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jeudi 26 août 2021

Améliorons les chefs-d’œuvre (19)

À gauche les Fileuses de Velazquez à la fin du 18ème siècle, à droite au début du 21ème.
 
En 1664, peu après la mort de Velazquez (Diego Velázquez), son tableau « Les fileuses » aujourd’hui au Prado de Madrid, était inventorié comme « La légende d’Arachnée », puis en 1772 « Femmes filant et dévidant de la laine dans une manufacture de tapisseries », puis au 19ème siècle « La manufacture de tapis de Santa Isabel à Madrid », et actuellement « Les fileuses ou la légende d’Arachnée ». 
L’encyclopédie Wikipedia fait l’inventaire chronologique de ces interprétations, toutes perplexes devant la présence d’une viole de gambe qu’on aperçoit au centre du tableau. Dès qu’un peintre reconnu disparait sans laisser les clefs d’un tableau dont la scénographie et les détails ne sont pas immédiatement compréhensibles, commence la frénésie des interprétations savantes. 
Ces gloses en disent plus sur les préoccupations des commentateurs que sur les choix, souvent de circonstance, des peintres. Et puis qui a le temps, visitant les musées modernes, de faire défiler des siècles d’érudition quand il n’a que quelques minutes de tranquillité - quelques secondes parfois - pour ressentir quelque chose devant un tableau, avant de passer au suivant ?

La date de réalisation des Fileuses est encore discutée, mais elle est sans doute parmi les dernières œuvres du peintre. On y retrouve à son summum sa touche libre, large et rapide, à l’image du dernier Titien qu’il admirait tant, et quelques repentirs exécutés trop rapidement dont les différentes étapes ont fusionné en séchant, donnant l’impression de gestes animés.   

Le musée du Prado savait de longue date que le tableau avait été agrandi, un siècle après la mort du peintre, pour l’ajuster aux dimensions du nouveau Palais royal à Madrid. Une architecture peinte, improvisée en ogive, l’avait alors augmenté de plus de 2 mètres carrés (de 4,2 à 6,35), et l’ensemble avait été mystérieusement incliné de moins un degré à droite.
La peinture est un art essentiellement décoratif. Ce genre de remaniement était courant, mais plus souvent dans le sens de la réduction des dimensions, en supprimant des portions des œuvres, parfois en les découpant en plusieurs petits tableaux.

Patientez, GIF animé en cours de chargement (10Mo) N’osant se débarrasser des ajouts estimés non autographes, ce qui se fait pourtant généralement en restauration, le vertueux Prado a conçu une usine à gaz, un faux cadre monumental fait d’un pan de mur à charnières derrière lequel le tableau est légèrement redressé et qui masque les ajouts une fois refermé. L’ensemble est impressionnant. Le résultat a fait s’exclamer certains commentateurs « les personnages sont entassés, on dirait le métro à l'heure de pointe », ou encore « le remède revient à tuer une mouche à coup de bombe atomique ».

Il faut admettre que l’opération est un peu démesurée. D’autant que ce masquage des ajouts étrangers derrière un faux cadre, sur un fond vert olive, était déjà en place depuis 2007 (ici dans une vidéo de 2012, et là en 2014).
Ainsi l’opération de 2021, trompétée en très haute définition sur Youtube, n’a consisté qu’à réduire l’ombre disgracieuse du cadre précédent qui obscurcissait une quinzaine de centimètres en haut du tableau, et redresser l’inclinaison fautive en le remontant à droite d’un angle d’à peu près un degré.

Certains nostalgiques, chagrins ou presbytes, prétendent que le génie humain ne crée plus de ces chefs-d’œuvre comme aux siècles passés. En tout cas, il s’épanouit manifestement à améliorer ceux qui subsistent.

dimanche 12 février 2012

La ruine des ruines


Soyons précis.
« Pompéi, derniers jours » ne signifie pas forcément que ce sont les « Les derniers jours de Pompéi », mais que c'est aujourd’hui le dernier jour de l'exposition Pompéi au musée Maillol, à Paris. Quoique les nouvelles qui parviennent depuis quelque temps du site original près de Naples, après l’effondrement de plusieurs maisons, puis la fermeture récente de treize autres faute de moyens pour les entretenir, inquiètent. À Herculanum, des zones découvertes de la maison des Papyrus ont été de nouveau emmurées, pour les protéger dit-on des intempéries et des déprédations. Paradoxe de la conservation des vestiges exhumés.
La curiosité humaine est un besoin irréductible. À propos de la souffrance de Sisyphe, condamné à rouler au sommet d'une colline un rocher qui en redescendra sans cesse, et dont il fait une métaphore de l'existence que l'être conscient supporte jour après jour, Albert Camus conclut ainsi son essai sur l'absurde :
« Je laisse Sisyphe au bas de la montagne« ! On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme.
Il faut imaginer Sisyphe heureux. »
Mise à jour du 12.09.2012 : une poutre de la Villa des Mystères, ramollie par les intempéries, a emporté avec elle une partie du toit du péristyle qu'elle soutenait. Cependant la visite de la villa continue.

samedi 19 septembre 2009

Quand les biches avaient des bois

Au début, quatre siècles avant notre ère, Artémis était fille de Zeus et sœur d'Apollon quand le sculpteur grec Léocharès la modela. Flanquée d'un petit cerf bondissant elle portait une jupe courte, un carquois, et une casquette de chef de gare. Quelques siècles plus tard, les romains la rebaptisaient Diane, pour faire moins vieillot, et la copiaient dans le marbre.

Et depuis que cette copie a été offerte par un pape à un roi français, vers 1550, il n'y a plus un jardin, un parc, ou un bosquet en France qui n'exhibe une réplique de la statue. Toutes sont fidèles et reproduisent sans ambigüité les cornes de l'animal, mais sont curieusement étiquetées «Artémis à la biche ou Diane à la biche». Ignorance de l'époque en matière de zoologie ou mutation accélérée ?

De nos jours les biches ne portent plus de cornes et seuls les cerfs voient tous les ans pousser sur leur crâne ces portemanteaux saugrenus. Cependant, certains cas très singuliers de mue périodique intriguent encore les naturalistes, comme ici dans le parc de Presles, lors de la fête printanière de «Lutte Ouvrière».

samedi 29 mars 2008

Chimère

Lorsqu'on voit pour la première fois cet animal insolite, dans une galerie ensoleillée du musée d'archéologie de Florence, on se demande s'il est le fruit de manipulations génétiques immorales ou d'un abus inconsidéré de produits psychotropes.

Il n'est en fait qu'une représentation fidèle de la célèbre Chimère, fille d'Échidna qui était moitié nymphe et moitié vipère et de Typhon, décrite par les plus grands auteurs de l'antiquité grecque. Dès le 8ème siècle par Hésiode dans sa Généalogie des dieux et par Homère dans le sixième chant de l'Illiade.


Hésiode en dit qu'elle «vomissait avec un bruit affreux les tourbillons d'une dévorante flamme», ce qui effrayait considérablement la population. Le héros Bellérophon, qui avait un bon niveau d'études, utilisa pour la tuer une ingénieuse lance faite de plomb. Le métal fondant à la chaleur de la propre flamme de la chimère, soit au moins 327 degrés centigrades, entraîna sa fin pathétique, carbonisée.


On comprend mieux la posture défensive de cette antique statue étrusque et l'impression de souffrance qui émane de son regard.

Chimère en bronze, art étrusque, 5ème siècle avant notre ère, découverte à Arezzo en 1553, restaurée par Cellini (reconstruction de la queue)