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mercredi 30 novembre 2016

... Émile Friant

Ce peintre s’appelait Émile Friant.

Il était né en 1863 dans la région de Nancy, et le musée des beaux-arts de Nancy lui consacre aujourd’hui une rétrospective jusqu’au 27 février 2017.
Ses plus beaux portraits y sont exposés.



dimanche 27 juillet 2014

Un revenant

Il y a, aux musées des beaux-arts de Rennes et de Nantes, les deux plus beaux tableaux du monde (surtout à Nantes). Ce sont des choses qui ne se discutent pas. Ils sont ce que l'être humain a créé de plus sublime, de plus parfait, comme le Taj Mahal en architecture, le Clavier Bien Tempéré en musique, ou les Coquillettes aux Cèpes.

Celui de Rennes, fruit d'une saisie révolutionnaire des biens du clergé en 1794, représente deux femmes. L'une, de face, un nouveau-né sur les genoux, l'autre de profil, à gauche, cache de sa main la flamme d'une bougie.
Celui de Nantes a été acheté par la ville en 1810, avec la collection de François Cacault, riche diplomate. Il figure de profil un vieillard endormi à la lecture d'un livre, et face à lui, sur la gauche, un enfant richement vêtu lui adresse un signe des mains. Son bras cache la flamme d’une bougie qui éclaire faiblement la scène.

Georges de La Tour - Le songe de saint Joseph, c. 1640
Musée des beaux-arts, Nantes.

Unanimement admirés, quelquefois vénérés, ils seront durant plus d'un siècle attribués aux plus grands noms, de Schalcken, Honthorst, Valentin, à Le Nain, Zurbaran, Velázquez, parfois Rembrandt ou Vermeer !

Le tableau de Nantes arborait pourtant, en haut à droite, une signature lisible, « Gs De La Tour F... », comme un autre tableau de la même collection, d'un style nocturne semblable, représentant six personnages dont quatre soldats jouant aux dés (Le reniement de Pierre), signé et daté de 1650 en bas à droite « G. De La Tour inv. et fec. /MDCL ». On ne saurait être plus explicite.
Mais personne n'avait entendu parler d'un G. De La Tour, peintre au milieu du 17ème siècle.

Disons presque personne. Car Augustin Calmet, moine bénédictin, abbé de Sénones, savant notamment dans le domaine des esprits, vampires et autres revenants, fouilleur d’archives, écrivait à Nancy en 1751, dans une compilation intitulée Bibliothèque lorraine ou histoire des hommes illustres qui ont fleuri en Lorraine : « Tour (Claude du Ménil de la) natif de Lunéville, excellait dans les peintures des nuits. Il présenta au roi Louis 13 un tableau de sa façon, qui représentait un Saint Sébastien dans une nuit ; cette pièce était d'un goût si parfait que le Roi dit ôter de sa chambre tous les autres tableaux, pour n'y laisser que celui-là. La Tour en avait déjà présenté un pareil au Duc Charles 4. Ce tableau est aujourd'hui dans le château de Houdement, près de Nancy. »
Ainsi un siècle après sa disparition, on se souvenait d’un certain La Tour, d’une anecdote sur sa notoriété de peintre, et de la localisation d’une œuvre de sa main.
Puis le silence des archives l’ensevelit à nouveau pour un autre siècle.

En 1863, Alexandre Joly, bibliothécaire et conservateur du musée de Lunéville écrivait dans le journal de la Société d'archéologie lorraine tome 12, p. 90-96, un article sur « Du Mesnil-La-Tour, peintre ». La notice de Calmet avait stimulé sa curiosité, et une exploration minutieuse avait ramené à la surface un nombre suffisant de documents d’archives pour dessiner en ombre chinoise une silhouette biographique.
Ces sept pages sont émouvantes (cliquer sur le numéro de la page 90 dans l’index à gauche). Joly corrige les erreurs de Calmet et retrace quelques évènements de la vie d’un peintre dont le prénom est en réalité Georges, né à Vic-sur-Seille. Il cite le titre de quelques tableaux, mais il n’en situe aucun.
Il termine son article par cette phrase « Un jour ou l'autre on découvrira peut-être, sur les parois de quelque église de campagne, une toile délabrée de cet artiste, qui suffira, je l'espère, pour combler cette lacune. [...] Attendons. »

Georges de La Tour - Signature en haut à droite du Songe de Joseph.

En 1900, Louis Gonse, historien de l’art, membre éminent d’organes très officiels, pressentait, dans « Les chef-d'œuvres des musées de France, la peinture » un lien formel entre le tableau de Rennes (le Nouveau-né, alors attribué à un Le Nain et dont il disait « Cette œuvre me hante ! ») et un tableau du musée d’Épinal qui figure un vieil homme nu assis humblement et sermonné par une femme debout imposante et qui tient une bougie (Job et sa femme en prison). Il écrivait « j'approche, malgré moi, le tableau d'Épinal de l'admirable Nativité de Rennes. Je signale l'analogie, sans aller plus loin. »

Les pièces du puzzle se rapprochaient lentement.

La révélation vint alors d’un jeune allemand historien d'art, fouineur érudit et qui avait voyagé en Bretagne en 1912, Herman Voss. Il connaissait les textes de Calmet (sa biographie laconique avait été reproduite en Allemagne en 1803 et 1849) et de Joly.
Voss publia dans une revue allemande (Archiv für Kunstgeschichte) un court article d’une page dans lequel il réunissait les deux tableaux signés de Nantes et le Nouveau-né de Rennes, en les attribuant au La Tour de Lunéville dévoilé par Calmet et Joly. Mais c’était en 1915, les échanges entre l’Allemagne et l’Europe étaient alors exclusivement consacrés à la fourniture de chair à canons.
Il faudra attendre un article de 1922, et peu à peu des tableaux poussiéreux sortiront des réserves de musées, des d'églises, des collections, et des documents d’archives complèteront un peu la vie et l’œuvre de Georges de La Tour.

Voss deviendra plus tard, un peu malgré lui, directeur du musée du Führer de Linz qui prévoyait de rassembler les pillages artistiques des nazis.
Il mourra en 1969 sans assister à l’accomplissement de son intuition de 1915, la grande rétrospective Georges de La tour de 1972 qui transformera ce revenant obscur en un des plus grands peintres de tous les temps et déplacera 350 000 visiteurs à l’Orangerie des Tuileries de Paris.

Hulton E.C., le musée de Rennes vers 1900 (détail).
Le Nouveau-né, à droite, était alors attribué à un des frères Le Nain.

Les trois tableaux de cette renaissance ont été parfois réunis. En 1934, pour l’exposition « les peintres de la réalité » au musée de l’Orangerie, en 2006 pour la reprise de la même exposition, et lors des deux grandes rétrospectives du peintre en 1972 à l’Orangerie et en 1997 au Grand palais, toujours à Paris mais jamais en Bretagne.
Aujourd’hui c’est chose faite, et jusqu’au 17 aout au Musée des beaux-arts de Rennes où ils illustrent ensemble une petite exposition attachante sur le thème de la redécouverte du peintre « Trois nuits pour une renaissance ».

Signalons qu’on trouvera quasiment l’intégrale des documents et articles citant La Tour dans un livre de poche très illustré, « Georges de La Tour, histoire d'une redécouverte », de Cuzin et Salmon, dans la collection Découvertes de Gallimard, édité en 1997 à l'occasion de la rétrospective.
Peut-être est-il encore disponible.

dimanche 1 juin 2014

Le Sidaner et les roses

Au soir, un jardin aux verts éteints et un peu grisâtres, peut-être une terrasse, fleurie. On devine à la lampe qui luit sur la nappe blanche que la table vient d'être abandonnée. Au fond une fenêtre est illuminée d'un jaune orangé vif. Tout est calme.
L'amateur de bien-être et de nature apprivoisée aura reconnu un des sujets favoris d'Henri Le Sidaner, peintre plus ou moins impressionniste né en 1862 et mort en 1939, renommé en son temps.

En 1901, Le Sidaner cherche autour de Beauvais une maison avec un jardin et déniche dans un coin vallonné de Picardie un village presque abandonné sur une petite colline, Gerberoy. Des rois y avaient séjourné et combattu au moyen-âge mais il ne restait pas même des ruines de ce passé.
Au fil des années, Le Sidaner transforma la maison et ses jardins en oasis domestique. Il fit pousser et grimper des rosiers partout, invita des amis célèbres et s'investit dans la renaissance du village qui devint alors (et reste de nos jours) l'attraction fleurie de la région.
Il n'y a rien d'historique à visiter à Gerberoy, rien qui encombrerait l'esprit. Il faut simplement flâner, s'asseoir parfois et ne rien faire.

C'est là que le peintre réalisa ses tableaux les plus prisés (encore aujourd'hui), qui disent la douceur crépusculaire des instants qui viennent d'être vécus, avec un peu de géométrie, quelques lignes de fuites, quelques courbes. Des tableaux à la française.

Gerberoy le soir, la place de La Hire et Xaintrailles vue de la rue Le Sidaner.

L'arrière-petit-fils du peintre vient de le faire revivre dans un beau livre, « Henri Le Sidaner, paysages intimes » aux éditions Monelle Hayot, au moyen de centaines de photographies d'époque, de centaines de reproductions de ses tableaux et d'une biographie naturellement très documentée.
Le livre accompagne opportunément quatre expositions thématiques simultanées du peintre à Amiens, Cambrai, Dunkerque et Étaples.

Il est toujours décevant de visiter une exposition de Le Sidaner. Ses tableaux sont de plus en plus gris, peints trop vite, sans gras, comme la plupart des tableaux impressionnistes de l'époque. Et ils sont rarement bien éclairés, alors que les reproductions dans les catalogues sont souvent éclaircies et ravivées. Il suffit de comparer la carte postale (intérieur à la nappe rouge) distribuée à l'entrée de l'exposition du musée de Cambrai au tableau original exposé à l'étage, mal éclairé, décoloré et terne.

Alors on s'installe dans un fauteuil, dans la pénombre de la salle d'exposition, entouré de tableaux et de dessins originaux du peintre, et on s'abime pendant une demi-heure dans la contemplation d'un écran qui montre un film de 2011 du même arrière-petit-fils « Henri Le Sidaner, la renaissance de Gerberoy ». Tout y est à la gloire du jardin, on y voit des tableaux aux couleurs lumineuses, des photos d'époque des mêmes lieux, et des images animées, fantomatiques, où le peintre passe comme un spectre débonnaire entre les bosquets fleuris de sa création.
On n'en trouve sur Internet qu'une version hollandaise (hélas, car les commentaires de l'auteur sont précis, retenus et souvent touchants) mais les quelques propos de la belle-fille du peintre, émouvants, sont restés en français.
Et le film finit ainsi, la vieille dame, assise au cœur du jardin de Gerberoy en 1991, se remémore ces heures bienheureuses « Le matin on le voyait arroser ses fleurs, il sortait arroser ses hortensias et ses hydrangéas... C'est très joli les hydrangéas, c'est plus joli que les hortensias, c'est plus léger. Il y en avait beaucoup ici... Tout ça est parti. »

Aujourd'hui à Gerberoy, grimpant le long des façades des maisons, les rosiers regorgent de fleurs éclatantes et leurs couleurs revivront encore à chaque floraison, de mai à novembre.

dimanche 26 août 2012

Schnackenberg, biographie

Walter Schnackenberg, affichiste, décorateur, graphiste

2 mai 1880, Bad Lauterberg, Basse-Saxe, Allemagne 
10 janvier 1961, Rosenheim, Haute-Bavière, Allemagne

La renommée tient à peu de choses. Walter Schnackenberg portait un nom qu'on ne peut écrire sans erreur, ni mémoriser aisément. Il était cependant, de 1910 à la montée du Nazisme, une personnalité connue dans le milieu culturel et mondain de Munich qui irradiait alors toute l'Europe artistique, après les Sécessions de 1892 et de 1900, naissances de l'Art Nouveau (Jugendstil) et de l'abstraction.

Il y a deux périodes dans l'art de Schnackenberg. Avant la 2ème guerre c'est un graphiste brillant, admirateur de Toulouse-Lautrec, qui déploie avec talent un style sinueux et décoratif. Affiches, costumes et décors de théâtre. Il dessine aussi parfois dans des publications comme la célébrissime revue satirique Simplicissimus, où il rencontre certainement George Grosz et Alfred Kubin, sans que leur forte personnalité sombre et sarcastique ne le détourne alors de ses dispositions à la frivolité. 

Après la guerre, Schnackenberg a 65 ans. La Belle Époque est loin. Un miteux aquarelliste autrichien qui s'est métamorphosé en despote bavarois puis en tyran sanguinaire a détruit l'Europe entière. Les dessins de Schnackenberg ne seront plus comme avant. Ses personnages aux lignes souples, dynamiques et équilibrées qui avaient peuplé les affiches et les boulevards se transforment en chimères molles et vaguement humaines, en spectres qui se tortillent dans des décors instables, sur de grandes feuilles peintes à l'encre et à l'aquarelle. On y sent, après tant d'années, l'empreinte irréelle et macabre d'Alfred Kubin

Mosaïque de dessins à la plume et l'aquarelle, faits par Walter Schnackenberg entre 1947 et 1961.

Un descendant de Schnackenberg a créé récemment un site dédié à sa mémoire, en allemand, mal organisé et pauvre en images.
On ne trouve de reproductions acceptables sur internet que dans le blog 50 Watts (anciennement A journey round my skull), alimenté par un fou de littérature, de livres et d'illustrations, fouilleur de brocantes et de sites spécialisés.

Parfois quelques originaux arrivent en salle des ventes, peut-être cinq ou six par an, essentiellement en Allemagne, un peu en Suisse ou à Londres, fréquemment invendus semble-t-il, malgré des estimations de prix relativement modestes (5000 euros en 2006 pour une extraordinaire aquarelle comme celles qui sont assemblées dans l'illustration).
Chacun sait que c'est la renommée de l'artiste, plus que la qualité objective de son œuvre, qui fait sa valeur marchande.
Et Schnackenberg est à peu près inconnu.


lundi 30 janvier 2012

Andrew Wyeth

« Lorsqu'ils me rencontrent pour la première fois, les gens me disent généralement - Je ne savais pas que vous étiez encore vivant. » Andrew Wyeth interviewé par la NBC en 2006.
Mosaïque de détails de tableaux d'A. Wyeth

Mise à jour du 13.08.2024 : À la vitesse de la disparition des liens sur internet - un lien meurt en moyenne au bout de 2 à 3 ans - la plupart des reproductions de cette chronique ne sont plus disponibles et le renouvellement des liens est presque impossible car les bonnes reproductions des œuvres de Wyeth sont rares sur internet et le seront encore longtemps. Mort en 2009, la législation sur les droits d’auteurs évoluant constamment, il ne sera dans le domaine public, s’il y arrive un jour, que vers 2085, voire 2110. Il y aura probablement bien longtemps que la civilisation se sera effondrée. En attendant, tout le contenu des liens de cette page (illustrations, vidéos, textes) est sauvegardé et disponible à la demande en laissant un commentaire en bas de page.
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Novembre 1966. Un tableau de Van Gogh disparait dans l'incendie de la niche du chien Snoopy. Charles Schulz, créateur de Peanuts, Charlie Brown et Snoopy, le remplace bientôt par un tableau d'Andrew Wyeth. Schulz était alors milliardaire, ses bandes dessinées publiées dans 2500 journaux du monde et lues par centaines de millions. Il déclarait pourtant qu'il n'était pas un artiste, comparé à Andrew Wyeth, qu'il admirait.

Andrew Wyeth (prononcez aine-drou ouaille-œuf) était le fils du plus célèbre des illustrateurs américains de livres d'aventure, N.C. Wyeth. Célèbre au point que les cinéastes américains en quête de crédibilité auprès du public s'obligèrent longtemps à reproduire à la lettre ses superbes illustrations, tant elles avaient, malgré leur vraisemblance très relative, impressionné l'imaginaire populaire.
Andrew réalisa l'exploit d'être encore plus renommé que son père, alors qu'il vécut en ermite durant 91 années, à peindre (1) des paysages désolés, de vastes étendues hivernales ponctuées de maisons et d'objets abandonnés à la poussière, traversées quelquefois par une silhouette fantomatique

Son tableau « Le monde de Christina », peint en 1948, était dès 1949 acheté par le MoMA de New York, Wyeth avait 32 ans. L'Amérique s'identifia alors à cette image. Elle devint une icône. Elle décrit pourtant une scène lugubre. Christina Olson, voisine des Wyeth dans le Maine, revient du petit cimetière d'Hathorne Point où reposent ses parents, au dessus de la crique de Maple Juice, près de Cushing. Handicapée, elle rampe lentement dans le champ vers sa maison en haut du coteau. 
Cette maison Olson est depuis 2011 un monument national américain. On la visite. Elle abrite le Farnsworth Art Museum consacré aux Wyeth, avec 25 œuvres d'Andrew. 

Andrew Wyeth vivait à notre époque sans être vraiment un peintre contemporain, sans suivre les courants artistiques ni copiner dans les cénacles qui font l'opinion. Solitaire, il ne s'intéressait qu'à représenter les quelques hectares qui entouraient la propriété familiale de Chadds Ford en Pennsylvanie, et la résidence d'été de Cushing dans le Maine. 
Aussi était-il systématiquement insulté, à chaque exposition, par les critiques américains qui brassent les grands concepts, ceux qui font l'Art Moderne (2). Jugements complaisamment répétés par la presse française. Le 16 janvier 2009, le journal Le Figaro annonçait la mort de Wyeth en le nommant maitre du réalisme magique. Pour Le Monde, c'était un peintre réaliste régionaliste américain. En d'autres termes, un campagnard sentimental et folklorique (3)
C'est pourquoi on ne l'avait jamais vu en France, excepté une jolie exposition de la Galerie Claude Bernard, voilà plus de 30 ans. C'est aussi pourquoi l'extraordinaire exposition de la fondation Mona Bismarck du 10 novembre 2011 au 13 février 2012 n'a fait l'objet que de furtives affichettes et d'entrefilets réservés. Andrew Wyeth y est représenté par 29 œuvres, en sandwich entre une quinzaine de toiles assez mineures de son talentueux père, N.C. Wyeth, et une trentaine de réalisations quelconques (à l'exception du portrait d'Andrew) de son fantasque fils, Jamie Wyeth, peintre des célébrités mondaines, des mouettes et des citrouilles
Le fétichiste y retrouvera également, dans une vitrine, le costume à plumes qu'Andrew porta à Paris le jour de son intronisation à l'Académie des Beaux-Arts en 1976 (son seul voyage hors du nord-est américain, dit-on). 

Admirer autant de merveilles dans une seule pièce à Paris est si exceptionnel qu'on pardonnera à la fondation Mona Bismarck d'enterrer un peu plus Andrew en ne le présentant que comme un des membres d'une dynastie de peintres, renforçant ainsi cette impression factice de couleur locale, de régionalisme. 
Peu importe. Un jour, quand l'écume des vogues actuelles aura été emportée par le temps, quand les époques seront confondues et qu'on ne se rappellera plus très bien dans quel siècle vivait Andrew Wyeth, reviendront ses images obsédantes d'un monde indifférent où les choses ont autant de présence que les êtres, comme dans les tableaux de Vermeer ou de Rembrandt. Andrew Wyeth sera devenu un grand peintre
Le pèlerin qui se rendra alors au minuscule cimetière d'Hathorne Point dans le Maine, déchiffrera peut-être encore, non loin de la tombe de Christina Olson inhumée en janvier 1968, sur l'inscription d'une modeste pierre tombale qui fait face à la maison Olson, le nom et les dates d'Andrew Wyeth (4).
« Quand vous commencez à observer réellement une chose, un simple objet, et si vous réalisez le sens profond de cette chose jusqu'à en ressentir une émotion, c'est sans fin » Andrew Wyeth.
*** 
(1) Exclusivement à la tempera au jaune d'œuf ou à l'aquarelle presque sèche. 
(2) Ce dédain de l'élite n'empêcha pas le succès. Un prix Einstein en 1967, une exceptionnelle rétrospective au Metropolitan Museum de New York en 1976, prix, honneurs et médailles à la pelle, membre élu de nombreuses Académies des Beaux-Arts, un grande exposition à Philadelphie en 2006, avec 175000 visiteurs. Vous trouverez, en anglais, une nécrologie - biographie de 4 pages par le New York Times en janvier 2009, et une étude biographique passionnante de 6 pages par le Smithsonian Magazine en 2006. 
(3) Andrew se considérait comme un peintre presque abstrait. Ces grandes surfaces d'herbe monochrome ou de terre blanche, qui envahissent l'espace du tableau, comme des formes pures à peine ponctuées d'objets ou de personnages placés là comme par hasard, à la limite de l'équilibre, atteignent en effet un certain degré d'abstraction. Vous trouverez ici un florilège de 140 œuvres de Wyeth (principalement), certaines utilisées dans la mosaïque qui illustre cette chronique. les reproductions sont grandes mais de très moyenne qualité. Cliquez sur chaque image pour afficher la suivante.
(4) Andrew n'est pas enterré près de sa famille à Chadds Ford en Pennsylvanie, où il est né et mort. Il a voulu être enseveli ici à Hathorne Point.

dimanche 26 juin 2011

La vie des cimetières (37)

L'abbé Robert, alias Étienne-Gaspard Robertson, fut un homme de spectacle, à Paris vers 1800-1830. Un de ces aventuriers fabuleux et sans scrupules qui combinaient balbutiements de l'électricité et procédés chimiques et optiques dans des attractions illusionnistes appelées alors fantasmagories. Derrière un galimatias philosophico-religieux et sous des prétextes hautement scientifiques, il faisait apparaitre fantômes ambulants, sorcières frénétiques et morts célèbres sur un écran de fumée. Il ressuscitait même, à la demande, les familiers de spectateurs téméraires.
On lira un survol de sa vie d'aérostier sur une page de la Biographie universelle ancienne et moderne, de Michaud en 1842. Son autobiographie «Mémoires récréatifs, scientifiques et anecdotiques d'un physicien-aéronaute» peut encore être dénichée chez quelques antiquaires.




De nos jours il n'y a plus que des spectres de pierre autour de son tombeau, avenue Casimir Périer au cimetière du Père-Lachaise, et quelques touristes intrigués par ce grandiose mausolée historié sur lequel est gravé le nom d'un inconnu.

mardi 17 mai 2011

Caffi, biographie

Caffi Ippolito, védutiste tardif.

16 octobre 1809, Belluno, nord-est de l'Italie,
20 juillet 1866, près de Lissa (Vis) en Croatie.

Un tableau d'Ippolito Caffi est toujours une surprise. Comme pour Hubert Robert dans les musées français, on ne visite pas un musée italien pour voir un Caffi. On ne sait même pas qu'il y en a un. On le découvre au bout d'un couloir, dans une pièce silencieuse, entouré de paysages italiens un peu sombres. C'est un petit panorama urbain peint avec précision et de délicates lumières vivement colorées, comme avec de la gouache. Une ville qu'on croit reconnaitre, avec des ruines, des monuments et des petites silhouettes humaines. Un Canaletto en miniature.

En haut et en bas, Venise, au centre Constantinople et Rome. Tous sont dans des collections privées, sauf Constantinople (à Brescia) et la fête nocturne en bas à gauche (au musée de Belluno).

Caffi aura trop aimé Venise. Sous la neige, les hautes eaux, le brouillard, les feux d'artifices, il l'a représentée mille fois.

Il y étudiera 4 ans, avant de partir pour Rome en 1832 où il rencontrera Corot, et le succès. Il voyagera beaucoup, en Europe et au Moyen-Orient (1843), mais reviendra à Venise en 1847 pour soutenir l'insurrection de la ville, menée par Daniele Manin, contre l'occupant (la Vénétie était alors province autrichienne, cédée par Bonaparte en 1797).
Prisonnier quelques mois, évadé, victorieux pendant la courte période de la république de Saint-Marc, propagandiste exilé quand l'Autriche reprendra Venise en 1848, acquitté en 1859, on le retrouvera dans la lutte pour la libération et l'unification de l'Italie, prisonnier politique, puis illustrateur de l'armée de Garibaldi à Naples en 1860, enfin à nouveau vénitien sous surveillance policière en 1862.

1848, Pie 9 bénit, place du Quirinal à Rome (musée de Trévise).

En 1866, Venise (comme Rome) ne fait pas encore partie du Royaume d'Italie. Les alliés prussiens sont sur le point d'y déloger les autrichiens. Alors les italiens fraichement unifiés, en surnombre et mieux armés, penseront s'assurer un avantage diplomatique par une bataille navale facile en chassant les autrichiens de l'ile de Lissa (aujourd'hui Vis) sur les côtes de la Dalmatie. Ippolito Caffi embarquera sur le Re d'Italia, puissante frégate cuirassée. Mais les forces italiennes sont mal organisées, c'est un fiasco. Vers midi, le Re d'Italia est éperonné par le Ferdinand Max et coule en quelques minutes.

Caffi ne verra jamais Venise dans le Royaume d'Italie. Il demeure peut-être parmi les petites silhouettes humaines qui se noient, peintes avec précision par Carl Frederik Sorensen, sur le tableau de la bataille de Lissa, exposé dans le musée d'histoire militaire de Vienne, en Autriche.


dimanche 13 juin 2010

79 avenue du docteur Goût

Une rue de Carcassonne porte son nom, près des rues Renoir, Toulouse-Lautrec, Cézanne. Les 3000 pages et 6 volumes du Dictionnaire Universel de la peinture (Robert, 1975) ne le citent pas, même parmi les peintres post-impressionnistes, pointillistes ou divisionnistes. Le musée d'Orsay qui possède quatre toiles de lui, n'en expose aucune et ne les reproduit pas sur son site, mais précise dans sa notice n°16296 que c'était un homme, français, né en 1861 et mort en 1944 dans l'Aude, et peintre. C'est tout.

Achille Laugé, petit bouquet de fleurs et vase, 1892. Histoire d'aider un peu plus la reconnaissance du peintre, les photographies de l'exposition n'étaient pas autorisées. Il est donc possible que des ayant-droits réclament un jour le retrait de cette illustration.Il faut admettre qu'Achille Laugé a mis beaucoup de soin à se faire oublier, déjà de son vivant. Il ne peignait que des sujets peu spectaculaires, des motifs ressassés, des portraits austères et des perspectives de prunus en fleurs. Pas une fois il n'a succombé au ridicule de représenter les grandes idées, comme l'ont fait ses amis célèbres pour obtenir des commandes officielles. Sa vie entière fut retirée dans un bourg du sud-ouest de la France. Seuls deux ou trois amis fidèles et influents l'aidèrent de quelques commandes, par exemple des cartons de tapisseries pour la manufacture des Gobelins.
Son style, son obstination, était de géométriser, simplifier les formes ainsi que les couleurs qui en deviennent souvent étranges, atones, théoriques, dominées par des roses fades et lie-de-vin. Les tableaux d'Achille Laugé sont des surfaces décoratives que les lois de la nature effleurent à peine. Ses paysages de printemps ont le dépouillement et la raideur glaciale de l'hiver.

Le musée de la chartreuse de Douai dans son assistance à la résurrection des peintres post-impressionnistes vient de clore une magistrale rétrospective (1) consacrée à Laugé, à la hauteur des expositions passées sur Le Sidaner et Henri Martin.

La rue Achille Laugé à Carcassonne (Copyright Google Street View)Cette histoire démontre qu'avec beaucoup de rigueur et de ténacité, on finit par être récompensé et par obtenir, de manière posthume, une rue à son nom dans une ville de province d'importance relative, dans un quartier parsemé d'habitations à loyer modéré. La rue Achille Laugé débute au croisement du 79 avenue du docteur Goût.

***
(1) Goûtez ce reportage digestif de France3, nappé de harpe et de flûte, pour promouvoir le passage de l'exposition à Carcassonne et à Limoux (patientez pour son chargement).

lundi 23 novembre 2009

1210 romans en 3 lignes, épisode 1

À la fin du 19ème siècle, un étrange individu portant barbiche effilée, non-conformiste, esthète, un peu mystificateur, hantait les rédactions des revues à l'avant-garde, artistique, littéraire, politique. Auteur généralement anonyme de milliers d'articles, notices, reportages, critiques d'art, on dit que son goût était infaillible. Il suffit de lire les noms qui contribuèrent à la Revue Blanche, dont il fut rédacteur en chef de 1896 à 1903. Des peintres maintenant renommés firent son portrait, Paul Signac, Félix Vallotton. Il s'appelait Félix Fénéon (1).

Rédiger était son obsession. Sa marotte était la phrase, quel qu'ait été le sujet. Il avait débuté comme rédacteur au ministère de la Guerre, de 1881 à 1894, date à laquelle ses amitiés libertaires lui valurent d'être inculpé comme terroriste au Procès des Trente, répression contre le mouvement anarchiste. Acquitté, il poursuivra ses rédactions pour les revues, les grands journaux de l'époque, le Figaro en 1903, et enfin le Matin, en 1906, dans une mémorable contribution de quelques mois à la rubrique des «nouvelles en trois lignes».

Depuis octobre 1905, les nouvelles en trois lignes concentraient, dans une colonne de la page 3 du Matin, les évènements dont on ne pouvait dire que quelques mots, quelques phrases brèves et sans âme, les faits divers. Pendant six mois, Félix Fénéon leur injecta un style précis, chirurgical et cynique, minutieusement ponctué. Il filtrait certainement les sujets pour ne retenir que ce qui le touchait. Ainsi, parmi 1210 nouvelles recensées par P. et R. Wald Lasowski aux éditions Macula en 1990, reviennent avec régularité les découvertes d'engins incongrus pris pour des machines infernales anarchistes, les kilomètres de câble téléphonique dérobés par des ombres insaisissables, les élus récalcitrants à retirer des lieux publics les représentations du dieu crucifié (c'était le lendemain de la séparation de l'église et de l'État).
83. Muni d'une queue de rat
et illusoirement chargé de grès fin,
un cylindre de fer blanc a été trouvé rue de l'Ouest.


1160. X s'était coiffé d'une casquette administrative.
Il put à loisir couper 2.900 mètres de câble téléphonique
sur la route nationale 19.


840. À toute force, le comte de Malartic
voulait suspendre Dieu dans l'école d'Yville (S.-L.).
Maire, on l'a suspendu lui-même.

Mais ce qui émerge dans cette houle des faits divers, ce sont surtout les morts, accidentés par les tramways, les autobus, les trains, ou suicidés, comme dans cette célèbre nouvelle, numérotée 780 aux éditions Macula (et qui contient peut-être une coquille avec la répétition du mot Septeuil).
780. Mme Fournier, M. Vouin, M. Septeuil,
de Sucy, Tripeval, Septeuil,
se sont pendus : neurasthénie, cancer, chômage.

Et Fénéon leur imprime une logique si impitoyable, qu'on croit lire à chaque fois le roman d'une vie. Car après tout que reste-t-il d'une génération ? Quelques rares évènements, qui persisteront un temps dans les esprits et les livres d'histoire, et des milliers d'êtres humains, qui auront vécu sans se faire remarquer, puis auront été écrasés par un train.
316. Comme son train stoppait,
Mme Parlucy, de Nanterre, ouvrit, se pencha.
Passa un express qui brisa la tête et la portière.


592. Monsieur Jules Kerzerho présidait une société
de gymnastique, et pourtant il s'est fait écraser
en sautant dans un tramway, à Rueil.


1021. Le 515 a écrasé, au passage
à niveau de Monthéard (Sarthe), Mme Dutertre.
Accident, croit-on, bien qu'elle fût très misérable.

Aux antipodes des courts poèmes japonais (2) qui évoquent une impression, le sentiment d'un instant, la nouvelle en trois lignes résume une vie, et souvent la clôt.
623. C'est au cochonnet que l'apoplexie
a terrassé M. André, 75 ans, de Levallois.
Sa boule roulait encore qu'il n'était déjà plus.
Félix Fénéon est mort le jour bissextil de 1944. On aimerait retrouver quelquefois sa signature, même au bas d'une notice de médicament, ou du mode d'emploi d'un four à micro-ondes, qui sont la littérature contemporaine. Dans quelques jours, Ce Glob Est Plat présentera, soigneusement classé, un florilège de ses plus beaux romans en trois lignes.

***
(1) La courte biographie que lui consacre Paul-Henri Bourrelier est limpide et exemplaire. Et le docteur Orlof parle de Fénéon avec admiration.
(2) Les tanka faisaient cinq vers, les hokku (haiku ou haikai), trois.

samedi 27 juin 2009

M. Lewis parmi les ombres

Martin Lewis, graveur, illustrateur, peintre.

1881, Castelmaine, Victoria, Australie
1962, New York city, États-unis.

M. Lewis, Late traveler 1949 (pointe sèche, 31x42cm)Quelques repères : bohème, il émigre aux États-unis en 1900, à New York en 1909. Il fait un séjour en Angleterre en 1910, où il rencontre Whistler et Seymour Haden. En 1915, il grave ses premières œuvres personnelles et enseigne la gravure à Edward Hopper. Il fait un long voyage au Japon en 1920. Ses vues du Japon et ses nocturnes de New York se vendent assez bien entre 1925 et 1935. Puis il est vite oublié. Le catalogue de ses gravures comprend 148 numéros.

Que dire du style de Lewis ? Il suffit de regarder. Son sens incomparable de la composition, ses effets de lumière si variés et nuancés, et ces ombres qui s'infiltrent partout.

M. Lewis, Tree Manhattan 1930 (pointe sèche, 41x33cm), détail.Lewis est sans doute un des plus grands graveurs, et un des plus méconnus (1). De son vivant déjà, il avait rejoint les silhouettes anonymes qu'il dessinait parmi les ombres. Un blogueur nostalgique l'en sort parfois, momentanément, quand il le redécouvre dans quelque site américain, eldorado des dénicheurs (2).


(1) Le site de l'Art Students League de New York où il a été professeur de 1944 à 1951 ne le cite même pas dans les nombreux artistes dénombrés dans son historique.

(2) Le site du Detroit Institute of Arts propose près de 200 reproductions qui peuvent toutes être détaillées au moyen d'un zoom, et le site du Smithonian American Art Museum présente 20 des plus belles gravures de Lewis en splendides reproductions de grand format.

Mise à jour le 22.07.2023 : Évidemment, après 14 années, on peut se douter que les liens vers les reproductions ne fonctionnent plus. L'outil de recherche du musée de Detroit étant déficient, cherchez exactement le texte "Martin Lewis, American, 1881-1962" (avec les guillemets) à cette adresse, et commencez la visite par les dernières pages trouvées.

Montage d'ombres et de silhouettes extraites de gravures de Martin Lewis

lundi 1 juin 2009

Henri Martin, peintre (1860-1943)

Henri Martin : La Bastide-du-vert et Marquayrol (musée de Cahors Henri-Martin)On reconnait communément deux grandes spécialités au peintre Edgar Degas : les représentations aux pastels de jeunes filles en tutu et les jugements acerbes sur ses confrères peintres. Henri Martin n'y a pas échappé. Degas le qualifiait, pour résumer, d'impressionniste pour sous-préfectures.
Ça n'est pas faux. Honoré par les grandes institutions de la nation, médaillé, couvert de prix, Henri Martin a tapissé durant près de 60 ans des hectares de murs de mairies et de bâtiments publics avec d'immenses et édifiantes peintures murales, à la manière néo-impressionniste.

Henri Martin : La Bastide-du-vert et Marquayrol (détail)Il a été affecté par toutes les maladies en «...isme» de son temps, du romantisme à l'académisme, ponctuées de fortes poussées d'infantilisme (symbolisme, spiritualisme, mysticisme rose-croix et autres philosophies pour boyscouts).
Alors naturellement, vers la fin des années 1880, comme nombre d'autres peintres de l'époque (Gauguin, Van Gogh, Segantini...), il attrapait le virus du divisionnisme (ou pointillisme), propagé par Seurat et Signac. Et il n'en guérit jamais. Pendant plus de 50 ans, toutes ses œuvres, des grandes machines officielles aux croquis les plus intimes, seront faites de taches colorées juxtaposées.
On comprend pourquoi Degas lui en voulait. Il avait transformé en un style compassé, théâtral, presque académique, une manière de peindre qui était née de la liberté et du refus des conventions et des compromissions. Et trahison ultime, il en vivait royalement. Au point qu'il acheta en 1900 une maison dans le Lot, près de Cahors (suivie de deux autres à Saint Cirq-Lapopie et Collioure), où il se retira presque de toute vie mondaine pour peindre des séries de paysages colorés, calmes et confortables, pendant encore 40 ans.

Henri Martin : La maison du sabotierHenri Martin : Le bassin de Marquayrol









Ce sont ces paysages sereins, modestes et silencieux qui font la part la plus belle de l'exposition consacrée à Henri Martin, actuellement à Douai, pour trois semaines encore. Allez-y sans hésiter, il y a toujours des places de parking disponibles au musée de la Chartreuse.

dimanche 19 avril 2009

Grimshaw, biographie

Atkinson Grimshaw, peintre crépusculaire autodidacte.
6 septembre 1836, Leeds, Yorkshire, Angleterre,
31 octobre 1893, Leeds.

On sait peu de sa vie. Il n'a laissé ni journal ni correspondance, a peu exposé ses tableaux en public et les a vendus à la bourgeoisie anglaise. Rares sont ses œuvres accessibles de nos jours, et quand elles le sont, c'est dans quelques rares musées anglais (notamment Leeds).

Knostrop Hall au clair de lune, vu de la rivière Aire. Un modèle de la manière de Grimshaw.Hormis quelques paysages méticuleux à la manière préraphaélite, quelques portraits de femmes dans le style de Tissot et quelques féeries médiévales, l'essentiel de son œuvre est fait de paysages nocturnes où des lumières fantomatiques se noient dans les brumes de banlieues, de villes, ou de ports anglais. Pour réaliser ces effets qui étaient sa marque de fabrique (imités et contrefaits de son vivant même), il expérimentait des préparations à base de sable, qui permet de fins dégradés.


En 1870, grâce au succès de ses paysages de faubourgs fortunés au clair de lune, Grimshaw put louer Knostrop Old Hall, un vieux manoir de pierres construit à Leeds au 17ème siècle, et y installer sa famille et son atelier. Au cours des vingt années qui suivirent, il représentera Knostrop Hall de nombreuses fois, plus ou moins fidèlement, souvent sous les feuilles, en automne, à la tombée ou au lever du jour.

Grimshaw, 4 vues de Knostrop Hall à l'aube.Grimshaw habitera d'autres lieux mais restera fidèle à Knostrop Hall. Ses biographies disent qu'atteint d'un cancer, il y retournera en 1893 pour peindre ses derniers tableaux, une série de paysages de neige.

Knostrop Hall, photo vers 1910. Copyright Leeds Library & Information Services, http://www.leodis.net/Knostrop Hall a été rasé au début des années 1960.

«Le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années.»
Marcel Proust, Du côté de chez Swann.

jeudi 8 mars 2007

Frère, biographie

Théodore Frère, peintre de paysages d'orient.

24 juin 1814, Paris, France,
24 mars 1888, ...

De son vivant, Théodore Frère était estimé et honoré, en France, et en Égypte où on lui décerna le titre de "Bey" et où il participa au cortège officiel de l'inauguration du canal de Suez en 1869.
De nos jours, s'il ne fait plus partie du panthéon des grands peintres honorés par les institutions ou par les éditions d'art , il est resté très apprécié des amateurs et le moyen le plus sûr de voir ses œuvres est de fréquenter les salles de ventes qui en ont vu passer 400 pendant les 20 dernières années.
Son frère Édouard, cadet de 2 ans, peintre à succès également, représentait des scènes de la vie du peuple, édifiantes et sentimentales, dignes du calendrier des postes.

Théodore ne s'intéressait qu'au paysage.

Après 1830, afin de populariser sa politique de conquêtes, le gouvernement français incitait et aidait les artistes à partir pour l'Algérie. C'était le début de l'orientalisme.
Théodore passera sa vie à voyager en Afrique du nord, au moyen-orient et à peindre des paysages désertiques. Sans se soucier d'histoire ou d'anecdotes. Ses personnages sont des silhouettes anonymes passant dans des décors abstraits, sans détails, presque vides. Le seul être vivant semble y être le soleil.
Ses tableaux illustrent ce que disait Vialatte du désert "c'est l'éternité, le pur espace des géomètres".

On ne trouve pas de monographie, ni de catalogue d'exposition sur Théodore Frère.

samedi 17 février 2007

Bradford, biographie

William Bradford, peintre autodidacte, photographe et quaker.

30 avril 1823, Fairhaven, Massachusetts, États unis,
25 avril 1892, New York, États unis.

Il peignit presque exclusivement des bateaux et des paysages marins très colorés des côtes du Labrador et de l'arctique. Reconnu et honoré aux États unis et en Angleterre, il est tombé dans l'oubli dès la fin de sa vie. Aucune de ses œuvres ne figurait à l'exposition des 110 « chefs d'œuvre de la peinture américaine 1760-1910 », au Grand palais en 1984. Quasiment tous ses tableaux sont aux États unis.