Les très riches heures de l’internet
* Il suffira de constater ce qu’une équipe déterminée de créatifs inspirés a fait du musée de la Marine du Trocadéro après 7 ans de travaux ruineux. On en reparlera sans doute.
Les organes les plus officiels de la république ne se fatiguent même plus à maintenir leur site. Le CNRS, l’élite de la recherche scientifique en France, sans qui nous en serions encore à bâtir des cathédrales, diffusait jusqu’alors dans sa Bibliothèque Virtuelle des Manuscrits Médiévaux un beau facsimilé des Très riches heures du duc de Berry que nous avions commenté en 2018. Eh bien aujourd’hui son lien ne lie plus. C’est la célèbre "Erreur 404".
Par chance, les techniques ne cessant d’aller de l’avant, une version plus belle et beaucoup plus détaillée** des Très riches heures vient opportunément d’être publiée en ligne par le Domaine du château de Chantilly et le Cabinet des livres du musée Condé, propriétaires du manuscrit, aidés par la Réunion des Musées Nationaux. Les illustrations de cette chronique en viennent.
Hélas la chose est desservie par une interface mal pensée, incommode, à la navigation laborieuse comme on en faisait il y a 25 ans aux débuts de l’informatique, à l’affichage parfois déficient (le folio 14v ne répond pas, sur ordinateur), et naturellement parfaitement verrouillée, interdisant toute copie ou exportation***, jusqu’à l’impossibilité de partager un lien vers un folio particulier. Il faut s’y habituer, partout l’interdiction est devenue la norme.
*** On se consolera avec le facsimilé complet du CNRS, dont on a malgré tout retrouvé la nouvelle adresse. Moins beau que celui de la RMN, son interface est mieux conçue et il est téléchargeable au complet en une seule opération dans une version de bonne qualité (7000 x 5000 pixels par double page). La récolte des 900 mégaoctets est très lente (212 doubles pages), mais elle est fortement recommandée, car multiplier et disséminer le nombre de sources est peut-être ce qui sauvera l’information…
Un site comme celui des Très riches heures du château de Chantilly, ringard et barricadé à outrance, trop spécifique et déjà démodé, sera malaisé à maintenir, et on peut prédire qu’il ne survivra pas longtemps sur internet. C’est curieux comme notre civilisation continue à alimenter sa gigantesque bibliothèque de ressources sans se soucier de sa préservation, comme si elle savait déjà que là où elle se dirige à plein gaz il est inutile de s’encombrer de tout ce fatras électronique.