lundi 23 novembre 2020

Bienheureux Danois (3 de 3)

L'âge d'or de la peinture danoise, partie 3 de 3 : 1846-1861
 
Vous retrouverez la présentation de l'exposition dans la chronique de la première partie (1815-1832).
 
Blunck D., Le cauchemar, 1846 (Coll. Nivaagaard, Nivå). C'est une parodie voluptueuse du célèbre Cauchemar de 1781 de Füssli. En 1837, Constantin Hansen faisait le portrait de Blunck dans sa Réunion de peintres danois à Rome.

Dalsgaard C., Entrée du presbytère de Hellested côté jardin, 1852 (Kunstmuseum, Sorø)

Vermehren F., Berger du Jutland (80 x 60 cm), 1855 (SMK Copenhague)

Skovgaard PC., Blanchiment du linge dans une clairière (50 x 58 cm), 1858 (SMK Copenhague)

Exner J., Dans une gondole, 1859 (SMK Copenhague)

Bache O., Rénovation du navire Skjold, 1860 (Nationalmuseum, Stockholm)

Sonne J., Nuit de la Saint Jean (détail), 1860 (Kunstmuseum, Ribe). En 1837, Constantin Hansen faisait le portrait de Sonne dans sa Réunion de peintres danois à Rome.

Hansen C., La fille du peintre et une amie (53 x 63 cm), 1861 (SMK Copenhague)

 

mercredi 18 novembre 2020

Bienheureux Danois (2 de 3)

L'âge d'or de la peinture danoise, partie 2 de 3 : 1832-1842
 
Vous retrouverez la présentation de l'exposition dans la chronique de la première partie (1815-1832).
 
Kobke C. [Købke], Portrait d'un vieux marin, 1832 (SMK Copenhague)

Kobke C. [Købke], Vue depuis la Citadelle, détail 1834 (Ny Carlsberg Glyptotek Copenhague)

Kobke C. [Købke], Château de Frederiksborg le soir (103 x 72 cm), 1835 (Collection Hirschsprung Copenhague)

Kobke C. [Købke], Petite tour du château de Frederiksborg (162 x 177 cm), 1835 (Designmuseum Copenhague)

Eckersberg C.W., Pont de Langebro au clair de lune, 1836 (SMK Copenhague)

Kobke C. [Købke], Matin d'automne sur le lac Sortedam (45 x 33 cm), 1838 (Ny Carlsberg Glyptotek Copenhague)

Lundbye JT., Paysage du Sjælland (128 x 95 cm), 1842 (SMK Copenhague)

Gurlitt L., Falaise de Møn (Møns), détail, 1842 (SMK Copenhague)

Suite et fin...

 

dimanche 15 novembre 2020

Bienheureux Danois (1 de 3)

Les Danois n’ont pas de chance. Ils sont, d’après l’encyclopédie Wikipedia, le peuple le plus heureux de la planète. Ils ont pleuré, par exemple, 5 fois moins de morts par le virus que les Français, proportionnellement. Ils ont certainement une méthode, mais ils désespèrent de la faire connaitre.
 
Après un premier essai en 1985, ils ont tenté de partager à nouveau leur secret, du 19 avril au 16 aout dernier, en prêtant les plus beaux tableaux (sauf un) de ce qu’ils nomment leur « Âge d’or », peints entre 1800 et 1860, pour les exposer quelques mois au Petit palais de Paris.
Mais les salles d’exposition du Petit palais sont restés désertes. La France était confinée. Opiniâtres, ils ont reporté l’exposition. 200 tableaux et dessins ont attendu 5 mois dans l’obscurité (l’étape française était, par chance, la dernière après Stockholm et Copenhague). 
Le 22 septembre, quelques parisiens privilégiés, en quantité limitée par les consignes sanitaires, les découvraient. 
 
Si les Danois ont de bonnes raisons d’appeler « Âge d’or » cette période de leur peinture, elles ne sont ni politiques ni économiques. 
En 1801 ils sont à peine un million et souffrent des retombées catastrophiques des délires napoléoniens. Coulés et bombardés par les Anglais en 1801 et en 1807, ils assisteront à la faillite de l’État danois qui perdra la plupart de ses colonies en 1814 puis vivront les troubles de la lutte pour un régime parlementaire, et la guerre pour éviter, sans succès, que la Prusse n’annexe en 1864 tout le sud de leur territoire. 
 
On nous dit que l’initiateur de cet « âge d’or », appelé alors « école de Copenhague », Christoffer Wilhelm Eckersberg, avait suivi la classe du peintre David à Paris. On s’attend alors à découvrir de cette époque sombre une peinture conquérante, monumentale, théâtrale, avec effusions sentimentales, comme chez David, Géricault, Delacroix, Gros. 
Mais Eckersberg, qui ne rêvait pourtant que de peinture d’Histoire, avait appris, après l’effervescence parisienne, à contempler en Italie les ruines de la Rome antique, et il n’enseignait plus que la sobriété. Foin des agitations de l’âme, « Ne peignez que ce que vous voyez, mais dans les moindres détails » disait-il à ses élèves en les entrainant dans les environs de Copenhague.
 
Et ils l’ont suivi. Ainsi on découvre un monde limpide, une peinture sans histoires, précise et sobre, des paysages ordinaires, des cailloux, des briques, des brins d’herbe, des arbres, des personnages qui passent, des portraits modestes, des souvenirs d’Italie, des bergers qui tricotent, des rats morts, des nuages, parfois des choses un peu plus académiques, bref n’importe quoi, comme le conseillait leur professeur. 
 
D’aucuns, qui aimeraient que l’art les transporte dans un autre monde, diront qu’une peinture réaliste qui n’est que la reproduction minutieuse de ce qui l’entoure, et qui n’évoque pas au moins une idée, un sentiment ou une impression, est un art sans imagination et superflu.
 
Les peintres de l’école de Copenhague leur répondraient sans doute qu’il n’est pas nécessaire d’imaginer un autre monde, que la réalité est plus créative qu’ils ne pourraient jamais l’être, et qu’ils l’acceptent comme elle est, dans la joie et avec le plaisir enfantin d’essayer de la contrefaire, en créant des illusions. 
Et le spectateur, qui cherche également à éveiller son regard d’enfant, sait bien qu’il est mystifié, comme devant un prestidigitateur, qu’il regarde un mirage coloré au pinceau, tendu dans un cadre de bois, et il reste émerveillé de tant de précision et de science. 
 
Voici donc quelques-uns des plus beaux tableaux et détails de cette exposition fantôme. Ils y étaient classés par thème, concept artificiel pour des peintres sans doctrine. Ils seront ici seulement dans un ordre chronologique, et à peine commentés, mais avec des liens vers les autres œuvres de ces peintres conservées au Musée national d'art de Copenhague (SMK). 
Toutes les photos ont été prises sur place le 29 octobre dans les conditions d’éclairage artificiel de l’exposition. Les illustrations présentent donc souvent, en haut, une bande sombre plus ou moins bien camouflée due à la position des spots lumineux.
 
Le 29 octobre au soir, à peine un mois après l’ouverture de l’exposition, le Petit palais était dans l'obligation d'éteindre à nouveau les lumières pour un temps inconnu, peut-être à jamais, abandonnant à l'obscurité le secret du bonheur des Danois.

 
L'âge d'or de la peinture danoise, partie 1 de 3 : 1815-1832
 

Eckersberg C.W., Escalier menant à l'église Santa Maria in Aracoeli, à Rome (36 x 32 cm), 1815 (SMK Copenhague)

Rorbye M. [Rørbye], Vue depuis sa chambre (30 x 38 cm), 1825 (SMK Copenhague). En 1837, Constantin Hansen fera le portrait de Rørbye dans sa Réunion de peintres danois à Rome.

Bendz W., Le peintre Blunck dans son atelier (détail), 1826 (SMK Copenhague)

Hansen C., Les sœurs du peintre (détail), 1826 (SMK Copenhague). En 1837, Constantin Hansen se représentera à gauche dans sa Réunion de peintres danois à Rome.

Sodring F. [Sødring], Arrière-cour à Charlottenborg (28 x 26 cm), 1828 (SMK Copenhague)

Kobke C. [Købke], Vue de la citadelle de Copenhague d'un grenier (30 x 39 cm), 1831 (SMK Copenhague)

Kyhn V., Le Jardin botanique depuis Charlottenborg, 1832 (Copenhague, Københavns museum)

Suite... 

 

mercredi 4 novembre 2020

Le magasin reste ouvert

Pendant le confinement, les ventes continuent. 
2ème épisode de la chronique du coronavirus et des ventes de tableaux.


D’après le Los Angeles Times, alors qu’en 6 mois de pandémie 8 millions d’Américains « ont glissé dans la pauvreté », les plus riches se seraient enrichis de 845 milliards de dollars.
Mais comment dépenser ces milliards quand il est interdit d’aller au musée, d’acheter des produits culturels, des jouets, de l’électroménager, des habits pour l’hiver, toutes choses inutiles pour vivre, sinon pour ceux qui les fabriquent ? (*)
Alors on achète de l’art. C'est une activité autorisée.
 
Si vous vous rappelez l’épisode précédent, les associations muséales américaines ont autorisé, le 15 avril 2020 et pour deux ans, la vente d’œuvres des collections pour faire face à l’effondrement des recettes dû à la pandémie. Le principe est toujours de vendre des œuvres de second rang, redondantes ou entreposées, la nouveauté est que le bénéfice peut maintenant soutenir la gestion des musées et plus seulement le renouvellement de leur collection. 
 
Ainsi le musée de Brooklyn s’est rapidement débarrassé, le 15 octobre en salle des ventes, chez Christie’s, d’une douzaine d’œuvres mineures. Franc succès, il obtenait trois fois son estimation, dans les 7 millions de dollars. Alors il récidivait discrètement le 28 octobre en sacrifiant, chez Sotheby’s cette fois, trois tableaux modernes mineurs, Monet, Miro et Matisse. Résultat, 6 millions de dollars supplémentaires, dont 4,6 pour le Monet mineur. Personne n’a trouvé à dire.

Le musée de Baltimore, qui aurait dû prendre exemple sur la sobriété des attentes du musée de Brooklyn et sur son astucieuse dilution des actions, a préféré fanfaronner en une vertueuse déclaration et une publication détaillée de la répartition des 65 millions qu’il escomptait de la vente de trois tableaux. Il faut dire que le musée est habitué aux déclarations retentissantes et édifiantes.
 
L’étincelle aura-t-elle été la vente privée, à huis clos, de la sérigraphie de Warhol ? Warhol est toujours très en vogue aux État-Unis. Bien que l’objet proposé ne soit qu’une immense photocopie monochrome jaune citron en taille réelle de la cène de Léonard de Vinci, et qu’il en ait produit en 1986 plus d’une centaine d’exemplaires en variant parfois la couleur, les adeptes avaient appris à cette occasion, quelques mois avant sa mort, que l’artiste était très croyant et pratiquant, ce qui fait que le prix de 40 millions de dollars, secret mais soupçonné, a été jugé largement sous-estimé pour une œuvre emblématique.  
 
Les deux semaines qui ont précédé la vente du 29 octobre sont alors devenues un supplice permanent pour la présidente du Conseil d’administration et le directeur du musée (encore récemment adjoint au LACMA), qui avaient organisé l’opération en argüant, auprès du Conseil, que « la valeur monétaire des trois tableaux dépassait leur valeur artistique ».
En quelques jours, critiques, historiens d’art et directeurs de musées lançaient une polémique dans la presse, les trois tableaux étaient déclarés majeurs, voire uniques, un article assassin du Los Angeles Times du 19 octobre dénonçait les pratiques souterraines et fiscalement frauduleuses du directeur, et l’accusaient d’exploiter la crise sanitaire pour piller les réserves, de vieilles inimitiés au sein du conseil d’administration se réveillaient, de gros donateurs annulaient leurs promesses et des membres du Conseil démissionnaient. L’Association américaine des directeurs de musée revenait même sur son récent accord donné à la vente.
 
Finalement, deux heures avant l’évènement, le musée de Baltimore retirait les trois œuvres de la vente, dans une déclaration très morale et autocritique, faite d’une très jolie langue de bois.
Mais pour le directeur, qui ajouta à la presse ne pas abandonner sa lutte sur la question de fond de la vente des collections des musées, ce n’est qu’un contretemps. Il pense que sa cause finira par gagner.
Partout dans le monde les biens publics passent inexorablement en mains privées.

***
(*) en illustration : de quoi avons-nous besoin d’autre que de respirer et manger ? Une simple musette disponible chez Amazon répond aux besoins vitaux. Grande variété de couleurs disponible (image d’après Mattes).