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dimanche 23 mars 2025

Dublin l'inaccessible (3 de 3)


BALADE DANS LA GALERIE NATIONALE D'IRLANDE


Chapitre 3 : Les curiosités

À voir chapitre 1 : Avant-propos & Les peintres fameux.

À voir chapitre 2 : Les peintres qui méritent mieux.



Domenicus van Wijnen (dit Ascanius) : Tentations de saint Antoine (1680s, 70cm). Peintre étrange aux visions apocalyptiques dont on ne connait presque rien et 12 tableaux pratiquement invisibles, rarement et mal reproduits. Les seules images acceptables sont une délicieuse scène de sorcellerie autour d’un chat (en vente chez Sotheby's en 2016), et ce tableau de Dublin. Un polyptyque de la création du monde de van Wijnen, digne des délires d’un Salvador Dalí trois siècles auparavant, est parait-il conservé au palais Pavlovsk, près de Saint Pétersbourg, mais n’est connu sur internet que par une image frustrante.


Suiveur de Jérôme Bosch : Descente dans les limbes (c.1560, 36cm). Serait une copie d’époque d’un original de Bosch documenté par van Mander en 1604. Le Christ fait une tournée électorale en enfer à l'abri dans une capsule spatio-temporelle.


Pedro del Valle : Jael et Sisera (c.1620, 134cm). Une jeune dame explique à un vieillard emprunté dans une armure rutilante comment on utilise un marteau et quel est l’emplacement idéal pour planter un clou. Futée, elle avait probablement lu le révoltant et indispensable "Femmes invisibles" de C. Criado Perez.


Rembrandt : Scène d'intérieur (c.1628, 27cm). On ne sait pas clairement ce que représente cette scène de genre : longtemps titrée "Jeu de la main chaude" elle représenterait plutôt une querelle. Œuvre des débuts du peintre à Leyde, le tableau n’a été attribué "définitivement" à Rembrandt qu’en 2001.


Wolfgang Heimbach Repas du soir (c.1637, 38cm). Peintre spécialisé dans les effets de lumière curieux - l'ombre du gobelet sur le visage de l'homme - et les scènes originales : cette jeune fille au turban ou cette superbe nature morte observée du musée de Kassel. Notez qu'il y a un 4ème personnage dans le tableau de Dublin.


Gainsborough : Paysage du Suffolk (c.1746, 61cm). Le peintre est surtout renommé à Dublin pour son beau portrait maniéré de la duchesse de Cumberland. On peut lui préférer la simplicité de ce paysage, œuvre de jeunesse inspirée par l'esprit des peintres hollandais qu'il copiait et restaurait alors.

***

Terminons cette balade irlandaise par quelques vues du paysage autour de Lucan house, peintes par Thomas Roberts, aimable et talentueux peintre irlandais. Cette petite portion de l'Irlande d'à peine 30 hectares à 18km seulement de la National Gallery de Dublin, aujourd'hui entourée de lotissements, fait son possible depuis 250 ans pour ressembler à son idéal de 1774. Pour combien de temps encore ?




 (descriptions : Vue 1vue 2vue 3)

lundi 19 juin 2023

Invendus (4)

Il était impensable, dans un blog respectable surveillé par quasiment 30 lecteurs réguliers et quelques centaines de robots indexeurs, de publier une image du tableau dont il est question dans cette chronique - d’autant qu’une bonne part de la presse sur internet s’en est chargé - nous avons donc pris le parti de ne pas nous éloigner du thème, le nu féminin, tout en restant de bon gout et instructif pour la jeunesse.


Monsieur N. n’a pas de chance. À chaque tentative il aperçoit, à sa portée, le sommet qui finalement se dérobe.

On se souviendra peut-être qu’il était en 2018 l’inventeur (au sens juridique de celui qui découvre) d’un grand nombre d'objets des Arts incohérents datant des années 1880, trouvés dans une malle, dont des raretés comme le célèbre "Combat de nègres de nuit" de Bilhaud en 1882. Les experts du musée d’Orsay en étaient émus. Les autres l'étaient moins. En 2021 certaines des pièces étaient décrétées "trésor national". Des doutes subsistaient cependant (relatés ici). Le journal Libération en fit une enquête en 2022, qui redoubla les suspicions. Finalement le très informé Vincent Noce pense, dans la Gazette de Drouot cette semaine, que monsieur N. pourra, à l’échéance de l’interdiction d’exportation fin 2023, rempocher ses trouvailles et tenter de les vendre à plus crédules.

Cette année, le même inventeur découvrait un tableau de Gustave Courbet, dument signé, qu’il avait acheté pour une misère, sans nom d'auteur, à Drouot. Ces choses arrivent parfois. C’est une femme nue allongée sur une toile de 1,60 mètre devant un peu de verdure et les doigts dans une mare. Tout y est parfaitement laid et maladroit. Des experts, sans doute intéressés, l’excusent en affirmant que c’est une étude, une esquisse du grand maitre de la peinture réaliste (sur 1,60 mètre, qui le croira ?)

Monsieur N., pressé de le vendre un bon prix, déclinait l’invitation par l’institut Courbet d'étudier son authenticité et trouvait l’attachante et serviable famille Rouillac pour y croire (ou le faire croire), et le soumettre aux enchères dans leur célèbre garden-partie annuelle, la 35ème, au château d’Artigny, après une promotion excessive et une étude convaincue de 7 pages dans le catalogue de la vente, sous le numéro 115. Les superlatifs les plus incongrus y sont employés (sulfureux, apogée, ultime témoignage spirituel...) À sa lecture le musée d'Orsay refusant d’être impliqué a demandé que soit retirée l’expression "[Tableau] exposé au musée Courbet à Ornans avec le soutien exceptionnel du musée d’Orsay". Il avait en effet été exposé en 2019 comme authentique aux côtés d’un Courbet d’Orsay patenté. L'expression est toujours dans le catalogue en ligne.

Le 4 juin on s'attendait à des offres de plusieurs centaines de milliers d’euros. Mais personne n’enchérit.
Cela rappelle la 33ème garden-partie et l’épisode des efforts acrobatiques des Rouillac père et fils pour se défaire sans succès d’un tableau de Monet absolument indigeste (narré là).
Ces déceptions adviennent parfois. Elles ne semblent avoir entaché ni le succès des ventes de la garden-partie - peut-être les ont-elles stimulées - ni l’enthousiasme des organisateurs.

Monsieur N. est reparti avec son Courbet sous le bras (façon de parler, le tableau encadré fait plus de 2 mètres). Si près du but, c’est dommage. Et dire que ça pourrait être un tableau authentique de Courbet. On lui en attribue de si mauvais.

dimanche 19 juin 2022

Invendus (3)

Détail du magnifique portrait de sa femme vers 1755-1760 par Allan Ramsay (musée d’Edimbourg - national galleries of Scotland) 
 
On aura noté l'irrésistible attrait de Ce Glob pour ces merveilles de la création artistique qui atteignent des prix records en vente publique. Elles illustrent la marche victorieuse du génie humain vers d’inaccessibles horizons. Mais il y a parfois des déceptions.

Dans la famille des grands portraitistes de l’aristocratie anglaise au 18ème siècle, qui rivalisaient de raffinement maniéré pour obtenir les faveurs de la Royal Academy et les commandes de la Couronne, à peine une génération avant que débarquent sur le marché les Reynolds, Romney et Gainsborough, il y avait Allan Ramsay

Peintre officiel du roi en 1760, très sollicité, sa production est inégale ; froideur protocolaire des expressions, mollesse des attitudes, des traits, de la touche même, fréquents défauts de dessin notamment de perspective dans les yeux des modèles (il y a des preuves), mais quelquefois des portraits sensibles, raffinés, où la touche est légère et vaporeuse et le dessin mieux maitrisé, comme ce joli portrait de Lady Anne North en dentelles, bonbon sous cellophane vendu, en 2008, 780 000 dollars d'aujourd'hui (il demandait alors un bon débarbouillage, on peut s’en faire une meilleure idée dans une copie faite par le fils d’un assistant de Ramsay), et invendu en 2017 après restauration. 

Il en résulte une grande disparité des cotes de Ramsay dans les ventes publiques.

Patientez, GIF animé en cours de chargement (10Mo)Le marché proposait, en mars dernier, un très fin portrait de Catherine Windsor, que le descriptif par Sotheby’s disait en assez bon état général malgré un vernis encrassé (dans l'illustration ci-contre le vernis a été enlevé numériquement)

En dépit de ses qualités expressives - Titien n’aurait pas fait beaucoup mieux - le tableau n'a pas été vendu.
Sotheby’s l'aurait pourtant laissé partir pour moins de 10 000 dollars. C'est peu pour un portrait dont nombre de nos musées régionaux pourraient faire leur Joconde.

Alors pourquoi le bouder ? Parce que le catalogue l’attribue à "Allan Ramsay et atelier" et l’estime donc d’une moindre valeur ? 
Le monde de l’art dispose d'une gamme de locutions pour nuancer ses attributions, et sa propre responsabilité. 
L’expert en Ramsay de Sotheby’s aura sans doute eu connaissance d’indices qui l'ont fait douter (mais qui ne seront pas dévoilés au public, sinon tout le monde serait expert !). L’absence apparente de signature, peut-être. C’est à mettre à son crédit, car en bonnes commerçantes les maisons de vente ont un peu tendance, comme les assureurs, à présenter en minuscules caractères ce qui pourrait faire hésiter le client.

On le sait, un tableau certifié de la main d’un peintre renommé peut rapporter des dizaines voire des centaines de fois plus que le même tableau, indiscernable, peint par un élève ou un assistant de l’atelier. C'est un biais cognitif très commun qui donne la primauté à ce qu’on imagine savoir d’un objet plutôt qu'à des impressions immédiates ; le cerveau se croit plus malin que ces sensations et les réduit au silence. 

Pourtant, dans la hiérarchie des locutions, "Ramsay et atelier" est proche de l’authenticité, loin des "attribué à Ramsay", "école de Ramsay" ou "d’après Ramsay", et les exemples d'attribution non crue par les enchérisseurs ne sont pas si rares. 
Mais Catherine Windsor comtesse de Plymouth n’aura pas eu de chance, cette fois-ci.

Il y a encore beaucoup de discrétion dans les procédures d’enchères une fois le marteau abaissé, comme en 2016, lors de la curieuse non vente du célèbre tableau de Merson, le Repos pendant la fuite en Égypte, qu'on a vu reparaitre pomponné 3 ans plus tard. 
Dans quelques mois, on verra vraisemblablement revenir la comtesse et son châle bleu travaillé de fils d'argent.

***
Note : les fidèles contrariés de ne pas trouver les chroniques nommées Invendus (1) et Invendus (2) les trouveront sous d’autres titres en cliquant sur le mot clef Invendus ci-dessous.

lundi 23 mai 2022

La vie des cimetières (104)


Dans l'actualité, de l’Afghanistan aux États-Unis d’Amérique, les religions se portent bien. Il doit y avoir quelque chose de gratifiant à réussir à maintenir en esclavage une moitié de l’espèce humaine, en invoquant seulement quelques textes primitifs.

En France, moins troublée par ces rancœurs hystériques, la religion, néanmoins consciente que le déclin de son autorité était dû avant tout à une défaillance de sa communication, a choisi de renouveler une iconographie désuète. Elle a commencé par les cimetières.

La statuaire funéraire du 19ème siècle et ses anges disposés parmi les tombes ne faisant plus recette, il fallait secouer les croyances assoupies en revenant à la démesure du temps des cathédrales, mais en se conciliant un style artistique moderne, moins réaliste, plus synthétique.
Et c’est une réelle réussite esthétique, comme ici, dans le cimetière d’Oresmaux, dans le département de la Somme.

À noter : les ailes des anges s’animent parfois, et c’est un enchantement (mais les horaires, assez rares, ne sont pas communiqués à l’avance).


jeudi 3 juin 2021

Le retour de Margot l’engagée

 
Détail d’une gravure de Jacques Callot (Tentation de saint Antoine - 1ère planche. Voir ici le tirage de la BNF) qui fait partie de quelques œuvres du cabinet des dessins du musée des beaux-arts de Nancy dont mad meg (*) a entrelardé son énorme exposition (la moitié de son œuvre ?). Callot gravait le monde du 17ème siècle, qui ne peut plus nous inquiéter. 
Mad meg dessine le monde d'aujourd’hui, avec le même génie. Le lectorat de Ce Glob ne supporterait peut-être pas de reconnaitre son présent à la vue de ses gigantesques pandémoniums à la plume, et risquerait des dommages mentaux. Libre à lui d’aller examiner à ses risques et périls le site fabuleux de mad meg. Nous ne prendrons pas le risque d’en reproduire ici les maléfices.

2020 était pour mad meg une année particulière, et sans doute majeure. Elle venait de vendre son plus grand dessin au Musée des beaux-arts de Nancy (pas seulement grand par son format de 8,7 x 1,5 mètres), et était devenue commissaire (le terme la ferait rigoler) de sa propre exposition, dans le même musée, qui devait se tenir du 10 octobre au 31 janvier 2021, place Stanislas.

Mais 2020 fut en même temps une année particulière pour les musées, à cause d’une épidémie plus mauvaise qu’habituellement qui a entrainé une panique disproportionnée des gouvernements ahuris et désorganisés. Ils ont imaginé que le virus en voulait particulièrement aux visiteurs clairsemés des musées de province. L’exposition, qui avait déjà attendu pour ouvrir la fin d’un premier confinement de 7 mois, était suspendue au bout de trois semaines.
Or aucune des expositions qui comptaient alors (Peinture danoise, Altdorfer, Koudelka), interrompues le 29 octobre 2020, n’a repris avec la réouverture des musées en France depuis le 19 mai 2021.

Sauf mad meg, qui est de retour à Nancy jusqu’au 27 juin 2021 ! 
 
Comment a-t-elle fait ?
Les incantations de sœurcellerie qu’elle a dessinées sur des parchemins de chèvre judicieusement dispersés dans l’exposition y sont certainement pour quelque chose.
Peut-être aura-t-elle usé de ses tarots pipés (qui ne sont pas pour rien dans la nomination d’une femme à la tête du musée du Louvre), ou menacé de manger les dirigeants du musée, cuisinés et assaisonnés.

Il reste à peine un mois pour aller le découvrir à Nancy.

 

(*) On avait présenté mad meg en juillet 19 à l’occasion de l’exposition HEY#4, puis parlé de son immense Cène achetée par Nancy, en aout 20, et annoncé son exposition en octobre 20. On retrouvera le principal de son œuvre sur son site inouï et unique. On trouvera de l’intérêt à suivre ses fréquentes participations au blog communautaire Seenthis.net et à feuilleter son blog de recherche de documentation et de conception de son immense projet depuis 2013, l’École d’Athena (d’après l’École d’Athènes de Raphaël).


samedi 3 novembre 2018

Le catalogue de Rotari

En 1787, à Vienne en Autriche, Lorenzo da Ponte, prêtre défroqué, aventurier et ancien camarade de jeu de Casanova à Venise, devenu « poète impérial » de Joseph 2, écrivait avec Mozart le livret de Don Giovanni. Les paroles de l’air du catalogue, vers le début de l’opéra, font le décompte de toutes les femmes séduites par Don Juan. Le cumul fait exactement 2065.
Da Ponte connaissait-il les portraits « typiques » peints par Pietro Antonio Rotari pour les cours européennes 20 à 30 ans plus tôt, portraits figurant des jeunes femmes idéalisées portant des costumes traditionnels et que Rotari appelait ses « passions » ?


Rotari est né en Italie en 1707. Des origines privilégiées, une solide formation à Vérone, Venise, Rome et Naples, et une inspiration timorée, lui font obtenir quelques commandes prestigieuses de cardinaux, d’églises, de la reine de Suède, et ainsi une renommée suffisante pour ouvrir une académie de peinture à Vérone en 1735.

En 1750, il est invité à la cour de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, à Vienne, pour y peindre des sujets mythologiques et des portraits.
Et comme toutes les cours européennes se disputent alors peintres et architectes pour singer les fastueux gaspillages de la cour de Versailles, il exerce aussi à Munich puis à Dresde, et enfin à Saint-Pétersbourg en 1756, réclamé par l’impératrice Élisabeth, fille de Pierre le grand.

Il y meurt en 1762, six mois après l’impératrice. En 6 ans, aidé d'assistants, il aura portraituré toute la cour de Russie et peint des centaines de ses passions en costume russe.
Ces portraits étaient une telle coqueluche qu’en 1764 la nouvelle impératrice de Russie, la grande Catherine 2, achetait tout le contenu de l’atelier du peintre à la veuve de Rotari (moins de 50 roubles le tableau).
Et peu de temps après, l’architecte Vallin de La Mothe, au cœur du monumental palais « versaillais » de Peterhof près de Saint-Pétersbourg, transformait la vaste salle des peintures, entre les deux salons chinois, en salle des portraits, en la tapissant de 368 passions de Rotari, exposées l’une contre l’autre comme une mosaïque.


On dit que les « passions » sont sans nombre parce qu’elles représenteraient la palette infinie des sentiments exprimés par un visage. Mais Rotari était manifestement plus obsédé par la sensualité que par le naturalisme.

À l’image, en France, de la cour de Louis 15 dont le sentimentalisme libertin avait réclamé à Watteau, Lancret ou Pater, des représentations de « fêtes galantes », les cours de l’Europe centrale ont raffolé de ces visages de jeunes femmes (essentiellement), empreints de douceur et de mollesse, dont le regard exprimait surtout l’innocence feinte et un abandon calculé.


La mode en est passée. Il est difficile de voir ces passions, de nos jours. Comme s’ils en avaient honte, les rares musées qui en détiennent ne les exposent pas.
Le Rijksmuseum d’Amsterdam en a deux, la National Gallery of Art de Washington, trois, l’Alte pinakothek de Munich, six, le Norton Simon museum de Pasadena en Californie, huit. Aucune n’est exposée en permanence. Le musée de Dresde qui possède plus d’une vingtaine de Rotari (dont des portraits d’homme et de la noblesse) en expose peut-être quelques-uns, peut-être les portraits royaux. Le site ne le précise pas.

Les 368 passions de Peterhof ont été invisibles durant des décennies. Vidé avant l’invasion d’Hitler et son armée en 1941, bombardé par Staline qui ne voulait pas qu’un fou sanguinaire autre que lui-même y festoie, le palais, encore en restauration, ne ressemble que depuis peu au Peterhof de La Mothe.

La salle des Rotari, reconstituée, est seulement visible depuis 2013.
 


On raconte qu’il y aurait encore, dans la région de Saint-Pétersbourg, 22 passions dans le palais chinois d’Oranienbaum, et d'autres dans le palais Gatchina, et peut-être un « salon Rotari », très loin, à Arkhangelsk, sous les brouillards glacés où vont se perdre tous les déshérités, où la créature monstrueuse de Mary Shelley s’est évanouie, un jour de septembre 17…

   

samedi 28 janvier 2017

Manipulons les antiquités

Le lecteur se souvient peut-être de l’amertume de l’auteur de ce blog quand il réalisait, visitant le musée d’archéologie de Saint-Germain-en-Laye, que les objets exposés dans les vitrines étaient souvent de médiocres copies de plâtre. Peut-être se rappelle-t-il alors la rumination sans issue sur l’idée de Vérité que ce constat avait provoquée chez l’auteur. 

Et bien le musée propose depuis peu une solution assez élégante à cette question existentielle. Dans le cadre du projet « France Collections 3D » piloté par la Réunion des Musées Nationaux, qui est une grande campagne de numérisation en trois dimensions des objets des collections nationales, le musée d’archéologie a déjà confié 80 pièces majeures. 

Et elles sont aujourd’hui à la disposition du public sur le site du musée, dans une interface encore un peu rudimentaire et avec une information minimaliste, ou bien, assorties d’une ergonomie plus souple et d’une fiche signalétique plus complète, sur le site de Sketchfab, société qui héberge les données numériques du musée et les outils d’affichage. 

Ainsi la Dame à la capuche de Brassempouy (illustration ci-dessus), extraordinaire portrait préhistorique de quelques centimètres sculpté dans l’ivoire il y a 25 000 ans, peut être agrandie, contournée, basculée, manipulée, scrutée dans une qualité bien plus proche de l’original que la lointaine copie exposée dans le musée. 

On y trouvera aussi la Vénus de Tursac aux formes pures comme modelées par Brancusi, et le Cheval propulseur, et l’Ourson… 

N’oubliez pas d’employer toutes les ressources de la souris (ou sur tablette, des doigts), clic droit, clic gauche avec ou sans touche Alt, molette…

mercredi 30 novembre 2016

... Émile Friant

Ce peintre s’appelait Émile Friant.

Il était né en 1863 dans la région de Nancy, et le musée des beaux-arts de Nancy lui consacre aujourd’hui une rétrospective jusqu’au 27 février 2017.
Ses plus beaux portraits y sont exposés.



Un peintre oublié...

Qu’est-ce qu’un beau portrait ?

Peut-être l’image d’un visage dont on peut voir, à sa surface, comment elle a été réalisée, les touches du pinceau, les traits du crayon, mais d’où sourd pourtant comme derrière une vitre trouble une présence singulière, une personne, avec ses plaisirs et ses douleurs.

Les peintres qui ont eu cette habileté sont souvent renommés, mais curieusement pas l’auteur des magnifiques visages féminins reproduits sur cette page.
Célébré en son temps il a été vite oublié, balayé par la surenchère des avant-gardismes bigarrés qui se sont succédés depuis plus d’un siècle.








À suivre…

samedi 23 juillet 2016

La vie des cimetières (70)

Au cimetière du Père-Lachaise, sur le monument funéraire d’Auguste Burdeau, sculpté par Alfred Boucher pour l’inauguration du 1er juillet 1901, on croit voir la Posterité écrivant le nom du regretté ministre et philosophe, pour qu’il soit ainsi gravé dans les mémoires.
En réalité, si on regarde bien, son ciseau tire un trait définitif sur une vie.



vendredi 30 janvier 2015

La vie des cimetières (60)


Les belles dames du cimetière Staglieno à Gênes

Dans la Ballade des dames du temps jadis François Villon regrettait les belles dames du passé, dans un vers devenu immortel,
« Mais où sont les neiges d’antan ? »

On dit qu’il faisait allusion à une tradition répandue au 15ème siècle dans le nord de l'Europe, les fêtes annuelles de la glace et de la neige où des personnages historiques ou mythiques étaient sculptés aux grands froids et fondaient avec la pluie et les redoux.

Les grands cimetières monumentaux ont aussi leurs dames du temps jadis. Elles se couvrent lentement de mousse et de poussière, mais de mémoire d'homme elles ne disparaissent jamais.












dimanche 28 avril 2013

La vie des cimetières (49)


Mystifié par le puritanisme intolérant venu d'Amérique sur les réseaux sociaux, l'adolescent contemporain ne sait plus très bien ce qu'est le sexe. Il le découvrira lorsque, lassé de l'improductivité de ses occupations sur lesdits réseaux, il éteindra l'appareil électronique.
Mais il sera un peu tard. Désormais il le craindra, à l'instar des générations formées à l'école des religions monothéistes et de leurs idées primitives.

Aussi, afin d'éviter à l'avenir ces légions de demeurés frustrés et agressifs, Ce Glob est Plat ne reculant devant aucune bassesse dévoile de temps en temps l'emplacement d'œuvres sexuellement orientées (1) que l'adolescent peut aller admirer sans risque, et même caresser en imaginant que la pierre se réchauffe au contact de ses doigts.

Le modèle d'aujourd'hui, magistral, se trouve dans le cimetière monumental de Milan, dans la galerie supérieure ouest, sur la tombe Bianchini. Le nom du sculpteur n'est hélas pas indiqué.

***
(1) On aura bien sûr noté le genre nettement féminin des exemples choisis. Car les statues des cimetières sont quasi exclusivement modelées par des hommes, et quand ils sculptent leurs congénères, c'est pour les affubler de la musculature de Superman et les placer dans des positions ridicules qui manquent singulièrement d'érotisme, comme cette célèbre sculpture d'Enrico Pancera également à Milan.
 



 
 

lundi 22 novembre 2010

Une obsession exorbitante


Il est juste que la pornographie enfantine soit montrée du doigt, pourchassée, et qu'il soit devenu complexe pour l'amateur de se procurer ces images immorales.
Aussi faut-il saluer le courage des responsables du musée du Louvre, son Président en tête, qui dévoilent aujourd'hui au public leurs penchants coupables pour un petit tableau sur bois de Lucas Cranach, représentant trois jeune filles à la nudité offerte, aux seins naissants et au pubis à peine ombré. Observons l'enthousiasme gourmand qu'ils mettent à louer l'image, à en évoquer la grâce et la sensualité.

Le vendeur en demande quatre millions d'euros (4500 euros par centimètre carré). Et comme il serait incorrect, pour satisfaire cette onéreuse toquade, de trop puiser dans les immenses richesses du Louvre qui sont le fruit de l'impôt (et d'une gestion énergique), son Président et le Directeur des peintures sollicitent la générosité des donateurs privés, par le truchement d'un site luxueux et raffiné destiné à les séduire et récolter ainsi les subsides providentiels.
Et ils sont prêts à tout pour retenir en France ce chef d'œuvre de la peinture allemande, jusqu'à prétendre que le musée est actuellement pauvre en Cranach, alors qu'il en possède sept dont au moins deux merveilles (le portrait présumé de Magdalena Luther et la Vénus debout dans un paysage, tellement proche de la jeune fille au centre du trio convoité qu'elle en arbore la même attitude, le même vêtement et le même chapeau de velours rouge). En outre ils insinuent qu'on pourrait ne plus jamais le revoir, s'il n'entrait pas maintenant dans les collections du Louvre. C'est dire la mesure de l'obsession qui les ronge.

En attendant, le Louvre ne nous avait jamais gratifié d'une aussi belle reproduction, trois fois plus grande que les dimensions du tableau original.

Actualité du 17.12.2010 : Un mois aura suffi pour que cinq mille donateurs abandonnent un million d'euros. Le tableau finira donc fatalement dans une vitrine du musée du Louvre.

dimanche 17 mai 2009

Ces fesses ont 103 ans

Tout lecteur attentif se rappellera l'intérêt scientifique de Ce Glob Est Plat pour l'anatomie des statues dans les jardins publics et les musées. Mais depuis notre enquête sur le mystère de la face cachée d'Arsinoë, resté irrésolu, et malgré l'insistance discrète de certains lecteurs insatisfaits, nous avions, par légèreté, interrompu notre examen du sujet. Or pour quelque raison mystérieuse que la science débrouillera peut-être un jour, l'arrivée du printemps a soudain ravivé le besoin de perfectionner cette étude.








Ainsi, combinant une haute valeur artistique et une évidente utilité anatomique, la statue que nous présentons aujourd'hui est l'œuvre d'Henri Vernhes. Sculptée en 1906, intitulée «Du sommet à l'abîme, second versant de la vie» et déposée dans le parc de Saint Cloud en 2001 par le musée d'Orsay, elle se distingue, malgré un titre pessimiste, par des rotondités réalistes et généreuses.










Nous n'insisterons pas sur l'intérêt pédagogique de ces anatomies sur lesquelles des générations plus ou moins juvéniles ont fait et feront encore les brouillons de leurs baisers, comme le Corne d'aurochs de Georges Brassens. Mais notons pour le gestionnaire avisé qu'elles ont l'avantage, parce qu'elles ne s'affaissent pas, ni ne se flétrissent, d'être d'un entretien relativement aisé et de traverser les siècles sans trop de stigmates.