mardi 21 avril 2020

Atermoiement sine die

Dans quelques jours, les 23 et 28 avril, devaient ouvrir à Paris deux expositions rares et capitales dont on ne dit mot dans la presse (alors qu’on y regrette les expositions Tissot, Christo ou Pompéi).
Il y avait d’abord une exposition monographique de l’immense et minutieux Albrecht Altdorfer au musée du Louvre (200 œuvres), puis l’Âge d’or de la peinture danoise, au Petit palais, prématurément conseillée avec enthousiasme ici-même.

Sans la pandémie, ces deux expositions fermaient en aout. Mais comme il est probable que les musées français resteront clos longtemps encore après que la réclusion des personnes sera levée, alors que la majorité d'entre eux reçoivent encore moins de public que les toilettes du château de Versailles, on se consolera, ou on se tourmentera, selon l’humeur, en feuilletant le catalogue des expositions, si les librairies ouvrent et sont approvisionnées en papier imprimé.
Celui d’Altdorfer est déjà annoncé avec 275 illustrations sur 384 pages, dans la boutique en ligne du Louvre. Elle y a même discrètement remplacé les dates prévues de l’exposition pour d’autres aussi peu réalistes, du 20 mai au 17 aout.

On aura donc largement le temps de fouiller parmi les désormais 324 932 œuvres en ligne des Musées de la ville de Paris, dont nous louions innocemment les mérites le 1er février dernier.
Et on y découvrira que la vogue des images reproduites en gigapixels s’y est discrètement insinuée. Pour mémoire une reproduction en gigapixels permet de distinguer sur une œuvre des détails si fins que l’artiste ne savait pas les y avoir mis.

La société espagnole Madpixel, spécialisée dans les images en très haute résolution, propose depuis des années ses services en partenariat aux musées d’Europe, et crée pour tablette ou téléphone des logiciels d'admiration de ses numérisations, appelées parfois « Second Canvas ».
Ils sont souvent gratuits parce que le nombre d'œuvres photographiées en gigapixels est pour l’instant réduit, 11 pour le SMK de Copenhague, 8 pour Thyssen Málaga, 5 pour Bruxelles, 4 pour Lisbonne, une centaine pour Paris Musées. Ceux du Mauritshuis et du Prado sont payants.

Outre ce logiciel autonome, le site des Musées de la ville de Paris présente sur internet, sur la page de chaque œuvre qui a été numérisée ainsi en très haute définition, un bandeau titré MÉDIA et consacré à sa consultation vertigineuse.
Mais il faut connaitre, parmi les 300 000, quelles sont les 100 ou 150 élues.

En voici quelques unes en attendant…

La fête de la Fédération au Champ-de-Mars, le marché et la fontaine des Innocents, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Juliette Récamier par François Gérard, le grand canal de Venise vu du Rialto, et vu de Santa Chiara, par Canaletto, le repos des nymphes par Boucher, le banquet de Cléopâtre par Tiepolo, l’indiscret, et les conscrits porte saint-Denis, par Boilly, le portrait de Bonnard par Vuillard, la Seine à Lavacourt par Monet, le Burg à la Croix par Victor Hugo, l’abreuvoir, et enfin la chute d’une ruine, ou l'Accident, par Hubert Robert.

C’est la chute d’un brave amoureux qui voulut faire le fanfaron et monta cueillir des fleurs sur l’entablement instable d’une ruine romantique (détail illustré ci-dessous). Le commentaire du musée Cognacq-Jay y voit une ironie tragi-comique sur les cycles du temps, puisque l'infortuné redeviendra certes poussière, mais de retour au fond d'un sarcophage antique au pied de la colonne. En tout cas Robert avait une idée fantasque de la chute des corps. Les lois de l’attraction devaient se soumettre au mouvement du drame.



Mise à jour le 21.04.2020 : Comme tout bon président en France, celui du Louvre aurait décidé tout seul de reporter l'exposition Altdorfer à l'automne. Nous verrons.

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