lundi 19 juin 2017

Histoire sans paroles (24)

Arles 2016, collage sur un mur près du théâtre antique.
Dommage pour les ayants droit d'Hergé,
l'auteur du plagiat n'avait pas signé son forfait.

jeudi 15 juin 2017

Antoine Chintreuil (1814-1873)

S’il n’est jamais tombé dans l’oubli, le peintre Antoine Chintreuil se tient toujours en équilibre près du bord.

Bien sûr, le musée d’Orsay qui possède beaucoup de ses tableaux, et de très beaux, en expose un ou deux en permanence, mais quel amateur met encore les pieds dans ce musée du 19ème siècle français surpeuplé, avec ce baron féodal à sa direction, ses expositions obsessives, pathologiques, et où la photographie est peut-être encore interdite ?

En fait, on se souvient de Chintreuil parce qu’en visitant un jour un musée de province, peut-être Pont-de-Vaux, Reims, Dijon, Mâcon, Rouen, Arras, Lille, Bourg-en-Bresse ou Montpellier, on a remarqué dans un couloir obscur un petit paysage crépusculaire où les silhouettes des arbres se découpaient en formes fantastiques sur un ciel aux nuances si délicates qu’on pouvait deviner l’heure précise de sa réalisation.
Dans un coin, en minuscules cursives proprement calligraphiées, était écrit « chintreuil ».

Antoine Chintreuil était un solitaire. Avant de partir peindre à la campagne, sur le motif, il avait écouté les conseils de Corot, et à travers lui d’Henri de Valenciennes, mais là où ces derniers figeaient leurs paysages dans une intemporalité minérale, la touche fluide de Chintreuil évitait la monumentalité et s’attachait à représenter l’air, l’atmosphère volatile, fugitive. L’impressionnisme n’existait pas encore, mais il n’était pas loin.

Le musée d’Art et d’Histoire de Meudon consacre aujourd’hui à Chintreuil une petite (mais rare) exposition d’œuvres appartenant pour la plupart à des collections privées, jamais exposées jusqu’à présent.
L’entreprise est modeste, les 40 tableaux et dessins sont réunis dans quatre petites pièces dont l’exposition ne semble pas être la véritable destination. Ajoutée au dénuement de la vente de billet et de catalogues, elle fait penser à la tenue d’une œuvre de bienfaisance par un comité impécunieux.

C’est pourquoi il faut encourager cette initiative, avant le 3 juillet, au moins pour la douceur de boire un sirop de menthe à l’ombre des statues du jardin en fleurs du musée, et pour éviter peut-être à Chintreuil la chute fatale dans l’oubli. 










Légende des illustrations dans l’ordre de présentation : 
1. Chintreuil, Soir d’automne (salon 1853 - collection particulière, expo Meudon 2017) 
2. Chintreuil, Peintre au repos (collection particulière, expo Meudon 2017) 
3. Chintreuil, Rivière dans les près, Igny (c.1854 - collection particulière, expo Meudon 2017) 
4. Chintreuil, Travaux d’aiguille au soleil à Igny (collection particulière, expo Meudon 2017). On remarquera le fauteuil mal proportionné qui semble atterrir délicatement auprès de la couturière, comme dans une histoire de Lewis Carroll.

dimanche 11 juin 2017

Le tombeau sonore de Monsieur Cueco

Cueco devant deux autoportraits (d’après une photo de Carol Valade 2008) 

L’émission à peu près littéraire, hebdomadaire et dominicale de la radio France Culture « Des papous dans la tête » rendait aujourd’hui hommage au peintre Henri Cueco, camarade de délire oulipien depuis 30 ans et mort le 13 mars 2017.
Ils ont fouillé les archives de l’émission pour en extraire une heure parmi les meilleurs moments.

Entendez sa grave voix limousine raconter le concept cocasse du petit pois dans l’histoire de l’art « L’art conceptuel, cet art qui consiste à dire comment on fait, comment on pourrait faire, comment on aurait pu faire, tout cela pour éviter de faire. »
Écoutez à pleines oreilles, une dernière fois, ces 68 minutes qui lui sont consacrées. Et enregistrez la diffusion pour l’archiver avant qu’elle ne disparaisse à son tour, dans quelques mois, un an peut-être.

samedi 3 juin 2017

La vie des cimetières (77)



Ici gisent, depuis 1881, les restes de Joseph Vion, abbé libertaire défroqué, devenu militant républicain et maire, parti comme Victor Hugo pour Jersey en 1851, contraint à l’exil par le despotique Louis-Napoléon Bonaparte.

De retour en France, il faisait ériger un ilot artificiel au milieu de son étang de Bouzy-la-Forêt pour y installer le tombeau d’Émilie Gaigné, amour ancillaire morte en 1875. On raconte qu’on y trouve aussi les restes de son chien, et que les deux pesantes statues qui le gardent, la Science (celle de gauche) et la Liberté, sont de la main du célèbre sculpteur orléanais Alfred-Désiré Lanson.




Le touriste funéraire qui tient à admirer cette « ile des morts » miniature, devra faire preuve de témérité. Car les berges de l’étang qui cernent le tombeau sont des propriétés privées protégées de messages dissuasifs orthographiés « défence d’entrer ».

Dès lors le seul endroit public offrant un point de vue sur le mausolée se situe au milieu de la portion de la RD952 qui traverse le sud de l’étang à Saint-Aignan-des-Gués. L’aventurier devra alors s’engager sur une route en pente, sans bas-côté, fréquentée par des centaines de poids lourds en excès de vitesse, et fortement déconseillée au piéton qui n’aurait pas déjà rédigé ses dernières volontés.