Pour le voyageur qui voudrait garder en mémoire une image de la belle
cathédrale du Puy-en-Velay, mais en effacer l’indécente
Vierge rose qui la domine de son
promontoire jupitérien, le plus difficile sera de trouver un angle favorable où celle-ci n’apparait pas. Cela demandera un peu d’imagination.
Mais il pourra alors exhiber ses photos sans risquer les quolibets peu charitables que susciterait sinon cette
perspective curieuse qui donne l’impression d’un trucage, d'une maquette qui ne respecte aucune proportion, et qui éveillerait les soupçons sur un prétendu voyage lointain, alors que la photo semble prise dans le
parc d’attraction de la
France miniature, à Élancourt près de Paris.
Cette
Vierge inexpressive et
sulpicienne était dit-on d’un
rouge tuile, délicatement repeint en
rouge cuivré en 2013. En fait elle parait le plus souvent rose orangé.
Au lieu de
visiter ce monument vaniteux fait de la fonte des canons de la guerre de Crimée en 1860, et équipé d’un escalier interne de 3 étages et de quelques hublots, le sage gravira de préférence les sombres ruelles pentues de la vieille ville du Puy, jusqu’à la cathédrale.
Essoufflé, il aura l’impression d’y entrer par la cave, croisera un aveugle de bois et sur des bas-reliefs usés des êtres émergeant à peine de la pierre, et il s’arrêtera devant la ténébreuse Vierge noire et l'enfant divin qui surgit de son manteau comme la créature monstrueuse dans le film
Alien.
La cathédrale est sombre, le beau cloitre, encaissé et oppressant. Le lieu est désert.
Il recevrait cependant plus de 1000 visiteurs par jour, en moyenne !
Des fantômes, peut-être. Ou alors, l’obscurité les dissimule. En 75 ans la ville du Puy a perdu, avec régularité, près d’un tiers de sa population.