dimanche 31 décembre 2006

Comment va le monde?

Ce soir, à minuit, par la fenêtre de ma cuisine, le ciel sera très exactement celui de l'illustration. Toutes les étoiles y seront. Avec leur vraie couleur, leur lettre grecque, leur magnitude, et un tas d'autres qualités absolument scientifiques. Orion, le Taureau, la Lune frôlant les Pléiades, en bas Sirius, tout y sera, et dans le même ordre. Mais comment sait-il tout cela à l'avance vous exclamerez-vous? Simple. Au lieu de gober tous les jours les informations télévisées, je regarde comment va le monde sur Stellarium*. Et comme les lois de la mécanique céleste sont relativement immuables, Stellarium, à chaque consultation, me confirme le dérisoire de ma situation et l'immensité du ciel. Ça me rassure.

  Stellarium est le projet d'un talentueux amateur de Beaujolais aidé d'une très savante équipe. Son idée, réaliser un planétarium qui montrerait un ciel parfaitement réaliste. Pourquoi boire du Beaujolais, sinon pour que la vie imaginée devienne plus belle que la vraie vie. L'objectif est atteint. Le résultat est tellement réaliste, et simple à utiliser, qu'on a l'impression, quand on le démarre, d'ouvrir une fenêtre devant soi. Modérons un peu cette exaltation ; il ne me signale pas que ce soir, si j'ouvre la fenêtre réelle, j'apercevrais à peine l'arbre du voisin derrière l'épaisseur du brouillard hivernal. Dans ce domaine le réalisme a encore certaines limites. C'est bien ainsi. Ce soir j'observerai sur mon écran une nuit plus belle que la vraie nuit.
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* Stellarium est un logiciel libre. Il existe pour les principaux systèmes, Linux, Mac OSX, et, s'il a encore des utilisateurs, même pour Windows.

samedi 30 décembre 2006

Dans le vieux parc...

Dès que je fouille dans mes photographies de Versailles et que je tombe sur ces deux statues muettes perdues aux confins du parc, je ne peux m'empêcher de penser à cet obsédant poème de Verlaine dans les Fêtes galantes : Colloque sentimental. Alors aujourd'hui je les ai associés. Peut-être qu'ils ne s'accordent pas vraiment bien, que c'est une idée fixe trop personnelle... On verra bien. Cliquez sur l'illustration pour lire le poème.

Misons sur la Grande peinture!

Le Louvre a bien raison de miser sur Rubens et de lui consacrer cette immense galerie rutilante à la gloire d'une grosse reine de France. Ce ne sont pas les asperges ni les nèfles qui attirent les euros du badaud, mais bien les anecdotes prétendument historiques et si possible allégoriques*, peintes au mètre carré, ou plutôt au mètre cube d'ors, de dégoulinantes soieries, et de viande humaine boursouflée. C'est un bon calcul. Adriaen Coorte peignait des fraises, des groseilles, des asperges, des nèfles, sur un coin de table en pierre, où venait quelquefois se figer un papillon égaré. On ne sait rien de lui, sinon qu'il vivait aux Pays-Bas entre 1680 et 1710. Ses tableaux sont petits, sa lumière précise, sa matière nacrée.

  Le Louvre possède deux tableaux représentant quelques coquillages, sur le même coin de pierre. Ils surgissent de l'ombre, dans une lumière chirurgicale qui leur attribue une réalité presque surnaturelle. Depuis des années, chacune de mes visites au Louvre est ponctuée d'une pause devant ces deux joyaux exposés en pleine lumière naturelle. Ils révèlent la féerie qui pare souvent la matière la plus quotidienne.

  Mais le Louvre a calculé que les coquillages ne rapportaient pas, au poids probablement. Il les a relégués dans une vitrine à l'angle d'un couloir lugubre, éclairés de deux petites lumières indigentes, dont l'une est en panne. On ne distingue plus la subtilité des coloris ni ces fins détails qui leur conféraient une telle présence. Qu'importe. À quelques mètres de là, sur les murs de la galerie de Médicis, resplendissent l'Histoire de France et ses trésors ruisselant d'étoffes enflées, de bijoux et de nacres.
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* J'aime les consonances du mot allégorique. Il m'évoque une sorte de maladie où le corps exprimerait sans retenue toute sa bile, ses humeurs et ses viscères.

vendredi 29 décembre 2006

Les célèbres sculptures de Florence

Il y a, piazza Mentana à Florence, tout près du centre historique, la statue d'un soldat défendant avec héroïsme un confrère déjà mort. Il ne protège plus que quelques places de parking.
Le touriste pressé d'aller s'extasier devant le simiesque David de Michel-Ange ou la joyeuse décapitation sanglante de Cellini, qui se trouvent à deux pas, ne s'y arrête que pour lui tourner le dos et photographier l'éternel cliché du vieux pont sur l'Arno.

On comprend que ce dédain touristique lui ait fait perdre la tête et qu'il pointe son arme un peu au hasard dans les vitres du voisinage, sur les pigeons de passage ou sur les panneaux de stationnement.

Ce Glob Est Plat est aussi le pourfendeur de l'injustice sous toutes ses formes. Il veut ici redresser l'inconsciente partialité qui pousse les guides touristiques à n'afficher que des artistes déjà célèbres.
J'ai malheureusement oublié le nom du sculpteur de ce mémorable monument.

jeudi 28 décembre 2006

Chose passée : Winslow Homer

À quand remonte la première fois où j'ai vu une peinture de Homer?
Peut-être à la fin des années 1970, au Louvre. "Un soir d'été". Deux femmes dansent devant la mer, les silhouettes des spectateurs se mélangent aux vagues. Peut-on imaginer un tableau plus magique?

Puis j'oubliais Homer. Internet n'existait pas, il était difficile de trouver de bonnes reproductions.

Au printemps 1984, les États-Unis exposaient à Paris, au Grand Palais, 110 chefs-d'œuvre de la peinture américaine. On savait que des peintres américains avaient réalisé quelques belles toiles, reproduites à l'infini dans d'édifiantes histoires de l'art, mais on n'avait jamais pensé que Heade, Lane, Sargent, Eakins étaient aussi "grands" que les plus "grands" européens (Ce Glob Est Plat consacrera un jour une chronique à chacun d'eux).
Parmi ces merveilles, quelques Homer, le "soir d'été", et un grand tableau, bouleversant, peut-être par la pureté plastique de ses lignes, par je ne sais quoi... un renard dans la neige.

À l'automne dernier, le musée américain de Giverny exposait une cinquantaine d'œuvres sur le thème "Homer poète des flots". On connaît mieux Homer qu'en 1984, abondamment reproduit depuis sur la Toile (omniprésence américaine oblige). Mais les représentations de la mer agitée sur la côte Est des États-Unis sont parmi les plus belles œuvres de la fin de sa vie.
Après de nombreux atermoiements, un vendredi pluvieux d'octobre, je suis à Giverny, deux jours avant la fin de l'exposition.

Et de loin, parmi les huiles et les aquarelles marines, je l'aperçois. Il est là, comme il y a plus de 20 ans, dans la neige, menacé par les mêmes corbeaux.
À quoi tient la magie d'une image?
À la magie d'un instant?

Au fond de la scène, une tâche bleue. Ça doit être la mer, le thème de l'exposition. Sinon, le musée de Philadelphie se serait-il privé cinq mois d'une tel enchantement?
Il est maintenant en Amérique ; le "soir d'été" est toujours à Paris, au musée d'Orsay.

mercredi 27 décembre 2006

La réalité des peintres de la réalité

Hiver 1934-1935, les parisiens découvrent Georges de La Tour. L'exposition "les peintres de la réalité en France au 17ème siècle" présente à l'Orangerie, pour la première fois regroupées, 13 de ses peintures.
Été 1972, l'Orangerie, à nouveau, expose cette fois 61 tableaux de La Tour, première rétrospective de l'œuvre. Hiver 1997-1998, le Grand Palais expose 64 tableaux, quasiment tout ce qu'on a jusqu'à présent retrouvé du peintre. Après 22 visites, quelquefois avec un nuancier Pantone à la main, on commence à mesurer toute l'immensité représentée dans cet espace pourtant si confiné, sombre et sans espoir. Hiver 2006-2007, l'Orangerie, encore, rejoue la version paraît-il intégrale de l'exposition de 1934. C'est l'occasion de retrouver groupés les 11 tableaux reproduits sur l'illustration. Mais sont-ils tous exposés? Combien sont réellement à l'Orangerie? Encore un mystère mystérieux qui ne sera résolu que par la téméraire visite de l'exposition (elle ferme début mars 2007) ou par l'acquisition de son onéreux catalogue. Ce Glob Est Plat informera ses lecteurs haletants du résultat de cette époustouflante enquête numérique, car informer sur les choses réellement importantes est sa vocation.

La face cachée d'Arsinoe


C'est Arsinoë 2, ou Isis, ou Aphrodite, sculptée il y a 2300 ans et découverte au fond de l'eau près d'Alexandrie, en Égypte. Vous pouvez la voir à Paris, au Grand Palais, jusqu'à début mars 2007. Je n'ai pas trouvé de cliché (dans la presse ou sur la Toile) dévoilant, même légèrement, son noir séant de basalte. Une photo prise au grand palais laisse supposer qu'on ne peut pas faire le tour de la sculpture. C'est regrettable! Elle est sans doute callipyge. Ce Glob Est Plat vous tiendra évidemment informés s'il parvient à obtenir une image de cette face cachée...