Une rue de Carcassonne porte son nom, près des rues Renoir, Toulouse-Lautrec, Cézanne. Les 3000 pages et 6 volumes du Dictionnaire Universel de la peinture
(Robert, 1975) ne le citent pas, même parmi les peintres post-impressionnistes, pointillistes ou divisionnistes. Le musée d'Orsay qui possède quatre toiles de lui, n'en expose aucune et
ne les reproduit pas sur son site, mais précise dans sa notice n°16296 que c'était un homme, français, né en 1861 et mort en 1944 dans l'Aude, et peintre.
C'est tout.

Il faut admettre qu'
Achille Laugé a mis beaucoup de soin à se faire oublier, déjà de son vivant. Il ne peignait que des
sujets peu spectaculaires, des motifs ressassés, des portraits austères et des perspectives de
prunus en fleurs. Pas une fois il n'a succombé au ridicule de représenter les grandes idées, comme l'ont fait ses
amis célèbres pour obtenir des commandes officielles. Sa vie entière fut retirée dans un bourg du sud-ouest de la France. Seuls deux ou trois amis fidèles et influents l'aidèrent de quelques commandes, par exemple des cartons de tapisseries pour la manufacture des Gobelins.
Son style, son obstination, était de géométriser, simplifier les formes ainsi que les couleurs qui en deviennent souvent étranges, atones, théoriques, dominées par des roses fades et lie-de-vin. Les tableaux d'Achille Laugé sont des surfaces décoratives que les lois de la nature effleurent à peine. Ses
paysages de printemps ont le dépouillement et la raideur glaciale de l'hiver.
Le musée de la chartreuse de Douai dans son assistance à la résurrection des peintres post-impressionnistes vient de clore une magistrale
rétrospective (1) consacrée à Laugé, à la hauteur des expositions passées sur Le Sidaner et Henri Martin.

Cette histoire démontre qu'avec beaucoup de rigueur et de ténacité, on finit par être récompensé et par obtenir, de manière posthume, une rue à son nom dans une ville de province d'importance relative, dans un quartier parsemé d'habitations à loyer modéré. La rue Achille Laugé débute au croisement du 79 avenue du docteur Goût.
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(1) Goûtez ce reportage digestif de France3, nappé de harpe et de flûte, pour promouvoir le passage de l'exposition à Carcassonne et à Limoux (patientez pour son chargement).