mercredi 31 janvier 2007

Une révision s'impose

Voilà déjà un mois, nous ouvrions une délicate enquête sur la face cachée d'Arsinoë, splendide statue antique exposée au Grand palais (et pour un mois encore). Devant l'indifférence générale soulevée par cette investigation et le piétinement corrélatif de l'enquête, la rédaction de Ce Glob Est Plat a décidé de sensibiliser le public à la question des faces cachées des statues en général, sous la forme d'une petite révision des principes.
Nous commencerons par le parc de Saint Cloud, véritable eldorado pour les écoliers fervents d'anatomies.

  Le charmant modèle des illustrations, très obligeant, dévoile sans ambiguïté l'objet de notre étude. On remarquera immédiatement que ce qui importe dans les faces cachées des statues, c'est leur rotondité.
Ne connaissant pas l'identité de cette jeune dame, nous lui donnerons le joli sobriquet de 48°50'13.63"N & 02°12'51.00"E, qui ne correspond pas à ses mensurations mais à ses coordonnées géographiques dans le parc.

  Souhaitons que cette révision aura suscité quelques réactions parmi les spectateurs de Ce Glog Est Plat, les incitant à nous aider dans le dévoilement du mystère d'Arsinoë. Dans le cas contraire, le parc de Saint Cloud regorge d'exemples intéressants que nous n'hésiterons pas à invoquer dans des leçons à venir.

lundi 29 janvier 2007

Avertissement

Gougueule est notre bienfaiteur.
Gougueule nous a donné
Blogger, une voix pour balbutier dans la cacophonie tonitruante de l'information mondiale. Gougueule lui a dédié un tuyau tellement ridicule qu'il est laborieux, voire impossible, de télécharger une page de Ce Glob Est Plat à l'heure où l'Europe se connecte, entre 17 et 24 heures. Les images ne s'affichent pas, ou si lentement...
Ensemble, prions Gougueule.

samedi 27 janvier 2007

Les travers du droit de l'image

Le droit de reproduction et de représentation des images est régi par le Code de la propriété intellectuelle. En théorie, la loi est claire. Les droits d'auteur ne sont pas attachés à la propriété de l'œuvre et n'appartiennent qu'à l'auteur et ses ayants droit.

Magritte - la reproduction interdite (détail)
Musée Boymans, Rotterdam
.

Suis-je en droit de reproduire ici cette reproduction?

En pratique, comment sais-je si un droit d'auteur moral ou patrimonial existe encore sur une œuvre?
Si le gardien m'interdit de la photographier, comment savoir si le musée possède les droits de reproduction et de représentation, ou s'il le fait par calcul mercantile, afin que j'achète l'affligeante carte postale ou le catalogue aux images souvent pitoyables. Si le musée est dans son droit, pourquoi prohibe-t-il une photo qui ne peut être destinée qu'à un usage privé, puisqu'elle serait, sinon, immédiatement et légalement retirée de toute publication à sa demande?
Le visiteur ne devrait pas avoir à se poser ces questions devant chaque œuvre d'un musée. L'information sur le droit de reproduction et de représentation devrait figurer sur l'étiquette, après l'auteur et la date de création.

La Tribune de l'Art relate qu'il n'est pas rare, s'agissant des œuvres du domaine public, que les institutions ou les collections s'arrogent des droits que le code de la propriété intellectuelle ne leur accorde pas, d'où la multiplication des interdictions de photographier.

Et les choses empirent. Lire le funeste article 33 du récent règlement du musée du Louvre...

Bonnard ne m'a pas donné l'autorisation de reproduire ici son triptyque de 1911 "La Méditerranée".
Le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, qui en est propriétaire, non plus. Pas plus que le musée d'art moderne de Paris qui l'exposait récemment, et qui m'a interdit (trop tard) de le photographier. Personne ne m'a donné les raisons de l'interdiction, sinon l'éternelle "C'est le règlement".

Je voulais seulement montrer que les tristes reproductions de ce triptyque qu'on trouve habituellement sur Internet le dénaturent, en reproduisant ici une photo soignée qui s'approche de la fraîcheur des couleurs originales peintes par Bonnard.

mardi 23 janvier 2007

Le repaire de Cthulhu

Une des missions que s'est assignées Ce Glob Est Plat est d'aller, au mépris du danger, dans les endroits les plus incertains de la planète, pour dénoncer les phénomènes qui tentent de troubler notre belle réalité. Aujourd'hui, c'est le repaire de Cthulhu, avenue Georges 5, à Paris.

 

On ne doit pas décrire Cthulhu. C'est LA CHOSE. Elle prend la forme de ce qu'elle engloutit. Personne ne sait où elle se cache. Mais parfois, un petit embarras digestif rend sa métamorphose imparfaite. C'est un de ces rares instants que notre chroniqueur a immortalisé dans l'illustration ci-dessus. Il fallait toute sa clairvoyance pour identifier Cthulhu dans cette banale façade molle, qui avait déjà mystifié plus d'un investigateur. Gageons que les pharmacies proches, rue Charron ou avenue des Champs Élysées, sauront remédier à ce souci gastrique et que nous retrouverons bientôt la rationalité de notre bel environnement urbain. Pour les amateurs de frissons, en voici les coordonnées terrestres:

samedi 20 janvier 2007

Gougueule Eurf

Les écologistes sont très en dessous de la vérité. La Terre est dans un triste état. Si près des poubelles, elle pourrait bien être un jour ramassée par erreur.
Reconnaissons qu'il y a du travail pour qui voudrait la recueillir, et la rafistoler un peu. Voici son adresse en coordonnées géographiques:
Ci-contre, l'afrique orientale, berceau de l'humanité. On ne lui a manifestement pas souvent changé ses couches.

mercredi 17 janvier 2007

Les fantômes de Chardin

Dans notre inépuisable série "aime la vie, peins la en rose", après avoir présenté l'apothéose de la guerre, examinons aujourd'hui "La bonne éducation", de Jean-Baptiste Chardin.

Une reproduction en couleurs semble correcte. On la retrouve sur plusieurs sites de vente de copies de tableaux qui précisent, dans un français approximatif, "Cette présentation est sans effet sur la qualité finale de la reproduction qui sont réalisées à partir des photographies des oeuvres originales, issues des musées ou d'agences de photographes."
Nous voilà rassurés. L'ambiance y est chaleureuse ; le rouge et le roux dominent.

Lors de la rétrospective Chardin du Grand palais, à Paris en 1979, j'avais été particulièrement impressionné par ce tableau. Il détonnait parmi les autres Chardin. Il se distinguait par sa coloration glacée un peu funèbre et par une lumière fantomatique et molle.
Un Chardin au pays des spectres.
J'avais noté dans la marge du catalogue, où il est reproduit en noir et blanc : "robes bleu pâle, fond brun-vert, lumière floue blanchâtre". Je ne l'ai jamais revu depuis. J'ai tenté de reconstituer ici mes notes et le halo livide de mon souvenir.

J'entends déjà : "un souvenir de bientôt 30 ans est-il fiable?"
Non, probablement pas. Mais cette vision roussâtre, où il ne manque qu'un feu de cheminée douillet dans un coin, pour finir en fac-similé moralisateur, noyé dans un cadre prétentieux, parmi les bibelots d'un salon kitsch...!

Chardin a peint deux fois ce tableau, en 1749 et 1753. Provenant d'une collection suédoise (Wanås), l'exemplaire exposé à Paris en 1979 était dans le commerce de l'art en 1983 et on ne sait pas ce qu'est devenu l'autre.
Je le reverrai peut-être un jour. J'irai alors avec un nuancier.

dimanche 14 janvier 2007

2001 pour les nuls

On s'est tous longtemps demandé comment le "héros" de 2001, vieilli, alité et mourant, faisait pour communiquer avec la sentinelle parallélépipèdoïde extra-terrestre, le monolithe noir, à la fin du film de Stanley Kubrick. Cette photo prise sous un angle inédit nous le dévoile enfin. Il leur suffisait d'un simple bout de craie blanche, comme dans toute famille un peu organisée.

Ce message minable n'a été posté que pour faire patienter mes trois lecteurs. Je prépare une chronique géante sur un personnage tellement illustre que je ne peux m'autoriser la moindre imprécision et qui me prendra encore quelque temps.

jeudi 11 janvier 2007

Les galets d'Étretat

Cette chronique aurait pu s'intituler "Les falaises d'Étretat", ou "L'arche sur la mer", ou mieux encore, "L'aiguille creuse". Ça apostrophe immédiatement l'imagination du client par son point de vue monumental et énigmatique. Ça pouvait embellir le préambule d'un feuilleton captivant.
Mais à Étretat ce jour là, le 31 mai 2003, au cœur du printemps, le brouillard dissimulait la falaise, l'arche, l'aiguille, et on devinait à peine la mer.
Alors, s'est-il passé quelque chose sur cette plage anonyme?

mardi 9 janvier 2007

Pardonnons aux peintres d'histoire

Dans les salles obscures du musée d'archéologie et des beaux arts de Poitiers, le musée Sainte Croix, vous flânez nonchalamment parmi les œuvres intéressantes, quand, soudain, une bombe blasphématoire et puante vous explose au visage!

  Le forfait est signé : Müller, Charles Louis (1815-1892) "La fête de la raison le 10.11.1793", peint en 1878. Nous n'en présentons qu'un détail... Vous êtes prêt à écrire au préfet, au ministre, voire au pape. Mais vous vous contrôlez et allez aux renseignements sur l'auteur de cette laideur. Vous trouvez très peu de choses sur le peintre, mais néanmoins suffisamment pour tempérer votre premier jugement. Et surtout, entre autres distinctions, il fut fait officier de la légion d'honneur en 1850. Ça fait réfléchir. Müller était un vrai peintre d'Histoire, un mercenaire de la peinture, qui glorifiait sans distinction les victimes comme les bourreaux. On lui demandait de peindre la naissance de l'humanité en -4000 avant notre ère (à quelques années près s'entend), il le faisait. Sans aucun style, mais très proprement. On lui enjoignait de figurer des choses extrêmement difficiles à peindre avec précision : la religion, la patrie (demandez aux amateurs du jeu Pictionary comme c'est ardu). Il s'exécutait. Et même La France (illustration ci-dessous : Allégorie de La France, musée du Louvre). Il l'a représentée avec les petits carreaux qu'il est si difficile de faire bien droits.

  La peinture d'Histoire doit, parmi ses nobles desseins, montrer aux générations futures que l'homme a connu des moments d'obscurantisme dans son inéluctable progrès vers la lumière des temps modernes. Müller travaillait sur commande. Il illustra parfois des idées immorales auxquelles il ne croyait pas. On lui pardonnera.

dimanche 7 janvier 2007

L'envol du globe céleste

Ce globe céleste, commandé par le cardinal d’Estrées en l'honneur de Louis 14, fabriqué en 1683 par le moine géographe Vincenzo Coronelli, est ici mis en scène au Grand palais en septembre 2005. Après des siècles d'aventures, de longues périodes d'oubli, des situations épineuses pour exposer un hommage aussi encombrant, il vient, avec son homologue terrestre, de trouver un abri peut être plus durable à la Bibliothèque nationale de France.

Les bénéfices du flou

Eugène Carrière est un peintre sentimental (intimiste disent certains), dont la mièvrerie est heureusement mitigée par un style d'une austérité monacale. Ses toiles sont monochromes. Son unique couleur est un brun absolument marron, bistre même, pour ne pas dire terreux.
Ajoutez à cela un dessin habile, épuré, aux formes sinueuses qui se fondent dans les ténèbres du tableau et vous comprendrez pourquoi Edgar Degas, toujours bienveillant, disait des œuvres de Carrière: "On a fumé dans la chambre des enfants!".

Carrière Eugène - Les dévideuses - National Gallery, Londres

Pourtant la peinture floue est reposante. On n'essaie pas d'en suivre tous les détails et d'en comprendre toutes les péripéties. L'esprit vagabonde, l'imagination s'épanouit.
La peinture floue est une peinture d'avenir, elle demande moins d'entretien.

Enfin, bénéfice notable, la peinture floue est économique pour l'amateur qui fait imprimer ses photographies de tableaux flous. Il arrive que l'imprimeur les interprète comme des photos ratées et ne les facture pas (preuve sur le document authentique ci-dessous. Le cadre et le mur sont nets. L'étiquette NON FACTURÉ se retire aisément).

Carrière Eugène - Femme au miroir - Localisation inconnue

La peinture de Carrière est bien représentée au musée d'Orsay (notamment son portrait de Verlaine), et disséminée dans de nombreux musées de province.

vendredi 5 janvier 2007

Grand jeu-concours Verechtchaguine

Verechtchaguine (ou Vereshchagin) ne s'intéressait qu'aux choses grandioses, aux paysages majestueux, aux ruines vraiment monumentales et aux guerres extrêmement sanglantes. Il a suivi et peint les principales campagnes impérialistes de la Russie tsariste jusqu'à la fin du 19ème siècle. Ce qui lui valut un grand succès.
Pourtant ses représentations de la guerre ne sont jamais flatteuses et sont rarement glorieuses.

Pour exemple, l'Apothéose de la guerre, un des rares tableaux connus hors de Russie, exposé l'an dernier au musée d'Orsay. Comme souvent, la reproduction du catalogue officiel de l'exposition est une calamité ; couleurs, contraste... Le réalisateur du catalogue n'a peut-être jamais vu le tableau, il a trouvé son image sur Internet, qui en héberge des farfelues (voir un florilège sur l'illustration ci-dessus - ceux qui avaient parié que c'était une facétie d'Andy Warhol auront perdu).
Si cette chronique avait au moins 4 ou 5 lecteurs, j'aurais lancé un jeu-concours : quelle est dans ce florilège la reproduction la plus proche de l'original?
La photographie étant interdite à l'exposition, j'ai retouché les images disponibles sur la Toile jusqu'à obtenir, de mémoire, ces couleurs vraisemblablement fidèles.

Verechtchaguine était, comme son professeur J.L. Gérôme, "réaliste jusqu'à l'obsession, poétique et finalement abstrait à force de fixité dans la précision" en dit Jacques Foucart en 1976 dans le Larousse des grands peintres.

Ses œuvres sont exposées presque exclusivement au Musée Russe de Saint-Pétersbourg et à la Galerie Trétiakov à Moscou. Autant dire sur la lune. On comprend mieux l'interprétation débridée qui en est faite. Qui ira vérifier ?

jeudi 4 janvier 2007

Une devinette ténébreuse

Que voyez-vous sur cette photographie ? 1. Un incendie plutôt prévenant qui ne se propage pas vers les autres appartements et qui fume proprement par la cheminée, comme tout le monde. 2. Une fin de nuit assez animée chez un électricien équipé à outrance et qui vient de fêter l'obtention d'un prix sacrifié sur ses mégawatts domestiques. 3. Les reflets du soleil qui se lève sur les vitres du plus haut des appartements d'un immeuble.

mardi 2 janvier 2007

L'énigme de La Tour enfin résolue

Le lecteur assidu (unique, il se reconnaîtra) se souviendra qu'on l'avait laissé, l'an dernier, sur une désagréable frustration : combien, parmi les tableaux de Georges de La Tour exposés à l'Orangerie en 1934 étaient à nouveau réunis cet hiver au même endroit pour une resucée de l'exposition?

Le plan officiel détaillé de l'exposition, qui nous avait d'abord échappé (il ne fonctionne pas sur Opera et l'OSX), nous a été révélé dans toute sa crudité grâce à la haute technologie du navigateur Mozilla Firefox.
L'extrême précision de ce document probatoire ne permet aucun doute: seulement 7 des 13 La Tour de 1934 sont ici (les 3 ellipses blanches). La qualité du document permettra à un œil même néophyte de les identifier. Citons pour mémoire certaines provenances : Épinal, Berlin, Stockholm, Nantes (dont l'indicible Joseph et l'enfant). Hélas pas Rennes (en fait, après une ultime vérification en juin 2014, il semblerait que le tableau de Rennes ait été exposé dans une autre salle, au dessus du O de consonances).

Tempérons ce désappointement. Les aventuriers qui oseront l'expédition y découvriront tout de même un objet rare (cerclé d'une aura solaire dans le document précité) : la nature morte à la lettre et la chandelle de Lubin Baugin (notre illustration) provenant de Rome, peu connue, rarement reproduite, contrairement aux deux du Louvre devenues des icônes de l'art du 17ème siècle, et à celle de Rennes.

Nous reviendrons un jour sur les 4 natures mortes de Baugin, si la croissante ferveur populaire autour de Ce Glob Est Plat nous y convie.

lundi 1 janvier 2007

Janssens Elinga : le retour

Peter Janssens Elinga est un peintre au dessin presque naïf et à la perspective un peu gauche. Hanté par les réflexions de la lumière du soleil dans l'angle d'une pièce, il y oppose consciencieusement le blanc et le noir à un rouge corail reconnaissable.

La "balayeuse", bijou de fraîcheur et de lumière, se trouve au Petit Palais, à Paris. Invisible pendant les années de travaux elle reparaît depuis peu. Discrètement. Pas de reproduction ni même de citation sur le site officiel. Pour s'en faire une idée, on peut admirer la version similaire du musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg, peinte vers 1670.
L'illustration ci-dessus, photographiée au Petit Palais, reproduit assez fidèlement la douce lumière blanche de l'original (à comparer à certaines reproductions épouvantables).