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samedi 10 août 2024

Orsay, un espoir ?

Détails de 4 tableaux du musée d’Orsay reproduits en haute définition sur le site "Google Arts & Culture" : 
Ingres, La source (lien sur le site d’Orsay, sur Arts&Culture)
Degas, Répétition de ballet (lien sur le site d’Orsay, sur Arts&Culture)
Monet, Coin d’appartement (lien sur le site d’Orsay, sur Arts&Culture)
Vuillard, Comtesse de Polignac (lien sur le site d’Orsay, sur Arts&Culture)

On devra s’y habituer, les musées français, comme les italiens, ne nous dévoileront jamais leurs collections et leurs réserves avec des reproductions de haute qualité, gratuites et d’une définition suffisante pour en explorer les détails et la matière. Les grands musées anglais, américains, hollandais, nordiques, le font, pour certains depuis 20 ans.
On en a déjà parlé ici-même, c'est comme si une ligne séparait sur le globe les pays qui partagent leurs biens culturels avec générosité (jusqu’à rendre souvent gratuite l’entrée de leurs musées) et ceux qui les cachent jalousement. Des penseurs appointés l’expliqueront par l’influence de la réforme protestante, des philosophies utilitaristes, du libéralisme juridique qui en a découlé. Admettons. Le résultat est que les images et les idées anglo-saxonnes ont envahi les médias, les télévisions et tous les téléphones de la planète, pour le pire comme pour le meilleur, sans que les principes juridiques et l’esprit des institutions n’aient suivi. 

Et les grands musées français se situent du mauvais côté de cette ligne.
Rappelons qu’ils n’exposent au public qu’un centième, voire un millième de ce qu’ils détiennent (le Louvre conserve 250 000 dessins et n’en expose qu’une poignée par an), et que seule une fraction réduite et privilégiée du public a réellement accès à cette portion insignifiante de ces collections, qui appartiennent pourtant à tous. 
Hélas, si on se rappelle cette absurde polémique en 2021, quand un musée français décidait, pour être compris par un plus grand nombre, d’écrire les numéros des siècles ou des monarques en chiffres arabes sur ses cartels, en remplacement des absurdes chiffres romains, causant de virulentes critiques des médias notamment italiens le forçant à se justifier voire à renoncer, on réalise que le partage des biens culturels n’est pas près d’évoluer de ce côté de la ligne. 

Fidèle donc à ces principes arriérés et mercantiles, le musée d’Orsay, gardien des choses créées strictement entre 1848 et 1914, qui avait déjà interdit toute photographie dans son enceinte, nous inflige encore aujourd'hui, sur son site si poussif, des photos tellement médiocres des collections publiques que leur téléchargement, pourtant récemment autorisé, ne tentera jamais personne.  

Conscient peut-être de cette indigence, mais surtout sous la pression (probablement rémunérée) de Google et son impérialisme culturel, le musée a prodigalement accordé que le maitre d’internet publie 157 peintures de ses collections sur le site "Google Arts & Culture". Les reproductions sont d’une bonne qualité, pas toujours exceptionnelle, mais incomparables à celles du site du musée d’Orsay dont le catalogue se garde bien de signaler les œuvres qui sont reproduites sur Arts & Culture. Elles y sont évidemment protégées contre tout téléchargement (petit cadeau au fidèle lectorat, les 4 tableaux en haute définition ayant fourni les détails de notre illustration sont copiables ici).

Ce billet s’achèvera donc sur une note d’espoir : sur 5137 tableaux conservés par le musée d’Orsay en 2022 (sans parler des 48 000 photos, des dessins, pastels, sculptures…), 3% sont déjà reproduits et diffusés en haute qualité, pas sur le site du musée mais quelque part en ligne. Quand on sait que la photo numérique et internet n’existent que depuis 34 ans, à peine, ça fait réfléchir.

dimanche 26 juin 2022

De l’utilité de la couleur

Sur le drapeau français, y'a que le bleu qui se boit pas.
(Le grand café des brèves de comptoir 2014, JM. Gourio)

La perception de la couleur est une invention extraordinaire de la nature, elle permet à l’être vivant le plus primitif doté d’un minimum de mémoire de distinguer d’un coup d’œil le mal du bien, l’interdit du permis.

Aujourd’hui les couleurs jaune et bleu sont en vogue dans le monde politique et culturel parce qu’elles ont été agressées et envahies par le blanc, le bleu et le rouge. Attention à ne pas confondre le blanc, le bleu et le rouge avec le bleu, le blanc et le rouge. Ces dernières sont les couleurs d’un peuple pacifique mené par un autocrate crapuleux mais gentil à la télévision, alors que les premières sont d’un peuple docile dirigé par un autocrate psychopathe et méchant. Ça n’a rien à voir.

La National gallery, le grand musée londonien, révoltée par cette injustice, a recherché dans ses immenses collections tout ce qui aurait pu être étiqueté "russe" par facilité, mais qu’une analyse plus approfondie pourrait restituer à l’Ukraine.
Opportunément, elle conserve dans ses réserves un pastel d’Edgar Degas de 1899, qui figure des danseuses folkloriques russes, et sur les costumes desquelles avaient été remarqués depuis bien longtemps - déclare-t-elle - des petits rubans jaunes et d’une sorte de bleu, tressés en guirlandes.
Elles seront donc désormais appelées "danseuses ukrainiennes" dans le catalogue du musée (on les trouve néanmoins encore en cherchant "russian dancers"). Trop fragile, l'œuvre est rarement exposée.


Dans un conflit armé, il ne faut pas abuser des couleurs. Ici, dans un détail de la bataille de San Romano par Paolo Uccello, également à la National gallery de Londres, on ne parvient pas à distinguer qui est l’ennemi de qui, et on sent les combattants complètement désorientés et l’issue de la bataille incertaine.

Le catalogue de Degas en ligne dénombre 11 autres pastels* de cette série, dessinés par le peintre entre 1895 et 1905, et représentant des danseuses folkloriques**. On y voit des costumes nettement blanc, bleu et rouge dans une version du musée de Houston et dans une collection privée. Ce dernier est agrémenté de guirlandes jaune et bleu.

   * Dans le dialogue, saisir "russe" dans la rubrique "par nom de l’œuvre".
   ** L’Ukraine était alors une province dans les empires russe et autrichien.

Costumes ukrainiens ou non, l’histoire de l’art est accueillante, elle n’a jamais été regardante sur ces petits arrangements. À chaque jour sa vérité.
C’est un geste délicat de la part du musée londonien, même s’il ne changera rien au destin du peuple ukrainien, indifféremment exploité, pillé, affamé, déporté, pollué, irradié et massacré, depuis plusieurs siècles

mercredi 8 juillet 2020

Il n’y a pas d’H à Ermitage (3 de 3)



Posologie : cette chronique contient presque autant de liens externes que de mots. Elle est par conséquent à manipuler avec précaution, voire à ingurgiter en plusieurs séances séparées par des périodes de repos d'une durée appropriée. Vous êtes avertis.

Les épisodes précédents ont montré que la visite virtuelle du musée de l’Ermitage à Saint-pétersbourg était une promenade plaisante, mais que la fonctionnalité était trop fantasque, voire aléatoire, pour une découverte instructive des collections.
Pour cela le site propose un catalogue, complet (antiquités, peinture, sculpture, gravure, dessin, mobilier, horlogerie, armurerie, numismatique, orfèvrerie, fiacres…) et efficace.
La recherche se fait en anglais (или по русски), elle privilégie la saisie multimot, les mots recherchés sont complétés en cours de saisie, les caractères jokers simple (?) ou multiple (*) sont autorisés (exemple : RU?SDAEL).  
Les images sont généralement de dimension et de qualité correctes (2000 pixels) et libres.

Le musée est si riche qu’il donne l’impression d’héberger peu de chefs-d’œuvre. C’est sans doute vrai relativement, mais il recèle une profusion de curiosités dont voici une liste évocatrice, incomplète et désordonnée, mais avec tous les liens (qui ne vivront peut-être plus si vous lisez cette chronique dans quelques années).

Plus de 50 Hubert Robert, beaucoup non exposés, 26 paysages du nord de Rockwell Kent, non exposés, des Rembrandt comme s’il en pleuvait, des David Teniers en pagaille, une vingtaine de paysages de Claude-Joseph Vernet, une dizaine de Bellotto, des Van Dyck à ne plus savoir où les mettre.

Huit Boilly dont la splendide scène de billard, deux nocturnes de Wright of Derby, des Degas exceptionnels, trois Willem Duyster aux mises en scène toujours aussi curieuses, plusieurs intérieurs d’église de Granet, comme d’habitude, dont un avec un chat inattendu, de splendides Alessandro Magnasco.

Une série de bluettes anecdotiques où François Flameng, vers 1900, imaginait Napoléon lutinant dans le parc de Malmaison ou pouponnant sur la terrasse de Saint-Cloud, des contes lestes de La Fontaine illustrés par Subleyras (non exposés), un tableau heureusement rarissime de l’actrice Sarah Bernhardt, et le célèbre et édifiant tableau de Jean-Paul Laurens qui figure l’empereur Maximilien du Mexique, juste avant d’être exécuté, promettant au prêtre effondré qu’il lui enverra des nouvelles du ciel.

Sans oublier ce charmant tableautin d'Hans von Marées avec sa gracieuse fontaine dont l’eau coule d’endroits imprévus, un Jacob Vrel agrémenté d'un gros numéro peint en rouge, quelques anonymes remarquables, comme ce saint Jean-Baptiste raccourci dans une architecture infernale, ou cette allégorie sanglante de la Révolution Française fourmillant de détails réjouissants, sans compter un nombre certain de tableaux en très mauvaise condition.

Enfin quelques magnifiques tableaux de peintres rares, Oswald Achenbach, Jan Asselijn, Gerard Ter Borch, Karl Buchholz, Jakob Hackert, Louis Tocqué, et la découverte d’un peintre remarquable, August Matthias Hagen, russe de la Baltique, certainement marqué par Friedrich, et dont l’Ermitage possède trois beaux paysages qu’il n’expose pas.



Et pour finir le plus beau tableau du musée, de 1699, cette merveilleuse femme au voile, sans doute le plus beau de Jean-Baptiste Santerre, portraitiste inégal universellement méconnu.

Avec vos propres critères de recherche, vous trouverez évidemment des dizaines d’autres merveilles dans ce catalogue.
Mais vous y ressentirez peut-être aussi un vague ennui, un sentiment de déjà vu, comme d’un voyage qui finalement ne vous aura pas divertis. C’est que l’Ermitage est un musée européen, fait à l’image des grands musées de l’Europe, pour leur ressembler et les dépasser, avec les mêmes artistes, et fait pour attirer sans les dépayser les 3 à 4 millions annuels de touristes européens d’aujourd’hui.

Il suffirait de sortir de l’Ermitage par la perspective Nevsky, de suivre les quais de la Moyka sur quelques centaines de mètres, de contourner la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-sang-versé, énorme pâtisserie bourrée de crème et de fruits confits, puis de traverser le jardin où Pouchkine tend un bras de bronze couvert de pigeons et indique un grand bâtiment triste et ocre clair à l’architecture néo-classique. C’est le Musée Russe.
Là, vous seriez dans un autre monde. Celui de l’art russe. Mais le flux pâteux des touristes n’y passe pas, et le musée n’a pas les ressources pour construire un grandiose site virtuel à l’image de son voisin prestigieux.

Mise à jour le 15.07.2020 : Pour information, le musée de la vraie vie vient de rouvrir doucettement après 4 mois de lutte sans merci contre le virus planétaire. Le masque et les gants de caoutchouc sont obligatoires.

Détail des illustrations de la page : en haut August Hagen (bord de mer), au centre Jean-Baptiste Santerre (femme au voile), ci-dessous, Jan Asselijn (rupture d’une digue), Gerard ter Borch (portrait de Catarina van Leuninck), et un montage de 3 détails, de Flameng (Napoléon), Magnasco (bandits dans des ruines) et Oswald Achenbach (Fête nocturne à Naples).



 

lundi 29 juin 2020

Il n’y a pas d’H à Ermitage (2 de 3)


Comme dans ce tableau de Jan Kobell (Ermitage, non exposé), ouvrir une simple porte dans le musée virtuel de l’Ermitage est une expérience troublante qui ne vous mène pas toujours où vous le pensiez.

Exaltés par votre errance dans le palais de l’Ermitage, vous n’avez probablement pas résisté à chercher les artistes que vous aimez, et pour cela à consulter le catalogue des collections en ligne.

Mais les liens du catalogue vers la visite virtuelle ne sont pas fiables. Ils vous entrainent le plus souvent sur de fausses pistes.
Vous voulez voir un tableau dans son contexte, cliquez sur le numéro de la salle (Room), êtes transportés vers un nouveau plan, peu ou pas interactif, qui ne comporte pas toujours la salle demandée, ou qui mène à une page vide, et quand vous trouvez par hasard le bouton « Virtual visit 3D » ou « View in 3D », vous êtes admonestés d’un « Erreur 404 non trouvé ».
Alors vous renoncez et revenez au plan de visite virtuelle.
Mais vous savez, depuis l’épisode précédent, que nombre de salles manquent sur ce plan, notamment les arts du 19ème au 21ème siècle.

Or il existe un moyen d’atteindre ces salles hypothétiques, c’est d’utiliser la visite virtuelle en partant d’une salle que vous estimez proche de votre objectif. Pour cela vous disposez, en plus du plan interactif, de deux outils.
Le zoom, qui permet de lire les numéros de salles apposés près de l’encadrement des portes (mais ils manquent souvent et ne sont pas toujours ordonnés), et 150 raccourcis vers des salles prestigieuses que l’Ermitage a distinguées sur une page spéciale. Évidemment, les salles y sont baptisées mais pas numérotées, histoire de brouiller les pistes, mais c'est de là que vous pourrez accéder à Bonnard, Degas, Monet, Vallotton, et tant d'autres.

Illustrons. Vous bruliez de voir dans quel contexte est présenté le « carré noir sur fond blanc » de Malevitch, un des fondements de l’art moderne, dont l’auteur déclarait, dit la notice « Le carré n’est pas une forme subconsciente. C’est une création de la raison intuitive. […] Le carré est vivant, c’est le premier pas vers la créativité pure ».
Le catalogue le localise salle 443, qui est absente des plans.
En examinant la liste des 150 salles, vous trouvez sur l’onglet 11 des salles dont l’art vous parait moderne, le nom de Malevitch se trouve même sur la vignette de la salle « Dmitry A. Prigov ».
Vous êtes près du but. Vous cliquez sur la vignette…, puis sur le bouton « View in 3D »…

Sur place vous inspectez les salles avoisinantes. Pas de numéros de salle. Pas de Malevitch alentour. Mais vous arrivez par hasard dans une salle où vous reconnaissez, sur certains tableaux, un style caractéristique. Le titre de la page le confirme, vous êtes dans la « salle Friedrich ». Vous cherchiez la 443, vous êtes dans la 352, inaccessible autrement.

L'exceptionnelle salle des 8 tableaux de Caspar Friedrich, dont le catalogue des collections dit qu’elle porte le numéro 352, mais qu’on ne peut atteindre qu’en fouinant autour des salles de l’art contemporain, elles-mêmes accessibles un peu au jugé.

D’accord, l’exemple était mal choisi. Qu’à cela ne tienne, la physique la plus moderne prétend que la matière se comporte ainsi dans la réalité, qu’elle peut se trouver n’importe où et dans plusieurs endroits en même temps. Les physiciens appellent ce phénomène la non-localité. Et puis avouez que vous vouliez voir cette riche collection de paysages de Friedrich.

Abordons enfin un sujet gênant. Dans l’épisode précédent nous promettions de résoudre le mystère de l’introuvable salle 308, qui recèle notamment, dit le catalogue, 3 des tableaux les plus fameux de Jean-Léon Gérôme, dont sa plus grande version du nébuleux et pathétique « après le bal ».
Hélas, après des heures d’errantes insomnies, reconnaissons que c’était pure vantardise.
Nous nous excuserons en offrant un abonnement au blog, gratuit et à vie, pour tout indice déposé dans les commentaires.

Nonobstant ces petites déconvenues, maintenant familiers des lieux, vous avez réalisé que la plupart des œuvres (98%) ne sont pas exposées (Not on display), ou sont fréquemment introuvables, mais qu’elles sont bien documentées dans l'excellent catalogue en ligne qui regorge de curiosités et de raretés. Nous le feuillèterons dans le prochain épisode.

Au cours de votre visite de l’Ermitage virtuel, si vous êtes ici, c’est que vous êtes perdus, toujours dans le musée, mais dans une zone étrange qu’il vaudrait mieux éviter. Revenez sur vos pas, retrouvez les salles Picasso en passant par la salle Vlaminck, ou vous resterez à perpétuité dans cet environnement carcéral. 
À défaut reprenez le jeu au début, ou éteignez tout.

samedi 5 octobre 2019

Un bilan des Degas

Quand on manque de génie, un moyen de devenir universellement connu est de publier le catalogue raisonné d’un artiste universellement connu. Cela exige tout de même rigueur et persévérance, mais si vos travaux deviennent une référence, votre nom sera cité dès qu’une œuvre du génie le sera.
On écrira sobrement D818 ou K415, mais à l’oral, votre nom résonnera à l’appel de chaque œuvre, et on dira « divertissement Deutsch 818 » de Schubert, ou « concerto Köchel 415 » de Mozart.

Cela se pratique moins chez les artistes plasticiens. Leurs catalogues sont souvent nombreux et les œuvres sont alors alignées dans de longues tables de concordance entre les différents inventaires.
Le recensement en ligne par Frank Seinstra des tableaux de Rembrandt récapitule 14 catalogues. Mis en ligne en 2007, il est toujours accessible à la même adresse depuis 12 ans, ce qui est miraculeux sur internet.

Michel Schulman s’est attaqué à l’œuvre d’Edgar Degas, dont il n’existait que 3 ou 4 catalogues sérieux, sur papier. Travail considérable qu’il vient de mettre en ligne en accès libre, et qu’il appelle « Le catalogue critique ». C’est impressionnant.
Les avantages de la chose sont nombreux, gratuité, efficacité comme outil de recherche, facilité de mise à jour et moyen commode de faire participer spécialistes et collectionneurs à sa révision.


Edgar Degas, Chapeaux chez la modiste, pastel sur papier H. 67 L. 52 cm. musée d'Orsay, Paris, non exposé.

Et Michel Schulman a bien mérité d’accoler ses initiales devant la numérotation des peintures et pastels de Degas, qu’on mentionnera donc « MS-numéro », au moins dans son propre catalogue, et dans le reste de l’univers si son souhait de devenir une référence se réalise.

Mais il n’explique pas les critères de sa numérotation. Ni chronologique, ni thématique, ni alphabétique, elle est… personnelle. Ainsi, le magnifique Chapeaux chez la modiste du musée d’Orsay (illustration) auquel Lemoisne - La référence, jusqu’à présent - donnait en 1946 le numéro 683, et qui se retrouvait en 1970 dans le catalogue de Minervino (classé par thèmes) sous le numéro 585, porte ici le MS-560. Mais un numéro est-il utile ?

Quant au support du catalogue, les œuvres de Degas, c’est un plaisir de les survoler avec cette aisance, par thèmes, par noms, par dates, et de constater - ce qui a été écrit à maintes reprises - que très peu sont achevées.
Il ne faut pas confondre l’inachevé avec le sous-entendu, l’allusif, l’épure, qui est le comble de l’achevé, ce qu'il reste quand tout l’inutile a été enlevé.
Il y a l’inachevé de l’artiste négligent qui laisse volontairement des lacunes par fainéantise, manque d’intérêt ou arrogance, et l’inachevé qu’il n’aurait pas imaginé exposer mais que la curiosité ou la cupidité des générations suivantes fait ressortir des fonds de tiroir et des poubelles, les essais, les chutes.
Dans le catalogue de Degas, on trouve certainement des deux.

Cela dit, de nos jours, l’incomplet, l’esquisse, le brouillon sont très prisés. Peut-être parce qu’ils laissent la plus grande liberté d’interprétation au spectateur, qui peut y voir, comme dans la forme d’un nuage, la matérialisation de ses propres fantaisies.
 

dimanche 20 octobre 2013

Revue de détails au Metropolitan (2/2)

Suite et fin de quelques détails parmi les œuvres du Metropolitan museum de New York.



1.1  Farrer Henry - Paysage au clair de lune 1869
1.2  Post Frans - Paysage brésilien 1650
1.3  Jones Thomas - Ponte Loreto 1787
2.1  Seurat - Forêt à Pontaubert 1881
2.2  Heade Martin Johnson - Newburyport meadows 1881
2.3  Cole Thomas - The oxbow 1836
3.1  Kuindji - Couchant sur le Dniepr 1908
3.2  Lane Fitz Hugh - Gloucester Harbor 1862
3.3  Church Frederic - Cœur des Andes 1859



1.1  Poussin - Orion aveugle 1658
1.2  Maitre de Sainte Godelieve - Vie de sainte Godelieve
1.3  Fra Carnevale - Naissance de la Vierge 1467
2.1  Corot - Destruction de Sodome 1857
2.2  Bierstadt - Nevada falls Yosemite 1873
2.3  De Jongh Ludolf - Scène dans une cour 1660
3.1  De Hooch Pieter - Loisir dans un intérieur 1665
3.2  Petrus Christus - Orfèvre dans son échoppe 1449
3.3  Style de Jérôme Bosch - Le Christ descend aux enfers 1560



1.1  Rembrandt - Aristote 1653
1.2  Ochtervelt - La lettre d'amour 1670
1.3  David Gerard - Annonciation 1510
2.1  Hokusai et atelier - Poule
2.2  Greco - Portrait d'homme 1600
2.3  Ghirlandaio - Sassetti et son fils 1488
3.1  Degas - Chez le chapelier 1881
3.2  Engebrechtsz - Crucifixion 1527
3.3  Brueghel Jan - Route en forêt et voyageurs 1607

lundi 1 juin 2009

Henri Martin, peintre (1860-1943)

Henri Martin : La Bastide-du-vert et Marquayrol (musée de Cahors Henri-Martin)On reconnait communément deux grandes spécialités au peintre Edgar Degas : les représentations aux pastels de jeunes filles en tutu et les jugements acerbes sur ses confrères peintres. Henri Martin n'y a pas échappé. Degas le qualifiait, pour résumer, d'impressionniste pour sous-préfectures.
Ça n'est pas faux. Honoré par les grandes institutions de la nation, médaillé, couvert de prix, Henri Martin a tapissé durant près de 60 ans des hectares de murs de mairies et de bâtiments publics avec d'immenses et édifiantes peintures murales, à la manière néo-impressionniste.

Henri Martin : La Bastide-du-vert et Marquayrol (détail)Il a été affecté par toutes les maladies en «...isme» de son temps, du romantisme à l'académisme, ponctuées de fortes poussées d'infantilisme (symbolisme, spiritualisme, mysticisme rose-croix et autres philosophies pour boyscouts).
Alors naturellement, vers la fin des années 1880, comme nombre d'autres peintres de l'époque (Gauguin, Van Gogh, Segantini...), il attrapait le virus du divisionnisme (ou pointillisme), propagé par Seurat et Signac. Et il n'en guérit jamais. Pendant plus de 50 ans, toutes ses œuvres, des grandes machines officielles aux croquis les plus intimes, seront faites de taches colorées juxtaposées.
On comprend pourquoi Degas lui en voulait. Il avait transformé en un style compassé, théâtral, presque académique, une manière de peindre qui était née de la liberté et du refus des conventions et des compromissions. Et trahison ultime, il en vivait royalement. Au point qu'il acheta en 1900 une maison dans le Lot, près de Cahors (suivie de deux autres à Saint Cirq-Lapopie et Collioure), où il se retira presque de toute vie mondaine pour peindre des séries de paysages colorés, calmes et confortables, pendant encore 40 ans.

Henri Martin : La maison du sabotierHenri Martin : Le bassin de Marquayrol









Ce sont ces paysages sereins, modestes et silencieux qui font la part la plus belle de l'exposition consacrée à Henri Martin, actuellement à Douai, pour trois semaines encore. Allez-y sans hésiter, il y a toujours des places de parking disponibles au musée de la Chartreuse.

dimanche 7 janvier 2007

Les bénéfices du flou

Eugène Carrière est un peintre sentimental (intimiste disent certains), dont la mièvrerie est heureusement mitigée par un style d'une austérité monacale. Ses toiles sont monochromes. Son unique couleur est un brun absolument marron, bistre même, pour ne pas dire terreux.
Ajoutez à cela un dessin habile, épuré, aux formes sinueuses qui se fondent dans les ténèbres du tableau et vous comprendrez pourquoi Edgar Degas, toujours bienveillant, disait des œuvres de Carrière: "On a fumé dans la chambre des enfants!".

Carrière Eugène - Les dévideuses - National Gallery, Londres

Pourtant la peinture floue est reposante. On n'essaie pas d'en suivre tous les détails et d'en comprendre toutes les péripéties. L'esprit vagabonde, l'imagination s'épanouit.
La peinture floue est une peinture d'avenir, elle demande moins d'entretien.

Enfin, bénéfice notable, la peinture floue est économique pour l'amateur qui fait imprimer ses photographies de tableaux flous. Il arrive que l'imprimeur les interprète comme des photos ratées et ne les facture pas (preuve sur le document authentique ci-dessous. Le cadre et le mur sont nets. L'étiquette NON FACTURÉ se retire aisément).

Carrière Eugène - Femme au miroir - Localisation inconnue

La peinture de Carrière est bien représentée au musée d'Orsay (notamment son portrait de Verlaine), et disséminée dans de nombreux musées de province.