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lundi 16 septembre 2013

Persistant comme la rose

Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin ; 
Et rose elle a vécu ce que vivent les roses,
L’espace d’un matin. 
François Malherbe, Consolation à M. du Périer, 1599

En janvier 2002, dans la constellation de la Licorne, près d'Orion, une vieille étoile qui avait dans le passé expulsé discrètement une énorme enveloppe de poussière et de gaz, eut un sursaut explosif qui illumina le nuage qui l'entourait.
Vu de la terre, le spectacle donnait l'impression de l'éclosion puis le flétrissement d'une gigantesque rose à mesure que la lumière atteignait les couches de poussière les plus éloignées. La floraison dura plus de quatre ans.
Les astronomes l'appellent V838, elle se trouve au bord de la Galaxie à 20 000 années-lumière de Paris, à peu près.


En 1966 Halton Arp classait dans son Catalogue des galaxies particulières un étrange objet céleste en forme de fleur, sous le numéro 273.
Il s'agissait de deux galaxies situées à 300 millions d'années-lumière, UGC1813 (PGC8961) et UGC1810 (PGC8970). La première aurait, dit-on, traversé la seconde voilà quelques centaines de millions d'années, l'obligeant par les forces de l'attraction à déployer ses bras en forme de spirale. Personne n'a été blessé, car on dit que les étoiles, dans une galaxie, sont tellement distantes qu'elles se croisent de très loin et s'adressent à peine un salut.
Arp273 se trouve dans la constellation d'Andromède, entre Algol et Almaak. Les astronomes l'appellent La rose. Sa forme n'a pas bougé depuis 1966. Depuis des millions d'années non plus.

Le jardin de l'astronome parait n'avoir aucune limite, dans l'espace ni dans le temps. Celui du poète est exigu et fugitif. Une petite barrière de bois l'enclot. Les roses n'y vivent qu'une pincée de jours.

mercredi 22 juillet 2009

Les plaisirs du dialogue solitaire

L'être humain a toujours éprouvé l'envie de communiquer, c'est un avatar de l'instinct grégaire. Généralement pour ne rien dire et souvent avec n'importe qui, mais le besoin de s'exprimer est là, impérieux. Même par des monologues, comme il a été démontré avec brio dans une récente chronique. Et la quintessence de cette obsession a été récemment remémorée par le site APOD (Astronomy Picture Of the Day) à l'occasion d'un 10ème anniversaire.

En effet, en 1999, de mai à juillet, Yvan Dutil et Stéphane Dumas, chercheurs canadiens lassés des communications scientifiques et des conversations météorologiques entre voisins de palier, émettaient, à partir d'un radio-télescope situé en Ukraine, un message vers des intelligences extra-terrestres. Ils récidiveront en juillet 2003.
En 21 dessins volontairement simplistes et progressifs dans le vocabulaire et la syntaxe, les auteurs ont résumé les grandes découvertes de l'humanité : Pacman, l'autorité de l'homme sur la femme, la tapette à mouches, les œufs sur le plat et la transformation de la planète en excréments. Le message a été amélioré en 2003, notamment l'alphabet, et les dessins regroupés en une longue bande verticale.








Légende des illustrations : À gauche, la page 5 du message, qui retrace l'invention du célèbre jeu électronique Pacman et ses règles de déplacement. Au centre, la page 15 figure un couple d'humains où la femme, légèrement en retrait sourit bêtement, la main sur la hanche dans une pose douteuse. L'homme, sérieux au premier plan, chasse du plat de la main une nuée de mouches qui semblent chuter comme étourdies par ce puissant geste dominateur. À droite, la page 18 montre un œuf sur le plat, trop cuit, vu de haut, et expose les conseils pour ne pas en rater la cuisson. Enfin ci-dessous, les pages 19-20 ne représentent pas une descente de lit en peau de vache mais un planisphère terrestre. Les continents ont la forme d'étrons.


Tant de science, de connaissances, de pattes de mouches soigneusement calligraphiées émerveillent et confondent le profane. Aussi n'est-il pas question de remettre ici en cause le profond contenu scientifique du message ni l'ingéniosité de la démarche sémantique mais d'émettre peut-être un doute sur la rigueur de la méthode.

On notera d'abord que les étoiles visées par l'émission du message (parce que susceptibles d'héberger des planètes similaires à la Terre) sont situées à une distance moyenne de 60 années-lumière de la moindre cabine téléphonique terrienne. C'est avoir une confiance émoussée dans les vertus du dialogue, ou une foi illimitée dans celles de la science, que d'envoyer un message dont on sait que la réponse ne nous parviendra pas avant 120 ans. Et puis, peut-on sérieusement attendre une réaction intelligible d'un mollusque verdâtre inconnu qui marine dans une solution d'acide sulfurique (même peu concentrée) à quelques billions de kilomètres d'ici, alors qu'il est impossible d'en obtenir une d'un ami qui vous doit de l'argent ou d'un quelconque service de réclamations qui se trouve à deux pas ?

On le constate, l'entreprise était dès le départ condamnée à l'échec.

Par ailleurs les distances sont si grandes à notre échelle, et les moyens si dérisoires. Si nous n'avons pas encore reçu de message extra-terrestre irréfutable, ça n'est pas parce qu'ils n'existent pas, mais parce que dans l'épaisseur vertigineuse des milliards d'années qui se sont accumulés, la période pendant laquelle une civilisation est capable, avant d'être détruite, de recevoir et d'émettre des signes intelligibles sous forme d'ondes électromagnétiques ne représente qu'un infime grain de sable.
Si nous ne sommes probablement pas seuls, nous sommes certainement définitivement isolés. Ça n'est pas une raison pour empêcher les chercheurs d'exercer leur sacerdoce, qui est de chercher.