Vient de paraitre le catalogue de l’exposition rétrospective de
Jacob Vrel, qui n’a jamais eu lieu, empêchée par un virus microscopique et effrayant comme
Godzilla.
Puisqu’il n’y aura pas d’exposition
(*), il est devenu le
catalogue raisonné du peintre, «
Jacobus Vrel » chez l’éditeur Hirmer, entre autres en français.
On pensait y trouver enfin quelques piquantes indiscrétions sur sa vie, qu’on espérait moins mélancolique que ce qu’en
diffusent ses tableaux, mais pour une fois le sous-titre éculé du livre, «
peintre du mystère » est assez juste, bien qu’improprement employé ; on devrait lire «
mystère du peintre ».
Parce que, pour un peintre oublié, son œuvre est maintenant bien connu. Alors que 7 de ses tableaux avaient été attribués à Vermeer par Thoré-Burger en 1866, on en identifie aujourd’hui 50 de sa main, dont deux tiers sont signés (souvent paraphés JV sur un phylactère blanc, d’où la confusion avec J. Vermeer).
Et puis ce qu’ils représentent n’est pas réellement mystérieux, en dépit de points de vue souvent inattendus, des scènes somme toute assez communes, quotidiennes.
En revanche leur créateur reste - malgré des années de recherche écrivent les auteurs - un parfait inconnu. On en sait très peu sur l’époque, et rien sur les lieux ou la personne.

Un seul tableau est daté, 1654 (
Femme à la fenêtre, exposé au KHM de Vienne), acheté avant 1656 par l’archiduc Leopold Wilhelm d’Autriche, puisqu’il figure, avec 2 autres Vrel parmi des milliers de tableaux, dans sa collection inventoriée par David Teniers en 1659.
Tous les tableaux sont peints sur panneau de chêne, et l’étude des anneaux de croissance du bois révèle qu’ils l'ont été entre 1640 et 1660.
Hormis l’inventaire de 1659, aucun autre document ou registre, administratif ou civil, n’a jusqu'à présent été retrouvé qui citerait le nom de Jacob Vrel (ou ses dérivés Vrelle, Frell, Frölle,…)
Et les scènes décrites sur les tableaux, les pièces aux
murs vides, le
mobilier, le style des vêtements, l'architecture de la
ville, n’ont pas permis aux spécialistes d’identifier une région d’activité plus précise que le vague territoire qui sépare aujourd’hui la Belgique de l’ouest de l’Allemagne ; peut-être Zwolle, à l’est d’Amsterdam, mais sans conviction.
Vrel était sans doute relativement isolé pour avoir peint un peu avant Ter Borch, De Hooch ou Vermeer, ces ruelles et ces intérieurs qui parfois leur ont été attribués.
Alors Vrel indépendant de toute guilde ou école, Vrel dilettante, amateur ?
L’hypothèse ne colle pas vraiment. Au moins trois de ses tableaux ont été achetés à peine secs par un grand aristocrate et collectionneur compulsif. Par ailleurs il existe plusieurs répliques autographes de certains tableaux, notamment cette
Femme au chevet d’un malade dont on connait 4 exemplaires presque identiques à
Washington,
Anvers,
San Diego et
Oxford. Or un peintre ne s’inflige l’ennui de se répéter tant de fois que pour satisfaire une clientèle exigeante (et un impérieux besoin d’argent).
Vrel, l’être humain, reste donc à découvrir. La chose n’est peut-être pas indispensable, mais elle peut aider à pister d’autres œuvres.
Au moins a-t-on dorénavant 50 tableaux, dans un catalogue raisonné, parfaitement documenté et complètement illustré, qui guidera déjà nos visites imaginaires.
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(*) Aux dernières nouvelles seule l'exposition à Munich serait définitivement abandonnée. Le Mauritshuis de La Haye et la fondation Custodia à Paris prévoient une exposition de moindre envergure respectivement au printemps et à l'été 2023, avec des dates précises, ce qui est peut-être un peu prématuré.