samedi 28 juillet 2007

Un couteau suisse d'appartement

Dans les premiers siècles de notre ère, les promoteurs des grandes religions eurent l'idée ingénieuse de créer ou raviver la notion de «sauveur». Devant le peu d'assiduité des candidats à la croyance, ils proposèrent de leur éviter la rigoureuse discipline du pratiquant en inventant l'existence d'un représentant de commerce de leur dieu sur terre, qui se chargerait de toutes les tâches un peu ingrates, par exemple de supporter leurs souffrances à leur place. C'était nécessaire notamment pour faire du bouddhisme, doctrine nihiliste et plutôt improductive, un dogme populaire capable de maintenir un équilibre économique confortable. Le boulot fut confié à Avalokiteshvara, bodhisattva de son état (assistant d'un bouddha), qui renonça au nirvana pour endurer toutes les douleurs des êtres sensibles. Mais les êtres souffrants naissent à l'infini et leurs peines sont infinies. C'est pourquoi, après des péripéties où on vit sa tête exploser en 1000 morceaux, puis reconstruite en 11 têtes, il reçut d'un Bouddha 1000 bras et un œil dans la paume de chaque main. C'était un gain de productivité conséquent. On trouve parfois Avalokiteshvara représenté avec un objet par main. Chacun est consacré à une douleur ou un besoin particulier. C'est le cas de cette sculpture coréenne du 10ème siècle, exposée au musée Guimet, à Paris.

  L'Internet, qui contient pourtant tout l'univers, n'a pas réussi à nous renseigner précisément sur ces objets hétéroclites. Cependant on peut en reconnaître certains: deux artichauts, un drapeau américain, une tablette de chocolat, peut-être un téléphone cellulaire en bas à gauche... Ce Glob Est Plat avoue son ignorance du sujet et reste à l'écoute des propositions de lecteurs perspicaces ou documentés. Il faut noter, pour ceux qui n'auraient pas la chance de bénéficier d'un de ses 1000 bras, qu'Avalokiteshvara diffuse également un mantra (prière répétitive abrutissante) dont on dit qu'il est capable, même dit une seule fois, de satisfaire tous vos besoins terrestres, et même au-delà, et d'apaiser toutes vos douleurs: «OM MANI PADME HUM». N'hésitez pas à lui attribuer, après un emploi intensif, les quelques petits bonheurs de votre existence. Enfin, les bouddhistes tibétains pensent que les dalaïs lamas sont la réincarnation d'Avalokiteshvara. Malheureusement, le dernier dalaï lama est né avec seulement deux bras, ce qui, malgré sa bonne volonté, s'est révélé nettement insuffisant et n'a pas pu empêcher les montagnes de souffrances, persécutions, tortures et destructions infligées méthodiquement par le gouvernement chinois, depuis presque 60 ans, pour faire disparaître le peuple tibétain.

dimanche 22 juillet 2007

La vie des cimetières (8)

« NE DÉPOSEZ RIEN SUR LA VOIE PUBLIQUE
TRIEZ VOS DÉCHETS
UTILISEZ LE BAC APPROPRIÉ *»

* Ce Glob Est Plat s'est permis de corriger légèrement l'orthographe du message sur la poubelle, et signale à la Mairie de Paris qu'en français les majuscules devraient comporter les accents, comme le conseille ce texte limpide de l'Académie française.

mercredi 18 juillet 2007

4 cartes postales estivales

Pour faire d'jolies cart' postales
En cett' période estivale
Si t'as pas le Taj Mahal
Va donc voir le Pont-Canal
Et d'une balad' vespérale
Tu fais des clichés banals
Ça f'ra chic dans ton journal
Et un succès triomphal.

Chanson traditionnelle briaroise.

samedi 14 juillet 2007

Nuages (3)

Le jour du Quatorze Juillet
Je reste dans mon lit douillet.
La musique qui marche au pas,
Cela ne me regarde pas.

Pour être plus précis, j'ai du mal à rester dans mon lit douillet quand des dizaines d'hélicoptères prétentieux et tonitruants me font croire chaque année à la même heure, en traversant mon ciel, qu'une guerre vient d'être déclarée.

samedi 7 juillet 2007

Le dinosaure, l'étourneau et le charognard

Pour ne pas déranger le bourgeois local amorphe qui ne digère que le «Lac des cygnes», le très municipal 17ème festival de jazz d'Orléans s'est achevé samedi 30 juin par un moment d'académisme.
Le compositeur et arrangeur du Vienna Art Orchestra, qui faisait modestement projeter à chaque morceau son nom et ses fonctions sur un écran géant, nous a gratifiés de son imagination la plus routinière, heureusement démocratiquement ponctuée par une permission de sortie de chacun des 14 solistes de l'orchestre. Et là, certains se sont allègrement déboutonnés, témoin le solo de clarinette de Nico Gori, flamboyante envolée sur fond de musique sans inspiration exécutée avec minutie.

On peut voir sur ce cliché le Vienna Art Orchestra au complet. Enfin on aurait pu voir. La milice zélée et servile de l'organisateur interdisait aux non accrédités de prendre des photos des artistes, au prétexte, tarte à la crème du droit de l'image, qu'ils ne voudraient pas voir leur image sur internet sans la contrôler (lisez "sans rémunérer les charognards qui les entourent").

La soirée avait pourtant débuté par une première partie plutôt fantaisiste. Le festival avait invité le nonet (9 musiciens) du saxophoniste alto Lee Konitz. Lee Konitz est un dinosaure du jazz. En feuilletant sa discographie sans fin, on voit défiler une procession de légendes, pour la plupart refroidies : Warne marsh, Miles Davis, jerry Mulligan, Mingus, Shelly Manne, Zoot Sims, Gil Evans, Art pepper, Lennie Tristano... C'est dire son âge.
Cependant on entend toujours le son délicat et un peu voilé qu'il avait il y a 50 ans. Quand on l'entend. Parce qu'une bande d'étourneaux narquois avait décidé de l'accompagner avec fracas. Au début, il arrêtait de jouer et les regardait passer d'un air enfantin, mais quand, aux premières notes d'un solo, ils firent deux passages rapprochés retentissants, Lee vexé s'interrompit, laissant le percussionniste dans l'embarras, et finit le concert perdu dans le nonet.


Dans l'esprit du droit de l'image, je me suis efforcé de faire qu'on ne puisse reconnaître les membres du nonet (reconnaître n'étant pas le mot juste puisqu'ils sont parfaitement inconnus). Mais je n'ai pas pu me résigner à masquer Lee Konitz.
***
Le concert du 30 juin sera diffusé sur France Musique, ce soir 7.07.2007 à 23h pour le VAO, et le 3.09.2007 à 22h pour Lee Konitz.