dimanche 15 novembre 2020

Bienheureux Danois (1 de 3)

Les Danois n’ont pas de chance. Ils sont, d’après l’encyclopédie Wikipedia, le peuple le plus heureux de la planète. Ils ont pleuré, par exemple, 5 fois moins de morts par le virus que les Français, proportionnellement. Ils ont certainement une méthode, mais ils désespèrent de la faire connaitre.
 
Après un premier essai en 1985, ils ont tenté de partager à nouveau leur secret, du 19 avril au 16 aout dernier, en prêtant les plus beaux tableaux (sauf un) de ce qu’ils nomment leur « Âge d’or », peints entre 1800 et 1860, pour les exposer quelques mois au Petit palais de Paris.
Mais les salles d’exposition du Petit palais sont restés désertes. La France était confinée. Opiniâtres, ils ont reporté l’exposition. 200 tableaux et dessins ont attendu 5 mois dans l’obscurité (l’étape française était, par chance, la dernière après Stockholm et Copenhague). 
Le 22 septembre, quelques parisiens privilégiés, en quantité limitée par les consignes sanitaires, les découvraient. 
 
Si les Danois ont de bonnes raisons d’appeler « Âge d’or » cette période de leur peinture, elles ne sont ni politiques ni économiques. 
En 1801 ils sont à peine un million et souffrent des retombées catastrophiques des délires napoléoniens. Coulés et bombardés par les Anglais en 1801 et en 1807, ils assisteront à la faillite de l’État danois qui perdra la plupart de ses colonies en 1814 puis vivront les troubles de la lutte pour un régime parlementaire, et la guerre pour éviter, sans succès, que la Prusse n’annexe en 1864 tout le sud de leur territoire. 
 
On nous dit que l’initiateur de cet « âge d’or », appelé alors « école de Copenhague », Christoffer Wilhelm Eckersberg, avait suivi la classe du peintre David à Paris. On s’attend alors à découvrir de cette époque sombre une peinture conquérante, monumentale, théâtrale, avec effusions sentimentales, comme chez David, Géricault, Delacroix, Gros. 
Mais Eckersberg, qui ne rêvait pourtant que de peinture d’Histoire, avait appris, après l’effervescence parisienne, à contempler en Italie les ruines de la Rome antique, et il n’enseignait plus que la sobriété. Foin des agitations de l’âme, « Ne peignez que ce que vous voyez, mais dans les moindres détails » disait-il à ses élèves en les entrainant dans les environs de Copenhague.
 
Et ils l’ont suivi. Ainsi on découvre un monde limpide, une peinture sans histoires, précise et sobre, des paysages ordinaires, des cailloux, des briques, des brins d’herbe, des arbres, des personnages qui passent, des portraits modestes, des souvenirs d’Italie, des bergers qui tricotent, des rats morts, des nuages, parfois des choses un peu plus académiques, bref n’importe quoi, comme le conseillait leur professeur. 
 
D’aucuns, qui aimeraient que l’art les transporte dans un autre monde, diront qu’une peinture réaliste qui n’est que la reproduction minutieuse de ce qui l’entoure, et qui n’évoque pas au moins une idée, un sentiment ou une impression, est un art sans imagination et superflu.
 
Les peintres de l’école de Copenhague leur répondraient sans doute qu’il n’est pas nécessaire d’imaginer un autre monde, que la réalité est plus créative qu’ils ne pourraient jamais l’être, et qu’ils l’acceptent comme elle est, dans la joie et avec le plaisir enfantin d’essayer de la contrefaire, en créant des illusions. 
Et le spectateur, qui cherche également à éveiller son regard d’enfant, sait bien qu’il est mystifié, comme devant un prestidigitateur, qu’il regarde un mirage coloré au pinceau, tendu dans un cadre de bois, et il reste émerveillé de tant de précision et de science. 
 
Voici donc quelques-uns des plus beaux tableaux et détails de cette exposition fantôme. Ils y étaient classés par thème, concept artificiel pour des peintres sans doctrine. Ils seront ici seulement dans un ordre chronologique, et à peine commentés, mais avec des liens vers les autres œuvres de ces peintres conservées au Musée national d'art de Copenhague (SMK). 
Toutes les photos ont été prises sur place le 29 octobre dans les conditions d’éclairage artificiel de l’exposition. Les illustrations présentent donc souvent, en haut, une bande sombre plus ou moins bien camouflée due à la position des spots lumineux.
 
Le 29 octobre au soir, à peine un mois après l’ouverture de l’exposition, le Petit palais était dans l'obligation d'éteindre à nouveau les lumières pour un temps inconnu, peut-être à jamais, abandonnant à l'obscurité le secret du bonheur des Danois.

 
L'âge d'or de la peinture danoise, partie 1 de 3 : 1815-1832
 

Eckersberg C.W., Escalier menant à l'église Santa Maria in Aracoeli, à Rome (36 x 32 cm), 1815 (SMK Copenhague)

Rorbye M. [Rørbye], Vue depuis sa chambre (30 x 38 cm), 1825 (SMK Copenhague). En 1837, Constantin Hansen fera le portrait de Rørbye dans sa Réunion de peintres danois à Rome.

Bendz W., Le peintre Blunck dans son atelier (détail), 1826 (SMK Copenhague)

Hansen C., Les sœurs du peintre (détail), 1826 (SMK Copenhague). En 1837, Constantin Hansen se représentera à gauche dans sa Réunion de peintres danois à Rome.

Sodring F. [Sødring], Arrière-cour à Charlottenborg (28 x 26 cm), 1828 (SMK Copenhague)

Kobke C. [Købke], Vue de la citadelle de Copenhague d'un grenier (30 x 39 cm), 1831 (SMK Copenhague)

Kyhn V., Le Jardin botanique depuis Charlottenborg, 1832 (Copenhague, Københavns museum)

Suite... 

 

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