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jeudi 18 juillet 2024

Ce monde est disparu (14)

Survol
Attention : les liens précédés du signe⚡️sont horribles et radioactifs
Illustration : "Radium"⚡️dessin original de Lee Elias pour la couverture du⚡️magazine Black Cat Mystery #50 en 1954.

Lee Elias, dessinateur de comics (bandes dessinées) très moyen et conventionnel, était cependant assez inspiré quand il illustrait des couvertures de magazine. Son dessin n’en était pas meilleur mais il savait l'animer de contrastes percutants et d’inventions qui les rendaient attractives, voire choquantes, ce qui est l’objectif commercial d’une bonne couverture. 
On se dispute régulièrement ses dessins originaux chez Heritage Auction, maison d’enchères américaine d’objets de collection, et il viennent d’atteindre des sommets le 21 juin 2024, avec 66 000$ pour le dessin de couverture de⚡️Tomb of Terror #5 de 1952, et 840 000$ pour celui de⚡️Black Cat Mystery #50
Pour mémoire les couvertures d’album de Tintin par Hergé, plus édulcorées, et graal des collectionneurs, se monnayent autour d’un million de dollars, et une page de garde de 1937 s’est vendue 2,9M$ en 2014. 

Pour aller plus loin : Aimons le radium, quelques repères historiques. 
En 1898 Marie et Pierre Curie découvrent deux éléments inconnus qu’ils appellent le radium, parce qu’il était vraiment très radioactif, et le polonium parce que Marie était d’origine polonaise. Ils les manipulent sans retenue et remarquent que le radium peut soigner des affections cutanées et même certaines tumeurs. Ils inventent en 1901 avec Becquerel la radiumthérapie ou Curiethérapie. Malgré l’alarme d’Edison qui perd son assistant en 1904 et abandonne les recherches dans le domaine, et les avertissements de nombreux scientifiques, l’industrie enthousiasmée met alors du radium⚡️partoutLes horlogers colorent aiguilles et chiffres des réveils qui brillent dans le noir, les pharmaciens en truffent pansements, pommades et potions, le miraculeux radium s’applique, se respire, se boit, s'avale, on fume des cigarettes au radium, on se maquille au radium, on couvre les enfants d'une petite laine au radium. Cela dit le radium était si rare et cher qu’on peut soupçonner que tous ces produits, comme les médicaments homéopathiques, ne contenaient pas le moindre atome de substance active (sauf dans l'horlogerie, sans quoi ça n'aurait pas fonctionné, et qui fut d'ailleurs confrontée à des maladies professionnelles en corrélation).
Marie Curie devra à ses découvertes deux prix Nobel et une Leucémie carabinée. C’est en 1934 seulement, année de sa mort, que l’exposition à la radioactivité sera réglementée en France.
 
Mise à jour le 19.07.2024 : preuve des bienfaits de la radioactivité, on apprend de la chaine "La tronche en biais", que pour contrecarrer le traffic croissant de cornes de rhinocéros vers l’Asie (la médecine traditionnelle chinoise leur attribue des propriétés fantasmées), et la disparition de l'espèce, les scientifiques sud-africains envisagent - et ont commencé à le pratiquer - d’inoculer un produit radioactif, inoffensif pour la bête disent-ils, dans la corne des rhinocéros, et qui empoisonnerait sournoisement les consommateurs de poudre de corne. Mais peut-être n'est-ce qu'une intoxication de l'information, une mise en scène pour dissuader les trafiquants. Merveilleux, n’est-il pas ? 

dimanche 14 novembre 2021

Les grandes questions du siècle (1)

Aujourd’hui, la réponse à la question « peut-on rire de tout ? »

Bien que Daniel Goossens ait répondu définitivement à cette question, on trouve encore des penseurs pour proposer leur point de vue, comme l'avait fait vers 1900 ce fameux philosophe français, Henri Bergson, en 55 000 mots dont aucun n’est réellement rigolo, et comme ce monsieur Boris Cyrulnik qui avance dans les médias populaires que personne ne peut rire le jour d’un enterrement, et qui l’interdit presque. C’est qu’il n’a rien retenu des films de Jacques Tati, notamment Les vacances de monsieur Hulot.


N’insistons pas et revenons à Daniel Goossens.
Auteur de bandes dessinées décapantes et désopilantes, mais scientifiques, où il se moque essentiellement des ambitions spirituelles de l’être humain (Georges et Louis écrivains, Sacré comique, Voyage au bout de la Lune, La vie d’Einstein, Laisse autant le vent emporter tout), Daniel Goossens ne respecte pas grand chose, reconnaissons-le, même pas l'intelligence artificielle, c'est dire (écoutez cet entretien de 19 minutes).
Si bien que nombreux, débordés par son art de la dérision, le qualifient d’humour absurde, comme ils l'avaient fait en leur temps des Shadoks de Jacques Rouxel, ce qui est bien pratique pour ne plus avoir à y réfléchir. 

Or voici la réponse sage et pondérée que donna un jour ce grand homme à cette grande question posée par un journaliste grandement inspiré :

« Peut-on rire de tout ? Non. Il y a des limites. La plus connue est celle de la loi de la gravitation universelle. On ne peut pas en rire. Ça ne sert à rien. La grande majorité est d'accord à ce sujet. Quelques grands penseurs y arrivent encore peut-être, mais le commun des mortels a renoncé. En fait, il faut se résigner, les sujets dont on peut rire forment une liste restreinte : les croyances, les convictions intimes, la générosité, la politesse, l'intelligence, la gentillesse et la beauté. »
(La source de cette citation immémoriale, généralement tronquée de sa dernière phrase, demeure inconnue. Toute information sera bienvenue).

jeudi 14 octobre 2021

Nouvelle pas fraiche

Saviez-vous que Nikita Mandryka, l’immortel auteur des bandes dessinées du Concombre masqué, est mort entre le 13 et le 14 juin dernier ?
Les médias n’en ont pas fait un foin. Il ne sera probablement pas enterré au Panthéon ; on n’y met pas les libertaires. Il avait reçu fin 2019, à 79 ans, le Grand prix Töpffer de la ville de Genève pour l'ensemble de son œuvre, juste à temps.

Depuis plus de 20 ans il publiait régulièrement et gratuitement des fables légumineuses sur son site, peu visité. 
Il y publiait depuis 2003 une lettre d’information potagère vaguement mensuelle, puis annuelle (environ), pleine d’esprit et de dessins.
Il y vendait aussi des cartes postales originales en couleurs peintes à la main pour 50 euros (les prix avaient doublé il y a peu).

Il faisait tout lui-même. Que va devenir tout cela ? Disparaitre aussi, vraisemblablement, comme se dissolvent les liens sur internet.

Alors si vous aimez, visitez son site biscornu sans trop attendre, et récoltez tout ce que vous pouvez, pour le sauvegarder et le replanter ailleurs.


Un des derniers dessins de Mandryka paru dans son dernier fanzine fait main « Cosmic Stories » n°1 en novembre 2019, avec une jolie faute d'accord sur la première de couverture (édition des 40 amis du concombre, numérotée sur 100).

samedi 8 septembre 2018

Améliorons les chefs-d'œuvre (13)

Quand l’indignation des réseaux sociaux aura changé de pâture, quand les médias auront levé le siège de l’église San Miguel d’Estella, dans le nord de l’Espagne (à 140km de Borja), quand le prêtre, commanditaire de la restauration, le maire de la ville et les experts du ministère auront refermé leur parapluie à responsabilité et leur feinte surprise, l’Église rouvrira peut-être la chapelle latérale et dévoilera au public l’objet de tant d’emportements (moyennant une petite obole, comme pour la visite du Christ massacré de Borja).

C’était une sculpture sur bois du 15ème siècle figurant saint Georges à cheval, grandeur nature, renversant un dragon. On en parlait dans les guides sur la Navarre, on la disait de style gothico-flamand.
Restaurée par l’école d’artisanat Karmacolor à la demande du curé de la paroisse, la vieille statue a été soigneusement arasée, poncée et plâtrée, puis recouverte d’une peinture résistante, tentant d’approcher les couleurs d’origine dont les traces étaient encore bien visibles, et en modifiant certaines pour faire joli. L’expression hébétée du saint original n’a pas été dénaturée.

Les experts, réveillés depuis, disent l’amélioration irréversible. Ils l’ajoutent à leur musée des horreurs de la restauration rapide et déplorent une perte irrémédiable pour l’héritage culturel Navarrais. Admettons. Mais chaque jour détruit une part du passé, et plus définitivement.
Hier encore, l’incendie du musée national du Brésil à Rio de Janeiro, largement prédit, a détruit une des plus grandes collections historiques et archéologiques du continent américain, avec sa bibliothèque.
Et il ne reste que les larmes, et l’énorme météorite de fer de Bendego, intacte, qui en a vu d’autres et survivra même à la fin de l’Humanité.

Dans le cas du Saint Georges d’Estella, c’est une sorte de renaissance. Et s’il n’est pas étonnant que tous les notables esquivent, il est curieux que les médias et réseaux sociaux s’indignent et reprochent à la statue son aspect désormais disneyen, son air de figurine de personnage de bande dessinée qu’ils comparent à Tintin ou Wallace et Gromit, comme à une infamie.
Car ce sont les mêmes qui encensent la modernité et l’espièglerie juvénile de chaque réalisation des ateliers de Murakami ou Koons, qui louent la force expressive des détournements, par les frères Chapman, des tirages originaux des gravures de Goya, qui admirent les couleurs clinquantes des fresques de la chapelle Sixtine depuis leur lessivage immodéré des années 1980, et que ne surprend pas la trivialité des couleurs appliquées, sous contrôle d’experts, aux « reconstitutions » des antiquités grecques ou des sculptures du moyen-âge.

Alors il n’y a aucune raison que ce saint Georges rajeuni ne devienne pas, avec le temps, comme le Christ outragé de Borja ou les boudins de Koons, un emblème lucratif, une incarnation de l’art le plus contemporain, décomplexé, goguenard, populaire enfin.


« Reconstitution des couleurs originales » par projection de lumières sur la façade de la cathédrale d'Amiens en 2017.

dimanche 21 mai 2017

Will Eisner a 100 ans

Will Eisner, détail de la page 5 originale de Gerhard Shnobble,
récit n°432 paru le 5 septembre 1948.

Visiter une exposition de bandes dessinées relève du pèlerinage fétichiste. Les pages exposées sont passées par tant de mains, du dessinateur à l’imprimeur, jaunies, raturées, retouchées, annotées, assemblées et contrecollées, mal éclairées pour les altérer le moins possible, qu’on n’y retrouve rarement ce qui nous avait enchanté à leur lecture.
Restent des souvenirs décousus et un espèce d’authenticité, la « main de l’artiste », propre à cristalliser momentanément notre irrépressible besoin d’admiration.

Will Eisner, né en 1917, est mort en 2005.

Eisner était, narcissisme en moins, une sorte d'Albrecht Dürer de la bande dessinée, maitre absolu du dessin et de la mise en scène (en page) d’un récit, devenu théoricien histoire de recenser et rationaliser tout ce qu’il avait inventé dans l’art graphique, et de gagner sa vie pendant les périodes maigres.

Il est surtout renommé pour les aventures du Spirit, qui au long de 645 récits, parus du 2 juin 1940 au 5 octobre 1952, relatent en 7 pages précisément les tribulations inconsistantes et souvent touchantes d’un justicier masqué, sur le ton caricatural du cinéma de genre des années 1930.
Eisner y pratique avec ironie tous les clichés du film noir, les déforme jusqu’au maniérisme, dans une inventivité graphique et narrative permanente et une joyeuse explosion des codes de la bande dessinée.
Il reconnaissait son admiration pour les films expressionnistes de Fritz Lang, les récits insolites d’Ambrose Bierce et l’univers iconoclaste et déstructuré de Krazy Kat, bande dessinée créée par George Herriman en 1913.

Puis le public, et Eisner probablement, se sont lassés du personnage. Alors Eisner pendant 20 ans s’occupera d’illustrations et de pédagogie, théorisant sur les années de créativité passées.


4 exemples de mise en page d’un
récit séquentiel par Will Eisner.


Au cours des années 1970, le milieu culturel indépendant américain, l’Underground, se prenait de passion pour le Spirit au point de le rééditer quasi intégralement et laborieusement (d’abord Warren puis Kitchen Sink)

Ainsi exhumé, Eisner était récompensé en 1975 par le 2ème grand prix du festival international de bande dessinée d’Angoulême (après Franquin en 1974), et à 60 ans, renaissant, il se mettait à publier de longs récits dessinés « sérieux », que la critique nomma « romans graphiques » pour les distinguer des « comics » pour la jeunesse. Il en obtenait de grands succès d’estime. 

Reconnu alors comme un phare dans l’histoire de la bande dessinée, il sera pendant 30 ans couvert d’honneurs et de prix en tout genre, jusqu’à la grande réédition chronologique en 27 volumes des aventures du Spirit (chez DC Comics), à partir de 2000, et dont il ne verra que les 15 premiers numéros.

Aujourd’hui, sous le prétexte du centenaire de sa naissance, le musée de la Bande Dessinée d’Angoulême lui consacre, du 26 janvier au 15 octobre 2017, une riche et complète exposition mal éclairée (certaines étiquettes sont illisibles). Y sont notamment présentées les 7 pages originales de l’histoire mythique de Gerhard Shnobble, abattu par une balle perdue et dont personne ne saura jamais qu’il savait voler, une des histoires préférées de Will Eisner. 


Will Eisner, détail de la page 7 originale de Gerhard Shnobble,
récit n°432 paru le 5 septembre 1948.

Regret : on ne trouve hélas, traduits en français, que des recueils disparates du Spirit, quelques florilèges, et un certain nombre de courtes tentatives d’intégrale laissées à l'abandon. 

lundi 29 février 2016

Chronique désabusée du 29 février

Christophe, détail du procès du sapeur Camember, 1896 (Gallica-BNF).


Félix Fénéon le journaliste, Rossini l’inspirateur des grands cuisiniers, le peintre Balthus et le sapeur Camember ont un point en commun, c’est le jour où les fétichistes commémorent leur naissance (ou leur décès pour Fénéon), le jour julien inventé pour pallier les inexactitudes de la mécanique céleste, le jour qui n'existe qu'une fois tous les 4 ans à peu près, en bref c'est aujourd’hui, le 29 février.

Dans le cas du sapeur Camember la date est née de l’imagination de son créateur, Georges Colomb, auteur également du Savant Cosinus et de La Famille Fenouillard, qui signait ses bandes dessinées du pseudonyme désopilant de Christophe. Et s’il faut croire ces histoires illustrées, la nature ne prodigue de l’entendement qu’aux jours anniversaires car le naïf Camember en manquait cruellement plus que son entourage déjà mal loti.

Christophe eut l’heureuse idée de mourir, le 3 janvier 1945. Ainsi, 70 ans après, son œuvre immortelle est devenue libre de droits d’auteur, et on peut donc reproduire sans crainte depuis quelques jours ses calembours élégants et son humour un peu fané. Il était temps, on l’avait presque oublié.

La Bougie du sapeur, journal cocasse qui ne parait que le 29 février pour honorer le souvenir de Camember et se tenir à une salubre distance de l’actualité, est sortie cette année dès le samedi 27, pour des raisons de stratégie commerciale. On peut le comprendre, mais comment lui pardonner d’avoir fait disparaitre la formule d’abonnement centennal, qui comprenait 25 numéros sur un siècle et le distinguait tant de toutes les autres publications éphémères et illusoires ?

Pour finir cette chronique désabusée et quadriennale par une mauvaise nouvelle, signalons que cette année encore le 29 février n'amènera pas le fléchissement des inégalités sociales qui entachent tant la bonne humeur des populations.
En effet pour les salariés qui bénéficient du régime dit du « forfait jours », le plus souvent des cadres qui travaillent donc un nombre constant de jours par an, le jour supplémentaire de l’année est décompté comme un jour de repos et constitue un avantage social.
Pour les salariés rémunérés à l’heure, le jour bissextil est indifférent car ils sont payés en proportion du travail effectué.
Mais pour les salariés classiquement mensualisés, qui constituent la plupart des travailleurs, ce jour additionnel est un jour de labeur bénévole offert gracieusement aux chefs d’entreprise et au redressement de l’économie française.
On murmure à ce propos dans certains couloirs que le gouvernement profiterait de l'état d'urgence et de la générosité de l’article 49.3 pour ajouter désormais deux jours à chaque mois de février, et un jour aux quatre mois de 30 jours, afin de relever le pays définitivement.

Car l'esprit du sapeur Camember, comme celui de Ferdinand Lop et d'Alphonse Allais, planera longtemps encore sur notre monde, tant que l'on n'aura pas octroyé de pension à la femme du soldat inconnu, supprimé le wagon de queue du métro parisien, limité la vitesse de la lumière dans les agglomérations et ralenti subtilement la vitesse de rotation de la Terre pour qu'un jour solaire dure dorénavant 24 heures 3 minutes et 56 secondes, environ.
On dit qu'à l'allure où les marées freinent cette rotation aujourd'hui, et si l'eau subsiste à l'état liquide, ce rythme sera atteint dans 14 millions d'années. Alors la Bougie du sapeur n'aura plus qu'à se saborder.

Christophe, acte de naissance du sapeur Camember, 1896 (Gallica-BNF).

Christophe, On ne pense pas à tout, mésaventure extraite des Facéties du sapeur Camember, édition 1896 (Gallica-BNF).

mercredi 10 juin 2015

Sale temps sur Moulinsart ?

Le château de Cheverny, amputé des deux bras par Hergé en 1944, retouché en 2005 par Christophe Finot, et en 2015 par Photoshop.

Depuis plus de 20 ans, le nouveau mari de la veuve d’Hergé règne en maitre sur l’héritage, au nom de la société Moulinsart. La moindre association de fans qui souhaite utiliser sans but commercial quelques vignettes d’albums de Tintin doit engraisser le despote sous peine de poursuite judiciaire.

Or une bande de 680 passionnés, « Hergé Genootschap » (l’Association Hergé), a toujours refusé d’honorer cette taxation. Attaquée en justice par Moulinsart l’association a déniché pour sa défense un contrat du 9 avril 1942 où Hergé cède l’ensemble des droits de publication de ses albums dessinés à la société d'édition Casterman, et ce en toutes langues.

La justice néerlandaise vient par conséquent de rejeter la demande de Moulinsart concluant qu’elle n’aurait aucun droit sur la publication des textes et images extraits des aventures de Tintin dans l’exercice du droit de citation.
Ainsi depuis 32 ans, les héritiers d’Hergé auraient usurpé des droits patrimoniaux, illégalement interdit des publications et indument encaissé des bénéfices à la place de la société Casterman.
Mais il semble évident que tous le savaient, et que Casterman qui vit déjà grassement d’Hergé a volontiers abandonné aux héritiers la tâche ingrate des poursuites judiciaires et les gains mineurs en regard de la manne qu’est la publication mondiale des albums de Tintin.

Alors, amateurs du petit personnage insipide, ne vous réjouissez que très modérément, car si la chose se confirme il y a gros à parier que Casterman poursuivra la politique agressive de Moulinsart.

Et si la décision de la justice néerlandaise (semblable à certaines en France) procure une petite satisfaction théorique, il faudra toujours attendre l’an 2054 que l’œuvre d’Hergé revienne au domaine public. Et probablement plus encore, car d'ici là les bénéficiaires des droits d'auteur auront tout le temps d'obtenir de l'incorruptible législateur, comme dans un passé récent, une prolongation de la durée de protection de leur rente.
   

dimanche 15 juin 2014

Le retour du refoulé

Pour fuir l'intolérable pudibonderie des grands réseaux sociaux et la censure aveugle des moteurs de recherche nous éviterons de nommer directement l'objet de cette chronique par ses noms les plus usuels. Georges Brassens l'appelait jadis « Le Blason ». De nos jours, le dernier cri est de le nommer « L'Origine du monde », ce qui est tout de même très approximatif sur le plan scientifique, et de l'exposer fièrement sur les cimaises des musées les plus en vogue.

Qui ignore encore ce tableau, illustrissime depuis peu, de Gustave Courbet, peintre provocateur du milieu du 19ème siècle qui peignait à grand renfort de couleurs au bitume et au blanc de plomb des tableaux naturalistes devenus aujourd'hui très sombres ?
L'œuvre figure un corps féminin réaliste sans jambes ni bras ni tête, comme une nature morte posée sur un étal, avec au milieu un organe velu. Depuis qu'il est exhibé en permanence, depuis 1995, la pensée parisienne s'enthousiasme sur ce puissant symbole d'on ne sait trop quoi, au point qu'il est presque devenu l'emblème du musée qui l'héberge et le fleuron des ventes de cartes postales.

Le 29 mai 2014, une jeune femme en robe dorée (filmée par un complice) s'approchait calmement du tableau de Courbet, s'asseyait sur le sol en lui tournant le dos, écartait généreusement les cuisses et s'aidant des mains présentait alors au public épars du musée une vue plus explicite encore que celle du tableau qui lui servait de modèle.
On a pu lire que son geste était dicté par un concept consistant et impérieux, ce que ne confirme pas réellement le poème puéril récité pendant l'exhibition sur les notes de l'inévitable rengaine de l'Ave Maria de Schubert. On peut également mesurer la profondeur vertigineuse du verbiage de la dame dans cette vidéo.
Disons simplement que pour faire plus provocateur que le tableau de Courbet, il fallait bien exposer la réalité plutôt que sa représentation. C'est le fondement de tout exhibitionnisme.
Notons cependant que Courbet, qui aimait pourtant faire scandale, n'avait pas peint ce tableau pour choquer, mais pour le cabinet privé d'un riche diplomate turc et obsédé.

Robert Crumb, dessin original pour la couverture du numéro 13 de la revue Weirdo représentant 20 modèles de psychopathes sexuels. Le 21ème est le dessinateur.

Le plus amusant dans cette historiette libidinale est certainement l'illustration éclatante de la schizophrénie d'une société qui peut, sur la même image, afficher sans vergogne un blason triomphal, et flouter ou masquer la même chose quand elle constitue une intrusion de la réalité dans son confortable univers imaginaire. On le constatera sur les photos de la scène reproduites dans la presse.

dimanche 21 avril 2013

Des traces de Fred



Le plus rigoureux journalisme d'investigation, voilà l'objectif éminent que poursuit un blog respectable. Et ce n'est pas dans la relation d'évènements déjà claironnés par l'ensemble de la presse couverte de réclames qu'un blog se distinguera, mais dans l'exposition de faits qu'emportés par la fébrile révolution de la planète personne n'aura remarqués.
Ainsi le reporter de Ce Glob est Plat, de passage dans la capitale, n'a pas hésité à braver les frimas et manipuler son téléphone à tout faire pour prouver, photo à l'appui, que le monde de Frédéric Othon Théodore Aristidès s'insinuait discrètement dans la réalité.

Tout a été dit de Frédéric Othon Théodore Aristidès, appelé couramment Fred, auteur de bandes dessinées, de sa logique de l'absurde, de ses mondes originaux comme celui de Lewis Carroll, de sa vie dépressive. Il est mort le 2 avril dernier.
On pense toujours que l'univers d'un auteur disparait avec lui. Notre illustration démontrera qu'il peut modifier non seulement notre manière de voir la réalité après lui, mais certainement la réalité même.

Comment expliquer sans cela que la Mairie de Paris ait parsemé ses jardins publics (ici le parc André Citroën) d'affichettes priant quelque mystérieux personnage de ne pas enlever des parties d'édifices publics, ici un escalier, là-bas un jet d'eau, plus loin une serre ? Et quelle est cette forme dissimulée au sommet du ballon captif ? Serait-ce le voleur d'édifices publics ?

Les lecteurs plus âgés objecteront que le phénomène s'apparente moins aux facéties du dessinateur Fred qu'aux mémorables méfaits de l'ignoble Furax, qui, au dire de Pierre Dac et Francis Blanche, remplaça voilà plus de 50 ans les grands monuments français par des imitations de carton-pâte.

N'entrons pas dans ce débat d'experts. Le rôle d'un blog est avant tout d'exposer les faits, dussent-ils ne pas coïncider exactement avec la rationalité la plus commune.

dimanche 23 octobre 2011

Cafardez ce blog...

Dessin extrait de Palepoli (1996), manga d'Usamaru FURUYA, hétéroclite, obscur et plein d'idées fulgurantes.
















Vous êtes certainement las des pitreries du blog que vous avez sous les yeux, de ses remarques péremptoires sur des artistes démodés, de sa philosophie de comptoir, de ses incessants blasphèmes.

Alors ne perdez pas de temps, rendez-vous sur le site Point de Contact, de l'AFA, l'Association des fournisseurs d'accès, et signalez un contenu odieux ou des propos suspects.
Point de contact est le site qu'il vous faut. Pour dénoncer une infraction attentatoire à la dignité humaine, allez sur cette page et laissez-vous guider par les instructions. On ne vous obligera pas à fournir votre identité, ni évidemment à prouver l'infraction. Vous y trouverez également des liens vers les organismes officiels de délation.
Et avec un peu de chance l'AFA se jugera compétente et interdira tout accès au blog.

Laissez-vous aller...


dimanche 10 juillet 2011

Fable de synthèse (scène 1)

Le générique et le préambule sont en fin de page.

Voir la scène 2.

Générique (complété à chaque publication)

Les animaux, végétaux et cailloux sont dressés par Noggin (les rats), PiSong Design (le vautour), MallenLane (l'arbre), Sequestrian & autres (le zombie).
Les décors et les costumes sont maintenus par Dartanbeck (les étoiles), Faveral (le bistro, l'église), Lisa Buckalew et LaurieS (le cimetière), Powerage (l'immeuble), The AntFarm (la citerne et les toits), Jack Tomalin (la gare).
La lumière, la mer, les nuées, et toutes les grandes choses de la création sont calculées par Carrara 8 Pro.

Toute ressemblance avec des personnalités ou des situations existantes ne peut être que purement intentionnelle.

***
Préambule
Le dessin en trois dimensions calculé par ordinateur (3D, images de synthèse) progresse avec la puissance des machines. Ce monde de maquettes et de poupées a depuis quelques années envahi celui du cinéma. Dorénavant, sur l'écran on ne distinguera plus la réalité filmée de sa copie virtuelle recalculée.
Quantités de modèles 3D sont disponibles (gratuitement ou non) qui évitent à l'amateur de passer des centaines d'heures à modeler chaque brin d'herbe de ses décors et chaque plume de ses personnages. Il fait son marché dans cet universel bric-à-brac. Il devra un peu modifier, sculpter, déformer, habiller, décorer, animer ses emplettes, mais le plus gros du travail est fourni. Il lui reste à fignoler le récit, la mise en scène, l'éclairage et se prendre alors pour Fellini, Kubrick, Hitchcock, Tati, voire Max Ophüls, changer la couleur de la poussière qui ne convient pas, pour finalement revenir sur la couleur précédente, satisfaire tous ses caprices. Les personnages ne se plaignent jamais et les décors ne vieillissent pas. Il faut les dégrader intentionnellement.

Ce Glob est Plat présente aujourd'hui une expérience. Une bande dessinée réalisée en images de synthèse, avec des moyens d'amateur. Les textures seront parfois approximatives, les décors un peu creux, et on veillera à ne pas trop faire pivoter la caméra virtuelle pour ne pas révéler l'immense vide qui entoure la scène. L'histoire sera un peu improvisée et le rythme de publication probablement irrégulier.
C'est une expérience. Elle n'a pas de titre pour l'instant.


Mise à jour du 10.11.12 : la bande dessinée est momentanément suspendue pour des raisons d'incompatibilité du logiciel de dessin 3D avec le nouveau système d'exploitation sur lequel il devrait tourner.


dimanche 29 mai 2011

L'expert et le dindon (farce)

Avertissement au lecteur : ce récit, véridique, ressemble tant à une caricature que les noms des personnes réelles ont été masqués afin de n'offenser personne et de ne pas, à l'ânerie, ajouter l'humiliation.

Roger-Jean S-M. est politicien et philanthrope. Un sombre jour de 2007, par testament, il lègue tous ses biens à des organismes bienfaiteurs, à l'exception d'un tableau daté et signé de Lyonel F., illustrateur et peintre du début du 20ème siècle, qu'il souhaite offrir au renommé Centre P. de Paris, la plus grande collection d'art moderne et contemporain en Europe (sic). Mais le Centre P. consulte Achim M., seul expert de Lyonel F. sur Terre, qui affirme que le tableau n'est pas de la main du peintre. Le Centre P. refuse alors le legs.
Quelques mois passent.

Aujourd'hui 29 mai 2011 vers 20 heures le tableau refusé jadis par le Centre P. sera mis en vente dans une grande salle des Champs-Élysées à Paris. Attribué à Lyonel F., estimé entre un et deux millions d'euros, il sera garni d'un authentique certificat d'authenticité signé de la main même du célèbre Achim M.
Certains prétendent que cette fois, s'agissant d'une vente, et non d'un don, l'expert peut revendiquer un pourcentage de la vente. Ce sont sans doute d'épouvantables envieux.

Moralité, lorsqu'un plombier vous propose un devis pour des travaux importants, demandez une contre-expertise à votre dentiste, c'est-à-dire à quelqu'un qui n'a aucun intérêt financier à vous mentir en matière de plomberie. Bien sûr, vous vous serez auparavant renseignés sur une éventuelle collusion entre les deux commerçants. Et Vous aurez obtenu ce renseignement auprès d'un tiers dont vous avez vérifié la neutralité, bien entendu.

Mise à jour du 30.05.2011 : Les estimations ont été pulvérisées. La dernière enchère était à cinq millions d'euros.

jeudi 28 avril 2011

La vie des cimetières (36)

Un cimetière est comme un théâtre, un décor pour l'imaginaire. On y joue une pièce antique, une mise en scène liturgique. On dispose avec décorum des choses inanimées, des corps qu'on a aimés. On imagine alors que quelque chose subsistera.
Après quoi on prend l'autobus 61, qui nous dépose Porte des Lilas, ou au Jardin des Plantes. C'est selon.



Le décor de ce cimetière imaginaire est extrait d'un modèle 3D des studios Redhouse (
Atonement), les corbeaux sont de Noggin. Le vélo est de 3D Universe. L'image est calculée par Carrara 8 Pro.

vendredi 4 mars 2011

Enfin mort (ou presque)

En général, l'hystérie des héritiers du dessinateur Hergé est protégée par les décisions de justice. La moindre vignette extraite d'un album de Tintin et reproduite sans l'autorisation des légataires est pourchassée jusqu'à la mortification du contrevenant. Quand la décision de première instance est par hasard plutôt tolérante, la cour d'appel rétablit sans tarder le droit arbitraire et illimité des héritiers. Et c'est toujours dans une théorie d'arguments juridiques sophistiqués, qui enchevêtrent sans issue le droit de propriété intellectuelle et les exceptions de courte citation ou de parodie.
Alors que les faits sont généralement simples. Il y a d'un côté les héritiers ou légataires qui vivent d'un patrimoine fini créé par Hergé, terrorisés par l'émiettement de leur trésor, despotes jusqu'à la paranoïa et n'autorisant que les apologies et les citations à la gloire de leur gagne-pain.
De l'autre côté, quelques idolâtres déçus, une fois devenus adultes, d'avoir été abusés par des situations et des sentiments tellement schématiques, comme par les westerns de John Ford avec John Wayne, et qui tentent d'égratigner l'idole. Si on peut leur reprocher parfois un peu de parasitisme, l'accusation a de quoi faire sourire quand elle est plaidée par les ayants droit, qui ne font que profiter d'un héritage providentiel.

Le 9 juillet 2009, l'inénarrable Gordon Zola, écrivain, auteur des parodies impayables des aventures de Saint-Tin et son ami Lou («Le 13 heures réclame le rouge», «L'affaire tourne au sale»...), romans probablement désopilants, avait été condamné pour parasitisme par le tribunal de grande instance d'Évry. Or le 18 février 2011, à la surprise de tous les avocats de la liberté d'expression, la cour d'appel de Paris a tellement rigolé à la lecture des titres des romans incriminés, qu'elle a fusillé la décision de première instance et intégralement disculpé Gordon Zola, pour exception de « parodie évidente ».

Les nostalgiques du reporter à l'éternel pull-over bleu commencent à manquer et les parents ont un peu honte de faire lire à leurs enfants ces histoires vaguement suspectes (même si le cinéma contemporain distille sans retenue la même pensée rudimentaire). L'œuvre d'Hergé survit parce que les souvenirs d'enfance sont persistants, mais si elle demeure dans cet état de momification, le jour viendra où elle ne sera plus rééditée que pour de rares collectionneurs passionnés de la ligne claire. Les héritiers, enfin, n'auront plus rien à ronger.
Au moment où un musée Hergé ouvre à Louvain-la-Neuve, et y embaume Tintin (les chiens sont interdits mais l'actualité y est pleine d'évènements passionnants animés par diverses troupes de scoutisme), cette décision de justice marque peut-être une discrète résurrection du petit personnage inconsistant aux aventures puériles.


Afin de protéger l'auteur de cette chronique des aigreurs de la famille Hergé, de l'opprobre, de la faillite, et peut-être du suicide salvateur, les héros du génial créateur ont été substitués sur cette illustration par des personnages fictifs. On peut néanmoins constater que Tintin est assez souffrant, et peut-être même un peu mort. À ses pieds, son fidèle chien Milou est également mal en point. (Rogier Van der Weyden, Lamentation - 1441, 47 x 32cm, Bruxelles, musée royal des beaux arts).

dimanche 6 février 2011

Les fous du dessin

Depuis quelques années fleurissent sur internet des sites (souvent des blogs américains) qui numérisent à outrance les pulp magazines et les revues de bandes dessinées et noient l'amateur de dessin sous un flot d'images sans fin. On se demande d'ailleurs comment ils se débrouillent avec les inspecteurs des reproductions interdites, particulièrement rapaces aux États-Unis.
« Golden Age Comic Book Stories » est parmi les plus productifs de ces maniaques de l'illustration. Il a fait revivre, depuis plus de deux ans, des milliers de pages qui ne trainaient plus que dans la mémoire de rares nostalgiques.
Et il y a là des génies du dessin, Bernie Wrightson, Virgil Finlay, William-Heat Robinson, Harry Clarke.

Wrightson Bernie (1948-), illustrateur d'horreur (Frankenstein) et auteur de bandes dessinées (notamment de «La chose du marais»)


Finlay Virgil (1914-1971), auteur de couvertures et illustrations de pulp magazines, essentiellement de science-fiction et d'horreur.

Robinson William-Heat (1872-1944), illustrateur anglais connu encore maintenant pour ses machines absurdes et inefficaces.
Illustrations pour
«Le songe d'une nuit d'été» de Shakespeare.


Clarke Harry (1889-1931), créateur de vitraux et illustrateur irlandais renommé.Illustrations (détails) extraites des contes d'Edgar Poe (autre lien avec des scans de qualité de l'intégrale des illustrations).

mercredi 22 juillet 2009

Les plaisirs du dialogue solitaire

L'être humain a toujours éprouvé l'envie de communiquer, c'est un avatar de l'instinct grégaire. Généralement pour ne rien dire et souvent avec n'importe qui, mais le besoin de s'exprimer est là, impérieux. Même par des monologues, comme il a été démontré avec brio dans une récente chronique. Et la quintessence de cette obsession a été récemment remémorée par le site APOD (Astronomy Picture Of the Day) à l'occasion d'un 10ème anniversaire.

En effet, en 1999, de mai à juillet, Yvan Dutil et Stéphane Dumas, chercheurs canadiens lassés des communications scientifiques et des conversations météorologiques entre voisins de palier, émettaient, à partir d'un radio-télescope situé en Ukraine, un message vers des intelligences extra-terrestres. Ils récidiveront en juillet 2003.
En 21 dessins volontairement simplistes et progressifs dans le vocabulaire et la syntaxe, les auteurs ont résumé les grandes découvertes de l'humanité : Pacman, l'autorité de l'homme sur la femme, la tapette à mouches, les œufs sur le plat et la transformation de la planète en excréments. Le message a été amélioré en 2003, notamment l'alphabet, et les dessins regroupés en une longue bande verticale.








Légende des illustrations : À gauche, la page 5 du message, qui retrace l'invention du célèbre jeu électronique Pacman et ses règles de déplacement. Au centre, la page 15 figure un couple d'humains où la femme, légèrement en retrait sourit bêtement, la main sur la hanche dans une pose douteuse. L'homme, sérieux au premier plan, chasse du plat de la main une nuée de mouches qui semblent chuter comme étourdies par ce puissant geste dominateur. À droite, la page 18 montre un œuf sur le plat, trop cuit, vu de haut, et expose les conseils pour ne pas en rater la cuisson. Enfin ci-dessous, les pages 19-20 ne représentent pas une descente de lit en peau de vache mais un planisphère terrestre. Les continents ont la forme d'étrons.


Tant de science, de connaissances, de pattes de mouches soigneusement calligraphiées émerveillent et confondent le profane. Aussi n'est-il pas question de remettre ici en cause le profond contenu scientifique du message ni l'ingéniosité de la démarche sémantique mais d'émettre peut-être un doute sur la rigueur de la méthode.

On notera d'abord que les étoiles visées par l'émission du message (parce que susceptibles d'héberger des planètes similaires à la Terre) sont situées à une distance moyenne de 60 années-lumière de la moindre cabine téléphonique terrienne. C'est avoir une confiance émoussée dans les vertus du dialogue, ou une foi illimitée dans celles de la science, que d'envoyer un message dont on sait que la réponse ne nous parviendra pas avant 120 ans. Et puis, peut-on sérieusement attendre une réaction intelligible d'un mollusque verdâtre inconnu qui marine dans une solution d'acide sulfurique (même peu concentrée) à quelques billions de kilomètres d'ici, alors qu'il est impossible d'en obtenir une d'un ami qui vous doit de l'argent ou d'un quelconque service de réclamations qui se trouve à deux pas ?

On le constate, l'entreprise était dès le départ condamnée à l'échec.

Par ailleurs les distances sont si grandes à notre échelle, et les moyens si dérisoires. Si nous n'avons pas encore reçu de message extra-terrestre irréfutable, ça n'est pas parce qu'ils n'existent pas, mais parce que dans l'épaisseur vertigineuse des milliards d'années qui se sont accumulés, la période pendant laquelle une civilisation est capable, avant d'être détruite, de recevoir et d'émettre des signes intelligibles sous forme d'ondes électromagnétiques ne représente qu'un infime grain de sable.
Si nous ne sommes probablement pas seuls, nous sommes certainement définitivement isolés. Ça n'est pas une raison pour empêcher les chercheurs d'exercer leur sacerdoce, qui est de chercher.

vendredi 7 novembre 2008

Mystère au Louvre...

Qu'est-il arrivé au musée du Louvre, au moins à son site Internet ?
Il nous avait habitués, en matière de reproductions d'images des collections publiques, à la petitesse et la mesquinerie. On croyait depuis longtemps que le musée n'exposait plus que des miniatures persanes peintes par Mantegna ou des timbres de collection gravés par Rubens tant les reproductions en sont microscopiques, les détails chichement éparpillés ou présentés sous une loupe qui masque plus qu'elle ne dévoile. Il suffisait de les comparer aux images opulentes, lumineuses et abondant de détails du site du Rijksmuseum d'Amsterdam, par exemple.

Mantegna, le Christ au jardin des oliviers (Londres national gallery) et Hergé, le sceptre d'Ottokar, page 52 (Copyright Andrea Mantegna & les héritiers d'RG)Et bien ça n'est plus vrai. Ils ont dû réaliser que montrer de belles images pourrait émerveiller le client au point de susciter son désir d'en voir plus, et consoler celui qui ne peut pas se rendre à Paris pour admirer les originaux. Ça n'est peut-être qu'un coup de folie passagère et on est encore loin des somptueuses libéralités du musée hollandais, mais on peut voir actuellement en grands formats d'excellente qualité une trentaine d'œuvres de la rétrospective Mantegna sur le «mini-site de l'exposition». Choisissez la version HTML (pas la version FLASH avec sa loupe étriquée) et vous enrichirez votre collection de luxueux fonds d'écran. Vous découvrirez également que, malgré les affirmations des encyclopédies de la bande dessinée, ce ne sont peut-être pas Hergé et Jacobs qui ont inventé ce style de dessin souple et linéaire appelé la «ligne claire».

Mantegna, la résurrection du Christ (Tours, musée des beaux-arts) et E.P. Jacobs, le secret de l'Espadon, page 23En haut, Mantegna, le Christ au jardin des oliviers (Londres national gallery) et Hergé, le sceptre d'Ottokar, page 52 (Copyright Andrea Mantegna & les héritiers d'RG). Ci-dessus, Mantegna, la résurrection du Christ (Tours, musée des beaux-arts) et E.P. Jacobs, le secret de l'Espadon, page 23. Remarquez les similitudes dans les décors, les couleurs, les personnages et la dramaturgie.