dimanche 27 janvier 2013

Le monde leur appartient

Le domaine Public est l'ensemble des biens matériels et immatériels mis à la disposition du public ou d'un service public, et qui ne peuvent pas faire l'objet d'une appropriation privée. Ils appartiennent à la collectivité (et pas à l'État).
L'objectif de tout pouvoir politique est d'utiliser les biens publics (du Domaine ou non) pour en tirer des avantages personnels, électoraux ou matériels. L'affirmation est démagogique, mais les exemples sont quotidiens.

Aujourd'hui, c'est la Bibliothèque Nationale de France.
Comment profiter d'une révolution technologique pour faire passer le domaine public dans des mains privées ? Fastoche. Au lieu d'utiliser l'impôt pour numériser méthodiquement les livres et enregistrements du domaine public et les mettre ainsi à la disposition de tous, on paie (au rabais) des entreprises pour le faire, qui se rémunèreront alors avec un droit exclusif de commercialisation des œuvres numérisées (en définitive cette solution serait plus couteuse).
La BNF vient de le faire pour 70 000 livres et 200 000 enregistrements. On dit que la période n'est que de dix ans après laquelle les œuvres seront libres d'accès. Mais tous savent que c'est faux. On prolongera l'exclusivité pour financer la maintenance et le renouvellement des équipements. Ça se fait d'ordinaire. Et dans dix ans tout aura tellement changé, les responsables de cette braderie seront oubliés.

Le monde du livre s'en émeut fort sur Internet.

Cependant tout l'avenir n'est pas noir. Ainsi vous ne verrez peut-être bientôt plus aucune interdiction d'enregistrer images et sons dans les lieux publics comme privés, y compris d'œuvres qui ne sont pas dans le domaine public. Cette liberté devient concevable grâce à des brevets déposés en 2008 par Apple et Microsoft, dont ont sait qu'ils cherchent avant tout le bien de l'Humanité. Ces brevets prévoient d'intégrer dans nos appareils électroniques des dispositifs bloquant automatiquement les fonctions indésirables. Par exemple, des bornes savamment disposées dans une salle de concert ou un musée rendraient inactives les fonctions d'enregistrement d'images et de sons.

Mais pourrons-nous réellement profiter de tous ces progrès dans nos loisirs ? Les politiques d'austérité qui glacent actuellement l'Europe du sud paralyseront bientôt le continent entier.
Pourtant d'éminents économistes du Fonds Monétaire International viennent de reconnaitre une énorme faute de calcul. C'est pour un bête paramètre multiplicateur mal estimé qu'on enterre par erreur l'Europe dans une récession sans issue.
En fait, erreur ou justesse du calcul, tous les décideurs en économie étaient déjà persuadés, pour des raisons dogmatiques, des bienfaits du sacrifice. Et comme tous les politiciens impliqués dans cette plaisanterie funèbre sont encore au pouvoir, nationaux comme européens, ils ne reconnaitront leur méprise que lorsque la misère et le chômage viendront sous leurs fenêtres menacer leurs privilèges.

On voit comme les puissants concourent en chœur à notre bonheur futur. Il serait peut-être temps de faire quelque chose pour les remercier.



mercredi 23 janvier 2013

Histoire sans paroles (4)

Briare, décembre 2012


« Perronnet, de Nancy, l'a échappé belle. Il rentrait. Sautant par la fenêtre, son père, Arsène, vint s'abîmer à ses pieds. »
Félix Fénéon, Nouvelles en trois lignes, 735ème sur 1210.


mercredi 16 janvier 2013

Le véritable peintre de Lascaux


La scène du Puits (Lascaux version 3.2). Elle a fait l'objet de centaines d'interprétations très autorisées, qui en disent certainement plus sur les fantasmes des commentateurs que sur les intentions du peintre.


Ne rêve pas, lecteur crédule, à la vue de ce titre racoleur. Car Ce Glob est Plat, malgré des moyens d'investigation modernes et un évident désir de savoir, n'a pas découvert l'identité du créateur des peintures qui tapissent les parois de la grotte de Lascaux, à Montignac en Dordogne. Mort depuis au moins 17 000 ans, les archives municipales font défaut.
Mais Ce Glob est Plat révèlera un secret plus grand encore, sciemment enseveli par les exploitants régionaux actuels, le nom du véritable inventeur de Lascaux 3. Pas le Lascaux zéro (1), celui que les bactéries lessivent imperturbablement, mais le Lascaux quasiment éternel, celui qu'on pourra cloner à l'infini, et dont voici l'histoire.

Le visiteur de « Lascaux l'exposition internationale » qui se tenait à Bordeaux fin 2012 sur les quais de la Garonne aura été surpris d'apprendre, de la bouche d'un guide arrogant, qu'il se tenait alors dans Lascaux 3, fruit d'une technologie ultramoderne et jamais exposé au public. Surpris parce que ce visiteur avait pu admirer les mêmes panneaux mobiles de la Nef et du Puits, aussi finement réalisés, sous le nom de Lascaux 3 également, quatre ans auparavant dans l'exposition « Lascaux révélé », à Montignac. Il y aurait plusieurs Lascaux 3 ?

L'histoire commence en 1981 quand Renaud Sanson, machiniste et décorateur de théâtre collabore à la finalisation de la première reproduction officielle et partielle de la grotte, Lascaux 2. Avec le support bienveillant de Jacques Marsal, un des découvreurs de Lascaux en 1940, il décide de réaliser une copie de la caverne.
De tribulations en péripéties et grâce à quelques commandes, il crée un atelier de reproduction (ZK productions, Atelier du facsimilé pariétal), forme une équipe et perfectionne une technique unique de facsimilés en voiles de pierre (relevés au laser 3D, modelage de coques, projection stéréophotographique).

Vingt ans après, Sanson a convaincu. En 2003, Le Conseil général de la Dordogne lui commande Lascaux 3, copie itinérante des panneaux de la Nef (la Vache noire, les Cerfs nageant, les Bisons croisés) et du Puits (l'homme-oiseau et le bison blessés).
En mai 2005, l'Atelier du facsimilé pariétal est ouvert au public accompagné d'un grand bruit médiatique ; le badaud peut y suivre en détails les étapes du copiage. Dans la presse on promet Lascaux 3 à Paris avant fin 2007, puis à Tokyo.
Mais Sanson est un passionné, un méticuleux, peut-être pas un gestionnaire. ZK productions ne respecte pas ses engagements. Le Conseil général s'impatiente. La liquidation judiciaire est prononcée le 5 juin 2008.
Société d'économie mixte du Conseil général, la Semitour rachète l'atelier qui devient Atelier des facsimilés du Périgord (AFSP).
En juillet 2008, sous le nom de « Lascaux révélé » (ou Lascaux 3) une exposition semblable à celle de 2005, mais plus étoffée et mise en scène avec des films projetés sur les parois moulées, est inaugurée dans l’atelier de Montignac. Sanson en est encore le concepteur, l'orchestrateur et le porte-parole. C'est un succès.

Mais dès février 2009, remplacé par le directeur de la Semitour, Sanson ne dirige plus. L'atelier doit être libéré pour produire à la chaine du Lascaux 3, itinérant et international, du Lascaux rentable. L'exposition est démantelée pour être installée au musée du Thot à Thonac près de Montignac où croupissaient déjà des copies de l'époque de Lascaux 2. Cinq mois plus tard y est lancé « Toute la grotte de Lascaux », billet groupé pour visiter Lascaux 2 et 3, qui aura peu de succès.

Et le Conseil général se commande (à lui-même) un nouveau Lascaux 3 (disons Lascaux 3.2). pour cela l'AFSP utilisera désormais les données de la base documentaire constituée par Sanson, les moules des parois faits sous sa direction et les artisans qu'il a instruits, mais on ne le verra plus jamais. On fait parler à sa place un plasticien insipide et ennuyeux, disciple ingrat qui ne le citera jamais. Les vainqueurs commencent à réécrire l'Histoire. Renaud Sanson n'a pas existé.

Puis il sera licencié en mars 2010. La suite, sans fin, sera judiciaire.

Lascaux l'exposition internationale (ou Lascaux 3.2) ouvrira en octobre 2012. On y trouvera, en plus pédagogique, le contenu de l'exposition de 2008 et des guides prétentieux qui embrouillent à plaisir le touriste naïf en prétendant qu'il n'y a pas d'autre Lascaux 3. On raconte pourtant qu'il y aurait même une troisième copie de la vache noire, une vache 3.3, promise par contrat à un musée espagnol, et que la Justice recherche encore mais que personne n'a retrouvée jusqu'à présent.
Lascaux 3.2 passera six mois en 2013 au Field museum de Chicago, et à Montréal en 2014...

Et si Lascaux 4, le Centre d'art pariétal de Montignac, parvient jamais à voir le jour, il ne sera, comme le Lascaux du parc du Thot, qu'un assemblage de morceaux des versions du Lascaux de Sanson (2).

Dans un film de 53 minutes (3) déposé anonymement sur Internet en hommage à Renaud Sanson, le même plasticien usurpateur et inexpressif, ancien élève, affirme (à 43'50") que Lascaux a été peint par des êtres supérieurs qui accomplissaient sans savoir qu'ils accomplissaient (sic) ! Il veut peut-être parler de Renaud Sanson et de Lascaux 3.
Hâtez-vous de le regarder, car les vainqueurs officiels le feront bientôt disparaitre d'Internet sous prétexte du droit d'auteur (ils essaient actuellement d'obtenir de l'État tous les droits sur les œuvres pariétales de Cro-magnon et sa famille !).
Et vous pourrez alors raconter à vos petits-enfants la véritable histoire du peintre de Lascaux 3. 

Mise à jour du 8.09.2020 : Les études archéologiques datent aujourd'hui les peintures de 21 000 à 21 500 ans avant le présent.
 
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(1) Le lecteur déjà égaré par les numéros de version de Lascaux aura avantage à réviser ce récapitulatif de 2010. 
(2) Le Conseil scientifique de la grotte de Lascaux vient d'autoriser Lascaux 4 à refaire des relevés 3D et photographiques de la grotte (9ème réunion de juin 2012). Les données de Sanson étaient peut-être incomplètes.
(3) Lascaux 3 l'exposition internationale la genèse.

jeudi 10 janvier 2013

La vie des cimetières (47)


Dès que l'Homo Sapiens a commencé à « savoir », il s'est mis à décorer tout ce qui bougeait, et tout ce qui restait immobile. Et les coquillages furent parmi les premiers objets utilisés comme parure ou comme décoration.

À Malaga, en Andalousie, tout près de la mer, le visiteur du cimetière anglican de la paroisse de Saint George découvre en se promenant parmi les mille tombes un petit enclos solennel ceint de hauts murs, cimetière dans le cimetière, peuplé de cinquante sarcophages de briques rouges, pour la plupart anonymes. C'est le premier cimetière protestant fondé en 1831.

Chaque cercueil est surmonté d'une forme oblongue de pierres ou de ciment, tapissée de coquilles de coques géantes (1), laissant l'impression étrange que les corps des défunts ont été posés directement sur les sarcophages et abandonnés là.
Le temps et les grandes marées, ou quelque mystérieux rituel, les ont alors recouverts de centaines d'énormes mollusques qui les ont lentement momifiés.

(1) Cardium ou Cerastoderma, Bucarde, Coque des genêts, Hénon, Rigadelle, Fausse Praire, Ameijoa, Clica, Perdigone, Croque, et ainsi de suite...