La vie des cimetières (98)
La pointe nord de la presqu’ile du Cotentin à l’ouest de Cherbourg, dans le département de la Manche, a toujours été faite de lande, de dunes, de fougères, et d’ajoncs. On y produisait des centenaires tant l’air était vif et sain. Quand la peste débarqua au port de Cherbourg en 1630, tous ceux qui se réfugièrent à Biville, 15 kilomètres vers l’ouest, survécurent. L’église y gagna quelques centaines de fidèles et un clocher neuf. Mme Renep, dont on ne sait rien d’autre, y serait morte en 1697 à 116 ans, dit le site de la mairie (dont l'histoire semble s'interrompre dans un article complaisant de la presse locale le 11 octobre 1963).
En juin 1940 l’armée allemande apprécia l’air vivifiant qui balayait les dunes et y construisit de solides édifices qu’elle nomma Mur de l’Atlantique. Quatre ans plus tard, au solstice d’été, elle partait soudainement, abandonnant étourdiment sur place un chaos de blocs de béton et de grands trous dans les dunes de Biville et Vasteville, parsemées d’engins motorisés hors service.
L’espérance de vie dans la région s’était un peu dégradée.
Pendant une soixantaine d’années les militaires français continuèrent à y jouer seuls à la guerre, et puis, peut-être lassés d'attendre l’adversaire, ils nettoyèrent le champ de tir et le confièrent au conservatoire du littoral en 2013, laissant en souvenir les éternels blocs de béton qui ponctuent encore la plage, et dans les dunes un cimetière d'épaves d'engins états-uniens ou blindés Panhard, qui auraient dû disparaitre pour faire de la figuration au musée de Sainte-Mère-Église. Mais le budget n’a pas été réuni. Elles étaient encore là en juillet 2019, date des dernières images par satellite publiées (coordonnées des épaves : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.)
Pendant une soixantaine d’années les militaires français continuèrent à y jouer seuls à la guerre, et puis, peut-être lassés d'attendre l’adversaire, ils nettoyèrent le champ de tir et le confièrent au conservatoire du littoral en 2013, laissant en souvenir les éternels blocs de béton qui ponctuent encore la plage, et dans les dunes un cimetière d'épaves d'engins états-uniens ou blindés Panhard, qui auraient dû disparaitre pour faire de la figuration au musée de Sainte-Mère-Église. Mais le budget n’a pas été réuni. Elles étaient encore là en juillet 2019, date des dernières images par satellite publiées (coordonnées des épaves : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.)
En 1966, l’industrie nucléaire militaire, qui demande des vents vigoureux et de fortes marées pour disperser les traces radioactives et les rejets en mer, installait au cœur de la lande, près du cap de la Hague, au nord, un Centre de retraitement du combustible et de stockage des déchets nucléaires français, puis européens et japonais.
En 1986 démarrait 15 kilomètres au sud après les dunes chaotiques, l’usine nucléaire de production d’électricité de Flamanville, un réacteur puis deux, puis le célèbre réacteur pressurisé européen (EPR), terrain de jeu de la technologie, du politique et de la finance depuis 2007, et loin d’être terminé tant ce petit monde s’y divertit.
Les deux sites sont interdits de survol, masqués sur les outils de cartographie et protégés en permanence par un système de lance-missiles.
Les mairies fantômes des 19 villages de la région, phagocytées par La Hague, et leurs offices touristiques, vantent les paysages austères, la flore et la faune, mais ignorent le cimetière des engins de guerre et les rapports parfois inquiétants des associations citoyennes de surveillance de la radioactivité.
En 1986 démarrait 15 kilomètres au sud après les dunes chaotiques, l’usine nucléaire de production d’électricité de Flamanville, un réacteur puis deux, puis le célèbre réacteur pressurisé européen (EPR), terrain de jeu de la technologie, du politique et de la finance depuis 2007, et loin d’être terminé tant ce petit monde s’y divertit.
Les deux sites sont interdits de survol, masqués sur les outils de cartographie et protégés en permanence par un système de lance-missiles.
Les mairies fantômes des 19 villages de la région, phagocytées par La Hague, et leurs offices touristiques, vantent les paysages austères, la flore et la faune, mais ignorent le cimetière des engins de guerre et les rapports parfois inquiétants des associations citoyennes de surveillance de la radioactivité.
Les coquillages et les crustacés du littoral, qui ne lisent pas les rapports de l’ACRO, supportent sans dire un mot un niveau de contamination conforme aux normes européennes en cas d’accident nucléaire.
Il arrive qu’en passant au-dessus du site de la Hague les nuages dessinent des formes inattendues. Hallucinations ?
8 commentaires :
Quelque chose me dit que ça vous plaira :
http://www.ronanjimsevellec.com/?page_id=242
Heureuse découverte (à moins que vous ne connaissiez déjà...)
Cordialement,
pi
Merci ! Superbe, immense (si j'ose dire). J'avais vu quelques-uns de ses dioramas en 2011-2012 lors de la première exposition HEY! à la halle saint-Pierre, des grands de presque 2 mètres de large, notamment une boucherie glauque qui m'avait bien impressionné, mais jamais vu d'autres choses.
Ses œuvres présentées sur le site de sa galerie à Paris peuvent être beaucoup plus agrandies que sur son site personnel, et c'est un plaisir d'y farfouiller !
Mais alors dites donc, il faut être fichtrement riche pour avoir un Sévellec chez soi, ses dioramas se vendent de 20.000 à 40.000 euros !
Rrrrrrh, vous êtes décidément une encyclopédie sur pattes, Maître Costar !
J'avais d'abord vérifié que vous n'aviez pas publié de chronique sur cet artiste. Comme je n'ai rien trouvé, j'ai caressé le fol espoir de vous faire découvrir à mon tour de la beauté improbable. Raté :-/
Bon, je ne m'avoue pas vaincu. Je me mets de ce pas en quête d'autres pépites ! Et puis, tiens, je crée un site concurrent au vôtre que j'intitule "Ce Glabre est pro" !
Ah mais...
Oula ! Savez-vous à quoi vous vous engageriez ? Pondre un billet par semaine (et depuis 15 ans) en essayant de maintenir une qualité correcte de texte et d'image demande plus de travail qu'il ne parait peut-être.
Avant de vous lancer, si vous avez des contenus originaux à proposer, je ne refuserai pas d'envisager de publier dans le blog des billets d'un autre auteur, histoire de me reposer de temps en temps.
Oh que si, je me rends bien compte du travail que cela nécessite, croyez-moi !
La régularité et la qualité de vos chroniques forcent le respect, pour ne pas dire l'admiration. Je ne m'en crois aucunement capable. Et puis je n'ai peut-être pas la même disponibilité que vous non plus (on devine aisément votre sybaritisme... c'est d'ailleurs ce qui est plaisant).
Bref, aucune chance que je vous fasse concurrence. C'était une plaisanterie.
pi
Sybaritisme ! Comme vous y allez ! Pourquoi pas intempérance, voire débauche !
Non vraiment. Épicurisme probablement, et encore dans son sens le plus mesuré, qui est très raisonnable (et même carrément ascétique depuis un an...)
Va pour épicurisme si vous voulez. Ce que je veux dire c'est que vous semblez mener une vie d'esthète et d'intellectuel soulagée d'un bon nombre de contingences. C'est ce qui vous donne sans doute ce recul délicieux sur les choses de la vie et de l'art... Pour mon plus grand profit !
Tiens, au fait, j'ai pensé à vous en regardant Tenet (qui est un bien médiocre film, soit dit en passant) : Il y a une longue scène sur la "Terrasse de l'Infini" à Ravello.
La villa Cimbrone ! Quel lieu magnifique ! De très loin les 20 meilleures secondes du film. Cette scène vous a tellement subjugué que vous l'avez crue longue, alors qu'elle ne dure que 60 secondes, dont seulement 20 admirables et le reste un dialogue sans intérêt en gros plans.
Nolan n'est pas un métaphysicien. Quel dommage de gâcher un thème aussi beau, la causalité. Mais c'est un peu sa spécialité que de bousiller des thèmes qu'il aurait fallu confier à des cinéastes plus subtils. En reste-t-il ? Altman est mort, Kubrick également, les cerveaux d'Herzog et de Ridley Scott ont depuis longtemps fondu. Jeunet peut-être...
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