samedi 30 janvier 2016

La maladie de l'immortalité

Le prophète de LA civilisation, le résistant contre l’anti-France, l’expert en idées générales et en opinions sur tout, bref, pour le spectateur du journal télévisé, l’archétype du philosophe français a fait jeudi la lecture de son discours protocolaire de réception solennelle à l’Académie française, devant le Premier pitre du gouvernement et un parterre de momies.

Il est ainsi devenu gardien de la langue française, Immortel parmi les Immortels, seizième postérieur à occuper le fauteuil numéro 21 de l'auguste institution.
En fait parmi les 731 fessiers qui ont pensé sur les fauteuils de l’Académie française depuis 1634, bien peu ont survécu, même dans les mémoires. Citons cependant Honorat de Porchères Laugier, Népomucène Lemercier, Hardouin de Péréfixe, Désiré Nizard ou Esprit Fléchier.

Enfin reconnaissons dans le discours de remerciement du 731ème un maniement maitrisé de la langue française et célébrons cet évènement en citant une des sentences les plus visionnaires de son auteur, du 18 décembre 2009, afin de l’immortaliser plus encore, si la chose était concevable.

« Internet, cette poubelle, ce lieu d'anarchie est en train de contaminer les médias traditionnels civilisés » Alain Finkielkraut.


 




Illiers-Combray en Eure-et-Loir, devant la maison de la tante de Marcel Proust. On notera sur la pancarte les accents sur les majuscules qui non seulement facilitent la lecture et la compréhension du texte mais sont défendus avec conviction par l’Académie française, Académie qui n’aura pourtant jamais intronisé Proust.

jeudi 21 janvier 2016

Histoire sans paroles (20)

Le Parc des sources est un vaste espace fait d’allées arborées qui relient les établissements de bains et de loisirs du site thermal de la ville de Vichy
C’est un parc au décor suranné, figé dans les années 1900. 
On peut y lire sur des panneaux « Vous êtes les bienvenus dans le Parc des Sources. Ce parc est un lieu privé dont nous vous autorisons l'accès. Cependant nous vous informons que sa fréquentation est placée sous votre entière responsabilité ». 
Car la concession du domaine thermal accordée par l’État à une société privée (aujourd’hui la Compagnie de Vichy, anciennement Compagnie fermière) comprend les sources, les hôtels, mais aussi le parc, son entretien et ses servitudes. 
Or le parc, avec ses essences communes, ses kiosques démodés, libre d’accès et gratuit, n’est pas rentable.

mardi 12 janvier 2016

Le monument des monuments (2 de 2)

Musée des monuments français, Paris palais de Chaillot, place du Trocadéro.

Parmi les spectres du Musée des monuments français, le squelette de Ligier Richier, le jugement dernier du portail de Sainte-Foy de Conques...
 


samedi 9 janvier 2016

Le monument des monuments (1 de 2)

Musée des monuments français, Paris palais de Chaillot.

Aux pieds de la tour Eiffel, au cœur du décor le plus prestigieux de Paris piétiné chaque jour par une vingtaine de milliers de touristes et quelques militaires surarmés justifiés par « l’état d’urgence », il existe un lieu absolument désert et silencieux, vaste comme plusieurs cathédrales, où l’on n'entend que l’écho de ses propres pas et le chuchotement des gardiens qui passent la journée, tant ils s’y ennuient, à téléphoner à voix basse dans des langues lointaines.

Imaginée par Viollet-le-Duc en 1879 comme une arche de Noë de l’architecture, l’immense nef s’est emplie en une vingtaine d’années de moulages de plâtre grandeur nature des plus beaux portails, tympans, linteaux, piliers, chapiteaux, et statues des monuments de France, Moissac, Vézelay, Autun, Strasbourg

Au fil des années le Musée des monuments français s’est enrichi d’un dédale de fausses voutes romanes décorées par des vestiges de peintures murales.
Il a vécu un incendie le 22 juillet 1997, une fermeture pour travaux qui menaçait d’être définitive vu le taux de fréquentation du public, enfin une réouverture en 2007, augmenté d’une galerie consacrée à l’architecture moderne, et honoré du titre de « Cité de l’architecture et du patrimoine ».

Mais sous la douce lumière zénithale du Paris d’aujourd’hui on y déambule toujours comme dans un autre siècle. Le brouhaha s’est tu. Les diables et les saints sont si vieux que la patine a fini par les faire ressembler aux œuvres qu’ils imitent, et paradoxalement, protégées des intempéries, les copies sont devenues plus authentiques que les originaux rongés par l’humidité, la pollution et les aléas.

Touriste, continue d'éviter soigneusement l’endroit, pour que soit possible longtemps encore cette promenade intemporelle.