dimanche 28 octobre 2012

Un bozoglyphe en Bavière

Vue aérienne du château d'Herrenchiemsee (© Google Maps)

Les tracés de contours d'animaux stylisés qui sillonnent le plateau de Nazca au Pérou (géoglyphes) ou les figures géométriques circulaires imprimées dans les champs d'Angleterre (agroglyphes) sont bien connus des amateurs d'affabulation qui les prétendent réalisés par des extraterrestres, du haut de leurs soucoupes volantes équipées des technologies les plus perfectionnées, stylos à bille 4 couleurs, taille-crayons à réservoir...

Mais d'incroyables révélations faites dans ce blog même en décembre 2007 prouvèrent brillamment que des figures illisibles vues du sol pouvaient être réalisés à l'aveugle par des humains entreprenants et motivés par une vénération irrationnelle (bozoglyphes).
Et cette démonstration, dans le parc du château de Versailles, aurait dû immédiatement évoquer Louis 2 de Bavière à tout amateur de majestés et de têtes couronnées.

Car ce malheureux monarque d'opérette admirait tant Louis 14 qu'il fit construire une copie améliorée du palais du Roi-Soleil, sur une ile du grand lac bavarois de Chiem, le château d'Herrenchiemsee. Tout devait y être plus grandiose qu'à Versailles. La galerie des glaces y dépasse l'originale, mais il est resté inachevé. Louis 2 n'y vécut que quelques jours de 1886 (le 12 juin, déchu, il était déplacé et interné au château de Berg, cent kilomètres à l'ouest, près de Munich).

Et la contrefaçon s'étend au dessin des jardins. Le parterre face au château est l'imitation exacte de celui de Versailles, à une nuance près. Si le visage original présente le faciès prospère et réjoui de l'autocrate belliciste qui saignait le peuple, sans complexe, pour assouvir ses plaisirs, le portrait d'Herrenchiemsee, quant à lui, a l'expression mélancolique, l'œil vide et le rictus douloureux.
On y lit la destinée funeste de ce roi neurasthénique découvert gisant dans les eaux glacées du lac de Starnberg, le 13 juin 1886.


Parterre du château d'Herrenchiemsee (© Google Maps)

dimanche 21 octobre 2012

Sur la taxe G...

Son modèle économique fuyant de partout, une part influente de la presse française tente depuis quelques mois, auprès des élus et avec l'appui d'une ministre, de faire voter une loi qui lui procurerait encore quelques ressources sans efforts.
L'idée est de créer un droit aux liens, un droit voisin sur l'indexation des contenus qui serait payé par les agrégateurs de liens sur internet.

Le schéma en clair serait le suivant : les sites d'information recopient (le plus souvent telles quelles) les dépêches de l'AFP sur leur jolies pages bourrées de publicité, puis les vilains moteurs de recherche indexent ces informations dans leurs bases de données secrètes gorgées d'or et de diamants, afin que les internautes les retrouvent facilement sur les sites d'information, dans leur écrin de publicités. Alors les diaboliques moteurs de recherche devront payer un droit pour chaque lien créé vers ces pauvres sites anémiques.
Ce nouveau revenu, dans les couloirs des groupes de pression, est appelé la taxe Google. Étonnant non ?
Que le lecteur distrait ne confonde pas ce droit destiné à créer une sorte de rente pour un nouveau type d'ayant-droit, avec un effort, défendable, pour réguler des abus de position dominante ou une évasion fiscale trop voyante de Google. Ce n'est pas une taxe mais une rémunération destinée à s'approprier une part de ses résultats amoraux.

En résumé, la presse numérique qui vit grâce aux liens que créent les moteurs de recherche, est en train de scier, du côté du tronc, la branche sur laquelle elle est installée. Ubu n'aurait pas mieux fait. Évidemment Google vient d'annoncer qu'elle effacera alors tous les liens de son moteur vers la presse française.
Et les maitres chanteurs de hurler au chantage.

Ne vous étonnez donc pas si demain vos recherches d'actualités sur internet ne vous mènent plus sur les sites français spécialisés. Le Gouvernement de la France aura actionné la scie. À défaut de cervelle on a sa fierté tout de même !

Lire sur le site du Nouvel Observateur la synthèse vue de l'intérieur de Christophe Carron de Voici (avec un lien indirect vers la proposition de loi).




















La Presse hébétée s'agrippe à la branche qu'elle vient de scier (allégorie prémonitoire).


dimanche 14 octobre 2012

La nature est joueuse

Ploumanac'h en Bretagne, au pied du phare de Mean Ruz.

mercredi 10 octobre 2012

Vous êtes ici (à vue de nez)

Pomme est une petite entreprise qui imagine des téléphones avec un environnement logiciel complet, et les métamorphose en ordinateurs de poche. Pomme s’efforce d'empêcher que les vilains concurrents viennent mettre des choses pas propres dans son écosystème, c'est à dire des logiciels qui ne lui rapporteraient rien, car il faut bien vivre aussi.
Et Pomme a besoin d'informations pour nourrir son système, notamment cartographiques. Comme elle n'est pas omnisciente, elle s'est naturellement adressée à la déesse Gougueule, qui voit tout, sait tout et stocke l'ensemble dans des millions de machines éparpillées.
Ainsi au prix de lourdes offrandes, Pomme a été autorisée à puiser dans l'immense savoir de la déesse et peut offrir d'inestimables services à tout utilisateur de son téléphone ; lui confirmer qu'il se trouve bien physiquement où il pensait être, lui préciser éventuellement qu'il a devant lui un large fleuve ou une autoroute infranchissable, lui indiquer la direction de la pharmacie la plus proche (si elle a cotisé). Bref son extrême précision est devenue indispensable à l'être humain contemporain.

Hélas Pomme, qui a toujours eu l'âme narcissique, aimerait être adulée comme l'est la déesse Gougueule. Aussi a-t-elle décidé de renier son panthéon et de créer sa propre cartographie. Elle pensait substituer quelques astucieux algorithmes à dix laborieuses années de collecte minutieuse. C'est dire son exaltation mégalomaniaque.
Le plus sidéré fut certainement le client qui découvrait soudain la ville qu'il habitait encore la veille remplacée par une surface verte immaculée sans la moindre rue répertoriée, ou apprenait que le centre commercial situé hier à trois kilomètres se trouvait aujourd'hui aux pieds de chez lui, dans son propre jardin.
Depuis, tout l'internet n'est plus que plaisanteries et persiflage à l'endroit de celle qui a voulu se mesurer à la déesse Gougueule et s'est lamentablement vautrée.

Face à la dérision des utilisateurs, la réponse de Pomme fut d'abord de conseiller « Plus vous utiliserez notre cartographie et signalerez les erreurs, plus elle deviendra précise ». En d'autres termes, plus vous vous perdrez dans des agglomérations inconnues, plus vous arriverez en retard à vos rendez-vous, plus vous vous engagerez sur des routes à contresens, et plus l'action en bourse de Pomme sera florissante.
C'est la grosse blague de la cartographie participative, la cartographie de la majorité, où on doit faire confiance au voisin plutôt qu'à un professionnel (rappelons que 56% des téléspectateurs de la première chaine de télévision française pensent encore que le Soleil tourne autour de la Terre, alors imaginez une géographie majoritaire à deux tours...)
Et croyez-vous qu'en réaction à cette arrogance de Pomme le client frustré aura répondu « Gardez votre tartographie pour Disneyland, moi je retourne chez Gougueule, je n'engraisserai pas vos actionnaires avec mes informations. Je change de téléphone et on se retrouvera dans dix ans peut-être » ?
Les ventes, d'après Pomme, ne semblent pas affectées. Alors son président a humblement suggéré « En attendant l'amélioration de notre déjà merveilleuse cartographie, nous vous engageons à utiliser d'autres logiciels, comme celui de Gougueule, même s'il n'est pas intégré à notre environnement magique ».

Il est douteux que Pomme parvienne un jour à combler le retard (la concurrence s'y ingéniera). Et le client ravi aura longtemps encore entre les mains, sans en avoir toujours conscience, un outil de cartographie insuffisant et incertain.

Mise à jour du 30.10.2012 : Pomme annonce aujourd'hui d'importants remaniements dans sa Direction, notamment l'éjection du responsable du système d'exploitation du téléphone, sans cacher que la cause majeure de ce départ est l'échec de la nouvelle cartographie.
Mise à jour du 28.11.2012 : Aujourd'hui Pomme se sépare du responsable direct de l'application de cartographie.
Mise à jour du 12.12.2012 : La police australienne déconseille officiellement l'utilisation de la cartographie de Pomme et la qualifie de potentiellement mortelle. Elle situerait une ville à 70 km de son emplacement réel, et en plein milieu d'une zone dangereuse sans point d'eau ni réception téléphonique.


Quelques mètres plus à gauche et on assistait à un lamentable fait divers. Ce qui prouve l'importance de l'exactitude en matière de cartographie. (Bretagne, pointe de Pen hir)