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dimanche 6 octobre 2024

La vie des cimetières (114)


Je cherche le repos, et trouver ne le puis...

Joachim du Bellay, Les regrets 1558, sonnet 39.




Légende de l'illustration :

1. Le cercueil dont on ne sait pas encore qu’y git peut-être Du Bellay, lors de sa découverte sous le pavement du transept de la cathédrale de Paris.
2. Les scientifiques se recueillent et prient devant les deux cercueils de plomb avant leur proclamation aux médias.
3. Le corps du cercueil anonyme avait été embaumé et rempli de fleurs et de plantes, jusqu’au crâne qui avec le temps s’est rouvert, laissant échapper du poète les derniers vers.
4. Les scientifiques consultent le manuel d’anatomie et viennent d’identifier sur le cadavre l’emplacement précis du sens de la poésie, situé près du cœur.
5. Après récupération des données statistiques les scientifiques referment les cercueils et effacent avec précaution, pinceau fin de martre et gratte-éponge côté doux, toute trace de leur curiosité.


Dans son Traité des reliques en 1543, Calvin constatait que la convoitise des reliques n’allait "quasi jamais sans superstition", qu’elle était "mère de l’idolâtrie", et qu’on ne saurait adorer les os d’un martyr ou de la Vierge sans être en risque d’adorer ceux d’un larron, d’un âne, d’un chien ou de quelque prostituée. 

Mais les humains n’ont que faire des avertissements de Calvin, qui par ailleurs a proféré tant de bêtises. Ils sont aussi fébrilement avides des miettes de leurs congénères qu’à l’époque du réformateur, et vénèrent avec toujours autant d’ardeur les restes peu ragoutants des personnalités qui fleurissent leurs livres d’histoire.


En 2010, les italiens, grands amateurs dont on rappelle que les reliques de San Gennaro à Naples garantissent contre les éruptions du Vésuve et les épidémies de peste (mais pas contre le SIDA ni le COVID), retrouvaient dans un ossuaire de Porto Ercole, parmi les débris d’environ 200 individus, des restes qui appartenaient - affirment-ils - à Michelangelo Merisi dit le Caravage, avec une probabilité de 85%, ce qui est déjà fort appréciable, bien au-delà de la moyenne.

Et quelle coïncidence, c’était justement le 4ème centenaire de la disparition du peintre !


En France, on a surtout des poètes, dont on nous inculque qu’ils ont créé la langue française à la force des 10 ou 12 pieds de chacun de leurs milliers de vers. Et quel évènement dramatique plus propice à nous rappeler ce passé commun que l’incendie de la cathédrale de Paris, qui réunit en 2019 les citoyens les plus opposés dans une communion de 840 millions d’euros destinés à la reconstruction (pas aux plus démunis, soyons sérieux) ?


Or sous les décombres de la flèche effondrée, dissimulés sous le pavage de la croisée du transept, l’Institut National de Recherche Archéologique Préventive (INRAP) exhumait alors deux cercueils de plomb, dont un sans inscription, anonyme. 

C’était sans compter sur le Sherlock Holmes du monde des morts, comme l’appelle le journal Le Monde, le docteur Crubézy de Toulouse. Après deux ans d’analyse du cercueil et de son contenu, il affirme que ce qu’il subsiste du corps anonyme appartenait au grand poète Joachim du Bellay, l’auteur de La Deffence et Illvstration de la Langue Francoyse, de tant de poèmes mélancoliques rabâchés à l’école, et inventeur de cette "douceur angevine" qui a fait que le monde entier imagine aujourd’hui le climat de l’Anjou comme le plus agréable de la planète.


On savait le poète enterré quelque part dans la cathédrale depuis 1560, sans l'avoir jamais découvert.

Un pays au passé culturel si riche, un pays qui a diffusé son bon gout et influencé les civilisations pendant des siècles, qui a renversé et raccourci certains de ses tyrans, qui vient de choisir une ministre de la culture sans compétence criblée de poursuites judiciaires et seulement préoccupée de son image et de ses intrigues de pouvoir, un pays enfin qui a inventé les cathédrales gothiques, ne pouvait qu’inhumer au cœur de la plus célèbre d’entre elles un des inventeurs officiels de sa propre langue.


M. Besnier, responsable des fouilles, est moins affirmatif que Sherlock Holmes et conseille la prudence, car l’analyse isotopique de ses dents démontre que l’enfance du squelette s’est déroulée à Paris ou à Lyon, loin d’Angers où Joachim aurait vécu sa prime jeunesse.

Mais son chef, le président de l’INRAP, balaie cet argument avec l’ironie des certitudes mathématiques et affirme que l’âge et la pathologie des miettes "offrent une solidité statistique remarquable". Il ne donne pas de chiffres, mais comme pour Caravage en 2010, on a peut-être ici 85% de chance que les restes soient réellement ceux de Du Bellay. Notons au passage que nonobstant ce fort taux de véracité, la relique du poète, si c'est elle, ne garantit manifestement pas contre les incendies.


La presse, confiante dans la science des probabilités, en a fait illico des titres affirmatifs, des dossiers, des cahiers photos, des dépliants centraux détachables à punaiser au mur. Jusqu'à Ce Glob est Plat qui en reproduit les images sans honte.


Pareil au vieillard qui retourne en enfance, une société sans avenir n’a que son passé pour horizon.


mardi 12 mars 2024

Ce monde est disparu (11)

Les principaux ingrédients indispensables à la réalisation d'un bon Magritte à 43 millions.

Impossible de ne pas comprendre, à la lecture de l'essai écrit par la maison de ventes Christie’s pour la promotion de L’ami intime de Magritte, qu'on a affaire au tableau le plus poétique de l’histoire de la peinture, et même de l’histoire de la poésie. La poésie y est invoquée 13 fois et le mystère 10 fois, ces mots flous destinés à faire croire que des idées sont profondes quand elles ne sont que creuses.

Parce que Christie’s aurait bien aimé battre tous les records. Il lui semblait que le tableau concentrait les thèmes les plus populaires de Magritte, et qu’en additionnant le nombre de ses œuvres représentant, comme dans L'ami intime, un ciel nuageux (861), un mur (533), un homme vu de dos (131), un chapeau melon (106), un verre (39) et une baguette de pain (29), on obtenait 1699, soit 87% du total des 1957 œuvres au catalogue du peintre, promesse de battre des records d’adjudication (pour mémoire Christie’s en empoche entre 15 et 30%).

Le décompte des objets dans les tableaux de Magritte provient de la base de données créée par une équipe de chercheurs canadiens déçus de n’avoir pas obtenu le droit de reproduire même de simples vignettes des tableaux dans leur étude sur l’œuvre de Magritte (nous en parlions en 2018).

L’erreur de calcul de Christie’s aura sauté aux yeux de tout spécialiste de la peinture belge, cependant la maison de ventes avait d'une certaine façon vu juste. Car L’ami intime, qui est pourtant le tableau fade d’un Magritte en manque d’inspiration et fabriquant un pastiche de lui-même, a disparu sans dispute en deux minutes contre l’enchère très respectable de 43 millions de dollars. Largement dépassé par L’Empire des lumières de 1961 du même Magritte (80M$ en 2022 chez Sotheby’s), L’ami intime entre cependant dans le cénacle convoité des 150 tableaux les plus chers de l’histoire des ventes, où il élève ainsi à 5 le nombre de Magritte, preuve de la popularité croissante des baguettes de pain et des chapeaux melons dans le monde de la spéculation.

Profitons-en pour annoncer aux amateurs de Magritte que son site officiel et médiocre vient de changer d’adresse sur internet mais qu’il est toujours aussi indigent en images. Sa biographie, curieusement tronquée, n’indique nulle part ni ailleurs sur le site la date de la mort du peintre. Geste manqué des ayants droit qui aimeraient secrètement toucher éternellement la rente des droits d’auteur ? En réalité Magritte est mort en 1967 et, selon la législation européenne d’aujourd’hui, son œuvre devrait devenir libre de droits et reproductible sans frais dans les blogs impécunieux dès le 1er janvier 2038 (à moins d’un subterfuge juridique qui le prolongerait indéfiniment, comme savent le faire maintenant les grandes marques).

vendredi 25 mars 2022

Ce blog avait deux ans...


Ce blog avait deux ans ! ➊ Et déjà, de la carte,
Faillit être rayé par l’erreur 404 ➋.
Ses liens vers l’extérieur, déjà, en maint endroit
Menaient vers le néant, sans faire ni une ni trois.
Alors pour conjurer cette grippe espagnole
On dut diligenter un contrôle bénévole.
À des juges savants, certes dignes de foi,
On confia la gageüre. Ils restèrent sans voix ;
D’un billet de douze ans, sur dix liens éphémères,
Il n’en restait pas un, conclusion douce-amère,
Pas un pour retrouver sa voie dans le réseau.

Si la neurologie nous dit que le cerveau
Efface le passé pour toujours le revivre,
Permanent palimpseste ➌, d’internet, le grand livre,
Le Ouèbe, quoi ! — 
            Lui aussi, s’oublie, jour après jour,
Se consomme et se chie, tel le topinambour ➍.
Comment ne pas avoir foi en l’instantané
Et sur l’éternité sans fin ratiociner,
Quand l’électricité peut faillir - n’est-ce pas ?
- Et faire passer tout ça de la vie au trépas ? 
 
Hugo Victor, dans Les Pages d'automne


***
 Hugolisme oulipien, Oulipisme Hugolien, ce poème est la reprise presque exacte (pour les rimes, la ponctuation, et si possible le champ lexical et la sublime inspiration) du poème original (reproduit en bas de page)écrit par Hugo en 1831, premier d'un recueil qui s'appelait alors "Les feuilles d'automne". Les spécialistes s’interrogent encore sur l’auteur(e) de la présente version du poème et du changement de titre en "Pages d'automne". Hugo aurait-il, la relisant sur ses vieux jours, trouvé cette rédaction de jeunesse lourde et sentimentale ? C’est plausible
L’illustration est de Carl Spitzweg (c. 1850, version du musée de Milwaukee).
➋ Fichier non trouvé, page inexistante.
➌ Manuscrit effacé et réinscrit plusieurs fois. Les travaux récents sur le cerveau et la conscience montrent que la mémoire ne fonctionne pas comme le pensaient les vieilles conceptions d’il y a 100 ans, voire 50 ans. Ce n’est pas un endroit mystérieux où une conscience irait (ou craindrait d’aller) chercher des choses enfouies.
Le cerveau est plat, sans aucune profondeur dans le temps, n’a qu’un seul état, celui du présent, qu’il constitue à chaque instant et modifie en fonction des sensations du moment. Tout souvenir est une reconstitution complète.
Nick Chater écrit dans Et si le cerveau était bête ? (The Mind is Flat - The Illusion of Mental Depth and the Improvised Mind, 2018) « Croyances, motivations et autres habitants imaginaires de notre subconscient sont de pures inventions. […] L’esprit est, à l’inverse, un improvisateur de talent. Il invente des actions, des croyances et des désirs pour justifier ces mêmes actions avec une facilité déconcertante. Mais ces inventions passagères sont fragiles, fragmentaires et contradictoires. Elles ressemblent à un décor de cinéma qui paraît solide dans un plan de caméra, alors qu’en réalité il ne s’agit que d’une façade en carton
On présente souvent les travaux de Chater comme une approche révolutionnaire, mais c’est pour vendre son livre, car toutes les découvertes scientifiques qui appuient ses idées modifient déjà depuis un moment les conceptions des neurosciences. Évidemment il sera encore controversé - comme l’a été Spinoza - tant que les inventeurs des vieilles lunes vivront encore de leurs fables.
➍ Tubercule nourrissant comme la pomme de terre. 

***
Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l’empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l’air qui vole,
Naquit d’un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu’il fut, ainsi qu’une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n’avait pas même un lendemain à vivre,
C’est moi. —
Je vous dirai peut-être quelque jour
Quel lait pur, que de soins, que de vœux, que d’amour,
Prodigués pour ma vie en naissant condamnée,
M’ont fait deux fois l’enfant de ma mère obstinée,
Ange qui sur trois fils attachés à ses pas
Épandait son amour et ne mesurait pas !

mercredi 2 mars 2022

La poésie à l’huile



Confrontés à l’aggravation des conséquences catastrophiques du dérèglement climatique, annoncée hier par le Groupe international d'experts sur l'évolution du climat, les dirigeants de la planète, qui ne voient pas plus loin qu'une échéance électorale, resteront hébétés et inertes.
Mais s'il s'agit pour nos maitres de faire oublier leurs erreurs et relancer la sainte croissance économique anémiée par leur politique sanitaire, les vieilles habitudes reviennent, et on entonne sans hésiter le refrain impérialiste, contre le peuple ukrainien pour commencer.
Immédiatement les marchés se réjouissent, le prix de l’or grimpe vers le record absolu qu’il avait atteint au début de la pandémie, et le pire de tout, le plus laid et le plus raté des triptyques du peintre Francis Bacon s'achète 51 millions de dollars chez Christie’s.

Oui, ça fait beaucoup, la coupe est pleine. Il est temps de revenir aux fondamentaux, à la poésie, et pas n’importe quelle poésie, pas la poésie au beurre ou à la graisse, non, la poésie à l’huile ! C’est le grand expert Éric Turquin qui le dit. 

Nous avons déjà présenté, voici un mois, les Fraises des bois de Chardin, tableau légendaire qui sera proposé aux enchères le 23 mars prochain chez Artcurial. Dans sa courte vidéo promotionnelle, M. Turquin nous apprend que l’encyclopédiste Denis Diderot adorait la peinture de son contemporain Chardin, mais reconnaissait ne pas comprendre sa magie. Or M. Turquin sait pourquoi et nous le dit, osant même, dans l’exaltation, une métaphore culinaire « tout simplement parce que Chardin c’est un immense poète à l’huile ». On ne saurait faire plus imagé. 

Et vous pourrez dès maintenant en déguster toute la poésie en très haute définition sur le site d’Artcurial, découvrir sur les radiographies les repentirs du peintre, et vérifier les voyages du tableau sur les étiquettes collées au dos du cadre (notre illustration).

Évidemment tout cela sera superflu si vous allez sur place, à l’hôtel des ventes, à Paris 9 rue Drouot, salle 9, les lundi 7 ou mardi 8 mars, entre 11h et 18h précisément, ou à l'extrême limite chez Artcurial au 7, rond-point des Champs-Élysées, Paris 8ème, du vendredi 18 au mardi 22 mars, entre 10h et 18h (sauf dimanche matin).

jeudi 14 octobre 2021

Nouvelle pas fraiche

Saviez-vous que Nikita Mandryka, l’immortel auteur des bandes dessinées du Concombre masqué, est mort entre le 13 et le 14 juin dernier ?
Les médias n’en ont pas fait un foin. Il ne sera probablement pas enterré au Panthéon ; on n’y met pas les libertaires. Il avait reçu fin 2019, à 79 ans, le Grand prix Töpffer de la ville de Genève pour l'ensemble de son œuvre, juste à temps.

Depuis plus de 20 ans il publiait régulièrement et gratuitement des fables légumineuses sur son site, peu visité. 
Il y publiait depuis 2003 une lettre d’information potagère vaguement mensuelle, puis annuelle (environ), pleine d’esprit et de dessins.
Il y vendait aussi des cartes postales originales en couleurs peintes à la main pour 50 euros (les prix avaient doublé il y a peu).

Il faisait tout lui-même. Que va devenir tout cela ? Disparaitre aussi, vraisemblablement, comme se dissolvent les liens sur internet.

Alors si vous aimez, visitez son site biscornu sans trop attendre, et récoltez tout ce que vous pouvez, pour le sauvegarder et le replanter ailleurs.


Un des derniers dessins de Mandryka paru dans son dernier fanzine fait main « Cosmic Stories » n°1 en novembre 2019, avec une jolie faute d'accord sur la première de couverture (édition des 40 amis du concombre, numérotée sur 100).

dimanche 18 octobre 2020

La vie des cimetières (97)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 3ème partie (de 3)
Arbres et saisons

Ifs, pins, thuyas, cyprès, cèdres, évoquent peut-être la persistance de la mémoire, ou tout autre valeur de permanence bien venue dans un cimetière, en tout cas leurs silhouettes majestueuses font toujours très décoratif, en toute saison, sur une lande un peu désolée, notamment quand l’âge leur a donné la forme d’immenses brocolis exotiques.
 

Difficile de trouver plus typique que le vieux cimetière de Tullybuck, pas tout à fait abandonné, au cœur du pays. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Kilbannivane à Castleisland. On prévient le visiteur que le sol est accidenté et que les objets de valeur laissés dans les voitures en stationnement devraient être soigneusement dissimulés. À propos de brocolis géants, s’il y a un botaniste dans la salle, quels sont ces arbres ? des cyprès ? (Copyright Google Maps)

Ahenny, autre vieux cimetière pittoresque, avec, en bonus, deux antiques hautes croix celtiques superbement ouvragées. (Copyright Google Maps)

Un cimetière généreusement arboré, agrémenté de quelques croix celtiques, même orné d’une ruine murée et placardée d’avertissements, fait tout de suite plus animé, comme ici le vieux cimetière de Glencullen. (Copyright Google Maps)

Il a bien fallu, en 10 ans, 3 ou 4 passages de Google Street view au long du cimetière d’Aghadoe, aux portes du  parc national de Killarney, pour noter que la cathédrale en ruine, réduite à quelques pans de mur sans toiture, était « fermée temporairement ». (Copyright Google Maps)

Il y a des cimetières où on aimerait enterrer une âme sœur, pour s'y rendre souvent en pèlerinage, en toute saison. Google Street view le sait, qui y retourne régulièrement, comme à Kildownet (ou Kildavnet), en 2009, 2011 au printemps et 2019 en automne. Ne manquez pas, sur la route du détroit (vous êtes sur Achill island), à 200 mètres vers le sud, la tour solitaire du clan O’Malley. (Copyright Google Maps)

Au style typique des films de genre, mais pimpant au printemps (ici en juin 2011), le vieux cimetière de Glenties est certainement à découvrir par une nuit de pleine lune. Spacieux et bien agencé, il permet de nombreux angles télégéniques. Une petite échelle de 3 marches près du pilier d’entrée à gauche évite l’escalade du mur si la grille est fermée. (Copyright Google Maps)

Record mérité, Google Street view est passé 7 fois en 10 ans par le cimetière de Drumcliffe, le Drumcliffe du nord, le plus célèbre, où est enterré le grand poète et prix Nobel irlandais, W.B. Yeats, avec son parking dédié et sa cafeteria. 
En réalité - ne le dites pas aux touristes - s’il y a des restes humains dans sa tombe, ce ne sont pas ceux de Yeats, ou alors, par un pur hasard, un ou deux extraits, pas plus. Enterré un peu négligemment en 1939 à Roquebrune en France, dans une fosse commune, il a fallu en inventer les morceaux au moment de son rapatriement en 1948…   
Néanmoins on notera à l’horizon, le plateau enneigé en haut des falaises de la magnifique montagne Ben Bulben. (Copyright Google Maps)


Enfin, on ne pouvait pas terminer cette tournée des cimetières irlandais sans tenter d’y entrer. Or Google a visité en détail le très populaire Glasnevin cemetary de Dublin. On peut le survoler en 3 dimensions, et en parcourir les principales allées. On dit que c’est un « véritable musée en plein air » comme le Père-Lachaise à Paris, ou le cimetière monumental de Milan. N’exagérons pas, la statuaire visible y semble remarquablement fade et mièvre.  

 

vendredi 30 janvier 2015

La vie des cimetières (60)


Les belles dames du cimetière Staglieno à Gênes

Dans la Ballade des dames du temps jadis François Villon regrettait les belles dames du passé, dans un vers devenu immortel,
« Mais où sont les neiges d’antan ? »

On dit qu’il faisait allusion à une tradition répandue au 15ème siècle dans le nord de l'Europe, les fêtes annuelles de la glace et de la neige où des personnages historiques ou mythiques étaient sculptés aux grands froids et fondaient avec la pluie et les redoux.

Les grands cimetières monumentaux ont aussi leurs dames du temps jadis. Elles se couvrent lentement de mousse et de poussière, mais de mémoire d'homme elles ne disparaissent jamais.












vendredi 21 février 2014

Tranche de vie napolitaine


C'est un restaurant situé sur une petite place touristique de Naples. Une Vierge dans une niche de bois est nimbée, le soir, d'une lumière bleu vif au néon.
Rien de tel, pour s'imprégner du charme du lieu, que de lire les jugements de la clientèle italienne sur l'établissement, et de demander à Gougueule d'en faire une traduction automatique, qui met si bien en valeur les nuances de la langue d'origine. En voici un florilège :

- Allumé, le sanctuaire de Notre-Dame est un animal de compagnie quand vous pouvez dîner à l'extérieur.

- La qualité de la nourriture a bon goût. 

- Même la pizza était très bon.

- Mais les cheveux sont dans les plats hors-d'œuvre que la mer y Génois sont inacceptables.

- Des plats en plastique, pizza avec les moules de ketchup, pas propre, salade de calmars puante, que du bon pain et de l'eau minérale.

- Dans ma pizza était un point d'agrafeuse indignés que nous avons payé et sommes partis.

- Si l'été puis le soir est susceptible de devenir inoubliable. Un théâtre.

- C'est le réveillon du livre nuit et nous nous sommes placés à l'extérieur avec les champignons. Apéritifs bon cru, le reste du riz, indescriptible morue cuit vin mousseux salée impropre à la consommation. Nous nous sommes levés sans fin, le projet de loi comme la morue.

- Je dis que j'ai pris ma femme est seulement à cause des prix excessifs salade de poulpe.

- Sans aucun doute le chemin de la salle de bain est un peu mal à l'aise.

- La pizza m'a laissé un peu de monde.

- La faille : la structure.

- Alors j'ai dit au revoir et s'en allèrent à jamais.

- Et retour à la maison, nous avons dû nous faire un sandwich !

jeudi 30 janvier 2014

Nuages (31)

Regarde ! Écoute ! Une rose tremble dans la brise. 
Un rossignol lui chante un hymne passionné.
Un nuage s’est arrêté. 
Buvons du vin ! 
Oublions que cette brise effeuillera la rose, 
Emportera le chant du rossignol
Et le nuage qui nous donne une ombre si précieuse.
Omar Khayyam (1048-1131), Quatrain 114 (Robaiyat)

Dinard, 26 mai 2012.

dimanche 29 juillet 2012

Nul n'est prophète...

Au delà de la Terre, au delà de l’infini,
Je cherchais à voir le paradis et l’enfer.
Une voix solennelle m’a dit :
Le paradis et l’enfer sont en toi.
Referme ton Coran. Pense librement,
Et regarde librement le ciel et la terre.
Omar Khayyam (1048-1131), extraits des Quatrains (Robaiyat)

La Turquie est bienheureuse.
Elle a depuis bientôt 20 ans Fazil Say, impressionnant virtuose qui fait la renommée de l'art du piano et de son pays dans le monde entier. Comme György Cziffra ou Alexis Weissenberg en leur temps, sa technique est éblouissante, son style fantasque, et son succès considérable.
Il compose également, quantité d'oratorios et de symphonies qui réclament une exubérance d'instruments et beaucoup de résignation de la part de l'auditeur, qui a l'impression d'écouter l'accompagnement musical des pesants films de science fiction américains, comme avec les symphonies d'Anton Bruckner ou de Gustave Mahler.

Mais la Turquie est déchirée.
Car elle organise le 18 octobre une sorte de procès galiléen en miniature, contre son idole Fazil Say pour avoir insulté les valeurs de l'Islam. Trouvant en effet amusante une évocation du poète perse Khayyam, reçue par le réseau Twitter, qui comparait le paradis des musulmans à un rade pour ivrognes garni de prostituées, Fazil a commis le blasphème irréparable de retweeter le tweet. C'est à dire qu'il a transmis le court texte, d'une légère pression sur le bouton idoine de son téléphone, à ses milliers de fans suiveurs. Erreur fatale qui pourrait bien l'enfermer 18 mois dans les prisons turques, dit la loi « pénale ».

Fazil Say n'a jamais caché son athéisme.
La Turquie n'a jamais caché sa laïcité, depuis la révolution de Mustafa Kemal en 1922. Jusqu'à l'inscrire dans sa Constitution.
Mais elle la pratique de moins en moins.

Mise à jour du 21.11.2012 : le tribunal étudie le dossier de la défense. Prochaine audience le 18.02.2013 15.04.2013.
Mise à jour du 16.04.2013 : le verdict clément, 10 mois de prison, ne sera exécuté qu'en cas de récidive dans les 5 ans. Encore un petit effort vers la civilisation...
Mise à jour du 14.11.2018 : l'affaire traine. Le jugement, confirmé en appel en 2013, annulé en 2015 par la Cour suprême, est renvoyé devant un autre tribunal et annulé définitivement en septembre 2016 alors que la presse, les instances européennes et le public éclairé réclament que le pianiste ait le droit de s'exprimer. Pendant ce temps, le pays s'enfonce doucement dans une autocratie réactionnaire, comme bon nombre d'autres pays dans le monde.



Le palais de l'Alhambra à Grenade, en Espagne. L'intérieur du palais (ici la tour de Comares) est totalement recouvert de grouillantes arabesques et d'innombrables inscriptions affirmant qu'Allah est le seul vainqueur. Fazil Say qui est musicien aurait pu se douter qu'en matière d'opinions les murs ont aussi des oreilles.

vendredi 11 mai 2012

La vie des cimetières (43)



Passons, passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent.

Guillaume Apollinaire,
extrait de Cors de chasse, dans Alcools, 1913


samedi 11 décembre 2010

Correspondances




La nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Correspondances (première strophe),
de Charles Baudelaire, dans Les fleurs du mal.


La poésie est une chose parfois assez confuse.
C'est ce qui la rend plus évocatrice, dit-on, et c'est sa fonction.
Sans doute.

L'arbre trône dans le parc de la Fondation de l'Hermitage, à Lausanne. Les colonnes reposent sous les tribunes de l'amphithéâtre de Pozzuoli, près de Naples.

samedi 13 mars 2010

Nuages (20)

... Et c'est pourquoi, il y a longtemps,
Dans ce royaume près de la mer,

Un nuage exhala un vent

Glaçant ma belle Annabel Lee.

Alors sa famille advint,

Et m'en sépara. Depuis,

Elle repose au fond d'un tombeau,

Dans ce royaume près de la mer ...


Edgar Allan Poe, Annabel Lee

(extrait librement traduit)

samedi 30 décembre 2006

Dans le vieux parc...

Dès que je fouille dans mes photographies de Versailles et que je tombe sur ces deux statues muettes perdues aux confins du parc, je ne peux m'empêcher de penser à cet obsédant poème de Verlaine dans les Fêtes galantes : Colloque sentimental. Alors aujourd'hui je les ai associés. Peut-être qu'ils ne s'accordent pas vraiment bien, que c'est une idée fixe trop personnelle... On verra bien. Cliquez sur l'illustration pour lire le poème.