Affichage des articles dont le libellé est Matière. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Matière. Afficher tous les articles

dimanche 10 juin 2012

La platitude de l'Univers


Les dernières mesures de la savante Shirley Ho, relatées par la revue Ciel & Espace dans son récent numéro 505, le démontrent : dans l'Univers l'énergie noire est trois fois plus puissante que les forces d'attraction de la matière. C'est certainement irrévocable.

Ne demandez pas aux savants ce qu'est l'énergie noire (ou sombre). Ils n'en savent rien pour l'instant et s'en sortent en invoquant une énergie du vide. Cependant elle est là, et domine les forces de l'Univers, de sorte que les galaxies s'éloignent globalement les unes des autres, et de manière accélérée. Ainsi un jour la matière n'aura plus assez d'énergie et se délitera, les électrons quitteront les atomes, le vide deviendra encore plus vide, le froid plus définitif.

On avait quelques temps espéré que le grand gâchis thermodynamique de l'Univers ralentirait un jour, passerait par une phase de stabilité, puis s'inverserait dans une grande implosion, pour recommencer un nouveau cycle avec de la matière fraiche, ce qui était, au moins intellectuellement, assez satisfaisant. Mais les conclusions de Shirley Ho sont sans appel, car elle les obtient par l'observation minutieuse des oscillations acoustiques de la matière ordinaire. C'est dire.
On a beau savoir, la Lune s'éloignant puis le soleil explosant bientôt, que la vie sur Terre n'en a pas pour très longtemps, disons un à deux milliards d'années ce qui n'est déjà pas terrible pour certains projets personnels, il est tout de même vexant d'apprendre que tout cela n'aura servi à rien, puisque tout s’éteindra irrémédiablement.

Et puis, une mauvaise nouvelle n'arrivant jamais seule (axiome hautement scientifique), les calculs de Shirley Ho ont également confirmé la topologie de l'Univers, sa forme globale. Il est plat.
Les lignes parallèles ne s'y rencontreront jamais. Pythagore et Euclide en seraient ravis. Et toutes les autorités de l'antiquité et du moyen-âge qui affirmaient que le Monde était plat, raillées quand il a été prouvé que la Terre - qui n'est qu'un accident local - était ronde, tous ces penseurs avaient donc raison.
Ajoutons qu'il suffisait de constater la banalité des résultats du concours de la chanson de l'Eurovision, des prix littéraires ou de l'élection présidentielle, et de tant d'autres jalons de notre civilisation, pour se convaincre de la platitude, de l'ennui de cet univers.

dimanche 10 avril 2011

Un peu de physique théorique

À l'époque d'Alfred de Musset, des bluettes sentimentales et des énervements romantiques, les choses étaient claires : une porte devait être ouverte ou fermée. Dans notre monde moderne et hasardeux, celui de la mécanique quantique où tout est simultanément onde et particules, la théorie de Schrödinger sur la superposition des états de la matière et le principe d'incertitude d'Heisenberg ont apporté quelques nuances sur les états probables d'une porte.

lundi 8 mars 2010

La photo du photon

Tout lecteur assidu aura noté la tonalité scientifique de Ce Glob Est Plat. Disons même matérialiste. Or depuis plus d'un siècle, quelques savants respectables, à l'aide de concepts insolites, ont troublé cette tranquille vision mécaniste du monde. On trouve leurs noms dans tous les dictionnaires des noms propres, Planck, Einstein, Bohr, Heisenberg, Schrödinger, Dirac, Born, de Broglie... Ils ont inventé la physique (ou mécanique) quantique (1), une description (2) du comportement intime, microscopique de la matière.
Jusqu'alors on considérait la matière un peu comme un voisin de palier. En public, elle se conduisait comme vous et moi, elle suivait son train-train sans surprise, descendait la poubelle à heures fixes et fermait les volets avant de se coucher. Et puis voilà cent ans, on apprenait, à la une des journaux scientifiques, qu'elle avait une vie privée assez déviante, des attitudes fantasques, et qu'elle se moquait même discrètement de la physique classique. Parmi les débordements qu'on lui prêtait, on racontait que dans l'intimité, pour entrer au salon, elle s'évaporait et passait au même instant par les deux portes situées aux extrémités de la pièce, que son chat était à la fois mort et vivant quand elle le cherchait (d'où l'odeur parfois particulière), que son poisson rouge, soluble, dilué dans son aquarium, ne reprenait une forme de poisson qu'à l'écoute de son petit nom, que sa plomberie ne respectait pas la gravitation et que l'eau de son appartement s'écoulait parfois de la bonde vers le robinet. Ainsi, à écouter cette nouvelle physique, la matière était réduite à n'être, dans l'intimité, qu'une vague probabilité, une vibration, un fantôme d'elle-même errant indéfiniment dans un appartement vide, flanqué de quelques ectoplasmes domestiques. C'était une situation désagréable pour le matérialiste, mais après tout, si la matière souhaitait se comporter comme un gamin irresponsable quand personne ne la regarde, c'était son affaire. Au moins savait-on à peu près où la trouver, comment la localiser. Enfin, c'est ce qu'on croyait, car la théorie prévoyait que des particules associées, puis dispersées, continuaient à constituer un tout inséparable quel que soit leur éloignement. Einstein même ne voulait pas y croire. On avait un peu oublié cette plaisanterie quand le coup de grâce advint à Orsay au début des années 1980, par Alain Aspect et ses expériences sur la «non séparabilité». Il démontrait (1) par un brillant bricolage (2) qu'un frère et une sœur jumeaux séparés par des kilomètres, sans pouvoir se concerter, restaient liés, et quand quelqu'un sonnait chez l'un, ils regardaient alors tous les deux par leur fenêtre, au même instant. C'était le pompon! La matière n'était pas seulement impalpable et évanescente, elle devenait unique, continue et indivisible.

  «Ne pas toucher les œuvres». Comment s'assurer que la matière existe, quand il est interdit de toucher les statues des musées?

Il est inutile de résister à une science qui n'a aligné que des succès technologiques, du transistor au laser. Nous en étions donc là depuis une trentaine d'années, à végéter tristement dans l'indécision, englués dans une réalité sans forme, parfait humus pour tous les spiritualismes, les idéalismes, les religions de toutes confessions. Épicure dépérissait et Démocrite faisait rire les enfants. Et puis le 25 février 2010, l'Institut Rayonnement Matière de Saclay, plus précisément le Service des Photons Atomes et Molécules (SPAM), associé à quelques honorables institutions, déclarait avoir enregistré les images du mouvement d'un nuage d'électrons dans une molécule constituée de deux atomes d'azote. Le procédé, décrit avec des mots incompréhensibles (imagerie d'orbitales par la méthode tomographique utilisant l'émission attoseconde en champ laser) est certainement très astucieux. Mais le résultat est là. La matière reprend un peu de consistance. Son image se précise. Finalement il est probable qu'elle existe.

 
***
(1) Vidéo de la conférence UTLS (2) Texte de la même conférence