lundi 26 septembre 2022

Enfin libres !

 

Temps de lecture : 2 minutes (indéterminable si vous lisez les dates, peut-être interminable)

Depuis 16 ans, au moins, Gougueule, développeur, hébergeur, administrateur et censeur du présent blog et de millions d’autres, réduisait automatiquement les dimensions des illustrations publiées par ses administrés à un maximum de 1600 pixels par côté. Les images plus grandes n’étaient pas interdites, mais leur publication demandait des connaissances quasi divines et des manipulations particulières.
Gougueule (Que ses bienfaits ruissellent sur nous comme du miel !) pensait ainsi déjà à l’avenir du climat de la planète en limitant la consommation d’énergie de ses adeptes irresponsables.  

Or depuis quelques semaines, ou quelques mois ou quelques années - qui sait ? Gougueule, n’a pas à informer ses fidèles des miracles qu’il dispense - notre Maitre bien-aimé donc a effacé cette limite à notre liberté et nous laisse aujourd’hui publier des images de plus grande dimension. Nous ne savons pas si cette liberté a encore des limites, car seul notre Prophète peut approcher l’infini. 

Qu’Il en soit néanmoins béni ! 
Profitons-en pour illustrer enfin en haute définition et en deux versions, dans de meilleures conditions qu’au musée même, l’un des deux Vermeer du Louvre, l’Astronome (ou Astrologue).
Signé par l’auteur et daté de MDCLXVIII, au centre derrière la main droite (vous ne déchiffrerez ce nombre ésotérique qu’avec une longue pratique des langues mortes), le tableau, volé par Hitler à une famille milliardaire française en février MCMXLI et retrouvé en mai MCMXLV dans une mine de sel en Autriche, à Altaussee, avec des milliers d’autres objets d’art, a été restitué à la famille puis donné au Louvre en MCMLXXXIII pour payer des droits de succession.

Reproduit ici en deux versions pour s’adapter aux biais courants de colorimétrie des écrans, leur aspect dépendra des qualité et réglage de votre matériel. 
L’œuvre originale mesure 45 par 51 centimètres. Les reproductions sont 3 fois plus grandes (9 fois en surface). C’est dire le cadeau que nous fait Gougueule (Loué soit notre dieu unique !)

N'hésitez pas à faire des remarques, l'auteur ne peut plus protester depuis MDCLXXXVII.

mardi 20 septembre 2022

Améliorons les chefs-d'œuvre (24)

S’il a effacé l’étagère de cruches derrière la tête de la Femme versant du lait, le minutieux Vermeer a laissé dans le mur les traces de clous.

Le Rijksmuseum, premier musée d’art d’Amsterdam, ouvre dans 4 mois la plus grande exposition Vermeer jamais réalisée, qui réunira 27 des 34 tableaux généralement acceptés dans le catalogue du peintre. "Ce sera la première et la dernière fois que le public pourra voir 27* Vermeer réunis" avertit M. Dibbits, directeur du musée, qui a déjà ouvert la vente des billets, à 1,11€ euro par tableau, mais le tarif inclut, après l’exposition, la visite des collections permanentes.

La rétrospective de 1996 au Mauritshuis de La Haye en montrait 23, et l’exposition lamentablement organisée en 2017 par le Louvre, seulement 12.

C’est l’occasion pour le musée de remettre une nouvelle fois sur la table d’opération les tableaux qu’il détient, dont la fameuse Femme versant du lait (qu’on appelle parfois impertinemment Laitière, voire yaourtière dans l’industrie agroalimentaire). 

Pour tenter de comprendre le savoir-faire si particulier du peintre, les experts ne cessent de l’éplucher avec des outils toujours plus modernes et indiscrets, et d’inventer à chaque examen un nouveau mystère que personne ne cherchait et qui trouve ainsi au même instant sa propre révélation. Les mots mystère, secret, révélation et découverte sont les moteurs de toute promotion bien pensée. 

Sous l’influence d'une lubie de l’authenticité, et parce que ces spécialistes pensent connaitre les intentions d'un peintre mort et oublié depuis 350 ans, au lieu de se contenter de remplacer un vernis un peu sombre, ils se sont mis à transformer ses tableaux, ajouter des personnages, y refaire la décoration à leur propre gout, sous prétexte que d’autres avant eux l’auraient fait au mépris de ce qu’ils estiment aujourd’hui avoir été l’inspiration originale du peintre. 

Dans le cas de la Femme lisant une lettre du musée de Dresde, persuadés que le tableau peint au fond de la pièce avait été masqué après la mort du peintre (donc sans son consentement), les experts ont restauré le Cupidon grassouillet et allégorique caché dans le mur, éliminé ainsi tout doute sur le contenu de la lettre, et surchargé le fond du tableau (ce que Vermeer, il est vrai, faisait généralement).
Dans leur élan, les experts de Dresde ont même proposé à ceux de Berlin, qui hébergent un des rares murs restés libres dans les tableaux de Vermeer, de les aider à faire réapparaitre la carte géographique dont on sait, par la radiographie, qu’elle ornait ce mur dans l’idée originale de Vermeer. 
Prudemment, Berlin a répondu que la carte n’était certainement qu’une esquisse effacée par le peintre (de son vivant, donc). 

Or cette année, en prévision de la grande rétrospective en 2023, et au moyen de la réflectance infrarouge à courte longueur d’onde (c’est nouveau, c’est militaire dit l’AFP), l’expertise vient de révéler très clairement les repentirs que recouvre le mur blanc derrière la dame versant du lait et au sol au fond de la pièce, et qui en deviennent ainsi terriblement énigmatiques. En réalité on en connaissait l’existence, on les distingue à l’œil nu (au séchage les repentirs ressortent toujours).
Mais cette technique sophistiquée a dévoilé avec précision que le peintre avait prévu, derrière la petite chaufferette pour pieds, un grande panière de séchage du linge, et sur le mur derrière la tête de la dame, une longue étagère et des cruches suspendues.
Et le procédé technique est si puissant que M. le directeur du musée, lyrique, a distinctement entendu les paroles du peintre devant son tableau : "Après réflexion, Vermeer s'est dit - cela fait une composition trop chargée, je vais la repeindre" a-t-il déclaré. 

On remarquera donc qu’en 2022, à Amsterdam, les motivations stylistiques attribuées au peintre sont à l'exact opposé de ses intentions profondes imaginées à Dresde en 2019. Aujourd’hui, le peintre chercherait à éviter l’atmosphère intimiste et confinée, surchargée d’objets, et aspirerait à la monumentalité, à l’épure.

On ne se plaindra pas de cette interprétation. Il ne reste que 2 ou 3 intérieurs de Vermeer dont le mur du fond encore vide renforce (pour un œil moderne) la présence palpable du personnage dans la pièce, l’isole dans l’espace sans le noyer au milieu d’un assemblage d’ornements et de bibelots.


Le type d’étagère que Vermeer prévoyait derrière la dame versant du lait (modèle réduit du Rijksmuseum).

mercredi 14 septembre 2022

Le marché au détail (3 de 3)


Encore quelques détails d’œuvres passées en vente publique ces dernières années. Aujourd’hui des scènes infernales et de sorcellerie du 17ème siècle en Hollande, entières cette fois. 

À la suite de Jérôme Bosch puis de la lignée des Brueghel, les peintres flamands et hollandais des 16ème et 17ème siècles, en moralistes astucieux, moquaient l’humain, ses conceptions délirantes et son agitation hystérique, tout en faisant croire aux autorités religieuses qu’ils peignaient le monde futur imaginé pour menacer les mécréants. 
Ça devait être un plaisir bien divertissant que de peindre ces scènes surréalistes avant l’heure, pleines de sorcelleries et de bestialités en tout genre, de choses grouillantes et de congénères grignotés par des monstres antipathiques. Ça les changeait des angelots grassouillets et des vierges immaculées.

En haut, Cornelis Saftleven, une superbe "scène animalière" vendue par Christie’s 10 fois l’estimation, en mai 2012.
On a retenu le nom de Cornelis Saftleven pour ses curieux tableaux de genre, folies animales, allégories moralisatrices, et on oublie qu’il était un maitre de son art, de l’envergure d’un Rembrandt, comme dans cette scène, ou celle-là. Pour mémoire, il n’y a plus guère que sur le site monstrueux de l’illustrateur Aeron Alfrey, MonsterBrains, qu’on trouve des reproductions acceptables de Saftleven.

À gauche, une scène de sorcellerie de Van Wijnen, dit Ascanius, habitué du genre, vendue par Sotheby’s en juillet 2016. Ascanius était aussi pourvoyeur de scènes bibliques délirantes, carrément cosmiques comme cette Tentation de saint Antoine, ou cette Création (admirez la partie de billard électrique au centre, une sorte de Salvador Dalí du 17ème siècle). Les bonnes reproductions de Wijnen semblent introuvables. 

Enfin à droite, une scène de sorcellerie par un peintre hollandais non identifié actif à Rome au 17ème, mise aux enchères vers 2020, et en bas une scène de l’Enfer dans le style de l’école hollandaise au 17ème, en vente chez Sotheby’s en janvier 2021.
Toutes ces informations sont d’une précision douteuse, convenons-en, mais quelques détails sont amusants.


mardi 6 septembre 2022

Un musée, c’est quoi ?

Il était grand temps que l’Humanité dispose d’une définition sérieuse du musée. Sinon comment le jeune public comprendrait-il devant cette vitrine du musée de l’Homme en 2015, sans un cartel replaçant la scène dans son contexte d’origine, que les expériences sur l’invisibilité du corps humain étaient alors à un doigt de la réussite, si les considérations éthiques de l’époque (on était au 20ème siècle) n’avaient contraint la médecine à n’utiliser que les sujets moins utiles, déjà malades ou mutilés.

Suspendons un instant notre série de chroniques prometteuses pleines de détails, et qui fascinaient déjà un lectorat au chiffre nombre grandissant. Car l’actualité prime.
En effet après 15 ans, dont les 3 derniers de palabres, l’ICOM vient de redéfinir ce que doit être un Musée.

Et qu’y a-t-il de plus beau qu’une définition ? On le sait bien, les choses n’ont de présence qu’une fois décrites et rangées alphabétiquement. Avant, on ne les remarque pas. Certains extrémistes, du physiciens des particules au fervent chrétien, prétendent même qu’elles n’existent pas avant d’avoir été détectées et nommées.  
Il n’est que de voir le désarroi de l’humain quand il se précipite sur un dictionnaire et n’y trouve pas la chose qu’il a pourtant devant les yeux, désarroi vite transformé en suffisance, vanité d’avoir découvert une chose inconnue du dictionnaire, alors qu’elle est généralement classée quelques pages plus loin.

Il était nécessaire de redéfinir le musée, de préférence dans une acception modernisée, conforme à l’usage, car la situation était devenue chaotique, chacun faisant dans le musée ce qui lui passait par la tête, du commerce, de la propagande, des expositions de faux tableaux, et plus récemment du trafic d’antiquités égyptiennes volées. 
Et comment instruire ou distraire une population dans un endroit qui ne correspond pas à sa propre définition, comment peut-on la convaincre d’entrer où elle ne sait pas ce qui l’attend, dans l’inconnu ? Qui a de nos jours le courage des Colomb, Vespucci, ou Vasco de Gama ?

L’ICOM, Conseil international des musées, dont la définition de son propre objet est une occupation majeure, l’avait déjà fait en 2007, puis en 2019* mais il avait alors suspendu le projet devant la réprobation générale. S'il est juste de ranger et aligner les choses dans une définition comme dans une valise, de rejeter sans hésiter ce qui déborde un peu pour pouvoir la fermer et la transporter avec soi, il faut avant tout qu’elle soit bien ciselée et surtout intelligible pour tous (c’était jadis la spécialité du regretté monsieur Larousse), lui avait-on opposé. Or ce n’était pas le cas en 2019 où tout avait été enfourné au chaussepied, compressé dans le plus grand désordre et bourré de choses imaginaires et inutiles.

La définition de 2022, apaisée, écourtée de moitié, conserve néanmoins de celle de 2019 cet aspect reconnaissable des petites valises factices qu’on offre aux enfants pour leur apprendre ce que sera leur vie, leur futur métier, où les emplacements sont étiquetés pour des objets qui devront respecter les dimensions prévues ; parfois des échantillons miniatures les occupent déjà ; des emplacements sont réservés aux abstractions comme l’inclusivité, la durabilité, la diversité. Ils sont vides. On pourra opportunément y glisser pour le piquenique le casse-croute et la gourde. 
Puis on s’apercevra assez vite que les choses n’ont pas les mêmes dimensions dans la réalité, on forcera un temps les attaches, on détendra les rubans élastiques, les fermetures à glissière, on intervertira des choses. Ça tiendra bien assez longtemps, jusqu’à la prochaine définition. 
En attendant on la rangera avec les autres M, à sa place égalitaire et alphabétique dans le dictionnaire comme au fond de l'armoire.
 
Pendant ce temps les musées de la réalité, l’un après l’autre, délaissent leur fonction originelle, qui était de transmettre les connaissances et les créations de l’humanité en émerveillant par la présence physique des choses. Ainsi la mairie de Strasbourg a décidé de fermer ses musées tous les jours et les heures où le public est moins assidu, soit en gros du lundi au jeudi, et pendant l’heure des repas les jours d’ouverture. Elle avait déjà sérieusement réduit le nombre du personnel des musées, parce que la diffusion des connaissances et du patrimoine ne doit pas être déficitaire. 
On dit que les impôts de la ville, cependant, ne diminueront pas.

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Les définitions de l'ICOM :

2007 : Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d’études, d’éducation et de délectation. 

2019 (abandonnée) : Les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs. Reconnaissant et abordant les conflits et les défis du présent, ils sont les dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société. Ils sauvegardent des mémoires diverses pour les générations futures et garantissent l’égalité des droits et l’égalité d’accès au patrimoine pour tous les peuples. Les musées n’ont pas de but lucratif. Ils sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour diverses communautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter, exposer, et améliorer les compréhensions du monde, dans le but de contribuer à la dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire.

2022 (officielle le 24 aout) : Un musée est une institution permanente à but non lucratif au service de la société qui recherche, collectionne, conserve, interprète et expose le patrimoine matériel et immatériel. Ouverts au public, accessibles et inclusifs, les musées favorisent la diversité et la durabilité. Ils fonctionnent et communiquent de manière éthique, professionnelle et avec la participation des communautés, offrant des expériences variées pour l'éducation, le plaisir, la réflexion et le partage des connaissances.