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vendredi 12 septembre 2025

La vie des cimetières (118)


Faut-il nécessairement tenter de réaliser ses rêves ?

Les cimetières sont pleins de gens qui y sont parvenus.


Voilà plus de 16 ans, le 24 mars 2009, Ce Blog, dans une chronique au style assez mauvais, s’extasiait devant la sculpture en bronze d’une enfant assise sur la tombe d’une femme morte vers 30 ans, située près de l’allée centrale dans l’immense cimetière monumental de Milan. 

Présomptueux, il suppliait alors l'internet de lui trouver le nom du sculpteur responsable de cette merveille. Naturellement la planète ne l’a pas entendu. Le comptable de la déesse Gougueule affirme qu'en 16 ans, 163 internautes seulement auraient posé le regard sur cette page fatidique.


Mais en 16 ans, Gougueule elle-même, notre Big Sister planétaire, a grandi démesurément. Aujourd’hui elle sait tout de nous. L’heure était donc venue de lui poser la question ultime, la grande Question sur la vie, l’univers et le reste : qui a créé la jeune fille assise sur la tombe d’Enrichetta Maggioni Venegoni ? 


Et à l'invocation de ces 4 mots suivis de 3 clics de souris, apparait aujourd'hui la page miraculeuse, la page qui abolit en un instant 16 ans de tourments métaphysiques*.


* Ne soyez pas effrayés par le mot "métaphysique", c’est le vocable qu’on utilise couramment, comme le mot "poétique", quand on ne sait pas exprimer quelque chose. Par paresse on fait croire qu’il y aurait un au-delà de ce qu’on sait dire ; une sorte de superlatif irréfutable, certifié par l'autorité d'un terme scientifique.


Ainsi l’auteur de la sculpture, créée en 1901, dont le titre est "Prière sur la tombe de la mère", se nomme Del Bò (ou Del Bo', ou Dal Bo) et se prénomme Romolo (Romulus). On déchiffre maintenant clairement sa signature sur la robe de la jeune fille, DelBo avec le R et le D superposés.


Et on découvre alors sa vie, son inspiration symboliste, ses autres œuvres, et on lui trouve du talent, on apprécie bien sûr la simplification des formes, la grâce peut-être de certaines lignes, mais on est en réalité profondément déçu. Tout cela est très inexpressif. Il n’y a rien de pire que d’essayer de représenter de grandes idées symboliques, des grands principes, par des moyens artistiques. Le résultat est toujours grotesque, risible. Sans doute est-ce parce que les grandes idées sont elles-mêmes dérisoires dès qu’elles rencontrent la réalité.


Singulièrement, sur la tombe d’Enrichetta Maggioni Venegoni, c’est l'expression sobre de la jeune fille, son attitude de curiosité attentive, recueillie mais un peu indifférente, qui en font la beauté.

Ne croyez pas les larmes sur son visage, elles ne sont pas de la main du sculpteur. C'est l’effet des intempéries sur le bronze.


samedi 10 juillet 2021

Plus personne ne nous attend à Samarcande (La vie des cimetières, 100)

Il y a très longtemps, l’air, l’eau, la terre étaient purs et les maladies n’existaient pas, si bien que tout le monde devenait vieux et barbu, parfois avec un chapeau haut-de-forme et une canne à pommeau, comme on peut le voir dans les livres d’histoire ou sur les statues des squares. L’être humain vivait dans l’insouciance.

Et puis, on ne sait plus très bien à quel moment, mais c’est écrit dans les livres révélés, l’être humain s’est mis à mourir. Ou plutôt, comme il ne mourait pas de lui-même, On le fit mourir. L’Administration envoya un ange pour s’en charger. On l’appelait l’Ange exterminateur, ou simplement la Mort. Elle recevait ses instructions « d’en haut ». 
Pour les commandes en gros, Elle procédait par tornades d’eau, de feu, ou d’insectes, plus rarement de batraciens, et pour le détail, Elle recevait l’ordre d’éliminer des individus identifiés par un nom de famille, parfois un prénom pour éviter les homonymies, et une adresse postale. Elle s’y rendait alors en personne, scrupuleusement, le soir-même.

Quand l’humain en prit conscience, il en fit des récits édifiants pour prévenir les autres et leur permettre de prendre à temps les dispositions adéquates.
Ces fables ne brillaient pas par l’originalité, ni par la finesse. Leur morale sempiternelle disait « Qui que vous soyez, où que vous vous trouviez, la Mort vous trouvera ». C’était un peu brutal, mais on dit que ça rassurait les malheureux. Ils ne souffriraient pas éternellement de leur misérable condition, et seraient un jour égaux à tous les autres.

Toute règle ayant à l’époque au moins une exception, les légendes bibliques et coraniques racontent qu’une ville ne figurait pas sur la carte au 1:25 000ème de la Mort, parce qu’elle se situait juste sur la pliure, effacée par l’usure. Le Talmud dit qu’elle s’appelait Luz, à quelques kilomètres au nord de Jérusalem, et que personne n’y mourait jamais. On verra plus loin que ça n’était qu’une fable de l’Office du tourisme. Du reste, l’archéologie moderne suppose Luz à l’emplacement actuel de Beth-El ou Beitin, sur un territoire revendiqué si frénétiquement par plusieurs peuples que l’Exterminateur a été contraint de s'y faire aider.

Le Talmud de Babylone (Guemara, Sukkah 53a-5,6) conte que le roi Salomon, à Jérusalem, apprit un jour que l’Ange de la mort convoitait deux scribes qui étaient à son service. Le sage monarque les envoie illico chercher des dattes fraiches à Luz, qu’il croit donc hors de la juridiction de l’Exterminateur. Au soir il s’endort alors paisiblement en moins de 5 minutes sur ses 2 oreilles parmi ses 700 épouses et 300 concubines.
Le lendemain matin il croise la Mort hilare qui lui montre son ordre de mission : c’était précisément à Luz qu’Elle devait les éliminer. Ce qu’Elle a fait. Vexé, Salomon en tira une morale obscure à propos des pieds de l’Homme, qu’on enseigne encore dans les écoles religieuses. 
 

Dans les cimetières monumentaux du 19ème siècle, ici à Milan, et à Gênes au centre (tombe Celle, sculpt. Monteverde 1893), la Mort, déjà bien diminuée, ne s’attaque plus qu’aux faibles sans défense (et si possible dénudées). On l’aura vue plus héroïque.

 
C’était, il y a plus de 2500 ans, peut-être la première apparition écrite de l’histoire du « rendez-vous inéluctable avec la Mort ».

Elle eut un succès phénoménal. Mais il faut reconnaitre qu’en 25 siècles la cohérence du récit a bien divagué, au mépris de la géographie la plus élémentaire et des moyens de transport disponibles.
Dans la version du Talmud, le trajet censé éloigner les victimes du bourreau avant l’heure du rendez-vous fatal, était d’une douzaine de kilomètres, soit quelques heures de marche.
Certains auteurs ont maintenu ici un réalisme de bon aloi, comme Somerset Maugham en 1933 dans sa pièce de théâtre Sheppey, qui situe la scène à Bagdad, quand le bienfaiteur abusé, un marchand, envoie son serviteur à Samarra pour le protéger de l’Ange, 130 kilomètres au nord de Bagdad, soit 2 à 3 heures de course d’un pur-sang arabe. Il pouvait encore, pour son malheur, être au rendez-vous du soir à Samarra.  

Mais que dire de la version attribuée au poète persan du 12ème siècle, Attar de Nishapur ? Cette fois, un calife accorde à son vizir, qui pense que la Mort l’a dévisagé d’un air louche, l’autorisation de filer vers Samarcande, très loin au nord. C’est la destination qu’on retrouve dans toutes les citations, quand le point de départ est parfois « dans une grande ville » (peut-être Nishapur), et d’autres fois, Bagdad, comme dans la pièce de théâtre de Jacques Deval en 1950, « Ce soir à Samarcande ».
Or Nishapur se trouve à 1150 km de la funeste destination, et Bagdad à 2700. Sans emprunter l'avion privé d’un prince saoudien, on ne voit pas comment le rendez-vous du soir à Samarcande pouvait être honoré.
Sans parler d’une version coranique qui situerait le rendez-vous en Inde, 4 ou 5000 km plus loin, et où le condamné est emporté par le vent, que le roi Salomon contrôlait, comme chacun sait.

Et voilà comme une belle histoire instructive et morale, presque crédible, se transforme en une fable que même les enfants dédaignent, s’ils ont des notions de géographie.  

On ne compte plus aujourd’hui les romans, pièces, poèmes, citations en tout genre dont le titre contient à la fois « rendez-vous » ou « soir » et « Samarcande », et qui racontent évidemment cette histoire périmée.
Périmée parce que si la Mort pouvait se divertir de cette blague - certes un peu répétitive - en un temps où la Terre était plate et sa population réduite à quelques dizaines de millions d’individus, ses habitants avaient largement dépassé le milliard au 19ème siècle, quand on la voyait toujours à l’ouvrage en personne, décharnée, usée, dans les grands cimetières de l’Italie du nord.

On apercevait encore sa silhouette cadavérique, au début du 20ème siècle, mais on voyait poindre les débuts de l’industrialisation des procédés, ce qui fit dire à certains qu’en réalité Elle ne se déplaçait plus et qu'on la confondait avec des prestataires de service recrutés pour répondre à la demande toujours croissante.

Et les plus iconoclastes soutiennent maintenant qu’Elle est morte d'épuisement à la fin du siècle dernier, le vingtième. Elle se serait laissée aller, apaisée et confiante, car elle avait remarqué - elle lisait les revues scientifiques - que l’être humain concoctait ingénument, dans ses laboratoires, des virus internationaux, des gaz à effet de serre, des aérosols pesticides, des microbilles de plastique, des matières radioactives, des particules fines, des ondes qui rendent fou, enfin tout un tas de petites choses grouillantes et invisibles qui la remplaceraient parfaitement, et avec une discrétion que ne permettaient pas ses propres apparitions démodées, toujours théâtrales et finalement assez pathétiques.
 

Sur cette tombe prémonitoire du cimetière Staglieno à Gênes (famille Quierolo), le sculpteur Guiseppe Navone a représenté la mort de la Mort en 1902. Les défunts en médaillon indifférents à son agonie semblent plutôt régler un différend domestique.
 

vendredi 27 décembre 2019

Passons, passons...

Passons, passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Guillaume Apollinaire (Cors de chasse, dans Alcools)
Ici s'élève un grand débat entre la science et le vulgaire. La science prétend que les hommes sont répandus sur le pourtour de la terre, qu'ils ont les pieds à l'opposite les uns des autres, que partout le ciel est également sur leurs têtes, et que partout le point de la terre foulé par les pieds de ses habitants est le centre pour chacun. Le vulgaire demande pourquoi les hommes placés à l'opposite ne tombent pas : comme s'il n'était pas facile de répondre qu'eux aussi ont le droit de s'étonner que nous ne tombions pas ! Il y a une opinion intermédiaire, et que la foule si indocile trouve probable : c'est que le globe est inégal, semblable pour la figure à une pomme de pin, et que la terre est habitée tout autour de cette espèce de cône. 
Pline l’ancien, Histoire naturelle, Livre 2, (an 77 de l’ère actuelle)

Visiteur, qui pose pour la première fois ton regard sur ce blog, sache que tu arrives dans un endroit peu fréquentable (et d’ailleurs très peu fréquenté). Sous une apparence austère parfois attrayante, tu constateras qu’il peine à respecter les valeurs dites sacro-saintes, les nations, les drapeaux, les religions, les institutions.
Tu noteras qu’il méprise les souverains affublés d’un numéro, en l’écrivant en chiffres arabes, qu’il ne fête pas les dates anniversaires des grands hommes, ni des grandes femmes, qu’il informe sur les expositions généralement après leur fermeture, et surtout, qu’il escamote l’accent circonflexe sur les mots aout, gout, abime ou maitre.

Bref, tu abordes un blog inconvenant.
Si, en dépit de cet avertissement, tu as décidé de poursuivre, apprends qu’il va faire, sous tes yeux, un pas supplémentaire dans l’ignominie et piétiner ses principes en célébrant son propre anniversaire.


Le 27 décembre 2006, dans un premier billet balourd mais déjà assoiffé de vérités scientifiques et… disons artistiques, le blog réclamait des images, que jamais il n’obtint, du verso d’une admirable statue d’Arsinoë 2, qui venait de sortir des eaux de Canope, ville engloutie près d’Alexandrie dans la baie d’Aboukir. Elle gisait là parmi d’autres débris dans un dépotoir à statues dont la religion était périmée, sauvée d’un recyclage moins noble par l’engloutissement de la cité.
Toutes ses représentations, sur internet et dans la presse, la montraient de face, de trois-quart, très rarement de profil, et jamais de dos. Personne depuis n’a proposé de dévoiler ce secret.

Tu penses certainement, visiteur, que le titre du blog comporte déjà une faute d’orthographe et une ambigüité, soit une inversion de lettres s’il entend écrire le mot blog, et dans ce cas ce serait un anglicisme inélégant, soit une faute d’orthographe s’il veut parler de la Terre, hypothèse plausible à la vue de l’illustration du bandeau de titre.

L’équivoque était délibérée.
À un blog ambitieux, il fallait des lecteurs susceptibles d’accepter n’importe quoi. Et c’est dans les exclus, dont on entendait déjà que l’internet et les réseaux sociaux étaient envahis, chez ceux qui souffrent d’être dévalorisés, socialement, affectivement, et qui sont prêts à adhérer à n’importe quelle explication qui ne serait pas celle de la société qui les ignore, que le blog pensait trouver des lecteurs.

Les adeptes de la Terre plate étaient parmi les mieux inspirés. Leur refus pathologique d’accepter la réalité quand elle ne coïncide pas avec leur vision du monde a quelque chose de Don Quichotte, leur opiniâtreté à réécrire autrement les règles les plus élémentaires de la science a tout de la poésie pataphysique et des prémices d’une grande religion. À n’en pas douter, c’était l’avenir.

Un sondage fameux et très respectable, réalisé avec beaucoup de sérieux, de mathématiques, et de biais de toutes sortes par l’Ifop a largement confirmé ce choix depuis.
Il se proposait, souvenons-nous, de mesurer la croyance des Français dans les grands mensonges supposés manipulés par les pouvoirs occultes des sociétés secrètes ou des gouvernements corrompus. Pour donner un exemple de la qualité des questions imaginées par l’Ifop, parmi les complots proposés (liste p.99), étant sous-entendu que tous sont faux, la question suivante était posée « Êtes-vous d’accord ou pas avec l’affirmation que Dieu a créé l’homme et la Terre il y a moins de 10 000 ans ? », et 18% des sondés y répondaient positivement.
Vous noterez que ceux qui pensent qu’un dieu à créé l’ensemble il y a plus de 10 000 ans, hélas nombreux, ne pouvaient pas se prononcer, ni ceux, rares sans doute, qui pensent que tout cela s’est créé sans aide extérieure il y a moins de 10 000 ans. On mesure là toute la finesse de la méthode.

La question qui regarde le blog était plus claire « Êtes-vous d’accord ou pas avec l’affirmation qu’il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école ? »
9% des sondés ont répondu positivement. Ce qui fait beaucoup de lecteurs potentiels.
Hélas, le sondage lui-même était noyauté par les servants d'un vaste complot mondial, car en 13 ans de chroniques d’une régularité astronomique, aucun adepte de la Terre plate n’a jamais pris contact ni laissé un commentaire sur le blog. Pas un lecteur de plus. Les spécialistes pensent aujourd'hui qu’il n’y a en réalité que quelques milliers de fidèles, et essentiellement aux États-Unis (Flat Earth Society).

Pourtant le blog avait concocté une documentation pointue destinée à soutenir les adeptes de la planéité, et déniché à l’appui de leurs certitudes le témoignage inestimable d’Augustin d’Hippone, le fameux Saint Augustin, lointain héritier des chimères de l’imputrescible Platon, et le plus grand penseur du christianisme. Il écrivait dans La cité de Dieu (16-9) au début du 4ème siècle :
« Quant à leur fabuleuse opinion qu’il y a des antipodes, c’est-à-dire des hommes dont les pieds sont opposés aux nôtres et qui habitent cette partie de la terre où le soleil se lève quand il se couche pour nous, il n’y a aucune raison d’y croire. Aussi ne l’avancent-ils sur le rapport d’aucun témoignage historique, mais sur des conjectures et des raisonnements, parce que, disent-ils, la terre étant ronde, est suspendue entre les deux côtés de la voûte céleste, la partie qui est sous nos pieds, placée dans les mêmes conditions de température, ne peut pas être sans habitants. Mais quand on montrerait que la terre est ronde, il ne s’ensuivrait pas que la partie qui nous est opposée ne fût point couverte d’eau. D’ailleurs, ne le serait-elle pas, quelle nécessité qu’elle fût habitée, puisque, d’un côté, l’Écriture ne peut mentir, et que, de l’autre, il y a trop d’absurdité à dire que les hommes aient traversé une si vaste étendue de mer pour aller peupler cette autre partie du monde. »
On comprend aisément qu'un argumentaire aussi robuste ait pu influencer plus de 1000 ans de science en Occident ! D’ailleurs Augustin mériterait d’être le parrain de ce blog. Car il ne faut pas blâmer les apôtres de la Terre plate. À leur manière, excentrique et malhabile, ils essaient de refaire l’histoire de la science. Les aurait-elle écoutés, l’espèce humaine n’aurait peut-être jamais réussi à transformer ce petit caillou, fut-il plat ou globuleux, en enfer.

Un autre échec de l’histoire du blog, parmi tant d’autres, fut la recherche pathétique du nom d’un sculpteur dont la signature peu lisible est gravée sur la statue d’une fillette assise sur une tombe, dans le cimetière monumental de Milan, en Italie du nord.
Pas la moindre proposition depuis 10 ans. Effrayant silence des espaces infinis de l’internet !

Mais ne nous attardons pas sur ces revers, et réjouissons-nous, puisque cette chronique célèbre un anniversaire. Voici une surprise, en vidéo. Elle dure 4 minutes. Le commentaire n’est qu’en anglais, mais à une minute et 13 secondes, vous verrez qu’on peut se passer de tout commentaire. Elle a été filmée en novembre 2016 au British Museum, à Londres, mais aurait pu l’être à Saint Louis, dans le Missouri, au printemps 2018 (à 15min.20) ou à l’Institut du monde Arabe de Paris, fin 2015 (à 20min.57) ou peut-être de retour au musée des antiquités de la Bibliotheca Alexandrina d’Alexandrie, en Égypte, qui sait ?


Enfin rappelons aux lecteurs de tout genre qu’une petite zone de saisie « Rechercher dans ce blog » permet d’y trouver n’importe quel mot incongru et de flâner parmi 680 chroniques richement illustrées, qui peuvent être lues avec des années de retard sans que la constance de leur futilité encyclopédique n’en pâlisse. Ils y dénicheront des informations insoupçonnées et inactuelles sur la peinture, le droit d'auteur et les cimetières, et sur toutes sortes d’animaux et de végétaux, éléphants, autobus, Tati, Kubrick, et même Mozart (mais que les inconditionnels de la planéité ou de la platitude ne cherchent pas les mots Terre ou globe, ils en ressentiraient sans doute de l’amertume).

dimanche 28 avril 2013

La vie des cimetières (49)


Mystifié par le puritanisme intolérant venu d'Amérique sur les réseaux sociaux, l'adolescent contemporain ne sait plus très bien ce qu'est le sexe. Il le découvrira lorsque, lassé de l'improductivité de ses occupations sur lesdits réseaux, il éteindra l'appareil électronique.
Mais il sera un peu tard. Désormais il le craindra, à l'instar des générations formées à l'école des religions monothéistes et de leurs idées primitives.

Aussi, afin d'éviter à l'avenir ces légions de demeurés frustrés et agressifs, Ce Glob est Plat ne reculant devant aucune bassesse dévoile de temps en temps l'emplacement d'œuvres sexuellement orientées (1) que l'adolescent peut aller admirer sans risque, et même caresser en imaginant que la pierre se réchauffe au contact de ses doigts.

Le modèle d'aujourd'hui, magistral, se trouve dans le cimetière monumental de Milan, dans la galerie supérieure ouest, sur la tombe Bianchini. Le nom du sculpteur n'est hélas pas indiqué.

***
(1) On aura bien sûr noté le genre nettement féminin des exemples choisis. Car les statues des cimetières sont quasi exclusivement modelées par des hommes, et quand ils sculptent leurs congénères, c'est pour les affubler de la musculature de Superman et les placer dans des positions ridicules qui manquent singulièrement d'érotisme, comme cette célèbre sculpture d'Enrico Pancera également à Milan.
 



 
 

vendredi 11 mai 2012

La vie des cimetières (43)



Passons, passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent.

Guillaume Apollinaire,
extrait de Cors de chasse, dans Alcools, 1913


mercredi 18 janvier 2012

La vie des cimetières (41)

Vues pittoresques de cimetières italiens, Venise San Michele, Gênes Staglieno, Milan Monumentale, et Milan encore.






vendredi 25 février 2011

La vie des cimetières (35)

Où on apprend pourquoi dans l'antiquité il n'était pas obligatoire d'être aveugle pour devenir empereur romain ou philosophe grec...
Illustration 1 : détail d'un athlète courant, copie romaine en bronze trouvée à Herculanum dans la célèbre villa des papyrus (Naples, musée national d'archéologie). Illustration 2 : Portrait d'un inconnu, marbre, vers 140 de notre ère (Naples, musée national d'archéologie). Illustration 3 : Portrait d'homme sur une stèle (Milan, cimetière monumental, vers enclos ouest - secteurs 15-16).
 
 
Le citoyen moderne qui déambule parmi les ruines antiques ou médiévales apprécie qu'elles aient été blanchies par le temps, que l'architecture et la statuaire qui ne sont pas de son siècle aient été lessivées par les intempéries au point de ressembler à d'immenses squelettes de pierre. Le passé lointain est forcément incolore. 
Or on sait depuis longtemps déjà que cette vision est fausse, que les temples, les cathédrales, les statues étaient généralement multicolores. Que les yeux des portraits sculptés, quand ils n'étaient pas incrustés de pierreries polychromes étaient certainement peints (illustration 1)
 
Cependant le visiteur qui parcourt les salles d'un musée d'antiquités a l'impression, devant les bustes alignées, de traverser un long hôpital peuplé d'aveugles aux yeux inhabités. Même Antonio Canova, adepte tardif de l'antiquité presque vingt siècles plus tard, la copiait au point d'orner généralement les visages de ses statues de globes lisses et inexpressifs pour tout regard. 
 
Pourtant les bustes modelés au même moment par Jean-Antoine Houdon respiraient, vivaient, et vivent encore, grâce à un procédé qu'on pourrait croire neuf mais dont il avait probablement observé les prémices à Rome sur quelque buste antique (illustration 2)
Dans le globe oculaire, l'iris est creusé comme une coupelle, légèrement si les yeux doivent être clairs, à l'exception d'une petite saillie qui accroche plus de lumière et simule un reflet d'humidité. Parfois l'effet est rehaussé en creusant un trou au centre pour marquer la pupille et en striant légèrement l'iris de lignes concentriques (illustrations 3 & 4).
 
 
Illustration 4 : Portrait de femme, d'une statue pédestre (Milan, cimetière monumental, vers enclos ouest - secteurs 15-16)
 
 
Et quand l'astuce est réussie, comme sur certains bustes funéraires du cimetière monumental de Milan, où que soit placé le spectateur, les yeux de la statue présentent l'illusion de la transparence et la profondeur d'un vrai regard. 
 

samedi 18 septembre 2010

La vie des cimetières (32)

Mais, où se trouve la frontière entre le bon goût et le mauvais goût ?
« Dans ton cul ! » répond tout le monde en chœur.
Nous voilà donc fixés.

Le cimetière monumental de Milan accueille des tripotées de tombeaux aussi légers, exquis et gracieux que celui-ci.

mercredi 30 juin 2010

La vie des cimetières (30)

Il n'est pas rare, cherchant une tombe particulière dans un cimetière, de ne pas la trouver quand on possède pourtant son adresse précise et un plan détaillé. Parce que les tombes se déplacent pendant la nuit. C'est un fait bien connu des écumeurs de cimetières. Longtemps pris pour une légende, nous en apportons la preuve aujourd'hui sur ce cliché exceptionnel. Un défaut de direction assistée, dans un virage un peu difficile à négocier, fut la cause pathétique de cette épave échouée au milieu d'une allée du Cimetière Monumental, à Milan. Si le conducteur ne fait rien, sa tombe sera vite dépouillée par les pilleurs nocturnes. À moins qu'il ait été blessé dans l'accident et qu'immobilisé sous l'éboulis de pierres il ne puisse pas même appeler à l'aide.


dimanche 21 février 2010

La vie des cimetières (27)

Inachevée, par endroits contradictoire, difficile à dater, écrite par un autre d'après certains, réécrite parfois pour la rendre plus cohérente, «La vie de Timon d'Athènes» est un pièce très sombre de (peut-être) William Shakespeare. Le personnage, généreux, probablement par intérêt comme dans toute charité, puis désespéré de l'ingratitude des bénéficiaires, s'exile définitivement et maudit l'humanité.

Le texte foisonne de splendides imprécations misanthropiques, et finit par cette épitaphe sur le tombeau de Timon :
«Ci-gît un corps malheureux, séparé d'une âme malheureuse. Ne cherchez pas à savoir mon nom... Que la peste vous dévore tous, misérables humains qui restez après moi!»

La sculpture est de Floriano Bodini (1933-2005) dont on trouve plusieurs œuvres dispersées ici dans le cimetière monumental de Milan.

mardi 24 mars 2009

La vie des cimetières (20)

Dans les longues allées ennuyeuses des grands cimetières humains, parmi les milliers de monuments aux lignes grossières, aux gestes conventionnels et aux douleurs sempiternelles, se produit parfois un sortilège.

Vous l'approchez alors avec précautions, le contournez lentement, chaque point de vue vous émerveille. Avec fébrilité vous cherchez la signature du sculpteur, vous pestez parce qu'elle est presque illisible et vous regrettez de ne pas être dans un musée devant une étiquette soigneusement calligraphiée. Mais vous êtes dans le Cimetière Monumental de Milan, au bord du secteur 4, devant la tombe d'Enrichetta Maggioni Venegoni que vous ne connaissez pas, et dont les restes sont veillés depuis cent ans par une fillette de bronze à patine bleutée.
(coordonnées à coller dans un logiciel de cartographie : 45.48715, 9.17794).




Appel à la délation : un abonnement gratuit et perpétuel à Ce Glob Est Plat sera offert à toute personne qui fournira des renseignements sur l'auteur de cette sculpture, actif en Italie du nord à la charnière des 19ème et 20ème siècles et dont les initiales sont peut-être R.D.



dimanche 21 décembre 2008

La vie des cimetières (17)

C'est une vision créée par votre peur ... Pourquoi tant de grimaces? Après tout, vous ne regardez qu'une chaise!Macbeth croit voir le spectre de Banquo, qu'il a fait tuer (Shakespeare, Macbeth acte 3 scène 4)
Lady Macbeth. - «Quelles balivernes! C'est une vision créée par votre peur (...). Oh! ces tressaillements, ces soubresauts, simulacres d'une véritable peur, conviendraient à merveille au conte que fait une femme, en hiver, au coin du feu. - C'est une vraie honte! Pourquoi faites-vous tant de grimaces? Après tout, vous ne regardez qu'une chaise!»

Shakespeare a beau le démentir avec lucidité, l'homme s'ingénie toujours à croire qu'il reste des traces impalpables des morts ailleurs que dans sa mémoire. C'est ainsi qu'il a installé le fantôme de Mozart dans le cimetière monumental de Milan. Une plaque commémorative rappelle que quelque part à Milan, en 1858, est mort l'aîné des fils de Wolfgang et Constance, dernier survivant de la famille Mozart, fonctionnaire à la Cour des Comptes.

Il y est écrit «À la mémoire de Carlo Mozart, dernier fils du musicien suprême, fonctionnaire de la ville de Milan (Vienne 1784 - Milan 1858). Avec lui s'éteint la lignée mais non la gloire impérissable de l'illustre géniteur. Pour le centenaire de sa mort, l'association des autrichiens de Milan, 31 octobre 1958»

Au fond, sur le mur, se trouve l'inscription à la mémoire du dernier des Mozart.

samedi 29 novembre 2008

La vie des cimetières (16)

Lentement, les légumes verts venus de l'espace, rejetons du terrifiant guman, rampent sur la pierre et le bronze. Bientôt ils étoufferont les statues, puis les humains.



Localisations au cimetière monumental de Milan : en haut à gauche, en haut à droite, en bas à gauche, en bas à droite.

dimanche 26 octobre 2008

La vie des cimetières (15)

Les banalités qu'on raconte depuis des siècles sur la brièveté de la vie sont incontestables. Le poète Ronsard en abusait. Il aimait particulièrement les jeunes filles, et ne cessait de les effrayer, quand elles se refusaient, en leur chantant leur prochaine flétrissure, comme celle des roses.

Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dés aujourd'huy les roses de la vie.Milan, cimetière Monumental, Secteur C, Est

Rappel : si, dans une chronique de ce blog, vous remarquez dans la liste des mots clefs le terme «coordonnées», cela indique que quelque part dans le texte (généralement sous une photo) se trouve un lien vers un fichier dont le nom termine par «.kmz». Quand vous cliquez sur ce lien, votre navigateur vous propose d'ouvrir ce fichier avec Google Earth (il faut au préalable avoir installé Google Earth qui est gratuit). Et la magie commence alors. Vous voyez la terre s'approcher à une vitesse vertigineuse jusqu'à quelques mètres au dessus du sol où vous découvrez l'endroit exact de la prise de vue, à quelques centimètres près.

dimanche 14 septembre 2008

La vie des cimetières (14)

Il n'y a rien de particulier à lire dans ce commentaire flottant, désolé !
Les enfants sont régulièrement utilisés dans la statuaire du pathétique. Perdus parmi les tombes, ils suscitent l'émotion du passant qui s'apitoie sur l'injustice de leur destinée, abandonnés si tôt ou frappés sans discernement. Mais la statue présentée aujourd'hui, qui provient d'une galerie du cimetière monumental de Milan, fait exception. Elle évite les ficelles de la dramaturgie primaire.

Une enfant aux pieds nus, assise sur une sorte de tronc d'arbre, montre d'un geste du bras le vaste ciel de mosaïque étoilé qui les entoure à une poupée aux formes sommaires posée sur ses genoux, et semble désigner particulièrement deux étoiles rapprochées et isolées.
L'inscription sur la tombe (visible ici partiellement) désigne deux personnes proches, peut-être frère et sœur. Le visage de l'enfant n'est pas idéalisé comme pour une allégorie, il a le réalisme d'un portrait. Elle est calme, presque souriante.

L'interprétation la plus évidente serait qu'elle rejoue avec sa poupée, à sa manière enfantine et un peu théâtrale, l'enseignement des fictions que les parents lui ont inculquées «Ne sois pas triste, les morts ne meurent pas. Leurs âmes sont réunies et resplendissent éternellement au ciel, en haut à gauche».
En dépit de son étrangeté, cette scène jouée dirait finalement, d'une façon plus originale, la même chose qu'une bonne part de la statuaire des cimetières.

Mais cette interprétation est peut-être fausse.

samedi 2 août 2008

La vie des cimetières (13)

Il est loin le temps où nos dictateurs se faisaient appeler le «Petit Père du Peuple» ou le «génial Mécanicien de la Locomotive de l'Histoire» et ensevelir dans des mausolées colossaux. Ceux d'aujourd'hui grimpent sur des tabourets pour qu'on les aperçoive à la télé et épousent des chanteuses anémiques et creuses. Mais on trouve encore dans le cimetière Monumental de Milan des tombeaux de cette époque où les taureaux étaient ailés comme en Mésopotamie, les bœufs plus grands que nature, et les ouvriers stakhanovistes continuaient à travailler même après leur mort.


samedi 7 juin 2008

La vie des cimetières (12)

Notre chroniqueur nécrophile n'a rien publié depuis le 11 novembre 2007, mais il n'est pas mort pour autant. Il revient avec un dossier monumental.
Et si, comme la rédaction de Ce Glob Est Plat, vous avez depuis des années éteint radio et télévision et que vous ne vous informez du monde qui change qu'en regardant les arbres, les nuages et les statues grandiloquentes dans les parcs, alors préparez-vous à de grandioses émerveillements.
Car notre nécrophile a rapporté de Milan plusieurs centaines d'images du cimetière des monuments (Cimitero Monumentale), parangon de tous les cimetières, le cimetière qui enterre tous les autres. Les italiens fortunés y font construire depuis 1866, sur 25 hectares, des sépultures à la mesure de leurs vanités, et c'est une surenchère de bon goût et d'élégance plastique.
Et si les noms gravés, défunts comme sculpteurs, sont inconnus ou oubliés, les tombeaux méritent bien la très courte éternité que nous leur consacrerons ici, plus ou moins régulièrement.

Secteur 4, vue sur le Famedio.