vendredi 25 septembre 2020

La vie des cimetières (95)

Débute aujourd'hui, après l'Angleterre, une deuxième série des « cimetières vus de la rue », observés par Google Street view, cette fois dans la campagne irlandaise (dans les grandes villes, sauf exception comme ici à Dublin, les tombes sont le plus souvent cachées par de hauts murs).

Vous n'y verrez que des cimetières pittoresques, parfois abandonnés, souvent autour d’un édifice délabré. L’Irlande semble mettre un certain soin à les entretenir à l’état de ruine romantique, ou de décor de films de série à bon marché, ceux avec des zombies.

Chaque image sera suivie d’un lien vers la promenade virtuelle en trois dimensions du site de Google. Les dénominations des sites ne seront pas toujours exactes, en l'absence d'information c’est parfois le nom du hameau ou lieu-dit le plus proche.

Nonobstant plusieurs épisodes à venir, le sujet ne sera qu’effleuré. Il a fallu en écarter beaucoup pour ne pas ennuyer trop longtemps le lecteur et il en restera quantité à découvrir sur internet (en cherchant « cemetery, graveyard, ou burial ground » à différents niveaux de la cartographie), sans compter nombre de cimetières inaccessibles par la route, mais pourtant encore « actifs ».  

Bonne promenade. Et n’oubliez pas, une fois « sur place », de vérifier la présence de la petite horloge en haut à gauche. Si elle s’affiche, vous pourrez vous déplacer dans le temps (relativisons, dans le passé uniquement - Einstein nous surveille).

Les cimetières irlandais vus de la rue, Partie 1 (de 3)
l’intégration du cimetière dans le paysage irlandais
 

Addergoole cemetery, panoramique de 6000 pixels, le ciel est de 2009, les vaches de 2019 (Copyright Google Maps)

Glenndalough, Cimetière romantique très populaire, dans les montagnes de Wicklow au sud de Dublin. Google a même envoyé un reporteur pédestre le visiter. (Copyright Google Maps)

Rock of Cashel, comme Glenndalough, est un haut lieu historique et touristique, dans un site majestueux. Google a fait le tour à pied du vaste cimetière où les tombes ne se bousculent pas. (Copyright Google Maps)

Drumcliffe, beau et vaste cimetière dont on pourrait imaginer, vu d'avion, qu'il héberge tous les Irlandais passés. Ne pas le confondre avec l'autre Drumcliffe cemetery, à Sligo, 200 km au nord, plus modeste mais qui héberge le poète W.B. Yeats, vénéré par les irlandais dit-on. (Copyright Google Maps)

Castlequin, beau cimetière de plain-pied, fonctionnel, avec vue imprenable. (Copyright Google Maps)

Kill Mountain, cimetière perdu sur une ile du Connemara couverte d'une lande peuplée de cailloux. (Copyright Google Maps)

Kinard burial grounds, il faut quelquefois envisager l'avenir avec optimisme. (Copyright Google Maps)

Mooncoin old cemetery. Ne jugez pas, il y a un joli cimetière aéré et bien entretenu plus haut, en centre ville face à l'église. Il ne reste peut-être ici que des inconnus. (Copyright Google Maps)

Templecarne graveyard. Ses habitants se seraient installés ici entre les années 1600 et 1900. (Copyright Google Maps)

Cimetière Saint Colman sur l'ile d'Inishbofin, dans l'Océan Atlantique nord, à 10 ou 15 kilomètres de la côte irlandaise. Des tombes qui disparaissent dans le sol, recouvertes par la couche des suivantes, un étang, des ruines, la mer, les vacances. (Copyright Google Maps)


À suivre... 

 

samedi 19 septembre 2020

Un peu de pub

M. Rykner, journaliste éminent et combattif dévoué aux choses de l'art (de certaines époques seulement), laissait libres d'accès, sur son site « La Tribune de l'Art », les articles généralistes importants. Les plus spécialisés étant réservés à ses abonnés payants. Connaisseur pertinent, il a souvent été référencé ici-même (7 fois en 10 ans).
 
Hélas le virus ayant fait fuir de son site, annulation après annulation, dit-il, les publicités lucratives, il en profita, dès le début du confinement, pour rendre tous les articles payants, sur abonnement donc.

Il s’en explique dans un article promotionnel où il sollicite des abonnements. On croit comprendre, à la lecture des premières lignes, qu'il se félicite de cette suppression totale de la gratuité (sauf de rares articles polémiques qu'il veut universels) puisqu'il estime que son chiffre d'affaire en 2020 sera supérieur à 2019, ce qui est bien la légitime aspiration de tout bon père de famille.


Peut-être est-il allé un peu loin dans la mise en œuvre de ce raisonnement gagnant puisque l’article, où l'on devine qu'il va justifier et promouvoir les avantages d'un abonnement, est hélas limité à quelques lignes, le reste étant réservé aux abonnés, ce qui est cocasse.

On dira que c'est une erreur due à l'empressement pour faire face à une recrudescence d'activité. Soulignons que cet accroissement n’est pas vraiment sensible pour l’utilisateur qui a plutôt noté dans le pays, à l’inverse, une importante régression et une grande complication d’accès aux évènements artistiques.
 
Ce petit incident met en lumière une question plus générale, l’angoisse devenue quotidienne de l’usager de la Culture. Car il est de bonne composition, l’usager, il aimerait bien s’abonner à tous ces sites passionnants, à tous ces services qui enrichiraient son esprit, mais son banquier l’observe, bienveillant.
 
Et ce modèle économique de prolifération des abonnements, s’il tranquillise les bienheureux bénéficiaires, ne fait qu’embrouiller la vie de l’usager de base. 
C’est l’exemple des logiciels de la société Adobe (Photoshop, etc), et de tant d’autres maintenant. Quand en 2014 elle cessa de vendre ses logiciels qu’elle transmua en « droit d’utilisation par abonnement », le cout et les désagréments pour bon nombre d’usagers furent multipliés par 2 ou 3.
Pour que d’aucuns prospèrent, il faut bien que d’autres y perdent, auraient dit Lavoisier ou carnot, même si d’incurables utopistes pensent que tout le monde pourrait y gagner, les lois de la thermodynamique ne sont plus si optimistes.

Naturellement M. Rykner n’y est pour rien. Il essaie de vivre dans ces circonstances hostiles, comme tous. Et son offre est alléchante, à 5 euros par mois pour les 10 ans à venir, au lieu de bientôt 8 euros. 10 ans ! Quelle curieuse promesse, romanesque.
 
Enfin, l’essentiel est que M. Rykner soit satisfait, visible par moins de lecteurs, certainement, mais content.
Nous suivrons désormais avec intérêt son humeur à la lecture des titres de ses chroniques.
 
***
L'illustration, copyright La Tribune de l'Art, est l'extrait lisible de l'article réservé aux abonnés.

dimanche 13 septembre 2020

Situation stationnaire

Depuis 6 mois, les considérables restrictions de déplacement des humains sur la planète, et ainsi la diminution de 75% du tourisme mondial, ont nécessairement ravivé la croisière stationnaire, la promenade virtuelle sur internet. D'autant que le voyageur immobile dispose depuis quelques années d'une dimension supplémentaire, il peut voyager dans le temps.  

On en avait parlé ici-même, il y a longtemps, quand l'application de bureau, Google Earth, puis le site internet Google Maps, après avoir intégré à leur cartographie la fonction Street View (la terre vue depuis la rue), y avaient ajouté entre 2009 et 2014 la chronologie, les saisons, les années.

Pour les amateurs de vues par satellite, qui souhaitent par exemple s'extasier devant la croissance régulière dans le Xinjiang des camps de vacances pour Ouïgours et Kazakhs, où la seule chose à être exterminée, au dire du chef de camp M. Xi Jinping, c'est la mauvaise humeur, pour ces amateurs d'évolutions à grande échelle, les instantanés chronologiques ne sont plus disponibles que dans l'application Google Earth pour ordinateur, et n'ont pas été intégrés dans les versions pour mobile ou ou internet. Cherchez un bouton bleu en forme d'horloge coiffée d'une flèche verte. 

Quant à la fonction Street View, sur le site de Google Maps (vous savez, dans les outils, en faisant tomber le petit personnage jaune d'une altitude létale), une illustration étant plus évidente qu'une phrase alambiquée, voyez ci-dessous comment on voyage dans le temps, quand l'horloge apparait en haut à gauche (après quelques secondes), en déplaçant le curseur temporel et sélectionnant la vignette.
Ici, à Aberdeen, Google est passée 4 fois en 9 ans.

 
Et comme Ce Glob est Plat n'avait pas fait de tournée des cimetières « vus de la rue » depuis celle d'Angleterre et d'Écosse en 2014, vous découvrirez bientôt ici un tour des cimetières pittoresques d'Irlande.
 

dimanche 6 septembre 2020

De Baschenis et des poussières


Evaristo Baschenis ou suiveur, instruments de musique remisés dans un intérieur (Vente aux enchères Christie's juin 2019).

 
Depuis le premier livre de la Bible des juifs et des chrétiens (1), tous les philosophes, les poètes, les sourates du Coran (2), les scientifiques les plus rigoureux, n'ont cessé de nous seriner que nous venons de la poussière, que nous ne sommes que poussière, et que nous retournerons à la poussière. C’est un point de vue propre à décourager les plus enthousiastes.
« C'est dire l'importance du plumeau » ajoutait Alexandre Vialatte dans une chronique de La montagne (3).

Les peintres ont échappé à cette métaphore, parce que la poussière est difficile à représenter en peinture, mais ils se sont rattrapés en multipliant, dans des allégories souvent surchargées qu'ils ont appelées vanités, les symboles bien visibles de notre insignifiance, crânes, sabliers, fleurs fanées, choses avariées.  
Certains, comme Pieter Elinga Janssens, ont bien figuré des femmes balayant la poussière dans des intérieurs du 17ème siècle, mais sans doute plutôt dans l'intention de vanter la propreté de la maison bourgeoise hollandaise. 
D'autres, astucieux, comme Tapiès ou Dubuffet, ont intégré la poussière comme pigment dans leurs œuvres, mais c'est un procédé un peu hypocrite, et le message reste brouillé.

Il existe pourtant un peintre qui s'est dévoué à la représentation de la poussière. On a peut-être rencontré ses tableaux, souvent de très grandes et élégantes natures mortes d'instruments de musique délaissés, aux marquèteries raffinées, luths, violons, violes, mandores, sans avoir forcément fait attention à la poussière et aux traces de doigts représentées sur le bois vernissé.
 

6 détails extraits de tableaux poussiéreux :
1ère colonne : Accademia Carrara à Bergame - Vente aux enchères juin 2019 (Baschenis ou imitateur) - Pinacothèque de Brera à Milan.
2ème colonne : Musée national de l'art occidental à Tokyo, - Vente aux enchères mars 2020 - Barber institute à Birmingham
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Ce peintre, prêtre et musicien, s'appelait Evaristo Baschenis, né et mort à Bergame, en Lombardie (1617-1677). Élevé dans un milieu culturel propice (4) il inventa un style dont il devint virtuose, et eut beaucoup de succès et d'imitateurs qui ne l'ont jamais égalé.

On le rencontre dans de grands musées, évidemment en Italie du nord, à Bergame et Milan, mais aussi à Boston, Rotterdam, Birmingham, Tokyo, et dans beaucoup de collections privées, donc de temps en temps sur le marché de l'art où les plus beaux sont très disputés (presque 1,5 million de dollars à New York en avril 2006).

En mai 2016, à Bergame, était exposé un tableau exceptionnel, d'une collection privée, très grand pour une nature morte (1,63 mètre de large), sans date et couvert de poussière. Baschenis avait eu la main un peu lourde en saupoudrant cette fois tous les instruments de son modèle, peut-être de cendre. Est-ce pour mitiger cette impression décidément funèbre que le peintre a ajouté à droite une poire, une coupe de pommes mures et un œillet fraichement cueilli ? 
 

Evaristo Baschenis, instruments de musique extrêmement poussiéreux et coupe de pommes, sans date (Bergame, collection privée)
 
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(1) Genèse 2-7, 3-14, 3-19, 13-16
(2) Sourates 13, 17, 22, 23, 27, 35, 37, 40, 56
(3) La montagne du 14 aout 1962, Chronique des plumeaux et des lions
(4) Ce lien et le précédent mènent vers des traductions automatiques par Gougueule, respectivement de l'italien et de l'anglais, qui ne sont donc pas totalement respectueuses de la grammaire française mais sans contresens majeur à 95%.