dimanche 14 février 2016

Le calvaire du musée de Gand

Jérôme Bosch, le portement de croix, huile sur panneau c.1516, Gand Musée des beaux-arts.


Quand, en vue de fêter dignement l’anniversaire de sa mort, une bande d’experts internationaux s’agglutine pendant 6 ans autour des rares tableaux d’un peintre disparu depuis 5 siècles, on peut s’attendre à tous les débordements. Car tant de dépenses et d’expertise ne peuvent être engagées pour rien et produiront nécessairement des découvertes.

Comme pour Rembrandt en son temps, c’est aujourd’hui le tour de Jérôme Bosch, le peintre des délires et des chimères, l'inspirateur des surréalistes et de leurs collages incongrus quatre siècles plus tard.
Mort en 1516, une rétrospective de 71% de ses œuvres présumées originales sera présentée du 13 février au 8 mai, à Bois-le-Duc (Den Bosch) en Hollande où il naquit et mourut.
Puis 75% seront exposés du 31 mai au 11 septembre à Madrid où il ne mit jamais les pieds de toute sa vie pantouflarde.
L’écart de 4% représente le prodigieux et célébrissime « Jardin des délices » qui ne bougera pas du musée du Prado.

La bande d’experts réunie pour l’occasion s’est appelée BRCP (Bosch Research and Conservation Project).
Bien entendu, elle a attribué à la main de Bosch quelques œuvres qu’on disait jusqu’alors de son entourage, et inversement détrôné deux ou trois tableaux, dont un, que les experts du monde entier désignaient comme « la plus impressionnante et peut-être la dernière des œuvres authentiques incontestées de Bosch » (Bosch Tout l’œuvre peint, Rizzoli 1966). Ce tableau destitué c’est le « Portement de croix » du musée des beaux-arts de Gand en Belgique.
On dit que l’attribution de cette composition hallucinante jusqu’alors regardée comme l'égale du Jardin des délices dans l’œuvre de Bosch était depuis quelques temps discutée.

Les experts, qui ont « utilisé les techniques les plus récentes », estiment avec une grande précision que le panneau a été peint dans l’entourage ou l’atelier de Bosch, mais vers 1520, soit 4 ans après sa mort.
Cependant l’affaire n’est pas encore totalement jugée. Le musée de Gand, mortifié, soutient que l’examen du tableau n’est pas terminé et que la publication des conclusions du BRCP est prématurée, et que de toute manière ça reste quand même un chef d’œuvre, na !

Il restera à découvrir qui, dans l’entourage contemporain de Bosch dont on ne sait rien, aurait pu peindre un des plus beaux chefs d'œuvre de Jérôme Bosch. Comme c’est un tableau unique et qui n’a pas d’équivalent dans la peinture de l’époque, on pourra toujours, en l’absence de preuve objective, en dire n’importe quoi.

Entourage de Jérôme Bosch, le portement de croix (détail), huile sur panneau c.1520, Gand Musée des beaux-arts. (Photo JFP)

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