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samedi 15 juillet 2023

Vrel, enfin !

Profitant d’un court congé estival à Paris, persuadé encore que votre pays est une démocratie, vous sortez de la boutique de l’Assemblée nationale, les bras chargés d’emplettes, quand, prenant par la rue de Lille, vous êtes arrêté par cette affiche inopinée. Son titre doublement racoleur vous rappelle vaguement l’insistance de l’auteur de Ce Glob est Plat, depuis plus de 10 ans, sur ce peintre quelconque : sa "découverte" en 2012 avec l’exposition par la Fondation Custodia et l’Institut néerlandais du tableau d’une "vieille femme assise en équilibre faisant signe à un enfant derrière une fenêtre d’intérieur", le succès surprenant aux enchères en 2013 du tableau d’une "femme assise lisant au milieu d’une pièce observée par un enfant derrière une fenêtre d’intérieur" (près de 2,5M$), puis en 2021 l’annulation pour cause de pandémie d’une exposition monographique tant espérée, et enfin l’édition du catalogue raisonné du peintre.

Par curiosité vous achetez un billet. La Fondation Custodia, avec le Mauritshuis de La Haye, a reconstitué une partie de la grande exposition annulée en 2021. De Vrel, une salle est consacrée aux vues de rues animées (8) et aux études de personnages (3), et une autre salle aux scènes d’intérieur, d’église (1) et de pièces animées de femmes et d’enfants (10) ; 22 tableaux sur les 50 actuellement attribués à Vrel.
Vous constatez que Vrel peignait des petits panneaux très sombres, couverts depuis d’un épais vernis, inondés de reflets brillants accentuant tous les défauts du bois, et le plus souvent recouverts d’une vitre qui réfléchit l’image mouvante des spectateurs dans les pièces trop éclairées. Toute photo satisfaisante est impossible.
 

On vous a promis un précurseur de Vermeer, mais vous n’y trouvez pas de luxueux clavecin, de tapis multicolore, pas de bleu, de rouge vif, de jaune citron, seulement une large gamme de bruns, de l’orange éteint à la terre d’ombre presque noire. Vrel serait plutôt le précurseur de Vilhelm Hammershøi, une sorte de Vermeer du pauvre aux tableaux peuplés de personnages qu’on ne voit que de dos, ou de fantômes brouillés derrière des carreaux de verre.

Puis vous réalisez que toutes les images vues jusqu'à présent, même sur le site des musées - à l’exception notable du catalogue raisonné du peintre édité chez Hirmer - restituent très mal la beauté des bruns et de la pénombre des tableaux de Vrel. Les reproductions sont systématiquement surexposées et les couleurs exagérément avivées. Elles font ressortir certaines faiblesses du dessin qui en réalité n'existent pas dans le demi-jour du monde sans soleil de Jacobus Vrel.
 

lundi 16 décembre 2019

Souvenir tendancieux du Puy


Pour le voyageur qui voudrait garder en mémoire une image de la belle cathédrale du Puy-en-Velay, mais en effacer l’indécente Vierge rose qui la domine de son promontoire jupitérien, le plus difficile sera de trouver un angle favorable où celle-ci n’apparait pas. Cela demandera un peu d’imagination.
Mais il pourra alors exhiber ses photos sans risquer les quolibets peu charitables que susciterait sinon cette perspective curieuse qui donne l’impression d’un trucage, d'une maquette qui ne respecte aucune proportion, et qui éveillerait les soupçons sur un prétendu voyage lointain, alors que la photo semble prise dans le parc d’attraction de la France miniature, à Élancourt près de Paris.

Cette Vierge inexpressive et sulpicienne était dit-on d’un rouge tuile, délicatement repeint en rouge cuivré en 2013. En fait elle parait le plus souvent rose orangé.

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Au lieu de visiter ce monument vaniteux fait de la fonte des canons de la guerre de Crimée en 1860, et équipé d’un escalier interne de 3 étages et de quelques hublots, le sage gravira de préférence les sombres ruelles pentues de la vieille ville du Puy, jusqu’à la cathédrale.

Essoufflé, il aura l’impression d’y entrer par la cave, croisera un aveugle de bois et sur des bas-reliefs usés des êtres émergeant à peine de la pierre, et il s’arrêtera devant la ténébreuse Vierge noire et l'enfant divin qui surgit de son manteau comme la créature monstrueuse dans le film Alien

La cathédrale est sombre, le beau cloitre, encaissé et oppressant. Le lieu est désert.
Il recevrait cependant plus de 1000 visiteurs par jour, en moyenne !
Des fantômes, peut-être. Ou alors, l’obscurité les dissimule. En 75 ans la ville du Puy a perdu, avec régularité, près d’un tiers de sa population.

lundi 28 janvier 2019

Les fantômes de Bourges



La façade occidentale de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges, avec ses cinq portails abondamment historiés, d’une inspiration et d’une finesse égales à celles de Reims, Amiens ou Chartres, a été sculptée entre 1240 et 1250. C’était la période magique, et très courte semble-t-il dans la statuaire gothique, où les anges se mettaient à sourire.

En 1564, au début des guerres de religion, les luthériens décapitaient la soixantaine de saints et saintes qui étaient alors alignés sur les piédroits au long de la façade.

Le temps a fait le reste. Les intempéries, les déprédations, et l’indifférence ont érodé les contours de la pierre, brouillé les visages, rongé les détails. Là où grouillait un peuple coloré de démons grimaçants, d’anges souriants, de prophètes, d’artisans, de paroissiens, ne sont plus que des zombis mutilés, blafards après le récent nettoyage, des spectres qui ont oublié leur rôle dans la monumentale mise en scène, oublié les croyances qui ont inspiré la construction de ce gigantesque mausolée, oublié jusqu'au souvenir des prélats vaniteux qui y sont ensevelis.

Pour les visiteurs, aujourd'hui, la cathédrale devient peu à peu incompréhensible, offerte à toutes les fantaisies de l'imagination, et d'autant plus mystérieuse et belle.

 
 

 

vendredi 4 septembre 2015

Le château en chantier

El Cortijo Jurado, l'hacienda enchantée avant qu'elle soit repeinte en rose.

À Campanillas, banlieue de Malaga, en Andalousie, se dessinait encore récemment au milieu des échangeurs autoroutiers, au bout des pistes de l'aéroport, la silhouette isolée d’une opulente hacienda abandonnée, El Cortijo Jurado. Un projet d'hôtel de luxe avait laissé à ses pieds une série de constructions interrompues par la crise économique.

Petite fierté locale pleine de courants d'air, de passages secrets, de fantômes, d'atroces tortures et d’enlèvements de jeunes vierges, l’hacienda faisait le bonheur des journaux régionaux en manque d’actualité et des associations de désespérés en quête de phénomènes paranormaux.
Les cinéastes en herbe y expérimentaient leur premiers films de genre assaisonnés de violents bruits soudains, de mouvements de caméra erratiques et de musiques de films d’horreur. On trouve encore par dizaines leurs productions puériles sur les sites contributifs.

Et puis après des années de rebondissements juridiques, le propriétaire faisait récemment refaire les toitures et peindre en rose l’immense carcasse vide. Le prix de vente en était multiplié par 10, soit 16 millions d’euros.
Aujourd’hui 4 septembre l’annonce vient d’être retirée du site de l’agence immobilière.
 

dimanche 5 octobre 2014

Les spectres du musée d'Istanbul

Peu à peu la religion est de retour au sein des institutions turques. Les mésaventures judiciaires du pianiste Fazil Say n'en finissent pas. La basilique Sainte-Sophie va sans doute redevenir une mosquée.
Les fantômes de la Grèce antique hantent le musée d’archéologie d’Istanbul.






vendredi 9 mars 2012

Pentidattilo



Pentidattilo, village calabrais des cinq doigts, peuplé de courants d'air depuis le terrible tremblement de terre de 1783, village fantôme, déjà évoqué ici ou , respire à nouveau, très lentement, de temps en temps, pour accueillir les estivants curieux.


dimanche 26 juin 2011

La vie des cimetières (37)

L'abbé Robert, alias Étienne-Gaspard Robertson, fut un homme de spectacle, à Paris vers 1800-1830. Un de ces aventuriers fabuleux et sans scrupules qui combinaient balbutiements de l'électricité et procédés chimiques et optiques dans des attractions illusionnistes appelées alors fantasmagories. Derrière un galimatias philosophico-religieux et sous des prétextes hautement scientifiques, il faisait apparaitre fantômes ambulants, sorcières frénétiques et morts célèbres sur un écran de fumée. Il ressuscitait même, à la demande, les familiers de spectateurs téméraires.
On lira un survol de sa vie d'aérostier sur une page de la Biographie universelle ancienne et moderne, de Michaud en 1842. Son autobiographie «Mémoires récréatifs, scientifiques et anecdotiques d'un physicien-aéronaute» peut encore être dénichée chez quelques antiquaires.




De nos jours il n'y a plus que des spectres de pierre autour de son tombeau, avenue Casimir Périer au cimetière du Père-Lachaise, et quelques touristes intrigués par ce grandiose mausolée historié sur lequel est gravé le nom d'un inconnu.

dimanche 21 décembre 2008

La vie des cimetières (17)

C'est une vision créée par votre peur ... Pourquoi tant de grimaces? Après tout, vous ne regardez qu'une chaise!Macbeth croit voir le spectre de Banquo, qu'il a fait tuer (Shakespeare, Macbeth acte 3 scène 4)
Lady Macbeth. - «Quelles balivernes! C'est une vision créée par votre peur (...). Oh! ces tressaillements, ces soubresauts, simulacres d'une véritable peur, conviendraient à merveille au conte que fait une femme, en hiver, au coin du feu. - C'est une vraie honte! Pourquoi faites-vous tant de grimaces? Après tout, vous ne regardez qu'une chaise!»

Shakespeare a beau le démentir avec lucidité, l'homme s'ingénie toujours à croire qu'il reste des traces impalpables des morts ailleurs que dans sa mémoire. C'est ainsi qu'il a installé le fantôme de Mozart dans le cimetière monumental de Milan. Une plaque commémorative rappelle que quelque part à Milan, en 1858, est mort l'aîné des fils de Wolfgang et Constance, dernier survivant de la famille Mozart, fonctionnaire à la Cour des Comptes.

Il y est écrit «À la mémoire de Carlo Mozart, dernier fils du musicien suprême, fonctionnaire de la ville de Milan (Vienne 1784 - Milan 1858). Avec lui s'éteint la lignée mais non la gloire impérissable de l'illustre géniteur. Pour le centenaire de sa mort, l'association des autrichiens de Milan, 31 octobre 1958»

Au fond, sur le mur, se trouve l'inscription à la mémoire du dernier des Mozart.

mercredi 17 janvier 2007

Les fantômes de Chardin

Dans notre inépuisable série "aime la vie, peins la en rose", après avoir présenté l'apothéose de la guerre, examinons aujourd'hui "La bonne éducation", de Jean-Baptiste Chardin.

Une reproduction en couleurs semble correcte. On la retrouve sur plusieurs sites de vente de copies de tableaux qui précisent, dans un français approximatif, "Cette présentation est sans effet sur la qualité finale de la reproduction qui sont réalisées à partir des photographies des oeuvres originales, issues des musées ou d'agences de photographes."
Nous voilà rassurés. L'ambiance y est chaleureuse ; le rouge et le roux dominent.

Lors de la rétrospective Chardin du Grand palais, à Paris en 1979, j'avais été particulièrement impressionné par ce tableau. Il détonnait parmi les autres Chardin. Il se distinguait par sa coloration glacée un peu funèbre et par une lumière fantomatique et molle.
Un Chardin au pays des spectres.
J'avais noté dans la marge du catalogue, où il est reproduit en noir et blanc : "robes bleu pâle, fond brun-vert, lumière floue blanchâtre". Je ne l'ai jamais revu depuis. J'ai tenté de reconstituer ici mes notes et le halo livide de mon souvenir.

J'entends déjà : "un souvenir de bientôt 30 ans est-il fiable?"
Non, probablement pas. Mais cette vision roussâtre, où il ne manque qu'un feu de cheminée douillet dans un coin, pour finir en fac-similé moralisateur, noyé dans un cadre prétentieux, parmi les bibelots d'un salon kitsch...!

Chardin a peint deux fois ce tableau, en 1749 et 1753. Provenant d'une collection suédoise (Wanås), l'exemplaire exposé à Paris en 1979 était dans le commerce de l'art en 1983 et on ne sait pas ce qu'est devenu l'autre.
Je le reverrai peut-être un jour. J'irai alors avec un nuancier.