samedi 8 mars 2025

Et où en est l'IA ?


"Five mins to opening", œuvre d’art créée par l’intelligence artificielle, sous la forme de courts clips (l'état actuel de l'art) raboutés par un humain qui lui en a fourni les scripts, tout en restant vigilant sur les profondes questions sociétales du vieillissement et du consumérisme, précise la fiche du lot soumis aux enchères chez Christie's le 5 mars 2025.
S'estimant dans le principe lésés par cette IA qui pille leurs œuvres sur internet sans les rémunérer et les concurrence en vendant ses imitations, 3000 artistes avaient demandé par pétition à Christie's, sans succès, d'annuler cette première vente d'œuvres exclusivement créées par l'IA.
L’IA trouvant effectivement ses sources dans l’immense base de données de l’internet, donc chez tous les artistes qui y sont visibles, et dans l'autre sens, les États-Unis ne reconnaissant pas pour l’instant de droits d’auteur sur les réalisations de l’IA, on ne sait pas clairement qui doit être crédité ici. Sans doute Niceaunties, l’humain cité plus haut qui a ficelé l’ensemble et touchera en bitcoins les mirobolants 11 340$ de l'enchère.
Profitons de ce brouillard juridique pour vous exaspérer avec cette œuvre qui enchantera les enfants (pensez à la visionner une bonne douzaine de fois après avoir monté le volume sonore).

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Depuis quelque temps les médias ne cessent de nous seriner que l’intelligence artificielle (IA) est capable de faire 1000 fois plus vite et mieux tout ce que notre cerveau fainéant répugne à faire, et qu’il n’existe plus un problème qu’elle ne saurait résoudre. Hier, elle a authentifié une œuvre d’art, le célèbre et controversé "Cavalier polonais", de Rembrandt de la collection Frick à New York. Et on se souvient qu’elle avait en 2021 jugé sévèrement le "Samson et Dalila" attribué à Rubens, fierté de la National Gallery de Londres. 


Certaines personnes - par ailleurs tout à fait équilibrées dans la vie courante - pensent que ces deux tableaux sont des chefs-d’œuvre :

Le premier, malgré des erreurs de proportion - par exemple la jambe ridiculement courte et plate du cavalier - et malgré son aspect boueux et manifestement inachevé. Son attribution à Rembrandt a été contestée dans les années 1980, comme la moitié de son catalogue d’alors, mais presque rétablie depuis, faisant bien entendu varier sa valeur marchande d’un facteur 1000 à chaque revirement.    

Le second parce qu’acheté pour une fortune il y a 40 ans, chez Christie’s et les yeux fermés, sans expertise sérieuse, par la National Gallery. Elle le considère depuis comme un de ses joyaux, et ignore avec dédain les arguments sérieux des quelques experts qui en contestent l’authenticité.


Pour le premier, l’IA de la société Art Recognition a considéré en 2024, une fois exclues certaines retouches admises par tous comme datant du 19e siècle, que le reste était de la main de Rembrandt avec 69% à 83% de probabilité selon les zones analysées, très proche en cela des expertises humaines du tableau.

Pour le second, là même IA, inflexible, avait jugé le tableau indigne de la main de Rubens, et même des pieds du maitre, avec une probabilité de 91% !


Inutile d’alimenter la vaine polémique des attributions. Un tableau plait ou ne plait pas, c’est tout. D’autant qu’on sait bien depuis les confidences du directeur du Metropolitan museum que près de la moitié des œuvres du marché et des musées sont de fausses attributions, des restaurations trompeuses ou de véritables contrefaçons, et que l’illusion se perpétue parce qu’elle satisfait finalement tout le monde.    


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Examinons cependant la fiabilité et la légitimité de l’expertise par IA.


Quand les médias parlent d’IA, ils parlent de ce que les informaticiens appellent L.L.M., ou Grands Modèles de Langage, ou IA génératives, ou agents conversationnels, car l’intelligence artificielle existe en réalité depuis 50 ans, depuis que les machines décident automatiquement à la place des humains, par le moyen de l’informatique, des logiciels et des algorithmes.

Ce que les médias appellent IA (et qu’on appellera ici aussi IA) est seulement l’évolution, certes spectaculaire, des traditionnels moteurs de recherche sur internet (Google, pour 82,5% de la planète). L’évolution est impressionnante à la mesure des moyens financiers mis à la disposition de ces nouveaux moteurs de recherche, et qui sont considérables, améliorant d’autant leurs capacités d’analyse des données et  de dialogue avec l’humain.  


Prenons un exemple concret : depuis 25 ans et avant l’IA, on planifiait un voyage en demandant au navigateur sur internet des renseignements sur la région envisagée, ses villes, ses spécialités, ses attractions. Le moteur de recherche nous retournait un grand nombre de liens vers des sites dont on étudiait laborieusement la pertinence, filtrant les suggestions obsolètes ou manifestement rémunérées, vérifiant sur les sites de cartographie... Des heures de recherche et de réflexion.

Désormais les IA font tout cela automatiquement, organisent notre itinéraire et répondent en direct à des questions encore plus précises ou épineuses, comme on aurait une conversation dans une agence de voyage avec une personne prodigieusement savante, et qui pourrait pareillement bavarder sur l’anthropologie ou les recettes de cuisine locale.  


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Le principe de fonctionnement de ces machines miraculeuses peut être expliqué simplement. On verra qu’il souffre d’écueils et de biais fondamentaux évidents. Les concepteurs les découvrent et tentent de les corriger à postériori.


On fait d’abord ingurgiter à une énorme machine une gigantesque base de données qui contient si possible tous les textes de l’Internet (ou les images ou les sons : la codification et le traitement de ces données diffèrent mais les modèles les combinent de plus en plus dans leur interface).

Comme on regorge de données à traiter en temps réel on sélectionne en priorité les sources jugées fiables, encyclopédies, travaux universitaires, livres sérieux, médias et réseaux sociaux qui vendent leurs données. 

Premier biais, la base ne contient que les données numérisées sur internet, provenant donc presque exclusivement de la victorieuse et impériale culture anglophone, y compris ses jugements sur les autres cultures, et les données fournies par des entreprises commerciales, pas nécessairement irréprochables. 


Puis la machine triture ces données et calcule les statistiques d’occurrence des différents mots en fonction du contexte (en fait, elle décompose les texte en cellules de lettres, appelées tokens, les images en patches et les sons en frames). On lit parfois qu’une IA n'est qu'une machine à calculer le mot suivant dans une phrase.

Deuxième biais, la machine ne comprend pas ce qu’elle fait, elle répète ce que ses calculs statistiques complexes lui suggèrent comme la réponse la plus probable, et si la réponse est erronée, absurde, incohérente, voire inconvenante, la machine ne le sait pas. Ces choses arrivent couramment, les concepteurs les appellent des hallucinations. 


Par exemple, si vous avez un peu de temps disponible, demandez à l'IA de Google [il suffit, dans le navigateur Chrome, de taper "@" dans la barre d'adresse et de choisir Gemini] : "Combien y a-t-il de samedis et de dimanches entre le 29 mars 2025 (inclus) et le 28 mars 2026 (inclus) ?". Encore récemment l'IA répondait 54 samedis et 52 dimanches. Ne riez pas, seules 2 IA sur les 5 consultées ont donné la bonne réponse.

On interrogera donc toujours un nombre impair d’IA si une décision vitale en dépend. 


Ces biais sont connus et les correctifs sont progressivement mis en place : on greffe des fonctions de calcul, on accumule des filtres de conformité ou des règles de modération du contenu qui contrôlent les réponses. Ainsi, sur une IA chinoise, l’histoire du Tibet, du Népal ou de la Mongolie sera réécrite et une armée d'invasion deviendra une armée de libération, comme bientôt, sur les IA étasuniennes, disparaitront le golfe du Mexique et le dérèglement climatique. Anecdote récente, Grok, l’IA de la société xAI, vient d’être modifiée pour ne plus dire de mal de son propriétaire, E. Musk. 

Évidemment ces couches de correction qui édulcorent et orientent les réponses entrainent d’autres biais parfois surprenants : sur un sujet où l’IA n’a pas de réponse définitive, si vous affirmez avec insistance une stupidité, volontaire ou non, il arrivera parfois qu’elle finisse, conciliante et pour éviter le conflit, par vous donner raison et surenchérir dans l’absurdité (les verbatims sont à la disposition du lectorat sceptique)

On interrogera donc l’IA dans des domaines qu’on maitrise suffisamment. 


Enfin, quand la planète entière utilisera les réponses et les productions de l’IA pour ses propres décisions et réalisations, se profilera le risque majeur, la dégradation rapide du contenu de la base de données, puisque la machine coprophage ne se nourrira plus que de ses propres productions, qui auront alors perdu tout lien avec la réalité perçue, comme des photocopies de photocopies à l’infini.

Le monde de l’IA a récemment pris conscience qu’elle finirait ainsi par ne plus créer que des monstres, mais elle n’a pas encore trouvé le moyen de reconnaitre ses propres rejetons pour les exclure de ce qu’elle ingurgite.


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Passons brièvement sur quelques dommages collatéraux de l’utilisation de l’IA.


Utiliser l’IA sera certes multiplier par 1000 les performances du porridge crânien qui nous sert à avoir un avis sur le monde et piloter nos décisions, mais au prix d’une consommation d’énergie multipliée également par 1000, comme le résume l'IA elle-même : "Une recherche par Google consomme 1000 fois moins d’énergie qu’une requête à OpenAI GPT-4" (GPT-4, février 2025). 


Utiliser l’IA sans vérifier soigneusement ses réponses sera renoncer à une grande part de ce qu’on estimait être notre liberté de choix, de jugement (mais on y avait déjà sérieusement renoncé en faisant confiance aux moteurs de recherche de l’ancien modèle), et il n'est déjà plus temps de se demander si le besoin existait réellement : Google qui craint à raison de perdre sa suprématie a commencé à transformer son moteur de recherche pour y intégrer progressivement les fonctions de l’IA.  


Enfin il est probable qu’utiliser l’IA fera progressivement disparaitre les métiers qui consistent à regrouper, trier, classer et récapituler des données. Cependant pour satisfaire la formidable voracité de l'IA en électricité, les vieilles centrales nucléaires et à charbon commencent à renaitre, avec leurs besoins en main-d'œuvre. La nature est bien faite.


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Concluons : en complément de l'examen de la littérature sur le sujet, Art Recognition dit avoir décomposé et analysé des reproductions en haute résolution des tableaux de chaque peintre, et des peintres proches ou contemporains, et en avoir déduit leur style, leur manière, leur technique ; déduction dit-elle exempte des travers et de la subjectivité de toute expertise humaine. 

Pourquoi pas, mais la base de données parait tout de même un peu mince pour des statistiques raisonnables et le résultat n’aura jamais la force probante d’une analyse physico-chimique des couches et des pigments. Par ailleurs est-on certain que les biais qui faussent habituellement tout jugement humain s’évaporent par miracle quand on les décompose en éléments minuscules dans une base de données ? Les filtres et règles de conformité empilés pour que les IA restent bienpensantes semblent démontrer le contraire.  

Finalement les réponses de l'IA sur l’authenticité des tableaux n'ont fait que confirmer pour Rembrandt, le jugement tiède des expertises à son endroit, et pour Rubens, la virulence des argumentations contestataires et la légèreté des réfutations officielles. La National Gallery dit qu'elle attend depuis 2021, pour répliquer, le rapport définitif et détaillé d’Art Recognition.


Un peu de bruit pour rien, mais qui nous aura donné l'occasion d'étudier de plus près le nouveau mirage que s'est inventé la civilisation pour ne pas voir le mur où elle se précipite.


Et si on nous fait remarquer, à la lecture de ce tableau des bienfaits de l’IA, qu’elle promet toutefois des avancées scientifiques notables, on rétorquera que ça serait bien la moindre des choses quand on réalise les pluies de milliards qui arrosent ces secteurs bénis où l’IA n’est après tout qu'une nouvelle méthode d’analyse des données. 


jeudi 27 février 2025

Histoire sans paroles (54)


Dans La connerie, un moteur de l'histoire, extrait du recueil Histoire universelle de la connerie, JF Dortier écrit :

"À Beauvais, l’évêque décide de construire la plus haute tour de toute la chrétienté : "Nous construirons une flèche si haute, qu’une fois terminée, ceux qui la verront penseront que nous étions fous." [en réalité cette citation, répétée par tant de sites qui parlent de Beauvais, est apocryphe. Elle n'existe dans aucune source d'époque et fleure bon la sensiblerie romantique] Terminée en 1569, la flèche de la cathédrale atteignait 153 mètres de haut. Elle n’est restée debout que quatre ans. Le jour de l’Ascension [1573], à la sortie de la messe, on entend un grondement : en quelques secondes, la flèche et le clocher [qu'elle surmontait] s’effondrent. Elle ne fut jamais reconstruite."

Pour mémoire, la voute du chœur de ladite cathédrale, terminée en 1272, encore aujourd'hui la plus haute parmi les cathédrales gothiques, à 48,5 mètres, s'était en partie effondrée en 1284 (voir quelques images de l'intérieur de l'infirme après 750 ans. Âmes sensibles s'abstenir).

jeudi 20 février 2025

Vaut le détour en 2025



Les musées où vous n’irez pas en 2025


Il y a bien longtemps que l’amateur de musées provinciaux*, devenu par force philosophe - ou peut-être l’était-il déjà, pour préférer les musées paisibles et inactuels - ne se formalise plus des déconvenues qu’il essuie régulièrement dans l’exercice de sa passion. 


* On aura regroupé dans cette expression de musées provinciaux ceux dont la vente des billets d’entrée ne produit qu’un revenu marginal, anecdotique, compte tenu du nombre modeste de visiteurs payants. On pourra ainsi trouver quelques musées provinciaux dans Paris même. Ce sont des musées dont la fréquentation est décente et la visite détendue, décontractée, pour tout dire, provinciale.


Soulagés de la pression des performances de fréquentation, ces musées peuvent administrer leur existence sans trop se soucier du visiteur, et c’est peut-être pour cela qu’on a toujours l’impression qu’ils ferment leurs portes pour de longues années de travaux précisément au moment où on espérait passer quelques jours dans leur région.

C’est évidemment un jugement biaisé. Tous les musées s’usent, et les plus fréquentés s’usent certainement le plus vite ; à Paris le musée d’Art Moderne de Beaubourg, qui enregistre plus de 3 millions de visites l’an, fermera cette année pour 6 ans, pour la deuxième fois en moins de 50 ans d’existence (et on sait que ces longs projets sont systématiquement sous-évalués, pour être approuvés plus facilement par les décideurs) ; On se rappellera également que le plus grand musée hollandais, le Rijksmuseum à Amsterdam, qui n’est pas un musée provincial, fut presque totalement fermé de 2003 à 2013. 


Les motifs de fermeture, évidemment légitimes, sont toujours les mêmes. Citons, pour résumer, les explications du musée de Toulouse, poncifs réutilisables partout sans copyright "De nouveaux travaux se sont avérés absolument nécessaires ces dernières années afin de résoudre des problèmes structurels, d'améliorer l'accessibilité du musée et de répondre aux normes récentes de sécurité et de protection incendie*. Ces chantiers successifs intègreront aussi des travaux pour répondre plus spécifiquement aux nouvelles attentes des publics en termes de confort, de parcours de visite, d'accès et de mise en valeur des collections."


* Un lectorat espiègle verra de l’ironie dans le motif répondre […] aux normes de protection incendie, qui sait que la plupart des incendies dans les monuments historiques surviennent justement pendant des travaux de réfection, comme en 2019, quand une défaillance électrique faillit être fatale à la cathédrale de Paris.  


Aussi, pour éviter en 2025 ces déceptions qui nuisent tant à l’égalité de l'humeur, il conviendra, si vous êtes avides d’art, d’histoire et de sciences naturelles, de préparer avec soin vos pérégrinations muséales. 


Voici quelques exemples de villes françaises à éviter, hélas, en 2025 :


Bayonne : le Musée des beaux-arts, musée Bonnat-Helleu, célèbre naguère pour ses collections de peintures et de dessins, est fermé depuis 2011 ! Et sa réouverture est prévue pour l’été 2025 ! Ne vous y précipitez pas, prenez des garanties avant de faire le voyage.


Beauvais : le Musée de l’Oise, MudO est ouvert. Mais depuis 2020 le beau palais Renaissance est fermé pour travaux sans date claire de réouverture, à l’exception d’une petite aile presque vide dont l’entrée est gratuite.


La Rochelle : le Musée des beaux-arts est fermé depuis 2018 - et rouvrira un jour "La rénovation du bâtiment devient alors un projet majeur avec de multiples enjeux, et sa réouverture dans les prochaines années n’en sera que plus spectaculaire. L’une des particularités du musée est son importante collection d’œuvres qui ne pouvaient être exposées qu’à 10%, faute de place. Gagner des mètres carrés est un des enjeux parmi d’autres de la future rénovation." Ne pas citer de date pour la réouverture est prudent. On lit parfois 2026…


Le Mans : le musée de Tessé, d’art et d’archéologie, est fermé depuis 2016 (à vérifier) ; des article du Journal des Arts et d’un journal local détaillaient en 2022 les bouleversements muséologiques planifiés par la mairie jusqu’en 2026 ; réorganisation inintelligible, articles incompréhensibles ; trouver des informations fiables sur les musées manceaux est une aventure en soi. Il est pourtant possible que le musée soit actuellement ouvert (peut-être même depuis 2024, quand on apprend qu'il ferme accidentellement) ; on est cependant rassurés d’apprendre sur le site que le musée ouvre presque tous les jours aux horaires habituels, mais l’année n’est pas précisée.


Nancy : le Musée lorrain, parmi les plus importants musées d’art et d’histoire en France, se proclame-t-il,  n’expose plus ses 5 exceptionnels tableaux de Georges de La Tour depuis le lancement de la rénovation du Palais des ducs de Lorraine, en 2018. Les polémiques patrimoniales et divers obstacles juridiques semblent dissipés depuis 2024 seulement, mais la date de réouverture en 2029, annoncée dès 2018, est maintenue malgré le temps perdu.


Sens : le Musée de Sens est fermé en 2025 et rouvre en 2026, dit un laconique message de vœux. Vous ne verrez donc pas avant 2026, au mieux, cette superbe vue, par Adolphe Guillon, de la colline de Vézelay en contrejour coiffée de sa célèbre basilique vers 1880 (illustration ci-dessus).


Valenciennes : la très belle et riche collection du Musée des beaux-arts était invisible en 2014 et 2015 pour des travaux de rénovation, puis à nouveau depuis 2021 (à quelques interruptions près) pour des travaux de rénovation encore plus nouveaux et monumentaux, en application de grandes méditations qu’on découvre dans le verbiage creux d’une jolie brochure diffusée par la mairie (lire le résumé page 17 suffit). L’objectif est d’accompagner l’entrée du musée - qui ne sera alors plus un musée mais un lieu de vie - dans le 21e siècle. Quelqu’un pourrait prévenir la municipalité que ce siècle est déjà bien entamé et qu’il s’agirait d’accélérer un peu le mouvement si on ne veut pas devoir en changer le numéro dans les publications.   


Toulouse : le Musée des Augustins, le grand musée des beaux-arts de Toulouse et de la région, est fermé pour travaux depuis 2018-2019. On constate, en lisant le programme des travaux de rénovation, qu’ils s’apparentent à la refonte conceptuelle du musée de Valenciennes, quand on rencontre au détour d’une phrase l’expression "Nouveau projet scientifique et culturel", qui est le titre mot pour mot de la brochure de Valenciennes. Formalisme imposé par le ministère de la Culture qui permet aux municipalités qui font semblant d’y croire d’obtenir des aides financières ? Peut-être. Là encore la réouverture annoncée fin 2025 n’est pas crédible. 


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N’oubliez pas que cette liste n’est qu’un échantillon, et pensez en organisant vos flâneries, qu’une pratique courante des musées est de réorganiser des étages complets en oubliant de prévenir le client, qui a royalement droit une fois sur place à la visite d’un demi-château de Châteaudun, d’un tiers des peintures du musée de Dijon, d’une moitié moins intéressante du musée de l’Œuvre à Strasbourg et d’un demi-musée de Pau (expériences vécues ces dernières années).


Ça s’appelle la stratégie des tranches de travaux. Ce fut la méthode, de 2016 à 2021 et plus, du musée des beaux-arts d’Orléans qui a ainsi réorganisé les cimaises, refait les peintures (des murs), et ajouté de longs cartels bavards en petits caractères mal éclairés, au sol au pied des tableaux, le tout sans fermer ni faire baisser la fréquentation du musée (en l’occurrence d’un demi-musée), qui s’est maintenue autour des 200 visites par jour, dont 50 payantes, moyenne stable depuis 20 ans. 


Aussi, après avoir conseillé de vous détourner des villes dont le musée est fermé en 2025, cette chronique finira sur une note positive, un conseil de visite. Car cet agréable musée provincial des beaux-arts d’Orléans, dont la faible fréquentation est injuste*, expose quelques merveilles par Reni, Le Nain, Santerre, Van Loo et une incomparable série d’esquisses par Cogniet (comme cette Salle de billard du château de Boursault vers 1860, en illustration ci-dessous). 

Et surtout, allez-y exactement en 2025 : une refonte totale a été annoncée par sa directrice pour 2026 ou au pire 2027, avec la traditionnelle fermeture totale pendant 5 ans, environ.


Rappelons aux connaisseurs que c'est le seul musée à avoir jamais réuni dans la même pièce 
pendant plusieurs mois, en 2002, les 4 natures mortes de Lubin Baugin. 

 

dimanche 9 février 2025

Améliorons les chefs-d’œuvre (30 Grünewald)

     

Il est né vers 1475 à Würzburg près de Francfort, aujourd'hui au cœur de l’Allemagne de l'ouest, et mort en 1528 à Halle près de Leipzig, au cœur de l’Allemagne de l'est. On ne connait pas son nom. C’est peut-être Mathis Gothart Nithart, mais personne n’est certain de cette identité. Aujourd'hui on l’appelle Matthias Grünewald.

On lui attribue un nombre très réduit d’œuvres, dont le retable d’Isenheim (ou Issenheim, en France, au sud de Colmar), 37m² de panneaux spectaculaires peints à la demande des Antonins, moines hospitaliers du couvent de la ville. Longtemps attribué aux meilleurs peintres allemands de son temps, notamment Holbein puis Dürer, c’est un chef-d’œuvre prodigieux dont on se demande s’il n’a pas été conçu sous l'emprise des effets hallucinogènes de l’ergot du seigle, un des symptômes de la maladie dont il était censé apaiser les souffrances par la contemplation de ses visions fantastiques.


C’est un objet unique dans l’histoire de l’art occidental, comme le polyptyque de l’Agneau mystique de Van Eyck, et comme lui, comme pour les plus belles réalisations de l’humanité, on pourrait s’attendre à en trouver sur internet des reproductions de haute qualité, histoire d’informer les centaines de millions d’humains qui ne pourront se rendre au musée de Colmar, de l’existence de cette merveille.

Hélas Colmar, se trouve en France, le pays où le site du plus grand musée du monde ne publie que de médiocres images de ses collections et s’approprie des droits de reproduction sur les œuvres du domaine public, et où des musées interdisent encore aux visiteurs de photographier les œuvres exposées pour vendre quelques mauvaises cartes postales.   


     

Après la récente restauration, de 2011 à 2022, pas réellement indispensable vu le bon état du retable, et qui a été un peu longue et mouvementée parce que tout le monde, dont le Louvre, voulait sa part du gâteau, le site internet du musée de Colmar ne pouvait pas continuer à en présenter de médiocres images fanées. 

Et il a effectivement fait l’effort de déposer un peu n’importe comment sur des pages désordonnées, là des vidéos de journal télévisé sur la restauration, ailleurs quelques détails avant et après, et plus loin une série de nouvelles reproductions du retable, dans une résolution moyenne, perdues dans le labyrinthe incompréhensible d'une interface arriérée qui permet - quand ça fonctionne - d'agrandir des détails dans une qualité un peu moins moyenne et dans une fenêtre minuscule.   


Alors, devant cette ergonomie du siècle dernier, quand des images de bonne qualité sont disponibles sur le site mais quasiment introuvables pour l’internaute honnête, leur réunion, dans une présentation simple des trois configurations du retable et dans la plus haute définition actuellement disponible, s'imposait (on sait que le Louvre en a fait une campagne photographique en très haute résolution, mais il est bien possible que le public, qui a payé ces travaux, n’en voie jamais la couleur).


     

Les 3 images en lien ci-dessous du retable à l'état fermé, mi-ouvert et ouvert, mesurent entre 10 000 et 16 000 pixels et demandent 20 à 30 mégaoctets ; leur chargement peut prendre quelques secondes. 

La résolution des images est très bonne pour les panneaux peints (loin du niveau Gigapixel cependant), mais dans les états mi-ouvert et ouvert les sculptures de Nicolas de Haguenau n'existent que dans une résolution moyenne, c’est pourquoi est joint le montage des bustes des apôtres sans fond et dans une meilleure qualité : 


 Grünewald, retable d’Issenheim fermé (musée Unterlinden, Colmar) 

[Lien fichier 13134 x 9211 pixels, 22 Mo]


 Grünewald et Nicolas de Haguenau, retable mi-ouvert 

[Lien fichier 16339 x 9317 pixels, 29 Mo]


 Grünewald et Nicolas de Haguenau, retable ouvert 

[Lien fichier 15742 x 9800 pixels, 24 Mo]


Nicolas de Haguenau, bustes sculptés des apôtres 

[Lien fichier 5258 x 1200 pixels, 1,3 Mo]