mardi 28 décembre 2010

Le Noël des ayants droit

S'il n'en avait qu'un, accordons au moins à l'illustre Pablo Picasso le génie du commerce. De l'assiette creuse en céramique au gribouillis sur un coin de nappe en papier, il aura, de son vivant, signé plus de 20 000 œuvres. Et ce talent pour monnayer sa signature est certainement héréditaire (comme dirait le premier savant de France) puisque depuis sa mort en 1973 le nombre d'objets signés Picasso n'a cessé de proliférer.

Aujourd'hui un million de voitures de la gamme Citroën Picasso arborent l'énergique paraphe, dont on peut également acheter sur internet pour moins de 5 euros un fac-similé autocollant. Ainsi, de nos jours, toute maison accueillante qui ne possèderait pas au moins un objet signé Picasso serait inexcusable.

Et si un Picasso signé ne coûte que quelques euros, que valent 271 Picasso non signés ?
Car c'est le nombre de croquis, papiers collés et autres esquisses, inconnus des spécialistes, qu'un électricien septuagénaire vient d'exhumer. Il les aurait reçus en don alors qu'il installait des alarmes dans les dernières propriétés des Picasso, entre 1970 et 1980. Aucun n'est signé, mais les héritiers ayants droit (la Picasso Administration, prononcez «administreïcheune»), les croient authentiques. Et comme ils doutent du récit de l'électricien et aimeraient récupérer le magot, ils ont porté plainte pour recel. Les œuvres ont été saisies illico par la police de l'art.
La Picasso Administration devra prouver qu'il y a eu vol. Faisons lui confiance, elle y mettra les ressources nécessaires, et attendons la suite qui pourrait être palpitante. À moins que l'histoire ne finisse par la traditionnelle et plate négociation où les plaignants perdent une bouchée de pain et gagnent 271 Picasso (qu'ils estiment entre 50 et 100 millions d'euros).
Ceci confirme que la signature de Picasso n'a plus aucune valeur.

C.Q.F.D.

dimanche 19 décembre 2010

Nuages (24)

Quelques nuages badins divaguent auprès des tours de San Gimignano, petit bourg hautement touristique de Toscane. Et on comprend pourquoi les américains l'appellent « la Manhattan médiévale ».

Ceci n'est pas un attentat islamiste.

samedi 11 décembre 2010

Correspondances




La nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Correspondances (première strophe),
de Charles Baudelaire, dans Les fleurs du mal.


La poésie est une chose parfois assez confuse.
C'est ce qui la rend plus évocatrice, dit-on, et c'est sa fonction.
Sans doute.

L'arbre trône dans le parc de la Fondation de l'Hermitage, à Lausanne. Les colonnes reposent sous les tribunes de l'amphithéâtre de Pozzuoli, près de Naples.

dimanche 5 décembre 2010

Arbeit Macht Frei

Le travail rend libre. Profonde devise inscrite en fer forgé à l'entrée des camps d'extermination nazis, et régulièrement citée depuis par les nantis (ceux que le travail des autres rend libres), notamment par l'actuel Roi de la France.

Depuis des siècles l'être humain fournit une vie de labeur au service de la Patrie et de la Famille, après quoi on lui accorde de se distraire un peu, ou de se reposer, le plus souvent horizontalement avec les asticots.
Lorsque l'être humain est ainsi autorisé à cesser de travailler, s'il tient encore à la verticale, on appelle cela « la retraite ». C'est dire le peu de valeur qu'on accorde à cet état intermédiaire. Il suffit de lire la liste désespérante des synonymes du mot retraite (refuge, solitude, asile, fuite, repli, trou, cachette...)
On raconte qu'il existerait des êtres humains pour qui le travail est un bonheur quotidien et non une pesante obligation. C'est certainement de la propagande, une légende imaginée pour faire tourner les usines, les commerces, le système... Les plus simples y croient.

Se rassembler à six, armés d'appareillages sophistiqués, masqués par un tunnel et un virage, et surprendre les excès de vitesse des voitures entrainées par une pente naturelle, malgré la ressemblance avec un loisir, constitue cependant un travail rémunéré.

C'est donc fait depuis le 9 novembre. Le clan de ceux qui ont été élus pour ne pas avoir le même régime de retraite que les autres, a voté, sous l'impulsion du clan de ceux qui n'auront jamais assez cotisé pour partir à la retraite à l'âge légal, une loi ajoutant deux années à cet âge légal, c'est à dire deux années de peine supplémentaire pour ceux qui auraient déjà suffisamment cotisé pour partir à l'âge légal précédent. Le clan de ceux qui en souffriront est descendu dans la rue, par millions, mais le clan de ceux qui les coordonnaient, qui n'auront pas eux-mêmes le quota de cotisations nécessaire pour partir à l'âge légal précédent, ne semblait pas vraiment motivé pour contre-argumenter.

Ainsi, avec les progrès de la civilisation, s'étendront les cimetières de ceux qui sont morts au travail, pendant que leurs élus, démocrates fervents et prospères, sur leur lit de mort naturelle, auront l'expression sereine et satisfaite de celui qui croit son travail accompli.