jeudi 26 février 2009

La vie des cimetières (19)

Le petit cimetière de Grand' Anse, sur l'ile de Praslin aux Seychelles.

jeudi 19 février 2009

La raiforme de l'ortografe

Dans les sous-sols du palais du CNIT, à La Défense, on n'apprend l'alphabet que jusqu'à la lettre DManet a peint un piquenique empreint d'ambigüité, Monet des amoncèlements de nénufars, Gauguin les iles, et Van Gogh des potpourris d'ognons bien murs, de cèleris et de giroles. Bosch a peint un charriot de foin, Vermeer une dentelière, Harnett un révolver pas complètement règlementaire, Samuel Van Hoogstraten des enfilades de pièces dont chacune doit sans doute recéler pêlemêle un porteclé, un tirebouchon, une serpillère, un faitout voire un curedent. Goya a certainement imaginé une chauvesouris et un millepatte dansant une valse douçâtre devant un parterre de cent-dix-sept sconses, sous les notes suraigües de quelques jazzmans atteints d'exéma, ou d'autres scénarios aussi infernaux où l'abime côtoie la voute étoilée. Ces peintres ont libéré leurs fantasmes, leurs tocades, les ont laissé faire et ont ainsi créé cette pagaille d'artéfacts qui hante désormais notre imaginaire.

Arrêtons-là cette énumération de quincailler et dont vous soupçonnez surement l'apriori : c'était une espèce de gageüre, enchainer un grand nombre d'embuches du français en respectant les prescriptions de la «rectification» de l'orthographe de 1990.

Si, pris d'un doute abyssal, vous avez demandé au hautparleur de votre ordinateur de sonner chaque faute d'orthographe de ce mémento (dont on conçoit que la sècheresse ne vous plait guère), il est probable qu'il n'aura pas cessé de sonner indument. C'est que vous ne l'avez pas autorisé à tenir compte de cette évolution de l'orthographe. Certains correcteurs le permettent.

Depuis bientôt vingt ans ces rectifications ont peu subi le véto des médias ou la piqure des boutentrains des chaines de télévision, et si elles n'ont pas atteint les maximums de protestation ou de haine qu'on aurait pu prévoir, c'est parce qu'elles sont des recommandations, certes appuyées, mais autorisant l'alternative. Et si la dictée de votre enfant est sanctionnée pour avoir employé l'une des deux orthographes admises, vous pouvez être surs de votre droit et assoir votre protestation sur un texte officiel dument estampillé.

Sauf erreur cette chronique contient allègrement 60 mots dont l'orthographe a été modifiée en 1990. Regrettons de ne pas avoir pu y placer «diésel, ponch, placébo ou relai».
Vous trouverez derrière l'icône ci-contre le corrigé de l'exercice. Après cela les plus inconscients s'aventureront sous ce lien et y dénicheront plus de 1300 mots rectifiés supplémentaires, parait-il.

samedi 14 février 2009

La vie des cimetières (18)

Cimetière américain de Suresnes, sur le Mont Valérien.
Le terrain a été concédé à perpétuité aux États-Unis en 1919.

On dit que le rêve de tout Américain est d'être cosmonaute (1), et que le rêve de substitution, en cas d'encombrement dans les navettes spatiales, est d'être gardien de la Tombe des inconnus (2).
Être gardien de cette Tombe, c'est, après des années d'épreuves insoutenables (dont l'apprentissage par cœur d'un quizz de cent questions), être un jour admis au sein d'une élite qui passe sa vie en habit d'apparat à se dandiner devant un cube de pierre blanche dans lequel sont conservés quelques restes non identifiés de soldats peut-être américains.

Ça se passe au cimetière national d'Arlington près de Washington, selon un cérémonial inchangé depuis 1937. 24 heures par jour, un soldat exécute 21 pas devant la Tombe avec la démarche d'une danseuse qui aurait la colique, s'arrête pendant 21 secondes, puis fait 21 pas dans l'autre sens, agrémentés de quelques gestes équivoques pratiqués avec son fusil rutilant. Il est régulièrement relevé par un clone qui accomplit alors le même rituel. Et ainsi de suite.
Peut-on imaginer métier plus exaltant ? Surveiller pour l'éternité des reliefs de chair à canon (3).

Et si toutes ces solennités patriotiques ne suscitent pas l'envie de se faire tuer pour une idée, un dieu ou une ressource naturelle, c'est à désespérer de la nature humaine. Mais prévenons les postulants, le métier de chair à canon anonyme est sérieusement menacé par les progrès de l'identification par l'ADN. On dit même qu'il n'y aurait plus de soldat inconnu (au moins occidental) depuis les années 1980.

(1) On devrait différencier les astronautes américains, les cosmonautes russes, les taïkonautes chinois et les spationautes français, mais ces distinctions sont idiotes et cocardières. Ils ont toujours fait le même métier, et parfois dans les mêmes engins.
Un extrait du discours de Princhard dans le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline(2) Si on croit l'article très sérieux de Wikipedia sur ce métier convoité.
(3) L'expression rappelle les «saucissons de bataille» du discours visionnaire de Princhard dans le «Voyage au bout de la nuit» de Céline.


***
Pour les oreilles : dans le chef d'œuvre de Michael Cimino, «Voyage au bout de l'enfer» (the deer hunter), avant de partir pour la guerre du Vietnam où leurs vies vont être détruites, les principaux personnages du film font une fête qui s'achève par la mélodie mélancolique d'une mazurka de Frédéric Chopin, jouée sur un piano incertain. C'est la mazurka opus 17 n°4, une des plus jolies parmi les presque 60, souvent ennuyeuses, composées par Chopin.

dimanche 8 février 2009

Nuages (14)

18h20, ne rien faire...

18h50, regarder passer un nuage...

***
Pour les oreilles : Le 28 avril 1937 le saxophoniste ténor Coleman Hawkins enregistrait à Paris, avec son «All-star jam band», une version époustouflante de «Out Of Nowhere» (1). Il y avait ce jour-là Benny Carter à la trompette, Django Reinhardt à la guitare, Stéphane Grappelly au piano.
On ressent déjà l'ambiance presque funèbre qu'on retrouvera dans sa célèbre version de «Body And Soul» (2) enregistrée à New-York le 11 octobre 1939.

(1) Cliquer sur le petit triangle bleu à gauche du dernier titre
(2) Cliquer sur le petit triangle bleu à gauche du 4ème titre

mercredi 4 février 2009

Zapping 2008, tout est dit

Il n'y a qu'un film essentiel en 2008, c'est le «zapping de l'année», réalisé pour la chaîne Canal+ par Patrick Menais. On peut en voir ici les 50 premières minutes, et ici les 3 heures suivantes.
Tout y est : les fautes de français d'un Président sorti directement de la troupe des Deschiens, la concentration de l'argent et des pouvoirs, les abominables émissions de télé-réalité, les humains dans leur splendeur et leur misérable agitation épileptique, la bêtise, l'envie et le malheur. Et enfin la planète qui s'en fout, qui va lentement balayer toutes les espèces, et l'espèce humaine avec.

Arbre mort près de l'ancienne léproserie,
sur la côte sud de Curieuse, île des Seychelles.

Menais est comme un entomologiste, il regarde à distance les hommes qui gesticulent. Et ce qu'il voit l'effraie, il rit de moins en moins. Année après année son zapping est plus déprimant. Il en a assez de nous faire rire de nos travers, voilà vingt ans qu'il nous les montre, et l'histoire n'est plus drôle. Alors il met le zapping en scène et construit des effets dramatiques. Ses manipulations peuvent sembler démagogiques à certains nostalgiques du zapping de divertissement, et manquer de finesse, mais ça tient au matériau qu'il utilise : la télévision. Il n'invente rien.

Après quatre heures de zapping, il termine par une phrase désabusée de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss en 2005 «L'espèce humaine vit sous une sorte de régime d'empoisonnement interne... et je pense au monde dans lequel je suis en train de finir mon existence, ce n'est pas un monde que j'aime», puis par un slogan des étudiants grecs en révolte «Arrêtez de regarder, sortez dans la rue!», et enfin, dans la bouche d'une jeune femme idiote dans une émission religieuse «Les ballons oiseaux se sont envolés, peut-être avez vous maintenant vous aussi envie de prendre votre envol, chers téléspectateurs»

C'est clair, Menais aimerait qu'on cesse de s'abrutir, qu'on sorte tous dans la rue et qu'on regarde ce qu'on a fait du Monde.
Mais il fait froid dehors. C'est au printemps, de préférence, qu'il faudrait faire le zapping de l'année.