mardi 26 janvier 2021

Découverte par hasard du vol ignoré d’une copie supposée d'un faux Léonard disparu

Quoi ? Qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans ce titre ? 
Bon, reprenons en commençant par la fin.

1. « … d’un faux Léonard disparu. »

Le faux Léonard disparu, c'est ce tableau médiocre qui, entre 1958 et 2017, à force de restaurations et soutenu par de grands experts, est devenu un authentique Léonard de Vinci, acheté 450 millions de dollars par un petit Staline saoudien.
Du jour de sa vente en 2017, les experts se défilant l’un après l’autre, le chef-d'œuvre, qui aurait pu être exposé en tête de gondole à la grande foire au Léonard du Louvre en 2019, et devenir le joyau du Louvre Abu Dhabi, a en fait disparu. On le dit dans le yacht du despote milliardaire.

2. « … d’une copie supposée… »

Avant de devenir le plus cher du monde, le tableau disparu était considéré comme l’un des nombreux exemplaires d’un modèle pictural du Christ vu de face et faisant un signe de la main, venu de Byzance par la Flandre, et dont des spécimens tenant un globe de verre de l’autre main se sont multipliés à la fin du 15ème siècle en Italie.
Dès l'entrée dans le livre des records du tableau du paragraphe 1, les musées qui possédaient des copies d’après le même modèle modifièrent leur catalogue, en ajoutant « d’après un tableau de 450 millions de Léonard de Vinci », ce que fit le musée Doma de l’église San Domenico Maggiore, à Naples, qui en exposait un exemplaire attribué à Giacomo Alibrandi de Messine.  

3. « Découverte par hasard du vol ignoré… »


C’est l’épisode amusant de la blague, sa chute. Des carabiniers italiens qui perquisitionnaient dans l’appartement d’un suspect napolitain ont trouvé au fond d’une armoire, sans le chercher, l'exemplaire du paragraphe 2. Peut-être ont-ils cru un instant découvrir le disparu du paragraphe 1, très semblable, aussi inexpressif, mais ici la robe était rouge, et non bleue, et le sfumato, le fondu entre ombre et lumière, était moins réussi (ou moins restauré). Fermé depuis des mois de confinement, le musée Doma, qui se croyait encore détenteur de ce Christ du paragraphe 2, ne s’était pas aperçu de sa disparition sans effraction.
 
Voilà pour les éclaircissements. Il reste cependant un mystère. Comment une croute peut-elle se transformer en un Léonard de Vinci, puis se transmuer en or et ruisseler sur ses répliques au point de faire briller la cupidité dans les yeux de tous ceux qui les approchent ? 
C’est peut-être ce qu’on appelle le miracle de la foi. Il parait que c’est le même prodige qui maintient en équilibre le petit monde de la spéculation financière.
 
***
Illustration : le tableau recouvré, mis en scène par la police italienne. On admirera sa parfaite connaissance de l’iconographie chrétienne de la crucifixion, qui représente toujours le Christ entre les deux larrons.

6 commentaires :

Vasco a dit…

C'est toujours un plaisir de vous lire ! Là, je dois dire que la forme est particulièrement bien vue et plaisante comme un bel exercice de style lié à une expertise sans faille d'authentification de la bêtise mercantiliste. Mais alors , le clou de votre argumentation, si j'ose dire, c'est votre dernier commentaire de l'illustration qui m'avait échappé à la première lecture et qui m'a bien fait rire. Merci !

Costar a dit…

Ça alors ! Le retour de Max Loop ! Quel plaisir !

C'est moi qui vous remercie de me lire encore après toutes ces années. Comme vous le voyez, toujours une chronique métronomique par semaine, depuis toutes ces années, et des tableaux qui s'accumulent depuis quelques années. Et même des copies de maitres depuis les confinements.

Ce qui me fait penser que j'ai vu assez récemment des tableaux sur votre site. La pandémie vous aurait fait basculer vers le pinceau contemplatif ? Vos plages me plaisent réellement.

Vasco a dit…

Non ce n'est pas le retour de Max Loop qui s'est un peu retiré de la blogosphère...
Par contre vasco est toujours fidèle à votre poste de radiographie du glob et n'en rate pas une ! (de vos radios).
Bon, c'est vrai que je ne commente pas, mais, comme beaucoup d'autres je suppose, je vous suis avec délectation, et un peu de jalousie pour ce qui concerne vos peintures.

Merci pour votre compliment sur mes plages, je m'y adonne depuis quelques temps mais avec une lenteur plus pathologique que contemplative.

Costar a dit…

Eh oui, l'émotion, on s'emporte et on écrit n'importe quoi. Évidemment, un lecteur n'est pas nécessairement un commentateur (alors que l'inverse se vérifie souvent). Néanmoins vous seriez étonné par le peu de lecteurs fidèles au Glob.
Votre constance justifie d'autant plus mes remerciements.

Vasco a dit…

Tel que vous décrivez les choses c'est votre constance qui est admirable.
Aujourd'hui il faut être sur les instramgram, pique et pique et colle et vlan, marabouc, bookfissel, touitteur et autres noms d'oiseaux pour avoir du flux ; mais est-ce du superflux nécessaire ?...
Perso, j'aime bien le calme des blogs alanguis, ou des sites cachés aux recoins du glob.
En somme vous devriez figurer dans le guide du routard blogosphérique : "Ce Glob est plat" est un petit havre unique en son genre, parcouru de cimaises de peintures fraiches ou périmées avec soin, avec des points de vues remarquables, des panoramas à couper le souffle, et des cimetières à l'avenant !"

Costar a dit…

Que dire ?
Je me tais.