dimanche 29 mars 2015

Nuages (35)




Pic escarpé sur les flancs de l'Aiguille Rousse
Alpes savoyardes, près de Peisey.

lundi 23 mars 2015

Ubu président d'établissement public

Il n’y a que le théâtre d’Alfred Jarry et ses frasques ubuesques pour illustrer la bouffonnerie qui vient d’agiter un peu la vase de la culture officielle en France.

Acte 1

L’histoire commence en l’an 2010 dans une petite baronnie près de la Pologne, quand le morbide baron C. qui dirige le musée d’Or-C, constatant que la pompe à Phynance ne suffit plus à la satisfaction de ses besoins démesurés, ordonne l’interdiction absolue de toute photographie dans l’enceinte de son domaine (qui est aussi le Domaine public), histoire de vendre plus de catalogues et de cartes postales.
Insensible aux protestations scandalisées, il est soutenu par le vicomte F. de M.... alors Baudruche de la Culture.

Acte 2

Le brave baron se pavane depuis 4 ans dans son hall de gare, important parmi les touristes soumis, quand tombe l’information scélérate : la nouvelle Fantoche de la Culture vient de publier une directive « Tous photographes » demandant gentiment aux nobles dirigeants des établissements publics culturels de laisser la multitude s’amuser un peu avec ses petits appareils photo médiocres, dans tous ces lieux chargés d’histoire et de dignité.
Mais le baron C. qui s’est accoutumé aux plaisirs et aux douceurs de la domination refuse tout bonnement d’appliquer la directive dans son fief.

Acte 3

Un an plus tard.

La scène 1 se passe le 16 mars 2015 au musée d’Or-C où la gentille Potiche de la Culture inaugure une petite exposition consacrée au peintre Bonnard (1867-1947).
À 22h52 elle arrose les réseaux sociaux de quelques photos de tableaux prises sur place.

Dans la scène 2, la plus intense du mélodrame, le 17 mars à 9h30, Bernard Hasquenoph, pourfendeur des abus muséaux, s’offusque sur le même réseau social « France des privilèges @fleurpellerin fait une photo au @MuseeDOrsay où on l'interdit au peuple. »
Le coup est vilain. La Victime de la Culture s’en relèvera-t-elle ?
Après 18 minutes d’une insoutenable tension, la réponse arrive cinglante, inattendue, « Aucun privilège ! Je ne fais qu'appliquer la charte Tous photographes du @MinistereCC ».
Quelle réplique ! Rappelez-vous l’acte 2, l’instruction aux établissements publics.

Scène 3, la tension s'apaise. L’acte se termine par la procession plaintive des réclamants sur le réseau « Qu’attendez-vous alors pour faire respecter la charte dans ce musée ? »

Épilogue

Le rideau tombe.

Un récitant entre en scène et annonce, comme un faire-part funèbre « le lendemain, 18 mars, au musée d’Or-C, une note interne déclarait tristement qu’à la demande de la Figurante de la Culture, le baron C. avait pris la décision de lever l’interdiction de photographier dans le musée, applicable immédiatement. »
Le récitant est acclamé par une explosion d’applaudissements, de sifflets, de cris de joie, de larmes.

Note du metteur en scène : on remarquera que l’acte 3, par ses péripéties invraisemblables, détonne dans l’harmonie d’ensemble du récit. On accusera l’auteur de prendre beaucoup de libertés avec la réalité. Il est par exemple impensable qu’une Marionnette de la Culture en exercice diffuse vers plus de 200 000 suiveurs des images de tableaux dont la reproduction est interdite par la loi sans autorisation des ayants droit (le peintre Bonnard en effet n’entrera dans le Domaine public qu’en 2018).

Mais enfin, on est au théâtre, alors profitons sans arrière-pensée de ces courts moments de fantaisie.


Verrière de la grande galerie dans le musée du baron C. Le populaire décervelé peut désormais en emporter l'image, pour agrémenter son souvenir.

jeudi 19 mars 2015

Comprendre l'art moderne

Cambrai, Musée des beaux-arts, 28 mai 2014.

Depuis le 20ème siècle et la floraison de l’art brut, de l’art minimaliste et de tous les arts conceptuels, il est certes devenu malaisé de distinguer, même dans un musée, une œuvre d’art d’une pure incongruité
Il y a pourtant un truc infaillible : les œuvres d’art sont toujours flanquées d’un petit cartel explicatif précisant en caractères minuscules le nom de l’artiste et les dates inévitables de son existence. 

dimanche 15 mars 2015

L’ange corrompu de Gaetano Zumbo

Le touriste qui a l'idée saugrenue de visiter à Florence le musée d'histoire naturelle « La Specola », près du palais Pitti, y découvre parmi les araignées les scorpions et les scolopendres méthodiquement alignées dans des boites de carton, après des vitrines bondées d’oiseaux absolument identiques et empaillés, quelques salles lugubres consacrées à la somptueuse collection de cires anatomiques humaines.
Cercueils transparents où reposent alanguies des Vénus éventrées qui présentent fièrement les détails de leur anatomie interne, profusion d’organes sains ou malades, de membres écorchés, de têtes dépecées, tous modelés dans la cire colorée à l’imitation de la réalité, par Gaetano Zumbo notamment, à la fin du 17ème siècle ou Clemente Susini un siècle plus tard.

Parmi ces cires sont quatre scènes de fléaux naturels, sortes de dioramas mis en scène comme des petits théâtres baroques sous verre où sont représentés des personnages dans toutes les phases de la décomposition. Ces scènes édifiantes, pathétiques et scientifiques sont de Zumbo. Elles illustrent la mort (sepolcro), la peste, le temps et la syphilis (il morbo gallico).

La dernière est une reconstitution imaginée à partir de fragments retrouvés dans un réserve du palazzo Mozzi, qui avait souffert des inondations de Florence en 1966. Et les restaurateurs ont placé, parmi les corps et les morceaux illustrant les divers états de la maladie, à droite de la scène, un chérubin qui trainait, un angelot qui semble endormi.
Dans l’iconographie occidentale, les angelots servent à tout et à n’importe quoi. Messagers de Dieu, contrepoint moralisateur, point de vue du peintre, remplissage d’une zone délaissée de la toile, ils envahiront l’art pendant des siècles, ribambelles de chérubins mièvres virevoltant en nuées grassouillettes, riant ou pleurnichant niaisement.

Mais ici l’ange de Zumbo est mort. Sa peau est verdâtre, dans un état avancé de putréfaction, son ventre est ouvert. Le bandeau qui couvre ses yeux symbolise traditionnellement l’aveuglement du destin, qui détruit tous indifféremment, jusqu’aux êtres imaginaires.



samedi 7 mars 2015

La vie des cimetières (61)

La Lycie était dans l’antiquité une région montagneuse du sud de la Turquie, avancée sur la Méditerranée, qui correspond aujourd’hui à l’ouest de la province d’Antalya.
Tour à tour envahis par les Hittites, les Perses, les Grecs, les Romains, les habitants du coin ont absorbé au long des siècles un peu de toutes les civilisations, au point qu’il ne reste d’eux qu’une image livresque, spectrale.

Toutefois une particularité les distingue encore, l'architecture de leurs sépultures.
C’étaient des superpositions de tombes rupestres creusées comme de petits temples dans la roche à flanc de falaise (comme à Telmessos, Myra, Tlos, Kaunos) qui rappellent un peu les temples de Petra en Jordanie, et des sarcophages isolés au couvercle en forme de coque de navire retourné, disséminés sur les collines et le long de la côte (comme à Xanthos, Fethiye, Ucagiz).

Depuis longtemps sarcophages et tombeaux ont été éventrés et pillés.

Tombeau lycien sur la route de Demre à Ucagiz (Üçağız).

Tombeau lycien sur la route de Demre à Ucagiz.

Ucagiz, tombeaux lyciens de la nécropole de Teimussa.

Ile de Kekova, ruines de la cité d'Apollonia partiellement engloutie dans l'antiquité.

Ilot près de Kekova, ruines de la cité antique d'Apollonia.