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dimanche 13 juin 2010

79 avenue du docteur Goût

Une rue de Carcassonne porte son nom, près des rues Renoir, Toulouse-Lautrec, Cézanne. Les 3000 pages et 6 volumes du Dictionnaire Universel de la peinture (Robert, 1975) ne le citent pas, même parmi les peintres post-impressionnistes, pointillistes ou divisionnistes. Le musée d'Orsay qui possède quatre toiles de lui, n'en expose aucune et ne les reproduit pas sur son site, mais précise dans sa notice n°16296 que c'était un homme, français, né en 1861 et mort en 1944 dans l'Aude, et peintre. C'est tout.

Achille Laugé, petit bouquet de fleurs et vase, 1892. Histoire d'aider un peu plus la reconnaissance du peintre, les photographies de l'exposition n'étaient pas autorisées. Il est donc possible que des ayant-droits réclament un jour le retrait de cette illustration.Il faut admettre qu'Achille Laugé a mis beaucoup de soin à se faire oublier, déjà de son vivant. Il ne peignait que des sujets peu spectaculaires, des motifs ressassés, des portraits austères et des perspectives de prunus en fleurs. Pas une fois il n'a succombé au ridicule de représenter les grandes idées, comme l'ont fait ses amis célèbres pour obtenir des commandes officielles. Sa vie entière fut retirée dans un bourg du sud-ouest de la France. Seuls deux ou trois amis fidèles et influents l'aidèrent de quelques commandes, par exemple des cartons de tapisseries pour la manufacture des Gobelins.
Son style, son obstination, était de géométriser, simplifier les formes ainsi que les couleurs qui en deviennent souvent étranges, atones, théoriques, dominées par des roses fades et lie-de-vin. Les tableaux d'Achille Laugé sont des surfaces décoratives que les lois de la nature effleurent à peine. Ses paysages de printemps ont le dépouillement et la raideur glaciale de l'hiver.

Le musée de la chartreuse de Douai dans son assistance à la résurrection des peintres post-impressionnistes vient de clore une magistrale rétrospective (1) consacrée à Laugé, à la hauteur des expositions passées sur Le Sidaner et Henri Martin.

La rue Achille Laugé à Carcassonne (Copyright Google Street View)Cette histoire démontre qu'avec beaucoup de rigueur et de ténacité, on finit par être récompensé et par obtenir, de manière posthume, une rue à son nom dans une ville de province d'importance relative, dans un quartier parsemé d'habitations à loyer modéré. La rue Achille Laugé débute au croisement du 79 avenue du docteur Goût.

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(1) Goûtez ce reportage digestif de France3, nappé de harpe et de flûte, pour promouvoir le passage de l'exposition à Carcassonne et à Limoux (patientez pour son chargement).

lundi 1 juin 2009

Henri Martin, peintre (1860-1943)

Henri Martin : La Bastide-du-vert et Marquayrol (musée de Cahors Henri-Martin)On reconnait communément deux grandes spécialités au peintre Edgar Degas : les représentations aux pastels de jeunes filles en tutu et les jugements acerbes sur ses confrères peintres. Henri Martin n'y a pas échappé. Degas le qualifiait, pour résumer, d'impressionniste pour sous-préfectures.
Ça n'est pas faux. Honoré par les grandes institutions de la nation, médaillé, couvert de prix, Henri Martin a tapissé durant près de 60 ans des hectares de murs de mairies et de bâtiments publics avec d'immenses et édifiantes peintures murales, à la manière néo-impressionniste.

Henri Martin : La Bastide-du-vert et Marquayrol (détail)Il a été affecté par toutes les maladies en «...isme» de son temps, du romantisme à l'académisme, ponctuées de fortes poussées d'infantilisme (symbolisme, spiritualisme, mysticisme rose-croix et autres philosophies pour boyscouts).
Alors naturellement, vers la fin des années 1880, comme nombre d'autres peintres de l'époque (Gauguin, Van Gogh, Segantini...), il attrapait le virus du divisionnisme (ou pointillisme), propagé par Seurat et Signac. Et il n'en guérit jamais. Pendant plus de 50 ans, toutes ses œuvres, des grandes machines officielles aux croquis les plus intimes, seront faites de taches colorées juxtaposées.
On comprend pourquoi Degas lui en voulait. Il avait transformé en un style compassé, théâtral, presque académique, une manière de peindre qui était née de la liberté et du refus des conventions et des compromissions. Et trahison ultime, il en vivait royalement. Au point qu'il acheta en 1900 une maison dans le Lot, près de Cahors (suivie de deux autres à Saint Cirq-Lapopie et Collioure), où il se retira presque de toute vie mondaine pour peindre des séries de paysages colorés, calmes et confortables, pendant encore 40 ans.

Henri Martin : La maison du sabotierHenri Martin : Le bassin de Marquayrol









Ce sont ces paysages sereins, modestes et silencieux qui font la part la plus belle de l'exposition consacrée à Henri Martin, actuellement à Douai, pour trois semaines encore. Allez-y sans hésiter, il y a toujours des places de parking disponibles au musée de la Chartreuse.