La vie des cimetières (118)
Les cimetières sont pleins de gens qui y sont parvenus.Faut-il nécessairement tenter de réaliser ses rêves ?
Voilà plus de 16 ans, le 24 mars 2009, Ce Blog, dans une chronique au style assez mauvais, s’extasiait devant la sculpture en bronze d’une enfant assise sur la tombe d’une femme morte vers 30 ans, située près de l’allée centrale dans l’immense cimetière monumental de Milan.
Présomptueux, il suppliait alors l'internet de lui trouver le nom du sculpteur responsable de cette merveille. Naturellement la planète ne l’a pas entendu. Le comptable de la déesse Gougueule affirme qu'en 16 ans, 163 internautes seulement auraient posé le regard sur cette page fatidique.
Mais en 16 ans, Gougueule elle-même, notre Big Sister planétaire, a grandi démesurément. Aujourd’hui elle sait tout de nous. L’heure était donc venue de lui poser la question ultime, la grande Question sur la vie, l’univers et le reste : qui a créé la jeune fille assise sur la tombe d’Enrichetta Maggioni Venegoni ?
Et à l'invocation de ces 4 mots suivis de 3 clics de souris, apparait aujourd'hui la page miraculeuse, la page qui abolit en un instant 16 ans de tourments métaphysiques*.
* Ne soyez pas effrayés par le mot "métaphysique", c’est le vocable qu’on utilise couramment, comme le mot "poétique", quand on ne sait pas exprimer quelque chose. Par paresse on fait croire qu’il y aurait un au-delà de ce qu’on sait dire ; une sorte de superlatif irréfutable, certifié par l'autorité d'un terme scientifique.
Ainsi l’auteur de la sculpture, créée en 1901, dont le titre est "Prière sur la tombe de la mère", se nomme Del Bò (ou Del Bo', ou Dal Bo) et se prénomme Romolo (Romulus). On déchiffre maintenant clairement sa signature sur la robe de la jeune fille, DelBo avec le R et le D superposés.
Et on découvre alors sa vie, son inspiration symboliste, ses autres œuvres, et on lui trouve du talent, on apprécie bien sûr la simplification des formes, la grâce peut-être de certaines lignes, mais on est en réalité profondément déçu. Tout cela est très inexpressif. Il n’y a rien de pire que d’essayer de représenter de grandes idées symboliques, des grands principes, par des moyens artistiques. Le résultat est toujours grotesque, risible. Sans doute est-ce parce que les grandes idées sont elles-mêmes dérisoires dès qu’elles rencontrent la réalité.
Singulièrement, sur la tombe d’Enrichetta Maggioni Venegoni, c’est l'expression sobre de la jeune fille, son attitude de curiosité attentive, recueillie mais un peu indifférente, qui en font la beauté.
Ne croyez pas les larmes sur son visage, elles ne sont pas de la main du sculpteur. C'est l’effet des intempéries sur le bronze.





















2 commentaires :
Pour paraphraser un certain Blaise Pascal (méta & physicien, notamment) : « c’est bien métaphysiquer [1] que de se moquer de la métaphysique ».
En plus Costar, vous enfoncez le clou dans votre cercueil de la métaphysique en nous donnant une leçon sur la physique des matériaux et sur les larmes des statues. (les Bronzés au cimetière ?)
Quel culot !
Quel quantisme [1] !
Cela étant, une tombe comme je les aime ; une tombe de rêve, de méditation et d’éternel retour (comme disait ce brave Friedrich [2]).
Merci.
[1] : hapax ?
[2] : pour raisons de santé, mon clavier et moi avons définitivement renoncé à écrire son nom de famille…
{1} https://www.cnrtl.fr/definition/m%C3%A9taphysiquer :
𝘔𝘦́𝘵𝘢𝘱𝘩𝘺𝘴𝘪𝘲𝘶𝘦𝘳, 𝘷𝘦𝘳𝘣𝘦 𝘪𝘯𝘵𝘳𝘢𝘯𝘴.,𝘧𝘢𝘮. 𝘍𝘢𝘪𝘳𝘦 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘮𝘦́𝘵𝘢𝘱𝘩𝘺𝘴𝘪𝘲𝘶𝘦. 𝘈𝘶 𝘴𝘰𝘪𝘳 𝘥'𝘶𝘯 𝘣𝘦𝘭 𝘢𝘱𝘳𝘦̀𝘴-𝘮𝘪𝘥𝘪 𝘥𝘦 𝘫𝘶𝘪𝘭𝘭𝘦𝘵 𝘰𝘶̀ 𝘦𝘯 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘱𝘳𝘰𝘮𝘦𝘯𝘢𝘯𝘵, 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘢𝘷𝘪𝘰𝘯𝘴 𝘪𝘯𝘵𝘦𝘳𝘮𝘪𝘯𝘢𝘣𝘭𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘮𝘦́𝘵𝘢𝘱𝘩𝘺𝘴𝘪𝘲𝘶𝘦́ (𝘋𝘶 𝘉𝘰𝘴, 𝘑𝘰𝘶𝘳𝘯𝘢𝘭, 𝟣𝟫𝟤𝟨, 𝘱. 𝟩𝟤).𝘗𝘦́𝘫. 𝘛𝘰𝘮𝘣𝘦𝘳 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘭'𝘦𝘹𝘤𝘦̀𝘴 𝘥𝘦 𝘭'𝘢𝘣𝘴𝘵𝘳𝘢𝘤𝘵𝘪𝘰𝘯.
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