De Baschenis et des poussières
Evaristo Baschenis ou suiveur, instruments de musique remisés dans un intérieur (Vente aux enchères Christie's juin 2019).
Depuis le premier livre de la Bible des juifs et des chrétiens (1), tous les philosophes, les poètes, les sourates du Coran (2), les scientifiques les plus rigoureux, n'ont cessé de nous seriner que nous venons de la poussière, que nous ne sommes que poussière, et que nous retournerons à la poussière. C’est un point de vue propre à décourager les plus enthousiastes.
« C'est dire l'importance du plumeau » ajoutait Alexandre Vialatte dans une chronique de La montagne (3).
Les peintres ont échappé à cette métaphore, parce que la poussière est difficile à représenter en peinture, mais ils se sont rattrapés en multipliant, dans des allégories souvent surchargées qu'ils ont appelées vanités, les symboles bien visibles de notre insignifiance, crânes, sabliers, fleurs fanées, choses avariées.
Certains, comme Pieter Elinga Janssens, ont bien figuré des femmes balayant la poussière dans des intérieurs du 17ème siècle, mais sans doute plutôt dans l'intention de vanter la propreté de la maison bourgeoise hollandaise.
Les peintres ont échappé à cette métaphore, parce que la poussière est difficile à représenter en peinture, mais ils se sont rattrapés en multipliant, dans des allégories souvent surchargées qu'ils ont appelées vanités, les symboles bien visibles de notre insignifiance, crânes, sabliers, fleurs fanées, choses avariées.
Certains, comme Pieter Elinga Janssens, ont bien figuré des femmes balayant la poussière dans des intérieurs du 17ème siècle, mais sans doute plutôt dans l'intention de vanter la propreté de la maison bourgeoise hollandaise.
D'autres, astucieux, comme Tapiès ou Dubuffet, ont intégré la poussière comme pigment dans leurs œuvres, mais c'est un procédé un peu hypocrite, et le message reste brouillé.
Il existe pourtant un peintre qui s'est dévoué à la représentation de la poussière. On a peut-être rencontré ses tableaux, souvent de très grandes et élégantes natures mortes d'instruments de musique délaissés, aux marquèteries raffinées, luths, violons, violes, mandores, sans avoir forcément fait attention à la poussière et aux traces de doigts représentées sur le bois vernissé.
Il existe pourtant un peintre qui s'est dévoué à la représentation de la poussière. On a peut-être rencontré ses tableaux, souvent de très grandes et élégantes natures mortes d'instruments de musique délaissés, aux marquèteries raffinées, luths, violons, violes, mandores, sans avoir forcément fait attention à la poussière et aux traces de doigts représentées sur le bois vernissé.
6 détails extraits de tableaux poussiéreux :
1ère colonne : Accademia Carrara à Bergame - Vente aux enchères juin 2019 (Baschenis ou imitateur) - Pinacothèque de Brera à Milan.
2ème colonne : Musée national de l'art occidental à Tokyo, - Vente aux enchères mars 2020 - Barber institute à Birmingham.
2ème colonne : Musée national de l'art occidental à Tokyo, - Vente aux enchères mars 2020 - Barber institute à Birmingham.
Ce peintre, prêtre et musicien, s'appelait Evaristo Baschenis, né et mort à Bergame, en Lombardie (1617-1677). Élevé dans un milieu culturel propice (4) il inventa un style dont il devint virtuose, et eut beaucoup de succès et d'imitateurs qui ne l'ont jamais égalé.
On le rencontre dans de grands musées, évidemment en Italie du nord, à Bergame et Milan, mais aussi à Boston, Rotterdam, Birmingham, Tokyo, et dans beaucoup de collections privées, donc de temps en temps sur le marché de l'art où les plus beaux sont très disputés (presque 1,5 million de dollars à New York en avril 2006).
En mai 2016, à Bergame, était exposé un tableau exceptionnel, d'une collection privée, très grand pour une nature morte (1,63 mètre de large), sans date et couvert de poussière. Baschenis avait eu la main un peu lourde en saupoudrant cette fois tous les instruments de son modèle, peut-être de cendre. Est-ce pour mitiger cette impression décidément funèbre que le peintre a ajouté à droite une poire, une coupe de pommes mures et un œillet fraichement cueilli ?
On le rencontre dans de grands musées, évidemment en Italie du nord, à Bergame et Milan, mais aussi à Boston, Rotterdam, Birmingham, Tokyo, et dans beaucoup de collections privées, donc de temps en temps sur le marché de l'art où les plus beaux sont très disputés (presque 1,5 million de dollars à New York en avril 2006).
En mai 2016, à Bergame, était exposé un tableau exceptionnel, d'une collection privée, très grand pour une nature morte (1,63 mètre de large), sans date et couvert de poussière. Baschenis avait eu la main un peu lourde en saupoudrant cette fois tous les instruments de son modèle, peut-être de cendre. Est-ce pour mitiger cette impression décidément funèbre que le peintre a ajouté à droite une poire, une coupe de pommes mures et un œillet fraichement cueilli ?
Evaristo Baschenis, instruments de musique extrêmement poussiéreux et coupe de pommes, sans date (Bergame, collection privée)
***
(1) Genèse 2-7, 3-14, 3-19, 13-16
(2) Sourates 13, 17, 22, 23, 27, 35, 37, 40, 56
(3) La montagne du 14 aout 1962, Chronique des plumeaux et des lions
(4) Ce lien et le précédent mènent vers des traductions automatiques par Gougueule, respectivement de l'italien et de l'anglais, qui ne sont donc pas totalement respectueuses de la grammaire française mais sans contresens majeur à 95%.
2 commentaires :
Ne négligeons pas le fait, cher Costar, qu’Evaristo Baschenis, musicien et prêtre (comme Vivaldi) fût devenu (subjonctif) complètement sourd à un moment de sa vie et décida alors de suppléer son audition morte par des peintures revivifiantes de «natures mortes» (mais en anglais «still life», c’est-à-dire : «encore vivante»).
Par ailleurs, en matière de déficience sensorielle de nos «grands maîtres», avez-vous entendu dire que Jérôme de chez Bosch (mon préféré, allez, je l’avoue), serait devenu complètement sourd à un très jeune âge ?
Pour «rire» un peu enfin, mais tout en restant dans le sujet, de méchantes langues disent que Ludwig van Beethoven était tellement sourd que toute sa vie, il a cru qu’il faisait de la peinture. Bien à vous.
Pour être franc je n'en étais informé, ni pour Baschenis, ni pour le Bosco. Ou je l'aurais oublié ?
Mais, comment savez-vous tous ces secrets médicaux sur nos plus grands artistes ? Ne me dites pas que vous recevez les potins quotidiens et douteux d'Artips.fr ?
Pour Beethoven, c'était évident, ça s'entend tout de suite à sa musique.
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