revenu entier, avec quelques centaines de photograpies autorisées et une sentence de grand journaliste : « Ce qu'il reste de la douce main de la liberté parvient encore à apaiser la croupe fougueuse de l'abus de pouvoir devant les yeux absents de la République ».

dimanche 29 juin 2008

Une soirée de jazz frit

Le festival de Jazz d'Orléans avait invité le 26 juin un des fondateurs du Free Jazz il y a bientôt 50 ans, Archie Shepp. La soirée fut très sage. Shepp joua et chanta essentiellement des blues ponctués comme habituellement de ces cris enroués qu'il déchire de son saxophone ténor. Et c'était assez beau. Comme d'habitude également dans cette grande fête provinciale de la musique libre et en plein air, toute photographie était prohibée.

vendredi 2 mai 2008

L'article 33, épisode trois

Résumé des épisodes précédents :

Épisode un : l'article 33, c'est le funeste article 33 du «Règlement de visite du musée du Louvre» qui paraissait en 2005, instituant l'interdiction progressive de photographier la totalité des œuvres exposées dans le musée. Cet interdit concerne tous les touristes amateurs d'art, ceux qui payent leur ticket d'entrée.

Épisode deux : quelques réactions désillusionnées (que nous relations ici-même) s'ensuivirent, qui montraient l'injustice, voire l'illégalité de cette décision de technocrate mercantile.

Le code d'Hammurabi, à Babylone en 1750 avant notre ère, maintenant au musée du Louvre, un des premiers règlements écrits de l'histoire de l'humanité. Certains de ses 282 articles ont pu inspirer les promoteurs de l'article 33.


Épisode trois : on aurait pu en rester là et s'habituer insensiblement à la perte d'une petite liberté de plus. Mais une récente recherche dudit règlement (dont le lien était devenu erroné) nous conduisait à cette page fourre-tout du site du Louvre, intitulée «Services & Aides». Et sur cette page, à l'article «Règlement de visite du Musée», on peut lire cette déclaration sensationnelle:
Une nouvelle rédaction de l’article 33 du règlement de visite concernant l'autorisation de photographier dans les salles du musée vient d'être adopté par le Conseil d'administration: «Dans les salles des collections permanentes, les œuvres peuvent être photographiées ou filmées pour l’usage privé de l’opérateur. L’usage des flashes, et autres dispositifs d’éclairage est prohibé. Dans les salles d'expositions temporaires, il est interdit de photographier et de filmer. Il est également interdit de filmer et de photographier les installations et les équipements techniques.

Mitigeons notre enthousiasme. On ne sait pas de quand date cette décision du Conseil d'administration. Ce texte mal foutu à l'orthographe incertaine, avec son guillemet ouvert qui ne se ferme jamais, n'est pas daté, ni la page qui le contient. Il pourrait même être antérieur au règlement de 2005 qui est toujours la version officielle diffusée sur le site du Louvre.
Par ailleurs, s'il rétablit le droit, tel qu'il était avant 2005, de prendre des photographies, il pose explicitement l'interdiction de les publier. Est-ce bien légal ? Souhaitons leur du courage s'ils doivent en faire la chasse sur Internet.

Pour résumer, et si cette interprétation est confirmée, on pourra à nouveau aller photographier le zizi de l'hermaphrodite dans la salle du manège du département des sculptures, et on ne pourra plus le montrer en public, mais l'admirer en privé, en cachette.

samedi 27 octobre 2007

Droit de l'image (suite)

On l'aura compris, la disparition d'un certain nombre de petites libertés m'attriste. Par exemple celle de caricaturer des croyances religieuses, ou des institutions qui n'aiment pas le cochon, celle de fumer dans certains lieux (bien que je ne fume plus), et évidemment celle de photographier des œuvres du domaine public. Alors je reviens rapidement sur le sujet pour citer une belle chronique de 2005, plutôt mélancolique, de R. de Spens, égyptologue, et deux articles techniques de A. Gunthert, de 2007, où on apprend qu'on peut piller sans hésiter les bases d'images des collections publiques. Ce que je déconseille, vu leur absence de qualité et l'ennuyeux Web uniformisé qui en résulterait. J'ai joint, pour faire joli, une illustration dont je tairai la localisation et où les silhouettes ne sont pas reconnaissables.

samedi 7 juillet 2007

Le dinosaure, l'étourneau et le charognard

Pour ne pas déranger le bourgeois local amorphe qui ne digère que le «Lac des cygnes», le très municipal 17ème festival de jazz d'Orléans s'est achevé samedi 30 juin par un moment d'académisme.
Le compositeur et arrangeur du Vienna Art Orchestra, qui faisait modestement projeter à chaque morceau son nom et ses fonctions sur un écran géant, nous a gratifiés de son imagination la plus routinière, heureusement démocratiquement ponctuée par une permission de sortie de chacun des 14 solistes de l'orchestre. Et là, certains se sont allègrement déboutonnés, témoin le solo de clarinette de Nico Gori, flamboyante envolée sur fond de musique sans inspiration exécutée avec minutie.

On peut voir sur ce cliché le Vienna Art Orchestra au complet. Enfin on aurait pu voir. La milice zélée et servile de l'organisateur interdisait aux non accrédités de prendre des photos des artistes, au prétexte, tarte à la crème du droit de l'image, qu'ils ne voudraient pas voir leur image sur internet sans la contrôler (lisez "sans rémunérer les charognards qui les entourent").

La soirée avait pourtant débuté par une première partie plutôt fantaisiste. Le festival avait invité le nonet (9 musiciens) du saxophoniste alto Lee Konitz. Lee Konitz est un dinosaure du jazz. En feuilletant sa discographie sans fin, on voit défiler une procession de légendes, pour la plupart refroidies : Warne marsh, Miles Davis, jerry Mulligan, Mingus, Shelly Manne, Zoot Sims, Gil Evans, Art pepper, Lennie Tristano... C'est dire son âge.
Cependant on entend toujours le son délicat et un peu voilé qu'il avait il y a 50 ans. Quand on l'entend. Parce qu'une bande d'étourneaux narquois avait décidé de l'accompagner avec fracas. Au début, il arrêtait de jouer et les regardait passer d'un air enfantin, mais quand, aux premières notes d'un solo, ils firent deux passages rapprochés retentissants, Lee vexé s'interrompit, laissant le percussionniste dans l'embarras, et finit le concert perdu dans le nonet.


Dans l'esprit du droit de l'image, je me suis efforcé de faire qu'on ne puisse reconnaître les membres du nonet (reconnaître n'étant pas le mot juste puisqu'ils sont parfaitement inconnus). Mais je n'ai pas pu me résigner à masquer Lee Konitz.
***
Le concert du 30 juin sera diffusé sur France Musique, ce soir 7.07.2007 à 23h pour le VAO, et le 3.09.2007 à 22h pour Lee Konitz.

mardi 6 février 2007

De La Tour au détail

Georges de La Tour n'aura jamais à se justifier pour faire une apparition sans prévenir dans Ce Glob Est Plat. Ce détail est peut-être un des derniers instants de photographie autorisée au musée du Louvre. La reproduction est (à peu près) garantie sans colorant. Méfiez-vous des imitations.

samedi 27 janvier 2007

Les travers du droit de l'image

Le droit de reproduction et de représentation des images est régi par le Code de la propriété intellectuelle. En théorie, la loi est claire. Les droits d'auteur ne sont pas attachés à la propriété de l'œuvre et n'appartiennent qu'à l'auteur et ses ayants droit.

Magritte - la reproduction interdite (détail)
Musée Boymans, Rotterdam
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Suis-je en droit de reproduire ici cette reproduction?

En pratique, comment sais-je si un droit d'auteur moral ou patrimonial existe encore sur une œuvre?
Si le gardien m'interdit de la photographier, comment savoir si le musée possède les droits de reproduction et de représentation, ou s'il le fait par calcul mercantile, afin que j'achète l'affligeante carte postale ou le catalogue aux images souvent pitoyables. Si le musée est dans son droit, pourquoi prohibe-t-il une photo qui ne peut être destinée qu'à un usage privé, puisqu'elle serait, sinon, immédiatement et légalement retirée de toute publication à sa demande?
Le visiteur ne devrait pas avoir à se poser ces questions devant chaque œuvre d'un musée. L'information sur le droit de reproduction et de représentation devrait figurer sur l'étiquette, après l'auteur et la date de création.

La Tribune de l'Art relate qu'il n'est pas rare, s'agissant des œuvres du domaine public, que les institutions ou les collections s'arrogent des droits que le code de la propriété intellectuelle ne leur accorde pas, d'où la multiplication des interdictions de photographier.

Et les choses empirent. Lire le funeste article 33 du récent règlement du musée du Louvre...

Bonnard ne m'a pas donné l'autorisation de reproduire ici son triptyque de 1911 "La Méditerranée".
Le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, qui en est propriétaire, non plus. Pas plus que le musée d'art moderne de Paris qui l'exposait récemment, et qui m'a interdit (trop tard) de le photographier. Personne ne m'a donné les raisons de l'interdiction, sinon l'éternelle "C'est le règlement".

Je voulais seulement montrer que les tristes reproductions de ce triptyque qu'on trouve habituellement sur Internet le dénaturent, en reproduisant ici une photo soignée qui s'approche de la fraîcheur des couleurs originales peintes par Bonnard.