mercredi 28 décembre 2011

Nuages (27)



« Au commencement, la réalité créa les cieux et la terre,
Ce qui fut fut, et ce qui ne fut pas ne fut pas,
L'obscurité enveloppa ce que la lumière n'enveloppa pas,

Et ce qui ne fut ni lumière ni obscurité fut Elle, la Licorne Rose...»

L'époque du solstice et ses nuits interminables a toujours été propice aux rêveries et aux croyances les plus irréfléchies. Rappelons qu'il ne nous reste maintenant plus qu'un solstice à vivre puisqu'au suivant nous mourrons, le vendredi 21 décembre 2012, à 11 heures 11 minutes et 37 secondes TU, exactement.

Pendant ce temps la Licorne Rose Invisible respecte ce qu'elle n'a jamais promis. Elle n'apparait pas dans les buissons d'aubépines ou au fond des grottes humides, ni sur les noyaux de pêche.

Elle se devine à peine dans la couleur des nuages.



lundi 19 décembre 2011

Platon est un con

Tragédie grecque inspirée d'une remarque sur Platon (1) d'André Brahic (qui n'est pas la moitié d'un astrophysicien) proférée à la 17ème minute d'une conférence échevelée pour l'Université de Tous Les Savoirs.


La scène se passe à l'agora d'Athènes

Platon : Le monde sensible, celui qui est perçu par nos sens, est changeant selon les témoins et les opinions. Il n'est que l'ombre du monde parfait des idées, qui est la seule réalité.

Le chœur : Platon est un con !

Platon : Si le monde sensible n'est qu'un simulacre du vrai monde des idées, c'est parce que nos sens nous trompent, et non parce que les idées seraient fausses.

Le chœur : Quel con ce Platon !

Platon : Les idées, les formes ne peuvent être fausses puisqu'elles ne proviennent pas de nos sens. Ce sont des modèles indépendants de toute pensée, et donc les seules réalités susceptibles d'une étude objective. Le monde sensible, subjectif, ne peut pas faire l'objet de connaissances.

Le chœur : Ce Platon, quelle tache !

Platon : Avant d'être prisonnière d'un corps, notre âme immortelle faisait partie du même monde que les idées. C'est pourquoi les idées nous arrivent par réminiscence, et par une laborieuse gymnastique philosophique.

Le chœur : Platon est vraiment très con !

Platon : Seul le philosophe, capable de se défaire des idées reçues et des apparences, sait manipuler les idées vraies pures et éternelles et peut ainsi diriger la cité.

Le chœur : Sacré Platon, il ne pense qu'avec ses pieds !

Le coryphée : Et les conceptions de Platon, l'existence de deux mondes, un monde corrompu, physique, opposé au monde pur des idées et des formes, guideront l'humanité, ses pensées, ses croyances, pendant des millénaires.

Platon : Eh, j'avais pas trop le choix, mon avenir, avec mon physique, c'était lutteur de foire ou phare de l'Humanité, vous auriez fait quoi à ma place ?

Le chœur : Platon est un con !



Sculptures romaines, copies de caricatures grecques. On reconnait sur l'image de gauche le grand Platon écervelé, et à droite le Platon qui ne pense qu'avec les pieds (Naples, musée national d'archéologie).

***

(1) Extrait de L'observation de l'univers a-t-elle encore un sens aujourd'hui : «Platon disait que la pensée pure était la vérité, et c'est la source de tous les massacres de l'humanité, l'inquisition des chrétiens, le fondamentalisme musulman, les camps nazis, les camps sibériens, des gens ont une idée, ils ne la confrontent pas à la réalité et massacrent leurs semblables sous prétexte de les rendre plus heureux.»


samedi 10 décembre 2011

Le jeu des 7 erreurs

Des méfaits dus à l'âge. 

Pour ne pas lui causer d'embarras appelons-le Robert. C'est un petit américain désœuvré. Dans les années 1960, il écrit quelques chansonnettes qu'il marmonne d'une voix plaintive en grattouillant sa guitare. Par chance, les deux décennies qui suivent seront contestataires. Et toute génération révoltée a besoin de porte-paroles, d'hymnes, de slogans, de rengaines rudimentaires. Les textes protestataires de Robert, volontairement sibyllins façon Arthur Rimbaud, se prêtent aux plus vastes ralliements.
Sa musique également a toutes les qualités requises. Sans originalité et tellement inspirée des folklores américains, avec ses trois sempiternels accords, on la connait avant de l'avoir entendue. Robert devient alors pour quelques temps le guide spirituel d'une génération.

Mais tout s'émousse. Dans les années 1980 il tente un renouveau biblique, avec prophéties apocalyptiques et relents de bondieuserie. Sans succès.

Et récemment, à 70 ans, c'est le dérapage, la régression infantile. Sous d'amicales pressions il consent à exposer ses coloriages. Il faut dire que Robert est atteint d'un trouble compulsif. Il récupère des photos dans des archives d'images sur internet (parfois de photographes connus comme Cartier-Bresson) et il les décalque avec application et les colorie du mieux qu'il peut, sur de grandes toiles qu'il signe «Bob Dylan». 
Eh bien on peut désormais voir ces jolis coloriages au Musée national de Copenhague ou sur les murs de la célèbre galerie Gagosian à New York. Ne les ratez pas. Le gentil Robert aura beau tenter un peu naïvement d'effacer l'ombre de l'auteur de la photo originale (voir la 2ème image du diaporama), il pourrait hélas être rattrapé par le vilain spectre du droit d'auteur. 

Sources : Le Guardian (en anglais), Artinfo (en anglais mais avec un instructif diaporama comparatif), Arrêt sur images (en français et très illustré).


Si tu trouves les 7 erreurs commises par Robert (en bas) en recopiant une photo trouvée sur internet (en haut) tu gagneras une splendide compilation de ses plus belles chansons réunies sur une mini-K7 et rehaussées par l'accordéon d'Yvette Horner.

dimanche 4 décembre 2011

La persistance du gris (fin)

Qui mieux qu'un ministre de l'Information, fonction souvent cumulée à la Communication et la Culture sous la 5ème République, peut célébrer l'image en couleurs ? Citons encore, par gourmandise, quelques extraits de l'allocution du poète visionnaire Georges Gorse, ministre de l'Information du président Pompidou et auteur de l'historique « Et voici la couleur ! » du 1er octobre 1967.

- L'image la plus chatoyante, l'image en couleurs, est la plus vraie et la plus proche de la vie (qui est en couleurs), symbole encourageant pour un ministre de l'information et pour un gouvernement.

- Comme le disait Léonard de Vinci, l’œil se trompe moins que l'esprit.

- La couleur ça n'est pas le noir et blanc colorié, c'est quelque chose de différent.

Qu'ajouter ? Tout est dit.

Meung-sur-Loire, juin 2011