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vendredi 27 janvier 2023

Le Louvre et ses fréquentations

Dans les nombreux recoins rarement visités de l’immense palais du Louvre, les sculptures, quand elles ne se sentent pas observées, se laissent aller à des poses moins héroïques, voire des activités douteuses.

Vous aviez renoncé à retourner au musée du Louvre, à supporter les heures de piétinement dans le froid et les courants d’air, la saturation des salles comme les jours de soldes, voire le refus de vous laisser entrer malgré une réservation et un billet valides, lors de l’exposition Vermeer en 2017. 
Pendant 2 ans, la disparition des touristes étrangers (75% des visites), interdits de voyage par la pandémie, vous avait redonné un peu d’espoir. Mais les affaires ont repris : 7,8 millions de visiteurs en 2022, alors que ceux venant d’Asie (habituellement 13 à 14% du total) sont encore absents, soit un total de 9 millions de visites potentielles, pas loin des records de 2012 à 2014, 2018 et 2019.

La nouvelle présidente du musée a entendu votre réprobation silencieuse. Informée de la dégradation des conditions de visite, de l’insécurité et de l’augmentation du stress des visiteurs, donc du personnel du musée, et sous la pression de quelques grèves internes, elle vient de déclarer, dans des entrevues au Journal des Arts et à France Inter (vidéo 15min.), vouloir mettre en place en 2023 des mesures qui rendront la visite moins déprimante (en réalité, elle dit "… plus agréable")

Elle a donc décidé, en accord avec la tutelle, et afin de respecter "le bon étiage qui est de 8 à 9 millions de visiteurs par an" dit-elle (sait-elle que l’étiage est le plus bas niveau d’un cours d’eau et non une moyenne ou un maximum ?), de prendre les mesures suivantes :

1. Repousser de 18h à 19h la fermeture du musée, et ainsi répartir les visites sur une journée plus longue. 
Aucune date n’est avancée car les négociations avec le personnel restent à faire. Cette mesurette ne devrait pas modifier sensiblement la courbe en cloche du nombre de visiteurs au long de la journée.

2. Ajouter une seconde entrée d’accès au musée, à l’extrémité est, rue du Louvre. 
Aucune date ni année n’est avancée car la proposition est en cours de négociation avec la tutelle et demandera, si elle est validée, de longs travaux.

3. Agrandir la surface du hall Napoléon consacré aux expositions temporaires (actuellement 1350 mètres carrés sous la pyramide)
L’opération demandera au moins 2 ans de travaux. Les expositions temporaires se feront pendant ce temps dans la Grande galerie des peintres italiens réaménagée, qui jouxte la salle de la Joconde. On ne voit pas clairement ce que cette expansion ajoutera au confort du visiteur des collections. Elle permettra surtout d’augmenter le nombre d’hyper-expositions Vermeer ou Léonard, et peut-être, par hasard parfois, il est vrai, d’absorber un peu mieux les flux de ces exhibitions dont le système du billet commun expositions-collections rend toute anticipation impossible.
Le Rijksmuseum d’Amsterdam pense résoudre le problème, pour sa grande rétrospective Vermeer imminente, en vendant un billet spécifique, commun exposition-collections, horodaté, et en obligeant le visiteur à commencer par l'exposition Vermeer à l’heure réservée sans retour possible une fois passée la frontière entre exposition et collections.

4. Limiter les entrées à 30 000 par jour, si possible horodatées
Cette dernière mesure est déjà en place, et sera probablement la seule cette année. La présidente assure, pour prouver le courage d’une telle décision, que le Louvre acceptait jusqu'alors parfois plus de 45 000 visiteurs. Remarquons que si le 30 001ème visiteur quotidien, refoulé, est suffisamment flexible pour déplacer sa visite sur un autre jour, comme il le fait pour les rendez-vous médicaux, on devrait aboutir, le musée étant ouvert environ 310 jours par an, à une répartition annuelle idéale de 9 300 000 visites, pas loin des insupportables records de fréquentation. Mais le touriste, notamment étranger, n’est sans doute pas aussi malléable et étirable qu’un malade.

Comme un médecin, la présidente n'exclut pas les urgences, ces visiteurs qui se présentent spontanément sans avoir prévenu, et elle leur réserve un mystérieux quota quotidien d’entrées disponibles sur place, tout en ayant néanmoins pris la précaution de préciser en gras dans le règlement sur internet que "seule la réservation en ligne garantit l'entrée au musée".  

Finalement, si à l’écrit les intentions de la présidente ont l’air murement réfléchies, on la sent hésitante à l’oral, un peu bafouillante. Par exemple sur la question du billet commun expositions-collections ses arguments sont inconsistants, elle y ajoute même un "pour l’instant…", et un "nous cherchons à améliorer…

Il faut reconnaitre que l’exercice est difficile. La meilleure solution est peut-être celle qui devrait être expérimentée par force pendant les deux ans de travaux du hall Napoléon, c’est à dire l’intégration, l'intercalation des expositions temporaires au milieu des collections permanentes, ajoutée à l’incitation, comme aujourd’hui, à une réservation unique avec horaire d’arrivée, pour répartir à la louche le flux de visites dans la journée. Les touristes qui ne souhaitent pas voir l’exposition n’auraient qu’à éviter les salles qui lui sont consacrées, comme ils en évitent tant d’autres pour se précipiter devant la Joconde et y piétiner joyeusement. Bénéfice collatéral pour le musée, les sacrosaints chiffres de fréquentation des expositions temporaires les plus rébarbatives égaleraient automatiquement les records des expositions populaires sans avoir à mentir, puisque ce seront les chiffres de fréquentation du musée.
Le dispositif n’est peut-être que de circonstance, puisqu’il s’agit d’une opération très spéciale, Naples à Paris, où le musée Capodimonte au cours de sa longue fermeture pour travaux prête 60 de ses plus belles œuvres italiennes. L’expérience, à surveiller, voire à vivre pour voir quelques merveilles, se déroulera du 7 juin 2023 au 8 janvier 2024.


Apostille : les journalistes auraient pu profiter de cette poussée de communication de la présidente du Louvre pour s’informer des suites de l’épopée des fraises de Chardin, qui nous ont laissés sur notre faim depuis leur déclaration comme trésor national en avril 2022. Le malheureux acheteur détroussé, le musée Kimbell, attend toujours son emplette de 27 millions de dollars, au Texas près de Dallas. Peut-être devra-t-il patienter jusqu’en octobre 2024. Pour l’instant la France a cassé sa tirelire et compté ses pièces jaunes, et on imagine, la sébile de l’aumône de 2019 devant les cendres encore fumantes de la cathédrale de Paris ayant largement débordé, qu’une souscription nationale ne sera peut-être pas nécessaire pour que le tableau demeure à Paris.

mardi 26 janvier 2021

Découverte par hasard du vol ignoré d’une copie supposée d'un faux Léonard disparu

Quoi ? Qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans ce titre ? 
Bon, reprenons en commençant par la fin.

1. « … d’un faux Léonard disparu. »

Le faux Léonard disparu, c'est ce tableau médiocre qui, entre 1958 et 2017, à force de restaurations et soutenu par de grands experts, est devenu un authentique Léonard de Vinci, acheté 450 millions de dollars par un petit Staline saoudien.
Du jour de sa vente en 2017, les experts se défilant l’un après l’autre, le chef-d'œuvre, qui aurait pu être exposé en tête de gondole à la grande foire au Léonard du Louvre en 2019, et devenir le joyau du Louvre Abu Dhabi, a en fait disparu. On le dit dans le yacht du despote milliardaire.

2. « … d’une copie supposée… »

Avant de devenir le plus cher du monde, le tableau disparu était considéré comme l’un des nombreux exemplaires d’un modèle pictural du Christ vu de face et faisant un signe de la main, venu de Byzance par la Flandre, et dont des spécimens tenant un globe de verre de l’autre main se sont multipliés à la fin du 15ème siècle en Italie.
Dès l'entrée dans le livre des records du tableau du paragraphe 1, les musées qui possédaient des copies d’après le même modèle modifièrent leur catalogue, en ajoutant « d’après un tableau de 450 millions de Léonard de Vinci », ce que fit le musée Doma de l’église San Domenico Maggiore, à Naples, qui en exposait un exemplaire attribué à Giacomo Alibrandi de Messine.  

3. « Découverte par hasard du vol ignoré… »


C’est l’épisode amusant de la blague, sa chute. Des carabiniers italiens qui perquisitionnaient dans l’appartement d’un suspect napolitain ont trouvé au fond d’une armoire, sans le chercher, l'exemplaire du paragraphe 2. Peut-être ont-ils cru un instant découvrir le disparu du paragraphe 1, très semblable, aussi inexpressif, mais ici la robe était rouge, et non bleue, et le sfumato, le fondu entre ombre et lumière, était moins réussi (ou moins restauré). Fermé depuis des mois de confinement, le musée Doma, qui se croyait encore détenteur de ce Christ du paragraphe 2, ne s’était pas aperçu de sa disparition sans effraction.
 
Voilà pour les éclaircissements. Il reste cependant un mystère. Comment une croute peut-elle se transformer en un Léonard de Vinci, puis se transmuer en or et ruisseler sur ses répliques au point de faire briller la cupidité dans les yeux de tous ceux qui les approchent ? 
C’est peut-être ce qu’on appelle le miracle de la foi. Il parait que c’est le même prodige qui maintient en équilibre le petit monde de la spéculation financière.
 
***
Illustration : le tableau recouvré, mis en scène par la police italienne. On admirera sa parfaite connaissance de l’iconographie chrétienne de la crucifixion, qui représente toujours le Christ entre les deux larrons.

samedi 4 juillet 2015

La vie des cimetières (63)



Tout le monde n’est pas enterré dans ces parkings à tombes que sont les cimetières. Certains restes sont au-dessus des lois. Mais pour cela il faut particulièrement se faire remarquer de son vivant.
Bernat de Vilamarí le second, comte de Capaccio, était de ces bienheureux.

De son vivant héritier très fortuné, il mettait navires et galères au service belliqueux des couronnes d’Aragon et de Naples, notamment contre le Turc.

À sa mort en 1516, en remerciement, il était sculpté à Naples, gisant nonchalamment accoudé sur le couvercle de son cercueil, affublé d'une armure de marbre et du sourire béat d’un sommeil sans nuage.
Puis on installa son tombeau monumental vers 1518 sous le porche d’accès à l’atrium de la basilique de Montserrat, près de Barcelone. Ses os arrivèrent un peu plus tard.

Hélas l’estime et l’adoration sont inconstantes. Désaffecté, déplacé, profané, détruit en 1811, ne restaient que quelques fragments lors de la reconstitution du mausolée en 1956.

Gravé sur sa tombe, un aphorisme latin « Vixit Ut Semper Viveret », que Gougueule traduit aléatoirement par « Lorsque qui ait jamais vécu », signifierait grosso modo, « Il est devenu poussière, mais il est toujours présent dans nos pensées, ne serait-ce que parce qu’il faut le dépoussiérer régulièrement par respect du touriste. »
   

vendredi 21 février 2014

Tranche de vie napolitaine


C'est un restaurant situé sur une petite place touristique de Naples. Une Vierge dans une niche de bois est nimbée, le soir, d'une lumière bleu vif au néon.
Rien de tel, pour s'imprégner du charme du lieu, que de lire les jugements de la clientèle italienne sur l'établissement, et de demander à Gougueule d'en faire une traduction automatique, qui met si bien en valeur les nuances de la langue d'origine. En voici un florilège :

- Allumé, le sanctuaire de Notre-Dame est un animal de compagnie quand vous pouvez dîner à l'extérieur.

- La qualité de la nourriture a bon goût. 

- Même la pizza était très bon.

- Mais les cheveux sont dans les plats hors-d'œuvre que la mer y Génois sont inacceptables.

- Des plats en plastique, pizza avec les moules de ketchup, pas propre, salade de calmars puante, que du bon pain et de l'eau minérale.

- Dans ma pizza était un point d'agrafeuse indignés que nous avons payé et sommes partis.

- Si l'été puis le soir est susceptible de devenir inoubliable. Un théâtre.

- C'est le réveillon du livre nuit et nous nous sommes placés à l'extérieur avec les champignons. Apéritifs bon cru, le reste du riz, indescriptible morue cuit vin mousseux salée impropre à la consommation. Nous nous sommes levés sans fin, le projet de loi comme la morue.

- Je dis que j'ai pris ma femme est seulement à cause des prix excessifs salade de poulpe.

- Sans aucun doute le chemin de la salle de bain est un peu mal à l'aise.

- La pizza m'a laissé un peu de monde.

- La faille : la structure.

- Alors j'ai dit au revoir et s'en allèrent à jamais.

- Et retour à la maison, nous avons dû nous faire un sandwich !

samedi 6 avril 2013

Histoire sans paroles (5)

Portrait d'un homme, bronze romain trouvé à Herculanum dans la villa des papyrus (Naples, musée national d'archéologie).

mardi 27 novembre 2012

Peut-on vivre sans cerveau ?

Délicate question médicale. Le très savant Albert Einstein l'affirmait. D'après lui l'Homme est capable d'exécuter sans cerveau quelques fonctions de base, comme marcher en rangs et au pas cadencé au son d'une musique militaire, avec comme seule ressource sa moelle épinière. Il faut reconnaitre que la médecine n'était pas sa spécialité, mais il a tout de même mis au point les fondements théoriques de la bombe atomique et de plein d'autres petites choses utiles.

Par ailleurs on a bien découvert des braves gens qui vivaient normalement et apparemment sans cerveau, comme en 2007 ce fonctionnaire dont l'organe était tartiné en une fine couche sur la paroi interne de sa boite crânienne presque vide.

Ces histoires sont palpitantes. C'est pourquoi il faut écouter Denis Le Bihan, directeur de NeuroSpin CEA Saclay, qui a inventé des procédés révolutionnaires d'observation des fonctions du cerveau (résonance magnétique à très haut champ).
C'est un peu le docteur Mabuse et son hypnose télépathique. Mais Le Bihan, lui, ne songe pas à détruire l'humanité. Il devise modestement sur l'exploration de la conscience humaine, dans une récente émission médicale de la radio France Culture, comme dans une salon de thé.

Il y parle de la découverte de la localisation matérielle de la parole dans le cerveau par Paul Broca, en 1861. Et on frémit un peu quand il dit avoir vu l'excitation des molécules dans les zones du plaisir, ou constaté une plus grande densité de matière blanche chez les musiciens à la mesure des quantités d'heures de pratique.
On tremble aussi lorsqu'il précise qu'une électrode posée sur le cerveau et déplacée par erreur d'à peine deux millimètres peut entrainer le patient dans une insoutenable envie de suicide, ou quand il affirme avoir reconnu la traduction de formes simples et de lettres de l'alphabet dans l'observation directe du cortex visuel primaire. Le rêve du docteur Mabuse.

Par bonheur, quelques anecdotes récréatives ponctuent ce pataugeage dans la conscience, comme lorsqu'il évoque, succinctement, la destinée rocambolesque du cerveau d'Albert Einstein en personne. Mais cette histoire méritait d'être un peu plus détaillée. Elle le sera dans la prochaine chronique de Ce Glob est Plat.
Cette admirable sculpture antique démontre que la beauté peut aisément se passer de cervelle.
Buste d'Aphrodite, époque d'Hadrien, copie d'un original grec du 4ème siècle avant notre ère, découvert dans l'amphithéâtre antique de Capoue où il décorait le porche d'accès aux gradins supérieurs (Naples, musée national d'archéologie, inv.6019).

dimanche 12 février 2012

La ruine des ruines


Soyons précis.
« Pompéi, derniers jours » ne signifie pas forcément que ce sont les « Les derniers jours de Pompéi », mais que c'est aujourd’hui le dernier jour de l'exposition Pompéi au musée Maillol, à Paris. Quoique les nouvelles qui parviennent depuis quelque temps du site original près de Naples, après l’effondrement de plusieurs maisons, puis la fermeture récente de treize autres faute de moyens pour les entretenir, inquiètent. À Herculanum, des zones découvertes de la maison des Papyrus ont été de nouveau emmurées, pour les protéger dit-on des intempéries et des déprédations. Paradoxe de la conservation des vestiges exhumés.
La curiosité humaine est un besoin irréductible. À propos de la souffrance de Sisyphe, condamné à rouler au sommet d'une colline un rocher qui en redescendra sans cesse, et dont il fait une métaphore de l'existence que l'être conscient supporte jour après jour, Albert Camus conclut ainsi son essai sur l'absurde :
« Je laisse Sisyphe au bas de la montagne« ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme.
Il faut imaginer Sisyphe heureux. »
Mise à jour du 12.09.2012 : une poutre de la Villa des Mystères, ramollie par les intempéries, a emporté avec elle une partie du toit du péristyle qu'elle soutenait. Cependant la visite de la villa continue.

lundi 19 décembre 2011

Platon est un con

Tragédie grecque inspirée d'une remarque sur Platon (1) d'André Brahic (qui n'est pas la moitié d'un astrophysicien) proférée à la 17ème minute d'une conférence échevelée pour l'Université de Tous Les Savoirs.


La scène se passe à l'agora d'Athènes

Platon : Le monde sensible, celui qui est perçu par nos sens, est changeant selon les témoins et les opinions. Il n'est que l'ombre du monde parfait des idées, qui est la seule réalité.

Le chœur : Platon est un con !

Platon : Si le monde sensible n'est qu'un simulacre du vrai monde des idées, c'est parce que nos sens nous trompent, et non parce que les idées seraient fausses.

Le chœur : Quel con ce Platon !

Platon : Les idées, les formes ne peuvent être fausses puisqu'elles ne proviennent pas de nos sens. Ce sont des modèles indépendants de toute pensée, et donc les seules réalités susceptibles d'une étude objective. Le monde sensible, subjectif, ne peut pas faire l'objet de connaissances.

Le chœur : Ce Platon, quelle tache !

Platon : Avant d'être prisonnière d'un corps, notre âme immortelle faisait partie du même monde que les idées. C'est pourquoi les idées nous arrivent par réminiscence, et par une laborieuse gymnastique philosophique.

Le chœur : Platon est vraiment très con !

Platon : Seul le philosophe, capable de se défaire des idées reçues et des apparences, sait manipuler les idées vraies pures et éternelles et peut ainsi diriger la cité.

Le chœur : Sacré Platon, il ne pense qu'avec ses pieds !

Le coryphée : Et les conceptions de Platon, l'existence de deux mondes, un monde corrompu, physique, opposé au monde pur des idées et des formes, guideront l'humanité, ses pensées, ses croyances, pendant des millénaires.

Platon : Eh, j'avais pas trop le choix, mon avenir, avec mon physique, c'était lutteur de foire ou phare de l'Humanité, vous auriez fait quoi à ma place ?

Le chœur : Platon est un con !



Sculptures romaines, copies de caricatures grecques. On reconnait sur l'image de gauche le grand Platon écervelé, et à droite le Platon qui ne pense qu'avec les pieds (Naples, musée national d'archéologie).

***

(1) Extrait de L'observation de l'univers a-t-elle encore un sens aujourd'hui : «Platon disait que la pensée pure était la vérité, et c'est la source de tous les massacres de l'humanité, l'inquisition des chrétiens, le fondamentalisme musulman, les camps nazis, les camps sibériens, des gens ont une idée, ils ne la confrontent pas à la réalité et massacrent leurs semblables sous prétexte de les rendre plus heureux.»


vendredi 25 février 2011

La vie des cimetières (35)

Où on apprend pourquoi dans l'antiquité il n'était pas obligatoire d'être aveugle pour devenir empereur romain ou philosophe grec...
Illustration 1 : détail d'un athlète courant, copie romaine en bronze trouvée à Herculanum dans la célèbre villa des papyrus (Naples, musée national d'archéologie). Illustration 2 : Portrait d'un inconnu, marbre, vers 140 de notre ère (Naples, musée national d'archéologie). Illustration 3 : Portrait d'homme sur une stèle (Milan, cimetière monumental, vers enclos ouest - secteurs 15-16).
 
 
Le citoyen moderne qui déambule parmi les ruines antiques ou médiévales apprécie qu'elles aient été blanchies par le temps, que l'architecture et la statuaire qui ne sont pas de son siècle aient été lessivées par les intempéries au point de ressembler à d'immenses squelettes de pierre. Le passé lointain est forcément incolore. 
Or on sait depuis longtemps déjà que cette vision est fausse, que les temples, les cathédrales, les statues étaient généralement multicolores. Que les yeux des portraits sculptés, quand ils n'étaient pas incrustés de pierreries polychromes étaient certainement peints (illustration 1)
 
Cependant le visiteur qui parcourt les salles d'un musée d'antiquités a l'impression, devant les bustes alignées, de traverser un long hôpital peuplé d'aveugles aux yeux inhabités. Même Antonio Canova, adepte tardif de l'antiquité presque vingt siècles plus tard, la copiait au point d'orner généralement les visages de ses statues de globes lisses et inexpressifs pour tout regard. 
 
Pourtant les bustes modelés au même moment par Jean-Antoine Houdon respiraient, vivaient, et vivent encore, grâce à un procédé qu'on pourrait croire neuf mais dont il avait probablement observé les prémices à Rome sur quelque buste antique (illustration 2)
Dans le globe oculaire, l'iris est creusé comme une coupelle, légèrement si les yeux doivent être clairs, à l'exception d'une petite saillie qui accroche plus de lumière et simule un reflet d'humidité. Parfois l'effet est rehaussé en creusant un trou au centre pour marquer la pupille et en striant légèrement l'iris de lignes concentriques (illustrations 3 & 4).
 
 
Illustration 4 : Portrait de femme, d'une statue pédestre (Milan, cimetière monumental, vers enclos ouest - secteurs 15-16)
 
 
Et quand l'astuce est réussie, comme sur certains bustes funéraires du cimetière monumental de Milan, où que soit placé le spectateur, les yeux de la statue présentent l'illusion de la transparence et la profondeur d'un vrai regard. 
 

samedi 11 décembre 2010

Correspondances




La nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Correspondances (première strophe),
de Charles Baudelaire, dans Les fleurs du mal.


La poésie est une chose parfois assez confuse.
C'est ce qui la rend plus évocatrice, dit-on, et c'est sa fonction.
Sans doute.

L'arbre trône dans le parc de la Fondation de l'Hermitage, à Lausanne. Les colonnes reposent sous les tribunes de l'amphithéâtre de Pozzuoli, près de Naples.

dimanche 28 novembre 2010

9084

Le dessin est maladroit, les yeux et la bouche désaxés comme par un peintre cubiste, les mains épaisses. Tous la nomment Sappho parce qu'elle tient des tablettes de cire et un stylet.
Le musée national d'archéologie de Naples l'appelle 9084.

On l'aurait découverte vers 1760, quand les fouilles étaient alors de la flibuste plutôt qu'une science. Détachée d'un mur, vers la région 6, ilot 17 (insula occidentalis, ancienne Masseria Cuomo, peut-être ici ou ), le long de la via Consolare, qui conduit à la via des sépulcres, et à la villa des mystères, mais on ne savait pas encore qu'on pillait alors l'antique Pompéï.

Elle évoque un de ces visages surpris sur les murs d'une villa ensevelie, lors de la percée du métro de Rome, cette scène inoubliable du film « Fellini Roma », quand l'air extérieur vient ronger en quelques minutes les fresques millénaires, et les efface.

dimanche 1 novembre 2009

Un voyage dans le temps


Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
Change plus vite hélas que le cœur d'un mortel).

Charles Baudelaire, Le cygne, dans Les fleurs du mal.

Ils ont raison, ceux qui croient Ce glob Est Plat soumis à la déesse Gougueule (Google chez les anglophones). Et tant que son esprit inventif sera au service du voyageur en robe de chambre, du navigateur au budget limité à son abonnement internet, alors ce Glob persistera dans la promotion de ses étonnantes créations.

Le cap Misène, dans le sud de l'Italie, près de Naples
(sa position dans Gougueule Eurf)

Glorifions donc aujourd'hui Gougueule Eurf (Google Earth) qui vient de mettre sa version 5 à disposition. En 2005, Gougueule Eurf était un logiciel de voyage virtuel sur le globe terrestre, un outil pour préparer des vacances lointaines ou les rêver seulement. Puis au fil des années, Gougueule a créé le relief, les monuments en trois dimensions, les rues et les façades des villes principales, les commerces, le fond des océans, la peinture au détail et les millions de photos prises par des touristes. La terre devenait alors un vraie Terre, avec des gens dessus. Enfin, accélérant son expansion territoriale, Gougueule créait le ciel nocturne et l'astronomie qui va avec, et dernièrement la Lune, et la planète Mars. On peut en explorer la surface et l'histoire. Bientôt, il n'y aura plus un endroit dans l'univers où la main assoiffée de Gougueule n'aura posé le pied.

Or, avec sa version 5, Gougueule nous fait franchir l'ultime frontière, celle qui est réservée aux divinités, la limite du présent, justifiant ainsi le culte que lui vouent certains. Désormais, au moyen d'un habile curseur temporel activé par l'appui sur l'icône d'un cadran d'horloge (voir l'illustration), le voyageur peut dévoiler ou masquer les différentes prises de vue d'un même endroit, et voir surgir ou s'évanouir, en couches chronologiques, les maisons, les routes, les saisons.

Ainsi vous pourrez maintenant, preuves à l'appui, dénoncer un voisin qui a dilaté son habitation sans en informer le fisc, admirer la science des cultures soviétiques et le rapide anéantissement de la mer d'Aral et des populations voisines, empoisonnées, trembler à la dégradation du patrimoine de l'Humanité, à Babylone, en Irak, par les armées américaines, montrer à vos petits-enfants qu'il y avait une forêt en Amazonie...
On le voit, cette simple évolution de Gougueule Eurf abonde en nouvelles applications pratiques et en promesses de divertissement.

Comme la géologie ou l'archéologie, la nouvelle version
de Gougueule Eurf dévoile des strates de temps
.

Et puis il était temps que l'homme constate par lui-même, bière à la main, pantoufles aux pieds, l'inexorable détérioration de sa planète, la seule à sa disposition, et l'allongement démesuré de l'ombre de la tour de Doubaï, où il discernera, sans aucun doute, les signes de la vanité humaine.

dimanche 4 octobre 2009

L'athéisme n'existe pas

Depuis maintenant sept ans reviennent chaque été les réjouissances hédonistes (1) du mois d'aout. Pendant tout le mois, chaque jour de la semaine un peu avant 18 heures, on s'installe confortablement au fond du jardin, à l'ombre, pour écouter Michel Onfray, sur les ondes radiophoniques de France-Culture. Il nous raconte les récits merveilleux d'un monde idéal où on peut remettre en cause ce qu'affirment parents et professeurs, ne pas aimer le travail, ou désirer la femme de son voisin (ou le mari de sa voisine, ou toute autre combinaison).

Il appelle ça une «contre-histoire de la philosophie» mais on sent bien que c'est notre véritable histoire, et qu'il est comme un frère instruit qui nous relate la vie de vieux oncles éloignés et savants. On ressent de l'affection pour ces ancêtres qui ont pensé, longtemps avant nous, qu'il n'y a rien au-delà de la réalité, et qu'être matérialiste n'est pas une maladie honteuse mais plutôt la manifestation d'une certaine lucidité.
Et parce qu'au fond du jardin flotte pendant une heure un air de liberté, on oublie les tics de langage du narrateur, ses hapax, ses oxymores et cette manie de truffer son discours de mots en «...isme» et de qualificatifs en «...iste».

Mais il y a un hic dans ce tableau idyllique, car Michel Onfray est atteint d'une maladie grave : il est athée. Et il a écrit des pages et des pages, des conférences, des traités sur cet athéisme.


Naples, deux points de vue sur la religion : la Vierge au néon, preuve incontestable de l'existence de l'électricité, et un graffiti subversif dont le personnage s'exclame «Arrêtez la plaisanterie, enlevez le bandeau et rendez-moi mon cerveau!»

Or qu'est-ce qu'être athée ? Étymologiquement c'est être sans dieu (avec le «a» privatif). Comme l'anorexique a perdu le désir de nourriture, l'athée a perdu Dieu. On frémit. L'athéisme est donc une maladie de l'absence, comme l'anémie, l'achondroplasie, l'agénésie, l'anencéphalie. Mais si on peut comprendre et constater facilement l'absence d'une fonction vitale, d'un membre, d'un cerveau, on a plus de mal à se représenter l'absence de quelque chose qui n'existe pas.

Simple question de logique direz-vous. Les croyants, incapables de démontrer ce qu'ils affirment autrement que par un vent de rhétorique, ont souvent exigé de leurs contradicteurs qu'ils produisent la preuve du contraire, et on sait que la torture parvient à résoudre bien des problèmes de logique.
Il serait judicieux, afin d'éviter ces incohérences et ces dérèglements, de nommer asensés, aréalistes, ou alucides les porteurs d'une croyance quelconque, car ils ont perdu l'usage d'une partie de leur raisonnement. Ce sont les vrais malades, ils souffrent d'un dysfonctionnement psychophysiologique comme l'atteste wikipedia qui ne ment jamais. Mais n'accablons pas ces pauvres gens qui ont besoin de jolies légendes (2) pour supporter la réalité. Le qualificatif «croyant» leur convient. Clair et explicite.

La croyance est la valeur par défaut parce que l'autorité de quelques-uns sur tous les autres est également une valeur par défaut des sociétés humaines. L'une et l'autre, croyance et pouvoir, ont probablement la même origine. Croire c'est se soumettre.
Mais dans le monde réfléchi et réaliste de Démocrite, d'Épicure, de Spinoza et de Nietzsche, les athées sont les gens normaux et l'athéisme est un mot vide de sens. Et la véritable magie de ce monde, plus belle que toutes les chimères de toutes les religions, c'est que les paroles bienfaisantes de Michel Onfray parviennent au fond du jardin sur des ondes invisibles qui ont traversé l'espace et le temps, comme par miracle.

***
(1) Rappelons que le véritable hédonisme n'est pas la recherche sans frein du plaisir mais une philosophie plus frugale qui poursuit le bien-être dans l'évitement de la souffrance, du déplaisir et de l'ennui.
(2) La religion de la Licorne Rose Invisible (et de l'Huitre Violette de la Damnation) possède son Livre Sacré, dont les premiers mots, la Genèse, sont ainsi :
«Au commencement, la réalité créa les cieux et la terre,
Ce qui fut fut, et ce qui ne fut pas ne fut pas,
L'obscurité enveloppa ce que la lumière n'enveloppa pas,
Et ce qui ne fut ni lumière ni obscurité fut Elle, la Licorne Rose...»

dimanche 27 avril 2008

Nuages (8)

Le cratère du Vésuve, près de Naples. Le panneau polyglotte conseille la vue sur Pompéi.

vendredi 29 février 2008

Chronique inconsistante du 29 février

Le 29 février est une date rêvée pour faire des promesses. On s'engagera à les respecter dans un an jour pour jour. L'interlocuteur distrait ne réalisera pas toujours qu'il devra attendre 4 ans. Voire 8 ans quelquefois. Ainsi Ce Glob Est Plat s'engage aujourd'hui à se mettre sérieusement à la lecture de l'Éthique de Baruch Spinoza, et à en faire un résumé limpide dans un an jour pour jour (quatre ans en réalité, c'est bien plus que la durée de vie moyenne d'un blog. Nous voilà tranquilles). Telle est la fourberie du jour bissextil.

 

Mais ce jour apportera en revanche une grande félicité à l'abonné à la "Bougie du sapeur", «le quotidien du 29 février. le seul quotidien auquel sa périodicité donne le recul indispensable pour traiter l'actualité avec lucidité».

dimanche 20 janvier 2008

Encore un grand pas pour l'humanité

Mosaïque pompéienne du 1er siècle,
squelette épicurien aux pichets de vin (Carpe Diem),
Naples, Musée national d'archéologie

Le 14 septembre 1998, le monde entier apprenait dans l'encyclique «Fides et ratio» du pape Jean-Paul II que «La foi et la raison sont deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité». En d'autres termes, on ne peut connaître la vérité qu'en conjuguant une réflexion raisonnable (la logique scientifique) et une adhésion irrationnelle (la croyance dans les dogmes de la religion).

On se rappelle peut-être moins que quelques mois auparavant, le 30 janvier 1998, la France avait mis en application la même idée extravagante, par la publication au Journal Officiel d'un décret surréaliste relatif à la mise sur le marché des médicaments homéopathiques. En résumé, les marchands de ces produits sont dispensés de tout essai pharmacologique, toxicologique et clinique (par exemple de tests en double aveugle) s'ils apportent la preuve, par référence à la littérature reconnue dans la tradition de la médecine homéopathique, que le degré de dilution et les composants utilisés en garantissent l'innocuité. Il y a ainsi deux catégories de médicaments : ceux qui devront démontrer leur efficacité, et ceux auxquels il suffira de croire.

Comme le dit Jean Brissonnet dans une étude passionnante sur la «médecine homéopathique *», ce texte de loi permissif et inégalitaire, imposé par l'harmonisation européenne, pouvait être interprété comme une forme de mépris envers les adeptes de l'homéopathie. Les laboratoires spécialisés ont-ils pris conscience d'un risque de perte de crédibilité auprès de leur clientèle, et est-ce pour cela qu'ils semblent avoir organisé des campagnes de tests à grande échelle directement sur leurs fidèles ?

Les récentes expériences des laboratoires Boiron sont à ce sujet éloquentes. Le 10 octobre 2007, un communiqué de l'agence française de sécurité sanitaire (AFSSAPS) informe que deux médicaments homéopathiques Boiron ont été intervertis durant 6 mois et prescrits pour ce qu'ils n'étaient pas, suite à une erreur d'étiquetage. Le communiqué de l'AFSSAPS dont le ton général est très rassurant, insiste sur l'absence de risque particulier pour les patients et l'absence de cas de pharmacovigilance déclaré.

Pareil test en double aveugle, directement sur la population pendant 6 mois, ça n'a pas de prix ! La loi demande la preuve de l'innocuité de ces médicaments.
Y a-t-il jamais eu plus parfaite démonstration ? Et plus que de leur innocuité, certainement de leur inutilité.

C'est pourquoi contrevenant ici à sa légendaire neutralité, Ce Glob Est Plat conseille à ses lecteurs de s'empiffrer de médicaments homéopathiques afin d'aider les laboratoires français à retrouver leur respectabilité qu'une loi inique venue de l'étranger continue de flétrir.

*
Cette étude date un peu (1999). Quelques informations plus récentes (2004) se trouvent sur le site de F. Roussia. Un entretien édifiant d'une heure avec Jean Brissonnet en 2010 est disponible sur le blog de JM. Abrassart (le balado du scepticisme scientifique).

samedi 20 octobre 2007

La vie des cimetières (10)

La première chose que voit le voyageur qui arrive à Naples par la mer est une silhouette blanche, au sommet d'une colline, qui se détache sur le fond grisâtre de fumées et de poussière. C'est la Chartreuse de San Martino, maintenant musée d'art et d'histoire napolitains.




Derrière sa façade se trouve un vaste cloître occupé, dans un coin, par le cimetière des moines.
Pas de tombes, pas de noms. Seulement une grande dalle entourée d'un buisson de lierre. Autour, une pelouse ceinturée d'une balustrade ornée de seize crânes de marbre.




Les sculptures du cimetière et du cloître ont été réalisées entre 1623 et 1643 par Cosimo Fanzago, sculpteur et architecte baroque renommé à Naples.

samedi 25 août 2007

Lascaux 2, le retour

Au-dessus d'eux les explosions avaient cessé depuis quelques jours. C'était une bonne idée d'avoir fait construire cet abri. Il fallait maintenant essayer de retrouver Alis qui avait fui avant la reprise des tirs.
La lourde porte blindée grinça un peu.
Dehors, le spectacle était désolant. Une partie de la colline en face avait disparu. Presque toute la végétation également, pour ce qu'ils en voyaient à travers l'épais brouillard noir. Même en plein jour, la torche électrique était utile. Ils longèrent le seul chemin praticable le long de l'ancien ruisseau. En bas tout était dévasté, à part un immense bloc de rocher gris qui avait résisté.

Des gémissements semblaient venir de là, d'un passage étroit au ras du sol poussiéreux, probablement pratiqué par une explosion. Gala qui était plus petite s'y glissa.
Le conduit s'évasait rapidement en une vaste caverne couverte de peintures représentant toutes sortes d'animaux fabuleux. Elle se souvint avoir entendu parler de grottes peintes dans la région il y a des siècles, quand il y avait encore des animaux. Les galeries étaient désertes, ses appels résonnaient. Au fond, sur un panneau, un texte était écrit dans un alphabet qu'elle ne reconnaissait pas «Grotte de Lascaux 2, inaugurée par M. Jack Lang Ministre de la culture, le 19 novembre 1984».

Elle appela encore... Alis n'était pas ici.
Elle regarda une dernière fois les
étranges animaux, fascinée. Mais il y avait plus urgent. Il fallait rejoindre Moza et trouver de la viande fraîche pour ce soir.

Grand taureau
(Lascaux 2, copie partielle de Lascaux, Montignac, Dordogne)

Que le lecteur sensible ne s'effraie pas. Tout ceci n'est que fiction. Il est possible que la réalité en diffère un peu.
Cet été pluvieux ayant été propice aux activités culturelles souterraines, Ce Glob Est Plat a reçu d'une jeune lectrice une carte postale qui représentait un taureau, détail d'un ensemble datant d'environ 17000 ans, peint sur les parois de la grotte de Lascaux 2 voici à peine 25 ans. Ce paradoxe chronologique précipita la rédaction dans un abîme de perplexité. Un reporter fut alors chargé de répondre sans délai aux questions suivantes:
— Ce qui est unique est-il nécessairement authentique ?
— Éprouve-t-on la même impression devant une copie que devant un original ?
— Pourquoi se sent-on trahi quand on apprend avoir admiré une copie ?
— Pourquoi cette vénération pour l'objet authentique ?

Mercure en bronze, probable copie romaine d'un original grec inconnu
(Naples musée national d'archéologie)

Notre reporter est revenu peu après avec l'historiette que vous venez de lire, prétendant qu'elle répondait à toutes nos interrogations, et ajoutant « la vérité est une construction de l'esprit. Elle n'a besoin que d'être cohérente pour être acceptable ».
La rédaction réfléchit actuellement au libellé du motif de licenciement.

dimanche 5 août 2007

mercredi 20 juin 2007

Une œuvre énigmatique

Le musée national d'archéologie de Naples, récemment cité ici-même à propos d'un chef d'œuvre immémorial, recèle également des trésors moins renommés. Des trésors parfois si rares ou énigmatiques que les plus grands experts ne savent pas ce qu'ils représentent, d'où l'absence auprès d'eux d'étiquette explicative, comme pour le merveilleux objet de notre illustration. Le puriste regrettera peut-être que sa contemplation soit un peu gênée par la présence, juste devant l'œuvre, de cette statue de la déesse Isis, jolie néanmoins, mais omniprésente.