lundi 28 mars 2011

Debout, irradiés de la Terre

Debout, irradiés de la Terre
Debout, forçats bientôt défunts,
Le magma tonne en son cratère
C'est l'éruption de la fin.
Du passé faisant table rase
Foules, esclaves, en nous, partout
Prolifèrent les métastases
Nous ne serons plus rien, bisou !

C'est la fuite banale
Bougeons-nous, car demain
La machine infernale
Tuera le genre humain.

D'après, et sur l'air de l'Internationale
(voir le texte original en fin de chronique)

***

Même les plus optimistes l'auront noté, l'humeur planétaire n'est pas à la badinerie. Et puisque Ce Glob est Plat donne régulièrement des nouvelles de la Terre (voir en janvier 2007 et en décembre 2008), il était temps de refaire un état des lieux.

Le calendrier maya l'a prédit, le monde actuel, né le 13 aout 3114 avant l'ère actuelle, finira le 21 décembre 2012. Tous les scientifiques sérieux le disent, le noyau de la Terre est fait d'un métal en fusion qui enfle et déforme la croûte terrestre. En 2011 déjà trépideront les premiers séismes, regorgeront les premiers raz-de-marée, et on prévoit en 2012 une inversion du champ magnétique accompagnée, sur les humains, de « nombreux phénomènes biologiques internes avec de grandes fatigues, des absences de mémoire et enfin une inversion de la pensée » (voir le dernier chapitre des Messagers du temps vert pistache « À quoi devons-nous nous attendre...»).


Et les prémices viennent du Japon. Séismes continus (800 depuis le 11 mars), tsunami abominable, exhalaisons radioactives qui se répandent de la centrale nucléaire en perdition de Fukushima, et des foules de morts. Mais il ne sera pas possible de montrer ici des images de la situation car les secousses ont déplacé le Japon de 4 mètres, et affaissé de 75 centimètres, déclenchant ainsi un basculement de la Terre. Il se trouve alors au sommet de la planète, invisible depuis notre position. On peut néanmoins en mesurer la gravité en voyant cette envolée éperdue des pigeons de Tokyo, désorientés par l'eau irradiée des fontaines publiques.
(Les amateurs du complot international extrême remarqueront au passage que la Lune n'est en vérité qu'un banal lampadaire qu'on allume quand vient l'obscurité).

On imagine alors les fléaux qui nous attendent. Les grandes fatigues et les pertes de mémoire dont parlent les prédicateurs, c'est la malédiction de tous les innocents irradiés. Mais que signifie « l'inversion de la pensée » ? Un bouleversement des mentalités qui pousserait les humains à décider de remettre la planète dans un état convenable ?
C'est mal parti. Bien sûr, on constate, comme à chaque catastrophe planétaire, la panique qui gagne ceux qui n'ont pas été touchés, qui réclament alors des informations, des contrôles, des garanties. Pour les rassurer, le président de la France affirme « l'excellence technique des dispositifs de sûreté français », et pour ceux qui ne le croiraient pas sur parole, il promet que des vérifications seront faites. Non par des experts internationaux indépendants (ils seraient capables de chouraver notre excellence française), mais par les mêmes instances qui ont toujours autorisé et contrôlé les installations en France et fermé les yeux sur les « erreurs » d'EDF à propos du niveau de risque des sites nucléaires.
Autant dire qu'ils ne se déjugeront pas. Qui les blâmerait, ces braves gens, qui pour conserver leur petit pouvoir lucratif et nourrir leur famille nombreuse ne s'embarrassent pas l'esprit d'hypothétiques incidents nucléaires et d'éventuels enfants qui naitraient avec des maladies incurables ou des déformations insupportables.

Finalement c'est peut-être ça l'inversion de la pensée inspirée par le calendrier maya. C'est qu'en dépit des souffrances, des tragédies, des catastrophes, alors qu'il constelle la Terre de vastes régions invivables à jamais, l'humain parviendra encore à dormir paisiblement.



***

Début du texte original de l'Internationale
:

Debout, les damnés de la Terre
Debout, les forçats de la faim,
La raison tonne en son cratère
C'est l'éruption de la fin.
Du passé faisons table rase
Foules, esclaves, debout, debout
Le monde va changer de base
Nous ne sommes rien, soyons tout
.

C'est la lutte finale
Groupons-nous, et demain
l'Internationale
sera le genre humain.

dimanche 20 mars 2011

Nuages (25)

Nous savons, depuis l'incident technique de la centrale nucléaire de Tchernobyl au printemps 1986, que les nuages, notamment les nuages radioactifs, respectent globalement les traités internationaux et par conséquent les frontières entre les États. Ce qu'on sait moins, c'est la technologie employée par les groupes de pression politique et économique pour parvenir à soumettre ainsi leur nature vagabonde. Et bien c'est simplement par le moyen d'engins électro-mécaniques (voir l'illustration) extrêmement sophistiqués, au propriétés certainement ondulatoires mais dont le mode d'emploi reste très secret, qu'ils atteignent ce niveau de contrôle.


mardi 15 mars 2011

Respectons les imbéciles

C'est sans doute dans les émissions de radio et de télévision people (prononcer « pipole ») qu'il anima avec passion pendant plus de vingt ans, en fréquentant l'aristocratie et les célébrités, que l'actuel ministre de la culture a aiguisé sa rigueur intellectuelle, car c'est un métier exigeant que la flagornerie. On ne sera donc pas étonné de la réponse qu'il vient enfin d'apporter à la question écrite numéro 81937. Pour le lecteur oublieux, elle interpellait le ministre sur la décision très contestée du musée d'Orsay d'interdire au public toute photographie dans son enceinte.

Pour le résumer, le ministre estime que la mission de « démocratisation culturelle » est parfaitement satisfaite par la mise à disposition sur le site du musée, et sur d'autres bases numériques, d'images en basse définition (il l'admet) mais de « bien meilleure qualité » (dit-il) que les photos prises généralement par le public. L'objectif étant atteint, l'interdiction de photographier n'est plus qu'un acte de gestion quotidienne laissé au libre jugement du musée.

En effet, quand on compare une photo du musée à une autre prise furtivement par un contrevenant, dans de mauvaises conditions de lumière et à main levée avec un petit appareil de poche (voir l'illustration), on peut affirmer avec le ministre « qu'il n'y a pas photo ».

Il ajoute, pour charpenter sa réplique, un argument fort rigoureux « La décision a été bien accueillie par les agents de surveillance ». Effectivement, les agents d'accueil sont certainement ravis de voir ainsi évoluer leur métier qui consistera désormais à épier et réprimander le plus infime geste vers son téléphone du touriste qui simulera alors l'ignorance à grand renfort de « no comprendo, no comprendo ». Une vie palpitante.

Puis vient le troisième justificatif du ministre, sorte d'argument d'autorité « D'autres grands musées européens l'ont fait avant lui ». Et il cite en exemples le Prado de Madrid ou le Rijksmuseum d'Amsterdam. C'est vrai, mais ces musées ont au moins l'excuse d'être renommés pour la qualité et les dimensions des reproductions de leur catalogue en ligne, au contraire d'Orsay.

Enfin toute cette rhétorique est vaine, car la véritable question n'est pas abordée. Il y a mille autres raisons de prendre des photos dans un musée, mille motifs qui sont désormais interdits à Orsay. On ne pourra plus montrer à la famille admirative et envieuse qu'on était réellement à Paris, si près de ce tableau de Van Gogh. On ne pourra plus entretenir le souvenir d'une œuvre qu'on aura aimée et qui n'a pas la chance d'être parmi les clichés élus par le goût officiel et reproduits à l'infini. On ne pourra plus conserver la mémoire de certains détails jamais reproduits. On ne pourra plus illustrer un article par une image originale, inattendue (Ce qui semblait chiffonner le ministre qui s'étonne « De plus certaines photos sont utilisées sur des blogs » Quelle horreur !).
Cette décision liberticide du musée, avec l'appui d'un ministre, est aussi une imbécilité contre-productive. Si elle est respectée, toutes les images du musée et des collections disparaitront en quelques mois des sites internet, des forums et des blogs du monde entier, et on ne trouvera plus que de rares photos officielles fournies par le musée, achetées au prix fort, ressassées, retouchées et élogieuses à la gloire d'Orsay, comme dans les bonnes vieilles dictatures.

Alors essayons de respecter l'oukase imbécile d'Orsay, oublions désormais le musée. N'en parlons plus.

Ajout du 23.03.2011 : Une avocate (A.L. Stérin) détaille sur le site de l'ADBS les motifs d'illégalité de l'interdiction.
Ajout du 15.10.2012 : Vous trouverez un récapitulatif complet, documenté et inquiétant des atteintes publiques au domaine public (CopyFraud) sur SILex, le blog de Calimaq.



vendredi 4 mars 2011

Enfin mort (ou presque)

En général, l'hystérie des héritiers du dessinateur Hergé est protégée par les décisions de justice. La moindre vignette extraite d'un album de Tintin et reproduite sans l'autorisation des légataires est pourchassée jusqu'à la mortification du contrevenant. Quand la décision de première instance est par hasard plutôt tolérante, la cour d'appel rétablit sans tarder le droit arbitraire et illimité des héritiers. Et c'est toujours dans une théorie d'arguments juridiques sophistiqués, qui enchevêtrent sans issue le droit de propriété intellectuelle et les exceptions de courte citation ou de parodie.
Alors que les faits sont généralement simples. Il y a d'un côté les héritiers ou légataires qui vivent d'un patrimoine fini créé par Hergé, terrorisés par l'émiettement de leur trésor, despotes jusqu'à la paranoïa et n'autorisant que les apologies et les citations à la gloire de leur gagne-pain.
De l'autre côté, quelques idolâtres déçus, une fois devenus adultes, d'avoir été abusés par des situations et des sentiments tellement schématiques, comme par les westerns de John Ford avec John Wayne, et qui tentent d'égratigner l'idole. Si on peut leur reprocher parfois un peu de parasitisme, l'accusation a de quoi faire sourire quand elle est plaidée par les ayants droit, qui ne font que profiter d'un héritage providentiel.

Le 9 juillet 2009, l'inénarrable Gordon Zola, écrivain, auteur des parodies impayables des aventures de Saint-Tin et son ami Lou («Le 13 heures réclame le rouge», «L'affaire tourne au sale»...), romans probablement désopilants, avait été condamné pour parasitisme par le tribunal de grande instance d'Évry. Or le 18 février 2011, à la surprise de tous les avocats de la liberté d'expression, la cour d'appel de Paris a tellement rigolé à la lecture des titres des romans incriminés, qu'elle a fusillé la décision de première instance et intégralement disculpé Gordon Zola, pour exception de « parodie évidente ».

Les nostalgiques du reporter à l'éternel pull-over bleu commencent à manquer et les parents ont un peu honte de faire lire à leurs enfants ces histoires vaguement suspectes (même si le cinéma contemporain distille sans retenue la même pensée rudimentaire). L'œuvre d'Hergé survit parce que les souvenirs d'enfance sont persistants, mais si elle demeure dans cet état de momification, le jour viendra où elle ne sera plus rééditée que pour de rares collectionneurs passionnés de la ligne claire. Les héritiers, enfin, n'auront plus rien à ronger.
Au moment où un musée Hergé ouvre à Louvain-la-Neuve, et y embaume Tintin (les chiens sont interdits mais l'actualité y est pleine d'évènements passionnants animés par diverses troupes de scoutisme), cette décision de justice marque peut-être une discrète résurrection du petit personnage inconsistant aux aventures puériles.


Afin de protéger l'auteur de cette chronique des aigreurs de la famille Hergé, de l'opprobre, de la faillite, et peut-être du suicide salvateur, les héros du génial créateur ont été substitués sur cette illustration par des personnages fictifs. On peut néanmoins constater que Tintin est assez souffrant, et peut-être même un peu mort. À ses pieds, son fidèle chien Milou est également mal en point. (Rogier Van der Weyden, Lamentation - 1441, 47 x 32cm, Bruxelles, musée royal des beaux arts).