Améliorons les chefs-d’œuvre (19)
La date de réalisation des Fileuses est encore discutée, mais elle est sans doute parmi les dernières œuvres du peintre. On y retrouve à son summum sa touche libre, large et rapide, à l’image du dernier Titien qu’il admirait tant, et quelques repentirs exécutés trop rapidement dont les différentes étapes ont fusionné en séchant, donnant l’impression de gestes animés.
Le musée du Prado savait de longue date que le tableau avait été agrandi, un siècle après la mort du peintre, pour l’ajuster aux dimensions du nouveau Palais royal à Madrid. Une architecture peinte, improvisée en ogive, l’avait alors augmenté de plus de 2 mètres carrés (de 4,2 à 6,35), et l’ensemble avait été mystérieusement incliné de moins un degré à droite.
La peinture est un art essentiellement décoratif. Ce genre de remaniement était courant, mais plus souvent dans le sens de la réduction des dimensions, en supprimant des portions des œuvres, parfois en les découpant en plusieurs petits tableaux.

Il faut admettre que l’opération est un peu démesurée. D’autant que ce masquage des ajouts étrangers derrière un faux cadre, sur un fond vert olive, était déjà en place depuis 2007 (ici dans une vidéo de 2012, et là en 2014).
Ainsi l’opération de 2021, trompétée en très haute définition sur Youtube, n’a consisté qu’à réduire l’ombre disgracieuse du cadre précédent qui obscurcissait une quinzaine de centimètres en haut du tableau, et redresser l’inclinaison fautive en le remontant à droite d’un angle d’à peu près un degré.
Certains nostalgiques, chagrins ou presbytes, prétendent que le génie humain ne crée plus de ces chefs-d’œuvre comme aux siècles passés. En tout cas, il s’épanouit manifestement à améliorer ceux qui subsistent.