dimanche 18 octobre 2020

La vie des cimetières (97)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 3ème partie (de 3)
Arbres et saisons

Ifs, pins, thuyas, cyprès, cèdres, évoquent peut-être la persistance de la mémoire, ou tout autre valeur de permanence bien venue dans un cimetière, en tout cas leurs silhouettes majestueuses font toujours très décoratif, en toute saison, sur une lande un peu désolée, notamment quand l’âge leur a donné la forme d’immenses brocolis exotiques.
 

Difficile de trouver plus typique que le vieux cimetière de Tullybuck, pas tout à fait abandonné, au cœur du pays. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Kilbannivane à Castleisland. On prévient le visiteur que le sol est accidenté et que les objets de valeur laissés dans les voitures en stationnement devraient être soigneusement dissimulés. À propos de brocolis géants, s’il y a un botaniste dans la salle, quels sont ces arbres ? des cyprès ? (Copyright Google Maps)

Ahenny, autre vieux cimetière pittoresque, avec, en bonus, deux antiques hautes croix celtiques superbement ouvragées. (Copyright Google Maps)

Un cimetière généreusement arboré, agrémenté de quelques croix celtiques, même orné d’une ruine murée et placardée d’avertissements, fait tout de suite plus animé, comme ici le vieux cimetière de Glencullen. (Copyright Google Maps)

Il a bien fallu, en 10 ans, 3 ou 4 passages de Google Street view au long du cimetière d’Aghadoe, aux portes du  parc national de Killarney, pour noter que la cathédrale en ruine, réduite à quelques pans de mur sans toiture, était « fermée temporairement ». (Copyright Google Maps)

Il y a des cimetières où on aimerait enterrer une âme sœur, pour s'y rendre souvent en pèlerinage, en toute saison. Google Street view le sait, qui y retourne régulièrement, comme à Kildownet (ou Kildavnet), en 2009, 2011 au printemps et 2019 en automne. Ne manquez pas, sur la route du détroit (vous êtes sur Achill island), à 200 mètres vers le sud, la tour solitaire du clan O’Malley. (Copyright Google Maps)

Au style typique des films de genre, mais pimpant au printemps (ici en juin 2011), le vieux cimetière de Glenties est certainement à découvrir par une nuit de pleine lune. Spacieux et bien agencé, il permet de nombreux angles télégéniques. Une petite échelle de 3 marches près du pilier d’entrée à gauche évite l’escalade du mur si la grille est fermée. (Copyright Google Maps)

Record mérité, Google Street view est passé 7 fois en 10 ans par le cimetière de Drumcliffe, le Drumcliffe du nord, le plus célèbre, où est enterré le grand poète et prix Nobel irlandais, W.B. Yeats, avec son parking dédié et sa cafeteria. 
En réalité - ne le dites pas aux touristes - s’il y a des restes humains dans sa tombe, ce ne sont pas ceux de Yeats, ou alors, par un pur hasard, un ou deux extraits, pas plus. Enterré un peu négligemment en 1939 à Roquebrune en France, dans une fosse commune, il a fallu en inventer les morceaux au moment de son rapatriement en 1948…   
Néanmoins on notera à l’horizon, le plateau enneigé en haut des falaises de la magnifique montagne Ben Bulben. (Copyright Google Maps)


Enfin, on ne pouvait pas terminer cette tournée des cimetières irlandais sans tenter d’y entrer. Or Google a visité en détail le très populaire Glasnevin cemetary de Dublin. On peut le survoler en 3 dimensions, et en parcourir les principales allées. On dit que c’est un « véritable musée en plein air » comme le Père-Lachaise à Paris, ou le cimetière monumental de Milan. N’exagérons pas, la statuaire visible y semble remarquablement fade et mièvre.  

 

mercredi 14 octobre 2020

Investir dans l'art ?

Amis millionnaires qui lisez régulièrement Ce Glob, ne dilapidez pas votre fortune à acheter des iles désertes qui seront bientôt dévastées par la montée des eaux, et où vous n’éviterez pas le virus, qui n’a que faire des frontières et de votre position sociale, investissez plutôt dans un marché culturel en plein essor, les collections des musées. 
 
Parmi les valeurs que l’Europe aura héritées sans hésiter de l’indépassable exemple américain, il n’y a pas que la nourriture poubelle, la politique spectacle et le cinéma puéril, il y a surtout un modèle économique et social d’une simplicité biblique : toute entreprise humaine doit être pécuniairement rentable. 
Or les musées américains, presque tous privés (maintenant privés de visiteurs par les restrictions sanitaires), tombent comme des mouches. Après avoir licencié une bonne part des employés et remercié les sociétés de services, que pensez-vous qu’il leur reste à négocier ? 
 
Jusqu’à présent l’Association américaine des directeurs de musée (AAMD), qui fait la loi outre-Atlantique, n’autorisait la vente d’œuvres des musées, sauf exceptions notables, que pour les remplacer et améliorer la collection, pratique qui ouvrait déjà la porte aux engouements passagers, modes et groupes de pression. 
Mais pandémie oblige, l'AAMD vient d’autoriser pour 2 ans, jusqu’au 10 avril 2022 - lisez « tant que ce sera nécessaire » - la vente d’œuvres des collections dans le but de secourir la trésorerie et la gestion courante des musées. On suppose qu’ils vendront en priorité les œuvres dont les donateurs ne sont plus là pour exprimer leur indignation (aux USA, domaine public signifie seulement qu’il n’y a plus de droits d’auteur sur les œuvres, mais elles restent en général la propriété d'institutions ou de fondations soumises au droit privé. En Europe les collections sont principalement administrées par des institutions publiques et soumises - pour l’instant - à des règles d’inaliénabilité).


Alors le musée de Brooklyn, à New York, se lance le premier, un peu timidement, avec une douzaine d’œuvres (sur une collection de 20 à 30 000), à vendre chez Christie’s le 15 octobre.
Les noms des artistes sont alléchants, mais les estimations modestes parce que les œuvres sont médiocres : un mauvais Corot douteux, un paysage de Courbet pour salle d’attente de dentiste, mais sans la biche, un Mesdag et un Daubigny insipides, et tout de même une Lucrèce de Cranach l’ancien, réchauffée mais de qualité (le vendeur en attend 1 à 2 millions de dollars)
 
Enhardi et mieux organisé, le Musée d’art de Baltimore (BMA), qui rouvre ses portes humblement à 25% de ses capacités, vient d’annoncer fièrement un « plan de dotation pour l’avenir », qui contient tous les clichés bien-pensants qui doivent le transformer en musée américain citoyen, responsable et respectueux des minorités (on se débarrasse d’un passé encombrant en l’effaçant des collections), et tout en ne licenciant personne.
Pour atteindre cet idéal, le musée ne vend que 3 tableaux modernes (Still, Marden, et Warhol) chez Sotheby's le 29 octobre, dont il estime, très optimiste, le bénéfice à 65 millions de dollars précisément, qu’il a déjà ventilés avec force détails sur les différents postes de dépenses.
 
Alors, le conseil à nos amis millionnaires sera d'aborder ce marché prometteur sans trop se précipiter, et en se méfiant des estimations gonflées par un reste de fierté des conservateurs aux abois. La catastrophe sanitaire semble s'installer, les prix devraient baisser. Naturellement, le conseil ne s’adresse pas aux heureux actionnaires des laboratoires pharmaceutiques, qui peuvent dépenser sans retenue, les yeux fermés.
 
Mise à jour le 15.10.2020 : Premiers résultats chez Christie's, Corot n'a pas démérité, il est parti à la moitié de son estimation moyenne, soit 125.000$, Mesdag presque à l'estimation haute, 175.000$, Courbet nettement au-dessus de l'estimation haute, soit 798.000$ (il y avait sans doute des dentistes dans la salle), et Cranach a ridiculisé les prévisions, en faisant presque 3 fois l'estimation haute, soit 5.070.000$.
 
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En illustration, un détail de la Lucrèce de Lucas Cranach mis en vente chez Christie's par le musée de Brooklyn.

mercredi 7 octobre 2020

La vie des cimetières (96)

Les cimetières irlandais vus de la rue, 2ème partie (de 3) 
Églises et embruns

Tout cimetière irlandais convenable devrait entourer une église. Mais la considération pour la religion semble moins durable que le respect pour les défunts. On trouvera donc beaucoup d’églises en ruine, ou en bonne voie, environnées de sépultures fraiches et fleuries. Parfois l’ensemble sera situé en bord de lac ou de mer. Plaisance, détente, repos.
 

Lough Gur graveyard, le cimetière irlandais idéal, du gris et du vert au bord d’un lac, dans un site immémorial, touristique et mégalithique, accessible par une voie goudronnée. Que demander de plus ? (Copyright Google Maps)

Un autre cimetière bien sympathique, celui de Kilronan, dans un site magnifique, au bord du Lough Meelagh, lac poissonneux, qui fait cohabiter avec bonheur tombes récentes et ruine romantique, et équipé d’un petit parking fort pratique. (Copyright Google Maps)

Cimetière d’Ahamlish. En 2010 l’accès à l’église était muré et déconseillé, aussi bien que la décharge de détritus, punissable d’une amende de 3000 euros. (Copyright Google Maps)

Le cimetière d’Aughaval est très vaste, la partie en ruine ne constituant que le nord que longe la route R335. Vers le sud, le cimetière devient plus vivant, si l’on peut dire. Les chiens y sont interdits, sous peine d’une amende de 150 euros, à l’exception des chiens errants, qui sont insolvables. (Copyright Google Maps)

Cimetière Saint Canice à Eglinton. L’endroit, près de Londonderry en Irlande du nord, semble très fréquenté, Google Street view y est passé 6 fois (ici en avril 2011). L’église, très soignée, n’est pas du tout en ruine, mais on pressent comme une ombre sournoise… (Copyright Google Maps)

Dans la banlieue de Dublin, à deux pas de la plage, du port de plaisance, du golf et d'un centre de loisirs, sur la presqu’ile d’Howth, le cimetière de l'abbaye Sainte Mary est vanté par tous les guides touristiques. (Copyright Google Maps)

Le cimetière de Cloughor vaut évidemment par sa situation en face d’une grande plage abritée du vent atlantique, au sud de l’ile d’Arranmore, au nord de l’Irlande. L’ile, vaste mais qui se dépeuple rapidement, a récemment supplié Australiens et Américains de venir s’y installer. Pour mémoire, les locataires du cimetière ne sont pas comptés dans les statistiques de population. (Copyright Google Maps)

Le vieux cimetière d’Inver entoure une église en ruine difficilement accessible. La notice du site de généalogie du comté de Donegal dit qu'il a été fondé après 1460 et abandonné vers 1900 (pourtant il présente des photos de tombes récentes). Il précise que le sol en est accidenté et les noms effacés par les quantités de sable apportées par le vent. (Copyright Google Maps)

À suivre... 

 

vendredi 2 octobre 2020

Quelques actualités provisoires

Au fil des ans, certaines des 719 chroniques de Ce Glob ont reçu une ou plusieurs mises à jour pour correctif ou information actualisée, sous la forme d’un petit codicille daté, à la fin de la chronique. Et en dépit de beaucoup de temps perdu dans des forums spécialisés dans la langue de Walt Disney, la recherche d’un moyen, sur l’éditeur du blog, d’alerter le lectorat sur une mise à jour est restée infructueuse.
Alors pour savoir s’il y a des actualisations, et où elles se trouvent, il est nécessaire de rechercher « mise à jour » dans le blog au moyen du dialogue dans l’en-tête, ce qui n’est pas réellement convivial.

Aussi, malgré une actualité culturelle très indécise, voici, pour égayer le trimestre prochain, quelques mises à jour notables et relativement stabilisées...

Mad meg à Nancy au Musée des beaux-arts

Il n’est pas si facile de voir réellement des dessins de mad meg, parce qu’ils sont immenses, et parce qu’elle n’a pas encore la notoriété de ses ainés, Bosch, Brueghel et consorts. Mais c’est en bonne voie, le musée des beaux-arts de Nancy, judicieux comme souvent, vient de lui acheter son immense Cène « Feast of fools », et lui a demandé de fouiller dans les collections de gravures et dessins du musée et de concevoir une exposition autour de certaines de ses propres œuvres.
Ça se passe au musée, place Stanislas, du 10 octobre au 31 janvier, c’est ouvert à toute personne de tout âge et de tout genre, dont la température corporelle est comprise entre 35° et 38°C. Allez-y, ne serait-ce que pour faire un bilan de santé.

L’âge d’or de la peinture danoise à Paris au Petit palais

C’est l’exposition parisienne à ne pas manquer cette année, un peu comme la comète de Halley en plus modeste, elle ne passe au même endroit que tous les 35 ans ! 
Jusqu’au 3 janvier, vous y verrez 200 parmi les plus beaux tableaux de la peinture occidentale, mais vous ne le savez pas encore, les médias sont discrets. On en a suffisamment parlé ici en février dernier. Il ne devrait pas y avoir plus de monde qu’au Grand palais en 1985, mais ne vous étonnez pas si aujourd’hui tous sont masqués.
 
Josef Koudelka à Paris à la Bibliothèque nationale de France


S’il vous reste un peu de temps à Paris jusqu’au 16 décembre, mettez-le à profit pour traverser la Seine jusqu’au quai François Mauriac, vous y verrez un certain nombre, peut-être une centaine, des 170 grands panoramas de ruines méditerranéennes photographiées par Koudelka et offertes à la BnF.
En page 5 du dossier de presse vous en trouverez 12 petites reproductions. Surtout lisez bien les « Conditions d'utilisation des photographies » car il vous sera demandé de les effacer de votre mémoire, par tous les moyens pharmaceutiques appropriés. 
 
Ces paysages vides d’humains ne sont pas seulement les ruines d’une civilisation lointaine, il est bien possible qu’ils soient celles de l’Humanité. C’est ce que précise l’exergue de Koudelka « Les ruines ne sont pas le passé, mais le futur. Un jour, autour de nous, tout sera en ruine ». 
 
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En illustration, détail d’une photo prise par Josef Koudelka en 1971 en Andalousie, à Grenade, publiée ici sans aucune autorisation.