Améliorons les chefs-d’œuvre (19)
À gauche les Fileuses de Velazquez à la fin du 18ème siècle, à droite au début du 21ème.
En 1664, peu après la mort de Velazquez (Diego Velázquez), son tableau « Les fileuses » aujourd’hui au Prado de Madrid, était inventorié comme « La légende d’Arachnée », puis en 1772 « Femmes filant et dévidant de la laine dans une manufacture de tapisseries », puis au 19ème siècle « La manufacture de tapis de Santa Isabel à Madrid », et actuellement « Les fileuses ou la légende d’Arachnée ».
L’encyclopédie Wikipedia fait l’inventaire chronologique de ces interprétations, toutes perplexes devant la présence d’une viole de gambe qu’on aperçoit au centre du tableau. Dès qu’un peintre reconnu disparait sans laisser les clefs d’un tableau dont la scénographie et les détails ne sont pas immédiatement compréhensibles, commence la frénésie des interprétations savantes.
Ces gloses en disent plus sur les préoccupations des commentateurs que sur les choix, souvent de circonstance, des peintres. Et puis qui a le temps, visitant les musées modernes, de faire défiler des siècles d’érudition quand il n’a que quelques minutes de tranquillité - quelques secondes parfois - pour ressentir quelque chose devant un tableau, avant de passer au suivant ?
La date de réalisation des Fileuses est encore discutée, mais elle est sans doute parmi les dernières œuvres du peintre. On y retrouve à son summum sa touche libre, large et rapide, à l’image du dernier Titien qu’il admirait tant, et quelques repentirs exécutés trop rapidement dont les différentes étapes ont fusionné en séchant, donnant l’impression de gestes animés.
Le musée du Prado savait de longue date que le tableau avait été agrandi, un siècle après la mort du peintre, pour l’ajuster aux dimensions du nouveau Palais royal à Madrid. Une architecture peinte, improvisée en ogive, l’avait alors augmenté de plus de 2 mètres carrés (de 4,2 à 6,35), et l’ensemble avait été mystérieusement incliné de moins un degré à droite.
La peinture est un art essentiellement décoratif. Ce genre de remaniement était courant, mais plus souvent dans le sens de la réduction des dimensions, en supprimant des portions des œuvres, parfois en les découpant en plusieurs petits tableaux.
N’osant se débarrasser des ajouts estimés non autographes, ce qui se fait pourtant généralement en restauration, le vertueux Prado a conçu une usine à gaz, un faux cadre monumental fait d’un pan de mur à charnières derrière lequel le tableau est légèrement redressé et qui masque les ajouts une fois refermé. L’ensemble est impressionnant. Le résultat a fait s’exclamer certains commentateurs « les personnages sont entassés, on dirait le métro à l'heure de pointe », ou encore « le remède revient à tuer une mouche à coup de bombe atomique ».
Il faut admettre que l’opération est un peu démesurée. D’autant que ce masquage des ajouts étrangers derrière un faux cadre, sur un fond vert olive, était déjà en place depuis 2007 (ici dans une vidéo de 2012, et là en 2014).
Ainsi l’opération de 2021, trompétée en très haute définition sur Youtube, n’a consisté qu’à réduire l’ombre disgracieuse du cadre précédent qui obscurcissait une quinzaine de centimètres en haut du tableau, et redresser l’inclinaison fautive en le remontant à droite d’un angle d’à peu près un degré.
Certains nostalgiques, chagrins ou presbytes, prétendent que le génie humain ne crée plus de ces chefs-d’œuvre comme aux siècles passés. En tout cas, il s’épanouit manifestement à améliorer ceux qui subsistent.
La date de réalisation des Fileuses est encore discutée, mais elle est sans doute parmi les dernières œuvres du peintre. On y retrouve à son summum sa touche libre, large et rapide, à l’image du dernier Titien qu’il admirait tant, et quelques repentirs exécutés trop rapidement dont les différentes étapes ont fusionné en séchant, donnant l’impression de gestes animés.
Le musée du Prado savait de longue date que le tableau avait été agrandi, un siècle après la mort du peintre, pour l’ajuster aux dimensions du nouveau Palais royal à Madrid. Une architecture peinte, improvisée en ogive, l’avait alors augmenté de plus de 2 mètres carrés (de 4,2 à 6,35), et l’ensemble avait été mystérieusement incliné de moins un degré à droite.
La peinture est un art essentiellement décoratif. Ce genre de remaniement était courant, mais plus souvent dans le sens de la réduction des dimensions, en supprimant des portions des œuvres, parfois en les découpant en plusieurs petits tableaux.
Il faut admettre que l’opération est un peu démesurée. D’autant que ce masquage des ajouts étrangers derrière un faux cadre, sur un fond vert olive, était déjà en place depuis 2007 (ici dans une vidéo de 2012, et là en 2014).
Ainsi l’opération de 2021, trompétée en très haute définition sur Youtube, n’a consisté qu’à réduire l’ombre disgracieuse du cadre précédent qui obscurcissait une quinzaine de centimètres en haut du tableau, et redresser l’inclinaison fautive en le remontant à droite d’un angle d’à peu près un degré.
Certains nostalgiques, chagrins ou presbytes, prétendent que le génie humain ne crée plus de ces chefs-d’œuvre comme aux siècles passés. En tout cas, il s’épanouit manifestement à améliorer ceux qui subsistent.
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