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vendredi 27 janvier 2023

Le Louvre et ses fréquentations

Dans les nombreux recoins rarement visités de l’immense palais du Louvre, les sculptures, quand elles ne se sentent pas observées, se laissent aller à des poses moins héroïques, voire des activités douteuses.

Vous aviez renoncé à retourner au musée du Louvre, à supporter les heures de piétinement dans le froid et les courants d’air, la saturation des salles comme les jours de soldes, voire le refus de vous laisser entrer malgré une réservation et un billet valides, lors de l’exposition Vermeer en 2017. 
Pendant 2 ans, la disparition des touristes étrangers (75% des visites), interdits de voyage par la pandémie, vous avait redonné un peu d’espoir. Mais les affaires ont repris : 7,8 millions de visiteurs en 2022, alors que ceux venant d’Asie (habituellement 13 à 14% du total) sont encore absents, soit un total de 9 millions de visites potentielles, pas loin des records de 2012 à 2014, 2018 et 2019.

La nouvelle présidente du musée a entendu votre réprobation silencieuse. Informée de la dégradation des conditions de visite, de l’insécurité et de l’augmentation du stress des visiteurs, donc du personnel du musée, et sous la pression de quelques grèves internes, elle vient de déclarer, dans des entrevues au Journal des Arts et à France Inter (vidéo 15min.), vouloir mettre en place en 2023 des mesures qui rendront la visite moins déprimante (en réalité, elle dit "… plus agréable")

Elle a donc décidé, en accord avec la tutelle, et afin de respecter "le bon étiage qui est de 8 à 9 millions de visiteurs par an" dit-elle (sait-elle que l’étiage est le plus bas niveau d’un cours d’eau et non une moyenne ou un maximum ?), de prendre les mesures suivantes :

1. Repousser de 18h à 19h la fermeture du musée, et ainsi répartir les visites sur une journée plus longue. 
Aucune date n’est avancée car les négociations avec le personnel restent à faire. Cette mesurette ne devrait pas modifier sensiblement la courbe en cloche du nombre de visiteurs au long de la journée.

2. Ajouter une seconde entrée d’accès au musée, à l’extrémité est, rue du Louvre. 
Aucune date ni année n’est avancée car la proposition est en cours de négociation avec la tutelle et demandera, si elle est validée, de longs travaux.

3. Agrandir la surface du hall Napoléon consacré aux expositions temporaires (actuellement 1350 mètres carrés sous la pyramide)
L’opération demandera au moins 2 ans de travaux. Les expositions temporaires se feront pendant ce temps dans la Grande galerie des peintres italiens réaménagée, qui jouxte la salle de la Joconde. On ne voit pas clairement ce que cette expansion ajoutera au confort du visiteur des collections. Elle permettra surtout d’augmenter le nombre d’hyper-expositions Vermeer ou Léonard, et peut-être, par hasard parfois, il est vrai, d’absorber un peu mieux les flux de ces exhibitions dont le système du billet commun expositions-collections rend toute anticipation impossible.
Le Rijksmuseum d’Amsterdam pense résoudre le problème, pour sa grande rétrospective Vermeer imminente, en vendant un billet spécifique, commun exposition-collections, horodaté, et en obligeant le visiteur à commencer par l'exposition Vermeer à l’heure réservée sans retour possible une fois passée la frontière entre exposition et collections.

4. Limiter les entrées à 30 000 par jour, si possible horodatées
Cette dernière mesure est déjà en place, et sera probablement la seule cette année. La présidente assure, pour prouver le courage d’une telle décision, que le Louvre acceptait jusqu'alors parfois plus de 45 000 visiteurs. Remarquons que si le 30 001ème visiteur quotidien, refoulé, est suffisamment flexible pour déplacer sa visite sur un autre jour, comme il le fait pour les rendez-vous médicaux, on devrait aboutir, le musée étant ouvert environ 310 jours par an, à une répartition annuelle idéale de 9 300 000 visites, pas loin des insupportables records de fréquentation. Mais le touriste, notamment étranger, n’est sans doute pas aussi malléable et étirable qu’un malade.

Comme un médecin, la présidente n'exclut pas les urgences, ces visiteurs qui se présentent spontanément sans avoir prévenu, et elle leur réserve un mystérieux quota quotidien d’entrées disponibles sur place, tout en ayant néanmoins pris la précaution de préciser en gras dans le règlement sur internet que "seule la réservation en ligne garantit l'entrée au musée".  

Finalement, si à l’écrit les intentions de la présidente ont l’air murement réfléchies, on la sent hésitante à l’oral, un peu bafouillante. Par exemple sur la question du billet commun expositions-collections ses arguments sont inconsistants, elle y ajoute même un "pour l’instant…", et un "nous cherchons à améliorer…

Il faut reconnaitre que l’exercice est difficile. La meilleure solution est peut-être celle qui devrait être expérimentée par force pendant les deux ans de travaux du hall Napoléon, c’est à dire l’intégration, l'intercalation des expositions temporaires au milieu des collections permanentes, ajoutée à l’incitation, comme aujourd’hui, à une réservation unique avec horaire d’arrivée, pour répartir à la louche le flux de visites dans la journée. Les touristes qui ne souhaitent pas voir l’exposition n’auraient qu’à éviter les salles qui lui sont consacrées, comme ils en évitent tant d’autres pour se précipiter devant la Joconde et y piétiner joyeusement. Bénéfice collatéral pour le musée, les sacrosaints chiffres de fréquentation des expositions temporaires les plus rébarbatives égaleraient automatiquement les records des expositions populaires sans avoir à mentir, puisque ce seront les chiffres de fréquentation du musée.
Le dispositif n’est peut-être que de circonstance, puisqu’il s’agit d’une opération très spéciale, Naples à Paris, où le musée Capodimonte au cours de sa longue fermeture pour travaux prête 60 de ses plus belles œuvres italiennes. L’expérience, à surveiller, voire à vivre pour voir quelques merveilles, se déroulera du 7 juin 2023 au 8 janvier 2024.


Apostille : les journalistes auraient pu profiter de cette poussée de communication de la présidente du Louvre pour s’informer des suites de l’épopée des fraises de Chardin, qui nous ont laissés sur notre faim depuis leur déclaration comme trésor national en avril 2022. Le malheureux acheteur détroussé, le musée Kimbell, attend toujours son emplette de 27 millions de dollars, au Texas près de Dallas. Peut-être devra-t-il patienter jusqu’en octobre 2024. Pour l’instant la France a cassé sa tirelire et compté ses pièces jaunes, et on imagine, la sébile de l’aumône de 2019 devant les cendres encore fumantes de la cathédrale de Paris ayant largement débordé, qu’une souscription nationale ne sera peut-être pas nécessaire pour que le tableau demeure à Paris.

jeudi 26 mars 2020

Bosch et les extraterrestres

Bosch, Les tentations de saint Antoine, détail (MNAA Lisbonne)

En 1972, la Planète - bon, d’accord, disons les États-Unis d’Amérique - confiait à Linda Salzman la réalisation de l’image que l’Humanité allait envoyer d’elle-même, gravée sur une plaque d’aluminium sur la sonde spatiale Pioneer 10,  à 50 000 kilomètres à l’heure vers Aldébaran, étoile la plus brillante de la constellation du Taureau, un peu à droite d’Orion.

Linda Salzman était la femme du médiatique et regretté Carl Sagan, savant vulgarisateur talentueux et influent, auteur du message codé qui accompagnerait justement le dessin sur la sonde, message critiqué alors parce que certains grands savants de la planète, vexés, n’étaient pas parvenus à le déchiffrer. Il faut admettre qu’il est délicat d’imaginer le niveau d’instruction d’un habitant de la banlieue d’Aldébaran.

Et quand on regarde l’image de l’humanité que Linda avait concoctée pour les extraterrestres, on ne peut se retenir de penser que c’était une erreur, probablement pour sa carrière artistique, mais surtout pour l’avenir de l’humanité.
On y voit deux bestioles en bonne santé, certainement affables, la chose à gauche semble s’exprimer pour les deux, d’un geste accueillant, la chose à droite esquisse un rond-de-jambe qui ne manque pas de grâce.
Mais voilà, pour un extraterrestre itinérant qui est certainement, comme beaucoup sur notre propre planète, sinon affamé, au moins perpétuellement en quête de nourriture, ces deux individus blonds nourris à satiété mériteraient bien un détour.

D’où le danger, en communication comme en science, d’idéaliser, alors qu’il importe d’être réaliste et purement descriptif. Il aurait suffi d’envoyer aux extraterrestres un tableau de Jérôme Bosch, le seul peintre qui ait représenté l’humanité comme elle est, sans fioritures. Ses figurations de l’humain avaient de quoi réfréner les extraterrestres les plus agressifs et les appétits les plus expansionnistes.

À ce propos rappelons aux extraterrestres, même très éloignés de la Terre, et aux Terriens qui sont équipés de l’électricité et d’un abonnement d’accès à l'internet, que quasiment tous les tableaux et dessins de Bosch (et de son « atelier »), sont depuis 2016 - en calendrier terrestre grégorien - en accès libre sur le site définitif du « Projet Bosch », extraordinaire travail d’expertise fait à l’occasion du cinq-centenaire de la mort du peintre. Et encore le mot « définitif » est-il faible, car même quelqu’un d’enfermé plusieurs semaines, jusqu’à plusieurs mois - ce qui ne peut évidemment pas arriver - n’aurait jamais assez de temps pour explorer entièrement, sur ce site à l’interface miraculeuse d’aisance, ce monde de Bosch en gigapixels (14 milliards pour le Jardin des délices, oui, milliards, faites le calcul 156 547 pixels sur 89 116).

Et ce monde est réellement celui que découvriront les extraterrestres. N’écoutez pas les interprétations discordantes sur le sens caché derrière les scènes. Bosch n’avait que notre monde comme modèle et n’a pas peint les métaphores d’un improbable autre monde. Clairvoyant, il a représenté ce qu’il voyait, en regroupant parfois plusieurs espèces sur un seul individu, afin de montrer les phénoménales potentialités de la vie. Sa démarche était pédagogique.

Bulletin de dernière minute : La sonde Pioneer 10 a disparu des écrans de radar terriens depuis 2003. Par chance, les techniciens les plus optimistes pensent, d’après l’encyclopédie Wikipedia, que le dessin de Linda n’atteindra la banlieue d’Aldébaran que dans 2 millions d’années, à peu près.

*** 
Toutes les illustrations de cette chronique sont des détails du triptyque des tentations de saint Antoine, actuellement au musée national d’art antique de Lisbonne (cliquez dessus pour une expérience vraiment extraterrestre !).

dimanche 16 août 2015

La vie des cimetières (64)

Milan cimetière monumental, soldat indisposé vers sect. 9-13, 11.05.2008


À l’occasion des grandes guerres il importe aux nations que leurs représentants en première ligne se sentent soutenus par l’affection conjuguée de leur famille et de leur patrie.

Alors pour faciliter les échanges épistolaires et éviter la déconvenue des lettres censurées qui ne parviendront jamais à leurs destinataires, l’administration des postes a imaginé la carte postale préremplie en franchise militaire.

Carte postale préremplie, 1914-1918


On remarque à la lecture de leur contenu normalisé que l’expression « carte en franchise » est à prendre ici uniquement dans le sens d’une exemption de timbre.

Ainsi peut-on mourir pour son pays en toute sérénité, l’esprit en paix. Une missive prometteuse est en route vers les personnes aimées.


Milan cimetière monumental, soldat mort vers sect. 9-13, 11.05.2008

Milan cimetière monumental, soldat mort vers sect. 9-13, 11.05.2008

lundi 17 novembre 2014

La comète et le grain de sable

Broderie de Bayeux, dernier tiers du 11ème siècle, détail de la scène avec la comète de Halley qui avait été observée en 1066 (photo Myrabella).

Après avoir passé dix années à faire des calculs, des croquis, des tests dans des baignoires, une joyeuse bande de scientifiques européens lançait le 2 mars 2004 un gros jouet télécommandé dans l’espace, une grande machine à laver avec deux ailes immenses. Sur son flanc était accroché un four à microondes cubique à trois pattes. Le tout partait visiter une comète.

Les scientifiques pensaient que cet attirail leur apporterait une réponse ultime sur l’origine de l’eau et de la vie. Car s’ils sourient à la légende d’un dieu qui aurait séparé les eaux d'en bas de celles d'en haut au moyen d’un toit, ils soupçonnent que l’eau et les molécules organiques complexes ne sont pas nées sur terre mais proviennent d’une époque lointaine du système solaire où les planètes subissaient la lapidation effrénée et incessante des comètes et aérolithes de tous genres.

En 2004 déjà, la crise financière forçait à l’économie, et la machine à laver ne pouvant pas embarquer beaucoup d’essence on utiliserait un procédé malin de rebonds gravitationnels qui lui permettrait de gagner de la vitesse à chaque passage près d’une planète. Mais ce trampoline durerait dix ans.
Ainsi en janvier 2014, et après plusieurs années d’hibernation, les deux machines volantes furent réveillées en douceur, et la comète prit lentement devant leurs yeux la forme d'une cacahuète bilobée, chaotique et poussiéreuse.

Et puis tout s’est passé trop vite.
La tension médiatique savamment entretenue depuis quelques mois devait logiquement conduire à un apogée spectaculaire : l’atterrissage du petit four à microondes sur le sol de la comète à la consistance inconnue et son premier regard panoramique sur ce nouveau monde au moyen de caméras subtilement disposées.
C’était compter sans le grain de sable. Ici le grain de sable était le microonde lui-même. Car s’il pesait cent kilos sur terre, la gravité presque nulle de la comète ne lui concédait plus qu’un seul gramme, et le moindre rebond lui serait forcément fatal.
Alors comment est-il allé s’empêtrer après deux rebonds entre des rochers à l’autre bout de la cacahuète ? Par chance ces rochers l’ont probablement retenu de retourner définitivement dans l’espace, et là, coincé, il a pu effectuer une partie de ses expériences de physique et chimie amusantes.
Mais en quelques heures, batterie vide et surtout panneaux solaires à l’ombre, à bout d’énergie, il s’est éteint, parvenant néanmoins à transmettre des résultats dans un dernier souffle.

Sur Terre les communications officielles, rassurantes, insistent sur le succès de cette exploration sans précédent, car les deux engins ont déjà récolté dit-on des wagons de données et la machine à laver poursuivra et espionnera encore la comète jusqu’à ce qu’elle s’évapore au feu du soleil.
Et puis notre petit microonde, qui a déjà effectué bravement une partie de sa mission, pourrait même renaitre si les conditions de luminosité le permettent, dans huit mois, au prochain été sur la comète.

Le 12 novembre, jour de l’atterrissage, un haut responsable de l’opération lançait avec exaltation « Zissiz eu big steppe for ioumanity ! » (c’est un grand pas pour l’Humanité - en langage scientifique).
Nous, on aurait quand même bien aimé contempler le paysage de ce monde inconnu, vu du sol, comme si on y était, rien que pour le spectacle...

L’Humanité vient certainement de réaliser un exploit, de faire un grand pas scientifique en avant, mais elle a maintenant le pied coincé entre deux rochers indéterminés, sur une comète inamicale à 500 millions de kilomètres de la terre, par un froid glacial.

dimanche 9 février 2014

La saga de Ragnar, suite

Les voyages en Scandinavie étant fort couteux, nous ne reprocherons pas à notre illustrateur d'avoir trouvé ce rocher qui ressemble tout de même vaguement à un saumon, près des eaux froides de la Manche à Ploumanach.


Peut-être avez-vous manqué quelques épisodes de la triste saga de Ragnar, le saumon norvégien.
Nous l'avions laissé presque mort, rongé par les poux de mer, miné par le pesticide et fluorescent à force d'ingurgiter les composés chimiques les plus toxiques.
Son sort funèbre avait fait l'objet de scandales et de reportages vexants depuis 2010, d'une chronique ici-même, et de recommandations humiliantes des services publics français en juin 2013.
L'affaire était pliée. Ragnar et ses congénères allaient disparaitre.

Et puis, les fêtes de fin d'année étaient à peine digérées que vous avez vu émerger, dans les vitrines des supermarchés, des plats surgelés de grandes marques, fièrement intitulés « Nouveauté  - Saumon de Norvège » souvent cuisinés d'alléchante manière, à la bordelaise ou aux moules marinières.

C'est que la réhabilitation du saumon de Norvège vous avait probablement échappé.

Car il faut savoir que la chaine de télévision qui avait achevé le pauvre animal par ses reportages assassins (dont un récent en novembre), et qui était certainement en partie responsable de la baisse sensible des ventes de saumon, avait été invitée en Norvège par la filière productrice dans le cadre d'une vaste opération de « relations publiques ».

Et surprise, une semaine avant les agapes de Noël, dans le journal télévisé du 16 décembre à 20 heures, la même chaine qui nous avait abondamment alertés sur les risques de toxicité du saumon norvégien, affirmait que les traces de produits nocifs étaient finalement infimes et que même les femmes enceintes n'en mangeaient pas encore assez.

Ces allégations devant des millions de spectateurs et présentées par un journaliste intègre eurent certainement un effet libérateur dans l'ensemble de la filière et on devait s'attendre à cette renaissance majestueuse du saumon norvégien, dignité reconquise, désormais blanchi.

mercredi 25 juillet 2012

Scepticisme extraterrestre

N'avez vous jamais été saisi par l'impérieux besoin d'envoyer un message aux extraterrestres, histoire de leur donner des nouvelles ? Mais vous avez été arrêtés, comme nous tous, par la prosaïque question des coûts de communication. À ce jeu, on dépasse vite les limites du forfait.
C'est pourquoi la très sérieuse DSCN (Deep Space Communication Network - réseau de communication avec l'espace lointain), société à but certainement philanthropique, propose ses compétences et équipements sophistiqués pour transmettre votre prose.

Et la DSCN connait parfaitement les extraterrestres. Sur son site, vous apprendrez qu'ils savent lire les formats d'image JPEG, le son en MP3, et les vidéos en AVI, WMV, et même en MPEG-1, mais qu'ils n'apprécient guère les propos lubriques ou profanateurs. En fait les extraterrestres craignent tout ce qui peut offenser. On les comprend, ils doivent être submergés de messages persifleurs.
En revanche vous pourrez leur envoyer votre propre recette du bœuf Mironton ou du pigeon en sarcophage, accompagnée de photos des ingrédients. Attention, ces photos devront être prises par vous-même, les extraterrestres sont très sourcilleux sur la question des droits d'auteur.

Mais, direz-vous, qu'est-ce qui me garantit le sérieux de l'entreprise ? Et bien, avec une antenne parabolique de 5 mètres connectée à un klystron redondant à haute puissance pour amplifier le signal, que vous faut-il de plus ? Et l'antenne se trouve en Floride, non loin du Kennedy Space Center, site de lancement des grandes épopées interplanétaires de la NASA ! Notez que tant de technologie vous coûtera cependant 299 dollars (245 euros) pour 5 minutes de transmission.

Enfin pour briller en société vous pourrez afficher sur la cimaise de votre salon le certificat fourni gracieusement par la DSCN et garantissant qu'on peut facilement vous soutirer une somme rondelette en vous faisant avaler n'importe quelle imbécilité.

Atterrissage d'un vaisseau de la planète Klystron aux abords du bois de Boulogne, à Paris porte de Passy en février 2008.

Alors pour éviter d'être surpris en flagrant délit de crédulité, adoptez dès aujourd'hui l'attitude sceptique, et systématiquement doutez. De nombreux sites existent pour vous y aider, dont voici quelques-uns : les archives du défunt Cercle zététique, l'Association française pour l'Information Scientifique (AFIS), l'Observatoire Zététique, la Documentation Zététique, Tatoufaux le tombeau des idées reçues, Hoaxbuster ou les canulars du Web, Scepticisme Scientifique et son podcast,  et le jeune Cortex.
Et comme il advient qu'emportés par leur enthousiasme ces sites pratiquent des façons un peu expéditives et ne respectent pas toujours la rigueur méthodologique qu'ils professent, il convient de fréquenter également des sites comme Pseudo-Scepticisme qui exercent leur propre scepticisme sur les méthodes des sites sceptiques. Vous serez alors pris d'un vertige. Avec l'impression d'être de retour à votre point de départ, vous vous demanderez si douter du doute ne revient pas, finalement, à croire. Vous serez devenu une question ambulante, un ectoplasme en forme de point d'interrogation, presque une ombre.

dimanche 2 janvier 2011

Ga.. Bu.. bip.. bip.. Zo.. Meu...

Le métier de chercheur est généralement ingrat. Et plus encore pour les chercheurs d'intelligences extra-terrestres. Ils sont la risée de leurs camarades scientifiques et font l'objet de blessants quolibets, comme par ce sénateur américain, lors d'un vote pour reconduire le budget du projet SETI de détection de signaux artificiels, qui se serait exclamé « Avant de chercher des intelligences extra-terrestres, essayons déjà d'en trouver dans notre assemblée ! ».

On les moque comme on le ferait de croyants adeptes d'une quelconque religion monothéiste, alors qu'ils ont pour eux la faveur des probabilités. En effet si les dieux ont toutes les chances de n'être que les lubies de personnalités psychotiques (les preuves sérieuses de leur existence étant actuellement égales à zéro), les statistiques les plus pessimistes admettent qu'il existe au moins un exemplaire d'organisation de la matière ayant conduit à des êtres évolués. La preuve se trouverait actuellement sur la Terre. L'idée ne relève donc plus de la croyance. Il est vrai qu'à la vitesse où les civilisations modernes se détruisent sur Terre, la seule preuve irréfutable risque de devenir bientôt très discutable.

Et bien ces chercheurs qu'on a si longtemps plaisantés pourront désormais marcher tête haute et le regard droit, car des signaux d'intelligence extra-terrestre auraient été captés. C'est du moins le gros titre du numéro de janvier (le 488ème) de la revue « Ciel & Espace ». Il s'agit bien sûr de la revue éditée par l'AFA, l'irréprochable Association Française d'Astronomie reconnue d'utilité publique, et pas de n'importe quelle publication de vulgarisation scientifique dont les gros titres toujours alléchants nous font croire que les virus du sida, de la faim dans le monde ou des années bissextiles ont été vaincus.

On pensait donc que tous les programmes d'écoute du cosmos qui se sont succédés depuis 50 ans étaient restés infructueux, conformément aux principes Rouxeliens de la logique Shadok « C'est en essayant continuellement qu'on finit par réussir, ou en d'autres termes, plus ça rate, et plus ça a de chances que ça marche ». Balivernes, car « Des signaux extraterrestres auraient été captés ». Et c'est le créateur de ces programmes, Francis Drake, spécialiste reconnu, auteur de la célèbre équation d'estimation du nombre de civilisations extra-terrestres dans la galaxie, qui le déclarerait dans un entretien exclusif.
Certes le public avale couramment des informations plus incroyables encore, ne serait-ce que les truismes des horoscopes ou les promesses des politiciens, mais si la déclaration de Francis Drake est confirmée et prouvée, la chose est d'importance et méritait bien un gros titre.
Imaginez l'enrichissement des discussions de palier. Figurez-vous la régénération des conversations de comptoir.

Alors, Francis Drake a-t-il réellement identifié des signaux extra-terrestres ?
Bien entendu, nous ne dévoilerons pas ici le contenu de l'article, afin de ne pas porter préjudice à une revue immémoriale qui, rappelons-le, contrairement à Ce Glob est Plat, existait déjà au millénaire précédent.

Ci-dessus, le message extra-terrestre capté par Francis Drake grâce à l'immense radiotélescope d'Arecibo. Malgré la puissance des super-calculateurs utilisés pour le déchiffrer et tournant sous Windows 98, son sens n'est pas encore élucidé, mais le rythme si particulier de ses symboles exclurait, d'après les philologues, toute intervention du hasard ou de la nature.

lundi 22 novembre 2010

Une obsession exorbitante


Il est juste que la pornographie enfantine soit montrée du doigt, pourchassée, et qu'il soit devenu complexe pour l'amateur de se procurer ces images immorales.
Aussi faut-il saluer le courage des responsables du musée du Louvre, son Président en tête, qui dévoilent aujourd'hui au public leurs penchants coupables pour un petit tableau sur bois de Lucas Cranach, représentant trois jeune filles à la nudité offerte, aux seins naissants et au pubis à peine ombré. Observons l'enthousiasme gourmand qu'ils mettent à louer l'image, à en évoquer la grâce et la sensualité.

Le vendeur en demande quatre millions d'euros (4500 euros par centimètre carré). Et comme il serait incorrect, pour satisfaire cette onéreuse toquade, de trop puiser dans les immenses richesses du Louvre qui sont le fruit de l'impôt (et d'une gestion énergique), son Président et le Directeur des peintures sollicitent la générosité des donateurs privés, par le truchement d'un site luxueux et raffiné destiné à les séduire et récolter ainsi les subsides providentiels.
Et ils sont prêts à tout pour retenir en France ce chef d'œuvre de la peinture allemande, jusqu'à prétendre que le musée est actuellement pauvre en Cranach, alors qu'il en possède sept dont au moins deux merveilles (le portrait présumé de Magdalena Luther et la Vénus debout dans un paysage, tellement proche de la jeune fille au centre du trio convoité qu'elle en arbore la même attitude, le même vêtement et le même chapeau de velours rouge). En outre ils insinuent qu'on pourrait ne plus jamais le revoir, s'il n'entrait pas maintenant dans les collections du Louvre. C'est dire la mesure de l'obsession qui les ronge.

En attendant, le Louvre ne nous avait jamais gratifié d'une aussi belle reproduction, trois fois plus grande que les dimensions du tableau original.

Actualité du 17.12.2010 : Un mois aura suffi pour que cinq mille donateurs abandonnent un million d'euros. Le tableau finira donc fatalement dans une vitrine du musée du Louvre.

mercredi 22 juillet 2009

Les plaisirs du dialogue solitaire

L'être humain a toujours éprouvé l'envie de communiquer, c'est un avatar de l'instinct grégaire. Généralement pour ne rien dire et souvent avec n'importe qui, mais le besoin de s'exprimer est là, impérieux. Même par des monologues, comme il a été démontré avec brio dans une récente chronique. Et la quintessence de cette obsession a été récemment remémorée par le site APOD (Astronomy Picture Of the Day) à l'occasion d'un 10ème anniversaire.

En effet, en 1999, de mai à juillet, Yvan Dutil et Stéphane Dumas, chercheurs canadiens lassés des communications scientifiques et des conversations météorologiques entre voisins de palier, émettaient, à partir d'un radio-télescope situé en Ukraine, un message vers des intelligences extra-terrestres. Ils récidiveront en juillet 2003.
En 21 dessins volontairement simplistes et progressifs dans le vocabulaire et la syntaxe, les auteurs ont résumé les grandes découvertes de l'humanité : Pacman, l'autorité de l'homme sur la femme, la tapette à mouches, les œufs sur le plat et la transformation de la planète en excréments. Le message a été amélioré en 2003, notamment l'alphabet, et les dessins regroupés en une longue bande verticale.








Légende des illustrations : À gauche, la page 5 du message, qui retrace l'invention du célèbre jeu électronique Pacman et ses règles de déplacement. Au centre, la page 15 figure un couple d'humains où la femme, légèrement en retrait sourit bêtement, la main sur la hanche dans une pose douteuse. L'homme, sérieux au premier plan, chasse du plat de la main une nuée de mouches qui semblent chuter comme étourdies par ce puissant geste dominateur. À droite, la page 18 montre un œuf sur le plat, trop cuit, vu de haut, et expose les conseils pour ne pas en rater la cuisson. Enfin ci-dessous, les pages 19-20 ne représentent pas une descente de lit en peau de vache mais un planisphère terrestre. Les continents ont la forme d'étrons.


Tant de science, de connaissances, de pattes de mouches soigneusement calligraphiées émerveillent et confondent le profane. Aussi n'est-il pas question de remettre ici en cause le profond contenu scientifique du message ni l'ingéniosité de la démarche sémantique mais d'émettre peut-être un doute sur la rigueur de la méthode.

On notera d'abord que les étoiles visées par l'émission du message (parce que susceptibles d'héberger des planètes similaires à la Terre) sont situées à une distance moyenne de 60 années-lumière de la moindre cabine téléphonique terrienne. C'est avoir une confiance émoussée dans les vertus du dialogue, ou une foi illimitée dans celles de la science, que d'envoyer un message dont on sait que la réponse ne nous parviendra pas avant 120 ans. Et puis, peut-on sérieusement attendre une réaction intelligible d'un mollusque verdâtre inconnu qui marine dans une solution d'acide sulfurique (même peu concentrée) à quelques billions de kilomètres d'ici, alors qu'il est impossible d'en obtenir une d'un ami qui vous doit de l'argent ou d'un quelconque service de réclamations qui se trouve à deux pas ?

On le constate, l'entreprise était dès le départ condamnée à l'échec.

Par ailleurs les distances sont si grandes à notre échelle, et les moyens si dérisoires. Si nous n'avons pas encore reçu de message extra-terrestre irréfutable, ça n'est pas parce qu'ils n'existent pas, mais parce que dans l'épaisseur vertigineuse des milliards d'années qui se sont accumulés, la période pendant laquelle une civilisation est capable, avant d'être détruite, de recevoir et d'émettre des signes intelligibles sous forme d'ondes électromagnétiques ne représente qu'un infime grain de sable.
Si nous ne sommes probablement pas seuls, nous sommes certainement définitivement isolés. Ça n'est pas une raison pour empêcher les chercheurs d'exercer leur sacerdoce, qui est de chercher.

dimanche 14 janvier 2007

2001 pour les nuls

On s'est tous longtemps demandé comment le "héros" de 2001, vieilli, alité et mourant, faisait pour communiquer avec la sentinelle parallélépipèdoïde extra-terrestre, le monolithe noir, à la fin du film de Stanley Kubrick. Cette photo prise sous un angle inédit nous le dévoile enfin. Il leur suffisait d'un simple bout de craie blanche, comme dans toute famille un peu organisée.

Ce message minable n'a été posté que pour faire patienter mes trois lecteurs. Je prépare une chronique géante sur un personnage tellement illustre que je ne peux m'autoriser la moindre imprécision et qui me prendra encore quelque temps.