mardi 25 août 2020

En vrac, mais en haute définition


Mad meg détaille son immense dessin Feast of fools.

D’abord, mad meg.
Il y a toujours un intérêt à retourner sur le site fabuleux de mad meg. Parce qu’elle l’enrichit de ses grouillants dessins à la plume, notamment ses Patriarches, et parce qu’elle a mis en ligne une vidéo de 50 minutes où elle présente à sa manière affranchie, drôle et instructive, son immense dessin « Feast of fools », version inouïe et entomologique de la Cène de Léonard de Vinci (l'image de la vidéo est insuffisante, aussi est-il conseillé d'ouvrir simultanément une autre fenêtre du navigateur avec le dessin, pour y suivre ses commentaires).
 
Puis Van Eyck.
Après 6 siècles, son polyptyque de l’Agneau mystique n’est toujours pas sec et sent le vernis frais. Depuis 2012, il est entre les mains des restauratrices du musée de Gand, pour 5 ans, disait-on. Elles ont un peu débordé, mais ne les harcelons pas, c’est une œuvre gigantesque de près de 25 mètres carrés de surface peinte (loi Carrez).
Le site surnaturel CloserToVanEyck a changé d’adresse. Il montre désormais l’avancement des travaux, et ainsi, à peine sec, le panneau central, avec, entre autres, la reconstruction du paysage urbain, à l’horizon sous la colombe (illustration ci-dessous), et l’agneau qui a retrouvé son regard humain et perdu 2 de ses 4 oreilles.
Remarquons, sur le même panneau, que les petits prophètes de l’Ancien testament agenouillés à gauche, qu’on pensait, à leur mine attentive, captivés par la cérémonie, sont en fait de sacrés simulateurs. Pas un n’a sa bible ouverte à la même page.

Les mauvais esprits adeptes de la règle de trois auront noté qu’après 8 ans il reste à nettoyer 7 panneaux sur 24, et escompteront donc un retable remis à neuf vers la fin de 2023.
Gardons-nous de tout optimisme et pronostiquons plutôt 2025, car les derniers panneaux sont sans doute les plus périlleux, Ève, Marie, Adam, les magnifiques musiciens, et puis le Patron. Rappelons que le Louvre n’a jamais osé nettoyer son Van Eyck majeur, la Vierge et Rolin, qui ne couvre qu’à peine un demi-mètre carré (et c’est pourquoi il semble aujourd’hui sorti tout droit d’une vespasienne).

Détail du panneau central du retable de l'Agneau mystique de Van Eyck. 
À gauche, avant le retrait de la crasse et des repeints accumulés depuis des siècles. À droite, après débarbouillage.

Et, si vous n’aviez jamais vu un pastel virtuose de très près (leur fragilité fait qu’on les expose peu), la National Gallery de Londres vient d’hériter un « Petit déjeuner » de l’excentrique Liotard, suite à la mort d’un banquier collectionneur dont les héritiers n’avaient pas en poche les 8,7 millions de livres sterling des droits de succession. 
Jean-Étienne Liotard (1702-1789) était un grand voyageur. Il avait gardé d’un séjour à Constantinople des habitudes vestimentaires orientales qu’il exhiba à travers toute l’Europe, car le pastel est une technique très portable, qui ne demande pas de temps de séchage (comme les crayons de couleur). Les plus privilégiés de l’époque, reines, papes, artistes, aristocrates, en furent ainsi portraiturés, à grands frais.

La National Gallery permet la consultation du Petit déjeuner de la famille Lavergne en haute définition (6000 x 4500 pixels) mais pas le téléchargement.
Remarquez les gestes concentrés sur le café au lait sur le point de déborder de la tasse de l’enfant, et la signature du peintre, qui dépasse du tiroir « Liotard, à Lyon [a Lion], 1754 ».
 
Enfin Rembrandt, encore.
Le Rijksmuseum d’Amsterdam, qui vient de clore en 2019 les festivités du 350ème anniversaire de la mort de Rembrandt n’a pas osé lancer en 2020 le 414ème de sa naissance, mais il a lancé dès 2019 la restauration de son plus grand tableau, la « Ronde de nuit », 16 mètres carrés.
Le musée en fait des kilos sur l’opération qui prendra plusieurs années et se déroulera en public, dans une grande vitrine, comme dans les rues chaudes de la ville. À l’entendre, il serait le tableau majeur du Rijksmuseum, sans lequel, s’il était décroché, les 2 millions de visiteurs annuels ne sortiraient même pas de chez eux.
Et de fournir des anecdotes croustillantes sur les attentats à l’acide et au couteau qu’il a dû subir, et d’en rajouter sur les mystères les plus profonds qui seront nécessairement dévoilés par ce récurage. 
Est-ce que l’œil du spectateur au béret, au fond du tableau, est un autoportrait de Rembrandt ?
 
Il faut bien excuser les millions d’euros de l’opération.
Il parait qu’une webcam doit témoigner en permanence de la restauration...

Dans cette parade de la compagnie de gardes civils du maire d'Amsterdam, Frans Banning Cocq, peint par Rembrandt en 1642, il n'y aurait, à part la jeune femme au poulet dont le rôle est incertain, que des membres de la garde civile et un seul spectateur, dont on n'entrevoit que le béret et un œil indiscret.

2 commentaires :

Martin-Lothar a dit…

Impressionnants, les dessins de mad meg.
J’espère que les restaurateurs de la Ronde De Nuit n’auront pas la pudibonderie ou le puritanisme désormais si chère à notre jeune siècle, de peindre un masque chirurgical aux rondeurs nocturnes, comme cela fut fait naguère, de pagnes sur les parties intimes des putti et autres anges de tout sexe…
Quant au spectateur inconnu, il ne peut s’agir en effet que du jeune Rembrandt (un souvenir d’enfance, peut-être), mais je m’interroge sur l’expression de ce regard (encore cyclopéen, avant restauration) : vous le voyez «indiscret » quand je le sens plutôt «admiratif» (ce qui signifierait que Rembrandt eût raté sa vocation de gendarme ou de policier de belle carrière, vu son sens de l’observation).
Ou alors, c’est un regard «inquiet» : le petit Rembrandt portant ce jour-là un gilet jaune…
Non, non, Costar, pas taper sur la tête, je sors, je sors…
Bien à vous.

Costar a dit…

Peut-être poseront-ils des masques "amovibles", c'est le principe de toute restauration moderne ?
Quant-à l'œil de Rembrandt, c'est un sujet très amusant.
Vous l'imaginez (peut-être) plus jeune que son âge au moment du tableau. Il avait 36 ans quand il l'a peint. Voici des autoportraits au béret(s) à 25 ans à Stockholm, 36 ans à Windsor, 40 ans, à Karlsruhe.
Avis tout à fait personnel, il me semble que s'il avait voulu faire un autoportrait il aurait regardé directement le spectateur, alors que l'œil regarde nettement le drapeau jaunâtre à sa droite.