Les
épisodes précédents ont montré que la visite virtuelle du musée de l’Ermitage à Saint-pétersbourg était une promenade plaisante, mais que la fonctionnalité était trop fantasque, voire aléatoire, pour une découverte instructive des collections.
Pour cela le site propose un catalogue, complet
(antiquités, peinture, sculpture, gravure, dessin, mobilier, horlogerie, armurerie, numismatique, orfèvrerie, fiacres…) et efficace.
La
recherche se fait en anglais
(или по русски), elle privilégie la saisie multimot, les mots recherchés sont complétés en cours de saisie, les caractères jokers simple (
?) ou multiple (
*) sont autorisés
(exemple : RU?SDAEL).
Les images sont généralement de dimension et de qualité correctes (2000 pixels) et libres.
Le musée est si riche qu’il donne l’impression d’héberger peu de chefs-d’œuvre. C’est sans doute vrai relativement, mais il recèle une profusion de curiosités dont voici une liste évocatrice, incomplète et désordonnée, mais avec tous les liens
(qui ne vivront peut-être plus si vous lisez cette chronique dans quelques années).
Plus de
50 Hubert Robert, beaucoup
non exposés,
26 paysages du nord de
Rockwell Kent, non exposés, des
Rembrandt comme s’il en pleuvait, des David Teniers en
pagaille, une
vingtaine de paysages de
Claude-
Joseph Vernet, une
dizaine de
Bellotto, des
Van Dyck à ne plus savoir où les mettre.
Huit Boilly dont la splendide
scène de billard,
deux nocturnes de
Wright of Derby, des
Degas exceptionnels,
trois Willem Duyster aux
mises en scène toujours aussi curieuses, plusieurs intérieurs d’église de Granet, comme d’habitude, dont un avec un
chat inattendu, de splendides Alessandro
Magnasco.
Une série de bluettes anecdotiques où François Flameng, vers 1900, imaginait Napoléon
lutinant dans le parc de Malmaison ou
pouponnant sur la terrasse de Saint-Cloud, des contes lestes de La Fontaine illustrés par Subleyras (
non exposés), un tableau heureusement
rarissime de l’actrice Sarah Bernhardt, et le célèbre et
édifiant tableau de Jean-Paul Laurens qui figure l’empereur Maximilien du Mexique, juste avant d’être exécuté, promettant au prêtre effondré qu’il lui enverra des nouvelles du ciel.
Sans oublier ce charmant tableautin d'
Hans von Marées avec sa gracieuse fontaine dont l’eau coule d’endroits imprévus, un
Jacob Vrel agrémenté d'un gros numéro peint en rouge, quelques anonymes remarquables, comme ce saint Jean-Baptiste
raccourci dans une architecture infernale, ou cette allégorie sanglante de la Révolution Française
fourmillant de détails réjouissants, sans compter un nombre certain de tableaux en très
mauvaise condition.
Enfin quelques magnifiques tableaux de peintres rares,
Oswald Achenbach,
Jan Asselijn,
Gerard Ter Borch,
Karl Buchholz,
Jakob Hackert,
Louis Tocqué, et la découverte d’un peintre remarquable,
August Matthias Hagen, russe de la Baltique, certainement marqué par Friedrich, et dont l’Ermitage possède
trois beaux paysages qu’il n’expose pas.
Et pour finir le plus beau tableau du musée, de 1699, cette merveilleuse
femme au voile, sans doute le plus beau de
Jean-Baptiste Santerre, portraitiste inégal universellement méconnu.
Avec vos propres critères de recherche, vous trouverez évidemment des dizaines d’autres merveilles dans ce catalogue.
Mais vous y ressentirez peut-être aussi un vague ennui, un sentiment de déjà vu, comme d’un voyage qui finalement ne vous aura pas divertis. C’est que l’Ermitage est un musée européen, fait à l’image des grands musées de l’Europe, pour leur ressembler et les dépasser, avec les mêmes artistes, et fait pour attirer sans les dépayser les 3 à 4 millions annuels de touristes européens d’aujourd’hui.
Il
suffirait de sortir de l’Ermitage par la perspective Nevsky, de suivre les quais de la Moyka sur quelques centaines de mètres, de contourner la cathédrale Saint-Sauveur-sur-le-sang-versé, énorme
pâtisserie bourrée de crème et de fruits confits, puis de traverser le jardin où Pouchkine tend un bras de bronze couvert de pigeons et indique un grand bâtiment triste et ocre clair à l’architecture néo-classique. C’est le
Musée Russe.
Là, vous seriez dans un autre monde. Celui de l’
art russe. Mais le flux pâteux des touristes n’y passe pas, et le musée n’a pas les ressources pour construire un grandiose site virtuel à l’image de son voisin prestigieux.
Mise à jour le 15.07.2020 : Pour information, le musée de la vraie vie vient de rouvrir doucettement après 4 mois de lutte sans merci contre le virus planétaire. Le masque et les gants de caoutchouc sont obligatoires.
Détail des illustrations de la page : en haut August Hagen (bord de mer), au centre Jean-Baptiste Santerre (femme au voile), ci-dessous, Jan Asselijn (rupture d’une digue), Gerard ter Borch (portrait de Catarina van Leuninck), et un montage de 3 détails, de Flameng (Napoléon), Magnasco (bandits dans des ruines) et Oswald Achenbach (Fête nocturne à Naples).