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mercredi 15 mars 2023

C’est le printemps, allons à Cleveland (1 de 2)

Philipp Hackert, vue du golfe de Pozzuoli et de l’ile d’Ischia sur la côte napolitaine en 1803 (Cleveland museum of art).

À l’imitation des riches qui, au Moyen Âge, rachetaient au clergé catholique leurs fautes et leur salut en monnayant des charretées d’indulgences, et financèrent ainsi les cathédrales gothiques, les millionnaires  américains de l’ère industrielle, qui éprouvaient aussi un soupçon de culpabilité à se vautrer dans le luxe sous les yeux de leurs ouvriers, ont inventé la donation d’œuvres d’art et la création des musées, qu’ils pilotaient par le moyen de fondations, et où l’ouvrier allait s’instruire en découvrant émerveillé les inclinations artistiques de ses patrons. 
Et comme ils eurent la bonne idée de faire inclure d’importants dégrèvements fiscaux dans la réglementation de ces donations, ils soulageaient ainsi en même temps leur conscience et une bonne part du fardeau de l’impôt.

C’est toujours le statut de la plupart des musées étasuniens aujourd’hui. Et comme le prétexte est humanitaire, l’entrée du musée est en principe gratuite, comme le sont la consultation et le téléchargement des reproductions en haute qualité de la collection. C’est ainsi que fonctionne le Museum of art de Cleveland, dans l’Ohio au bord du lac Érié. 

Sur son site internet, 30 000 des 60 000 œuvres qu’il conserve sont consultables et téléchargeables en très haute qualité (sauf droits d’auteur, bien entendu).
Un peu comme à Chicago, l’ergonomie du site n’est pas faite pour la flânerie. Chaque recherche affichera l’ensemble de ses résultats, progressivement, sur une seule page, laborieusement quand les résultats dépasseront quelques centaines de vignettes. Mais on peut éviter ces désagréments en utilisant les critères de recherche avancée (bouton Advanced search) et ajoutant des filtres, par exemple en visitant le musée par département (Department), ou par date, par type d’objet… Dans les menus déroulants de ces filtres, le nombre de résultats est recalculé à côté de chaque critère.

Quelques précautions :
▶︎ Comme vous devez en avoir maintenant pris l’habitude, dès qu’une page affiche un grand nombre de vignettes, ne cliquez jamais directement sur une vignette mais arrangez-vous pour ouvrir le lien dans un nouvel onglet, afin que la poussive page de résultats ne soit pas fermée. Pour cela les méthodes dépendent des navigateurs (appui long, bouton droit de la souris, touches de fonction…)
▶︎ Attention, à droite de l’image sous le texte "DOWNLOAD AND SHARE" le bouton de téléchargement est disponible sur les principaux navigateurs mais pas sur Chrome !?
▶︎ Les téléchargements sont disponibles en qualité bonne (JPG de 3000 pixels en moyenne) ou très haute (TIFF jusqu’à 15000 pixels dont le poids - non précisé à l’avance - peut être considérable - par exemple l’incendie du parlement de Turner fait 500Mo)

Après ce préambule rébarbatif, profitons du printemps et promenons-nous parmi ces riches collections, les 2600 sculptures, dont une centaine peuvent être manipulées dans 3 dimensions et une remarquable série africaine, les milliers de peintures et gravures japonaises (ukiyo-e), les merveilles de la peinture européenne, ancienne et moderne, la peinture américaine, 7000 photographies, 5000 dessins

Admirons aujourd’hui quelques beautés venues d’Europe, bientôt nous visiterons d’autres continents, et peut-être les départements des dessins et gravures.

01. Turner, l’incendie du parlement
02. Schönfeld, l’enlèvement des Sabines,
03. Rosa Salvator, scène de sorcellerie,
04. Velazquez, portrait de Calabazas,
05. Reynolds, portrait de Ladies Amabel et Mary,
06. Maitre des jeux, danse d’enfants,
07. Cuyp, voyageurs dans un paysage vallonné,
08. Van Hulsdonck, nature morte variée,
09. Coorte, groseilles à maquereau,
10. Pils Isidore, étude de nu féminin,
11. Zurbaran, le Christ et la Vierge.

Il y a bien d’autres trésors en peinture européenne à Cleveland, notamment de Juan de Flandes, Del Sarto, Corneille de Lyon, Greco, Caravage, Honthorst, Strozzi, Wtewael, Ter Borch, Ruisdael, De Hooch, Siberechts, De la Tour, Oudry, jusqu'à Corot et Renoir.

jeudi 26 août 2021

Améliorons les chefs-d’œuvre (19)

À gauche les Fileuses de Velazquez à la fin du 18ème siècle, à droite au début du 21ème.
 
En 1664, peu après la mort de Velazquez (Diego Velázquez), son tableau « Les fileuses » aujourd’hui au Prado de Madrid, était inventorié comme « La légende d’Arachnée », puis en 1772 « Femmes filant et dévidant de la laine dans une manufacture de tapisseries », puis au 19ème siècle « La manufacture de tapis de Santa Isabel à Madrid », et actuellement « Les fileuses ou la légende d’Arachnée ». 
L’encyclopédie Wikipedia fait l’inventaire chronologique de ces interprétations, toutes perplexes devant la présence d’une viole de gambe qu’on aperçoit au centre du tableau. Dès qu’un peintre reconnu disparait sans laisser les clefs d’un tableau dont la scénographie et les détails ne sont pas immédiatement compréhensibles, commence la frénésie des interprétations savantes. 
Ces gloses en disent plus sur les préoccupations des commentateurs que sur les choix, souvent de circonstance, des peintres. Et puis qui a le temps, visitant les musées modernes, de faire défiler des siècles d’érudition quand il n’a que quelques minutes de tranquillité - quelques secondes parfois - pour ressentir quelque chose devant un tableau, avant de passer au suivant ?

La date de réalisation des Fileuses est encore discutée, mais elle est sans doute parmi les dernières œuvres du peintre. On y retrouve à son summum sa touche libre, large et rapide, à l’image du dernier Titien qu’il admirait tant, et quelques repentirs exécutés trop rapidement dont les différentes étapes ont fusionné en séchant, donnant l’impression de gestes animés.   

Le musée du Prado savait de longue date que le tableau avait été agrandi, un siècle après la mort du peintre, pour l’ajuster aux dimensions du nouveau Palais royal à Madrid. Une architecture peinte, improvisée en ogive, l’avait alors augmenté de plus de 2 mètres carrés (de 4,2 à 6,35), et l’ensemble avait été mystérieusement incliné de moins un degré à droite.
La peinture est un art essentiellement décoratif. Ce genre de remaniement était courant, mais plus souvent dans le sens de la réduction des dimensions, en supprimant des portions des œuvres, parfois en les découpant en plusieurs petits tableaux.

Patientez, GIF animé en cours de chargement (10Mo) N’osant se débarrasser des ajouts estimés non autographes, ce qui se fait pourtant généralement en restauration, le vertueux Prado a conçu une usine à gaz, un faux cadre monumental fait d’un pan de mur à charnières derrière lequel le tableau est légèrement redressé et qui masque les ajouts une fois refermé. L’ensemble est impressionnant. Le résultat a fait s’exclamer certains commentateurs « les personnages sont entassés, on dirait le métro à l'heure de pointe », ou encore « le remède revient à tuer une mouche à coup de bombe atomique ».

Il faut admettre que l’opération est un peu démesurée. D’autant que ce masquage des ajouts étrangers derrière un faux cadre, sur un fond vert olive, était déjà en place depuis 2007 (ici dans une vidéo de 2012, et là en 2014).
Ainsi l’opération de 2021, trompétée en très haute définition sur Youtube, n’a consisté qu’à réduire l’ombre disgracieuse du cadre précédent qui obscurcissait une quinzaine de centimètres en haut du tableau, et redresser l’inclinaison fautive en le remontant à droite d’un angle d’à peu près un degré.

Certains nostalgiques, chagrins ou presbytes, prétendent que le génie humain ne crée plus de ces chefs-d’œuvre comme aux siècles passés. En tout cas, il s’épanouit manifestement à améliorer ceux qui subsistent.

jeudi 7 novembre 2019

L’art de la rayure verticale



Pour nombre de raisons dont l'énumération ici ennuierait certainement, les œuvres d’art ont toujours attiré outrages et dégradations.

Rappelons-nous cette militante inflexible, Mary Richardson, qui lacérait au hachoir le dos nu de la Vénus de Velázquez, le 10 mars 1914 à Londres, et Laszlo Toth qui défigurait avec un marteau de géologue la vierge de la Pietà de Michel-Ange, et lui arrachait l’avant-bras, dans la basilique Saint-Pierre à Rome le 21 mai 1972, et dont certains réclamèrent la mise à mort mais qui passa deux ans en asile psychiatrique.
Souvenons-nous également de Pierre Pinoncelli, qui s’était soulagé dans l’urinoir de Marcel Duchamp (enfin, dans un des nombreux exemplaires en circulation), le 25 aout 1993 à Nîmes, d’un geste artistique qu’il pensait être l’aboutissement de l’œuvre du célèbre dadaïste, mais geste inconséquent car l’appareil exposé n’avait pas été branché à un réseau d’évacuation.
Plus récemment, et abordés ici-même, les cas du tableau blanc de Twombly à Avignon en 2007, de la tasse volante et de la Joconde en 2009, de la Liberté de Delacroix à Lens en 2013, du Monet de Dublin en 2014, montrent que le sport de l’iconoclasme revendicatif se pratique toujours, et avec succès puisque les gazettes en parlent, ce qui est son but.

L’activité vise toujours les œuvres qui ont acquis un caractère officiel, qui représentent un pouvoir, une forme d'autorité au moins dans l’esprit des profanateurs.
Ainsi Daniel Buren, artiste décorateur contemporain engagé, représentant régulièrement la France officielle, soutenu par des politiciens influents et de prospères capitaines d'industrie, devait-il fatalement en souffrir un jour.

C’est arrivé le 13 septembre dernier, dans le musée du Centre Pompidou à Paris, où une toile emblématique de Buren, « Peinture [Manifestation 3] » a été balafrée de plusieurs entailles au cutter par un homme qui avait abusé les contrôles de sécurité et s’est dirigé directement vers l’objet de son méfait.
Le musée n’a pas diffusé de photographie ni encore évalué l’importance des dégâts. La presse s’en est chargée, l’estimant potentiellement à plus d’un million d’euros. Quant aux motivations et au sort du visiteur, le scénario habituel est en marche, l’individu tenait des propos incohérents et a été transféré à l’institut psychiatrique de la Préfecture de police. Il y a une logique à placer dans une « institution » les malheureux qui agressent les Institutions.

Le musée a immédiatement remplacé l’œuvre. On comprend sa discrétion, en lisant les réactions hostiles du public dans les journaux qui ont relaté la chose (essentiellement le Figaro). Habituellement, ces dégradations font l’objet d’une vindicte unanime des éditorialistes et des commentateurs contre le coupable, mais ici, c’est une averse de saillies qu’on pourrait résumer par ce commentaire « le vrai scandale, c'est pas un coup de cutter dans le papier peint Castorama, c'est que ça soit exposé dans un musée ».
Car Buren est depuis 50 ans un « artiste controversé », c’est à dire globalement vilipendé par les conservateurs et encensé par les progressistes, quoi qu’il produise. Constat simpliste, mais les productions de l’artiste ne le sont pas moins.

Pour qui ne le connait pas encore, il est aisé de présenter Daniel Buren, car son site officiel est très abondamment illustré et fort bien classé.
On y ressent l’impression poignante d’un être soumis à une fixation morbide pour les rayures verticales.
Adolescent, il aura certainement été traumatisé par l’apparition des dentifrices à rayures qui ont troublé plus d’un enfant intelligent à l’heure où se forme la compréhension du monde. Comment une pâte pouvait-elle sortir d’un tube sous la forme d’un boudin à bandes longitudinales alternées blanches et rouges ? Comment les rayures étaient-elles rangées à l’intérieur du tube ?
On n’ose imaginer ce que serait devenue la destinée de l’artiste si les rayures avaient été transversales. Même les religions les plus respectables sont fondées sur des phénomènes moins prodigieux.

Vous noterez peut-être, feuilletant son inépuisable catalogue, qu’il n’est pas toujours aisé d’identifier sur chaque photographie où se trouve l’œuvre de Buren, et il arrive qu’elle ne soit pas celle qu’on pense : petit moment de détente, saurez-vous repérer où est l’œuvre de Buren, sur les deux photos en lien ? Attention, il y a un piège !

Lucide, Buren se nomme lui-même décorateur in situ, parce que ses productions sont intégrées au décor et aux objets, dans les lieux publics ou privés. Réaliste, il les qualifie parfois de degré zéro de la peinture.
Mais on dit qu’il y réfléchit beaucoup. L’encyclopédie Wikipedia, informée de tout, précise que « ses interventions in situ jouent sur les points de vue, les espaces, les couleurs, la lumière, le mouvement, l’environnement, […] assumant leur pouvoir décoratif ou transformant radicalement les lieux, mais surtout interrogeant les passants et spectateurs. », description consensuelle qui peut aussi bien qualifier l’architecture fameuse de Phidias et Callicratès que le mobilier urbain de l’entreprise Decaux et fils.

Ajoutons pour la rigueur scientifique de l’exposé, que l’artiste est aussi atteint, depuis une vingtaine d'années, d’une pathologie assez fréquente dans sa tranche d'âge, une manie pour les grossiers effets lumineux diffusés par des vitres teintées aux couleurs primaires. Nous ne l’illustrerons pas ici, d'abord pour de sordides histoires de droits d’auteur, et pour ne pas accabler le créateur. Ce blog n’est pas de cette presse qui se nourrit de l’infortune des gens fortunés.

Concluons un peu légèrement cet épisode lamentable de la vie des musées par la citation d’un commentaire, somme toute très raisonnable, de Mme de La Motte, sur le site du Figaro du 19 septembre à 22h21, à propos de la toile désormais tailladée de Buren : « Il n'y a qu'à la présenter comme un Lucio Fontana»

mardi 5 mars 2019

Les catalogues de Wildenstein



Le 11 septembre 1917, dans la région parisienne, le berceau doré de Daniel Wildenstein était entouré de tableaux des plus grands maitres, des peintres modernes, par centaines, d’experts en art et de galeristes renommés.
Il en restera ébloui pour la vie et persuadé que tous ces cadres autour de lui étaient des fenêtres vers le monde véritable. Et hormis une passion parallèle pour les chevaux de course, il consacrera son existence aux expositions, aux galeries et à l’édition de revues et livres d’art.
Sa fondation d’histoire de l’art (le Wildenstein Institute, évidemment) concevra de monumentaux catalogues raisonnés, notamment de Monet, Pissarro, Gauguin, Vuillard, Zurbaran, Caillebotte, Velazquez, qui sont des références.

Les autres, ceux qui sont nés entre le calendrier des postes et une biche en broderie se désaltérant dans un sous-bois, rêveront de se perdre dans ces catalogues de peintres, illustrés de milliers de fenêtres ouvertes sur des mondes imaginaires.
Ils en rêveront seulement, car le catalogue de Monet, par exemple, en 4 volumes, pèse 20 ou 30  kilos et des centaines d’euros, parfois beaucoup plus, d’occasion.

Ils en rêvaient jusqu’alors, car la fondation sans but lucratif Wildenstein-Plattner Institute a numérisé la cinquantaine de catalogues Wildenstein disponibles et vient de les mettre en consultation gratuite sur internet !

Les pages affichées, généralement bilingues (au moins le catalogue), sont des images (scans), mais la recherche de texte dans chaque catalogue est tout de même disponible (icône loupe), ce qui en fait un étonnant outil d’étude, bien plus pratique que la version papier.

Les plus beaux catalogues, en couleurs, sont ceux de Pissarro (3 vol. bilingues 2005), Vuillard (3 vol. anglais), Zurbaran (2 vol. espagnol), Velazquez (2 vol. trilingues 1996), Gauguin (1873-1888, 2 vol. anglais 2002). Renoir est prévu pour 2023.

La quintessence est le monumental Monet, en 4 volumes en couleurs, catalogue bilingue français-anglais, révisé en 1999.
On y feuillette la vie du peintre, jour après jour, et cette promenade chronologique et météorologique, presque heure par heure, avec les commentaires techniques de chaque tableau, se vit comme un roman-photo. En 2000 images, on voit naitre les obsessions graphiques du peintre, les séries, la délicatesse des nuances de la maturité, puis, peu à peu la trahison de la vue, les couleurs dénaturées et le rouge, à la fin, qui envahit la toile.


Catalogue Monet par Wildenstein, vol.2 (pp. 222-223), la débâcle de la Seine à Vétheuil en 1880. Les lignes horizontales de la glace qui croisent les verticales du reflet des arbres manifestent le début d'une obsession qu’on retrouvera exacerbée, 20 ans après, dans les séries des ponts japonais et des nymphéas. 

samedi 10 novembre 2018

La refonte de l'Artic

Monet, Matinée brumeuse sur un bras de la Seine à Giverny, 
d'une série de 18 toiles, en 1897
Collection Art Institute of Chicago.

Le voyageur immobile qui frissonne en s’aventurant dans le labyrinthe des sites des grands musées, mais qui y passe tant d’heures que sa vie sociale menace ruine, ne pourra pas nous reprocher la chronique d’aujourd’hui.
Il s’agit pourtant d’un très grand musée, l’Art Institute de Chicago (https://www.artic.edu/), l’un des plus riches des musées américains, qui présente fièrement son site complètement refondu, et se vante de 52 438 images téléchargeables en très bonne qualité et libres de droits, et de son nouvel outil de recherche d’une grande précision, armé de filtres ingénieux.

Voyons cela. Faisons honneur au musée en allant flâner dans les collections d’art américain. Le bouton « Show filters » affiche à gauche les catégories qui filtreront la recherche parmi plus de 100 000 objets catalogués.
Le critère « Départements du musée » semble le plus pertinent. Mais l’appui sur le bouton d’un critère n’affiche pas la liste complète des éléments disponibles mais une zone de recherche où il faut saisir une expression, en anglais.
Soit. Entrons le mot « American », et cochons l’élément « American art » qui apparait alors et réduit la requête à 2604 objets. Une première page de 50 vignettes s’affiche automatiquement après quelques secondes, qui deviendront vite énervantes dans les recherches à plusieurs critères, car au moindre clic sur la page elles empêchent toute autre fonction. Patientons.

Promenons-nous enfin parmi les vignettes de l’art américain. Ici commencent les vrais problèmes d’ergonomie, car le site ne sait pas paginer correctement les résultats d’une recherche. Or notre exploration promet 53 pages de vignettes (2604 divisés par 50). Ainsi pour voir les dernières images de la catégorie « Art américain » on devra appuyer 52 fois sur le bouton « Load more » (en afficher plus), et attendre 5 à 10 secondes entre chaque appui pour afficher, à chaque fois, la page suivante additionnée de toutes les précédentes. La 53ème page, très longue, comprendra donc, si le navigateur n’a pas rendu l’âme entre-temps, l’ensemble des 2604 vignettes. L’opération complète demandera 15 à 20 minutes.

Quatre conseils et informations pour ne pas en arriver à une geste définitif :

• Si pendant une longue requête, une vignette attire votre attention, n’oubliez pas de « l’ouvrir dans un nouvel onglet », sans quoi, en voulant retourner à la page précédente, vous seriez condamné à reprendre le chargement à partir d’une page choisie semble-t-il aléatoirement.

• Ne demandez pas le classement des résultats de recherche par nom d’artiste, c'est inutile. Les tris par artiste se font à l’absurde façon anglo-saxonne, dans l’ordre alphabétique des prénoms !

• Si vous utilisez la fonction de recherche globale sans l’emploi des filtres, et souhaitez par exemple savoir si le musée héberge des œuvres d’Henri Taurel, le site vous proposera, parmi d'autres objets approximatifs, tous ceux qui figurent des tortues. Parce que Tortue en anglais s’écrit Turtle et que l’Art Institute considère qu’emporté par l’émotion et ébloui par la sublimité de son ergonomie vous avez raté la moitié des touches de votre clavier en entrant votre requête. Alors il vous a obligeamment corrigé, ce qui ravira peut-être un dadaïste dilettante ou un oulipien à la retraite.

• Enfin ne vous attendez pas à trouver là de bonnes reproductions des œuvres dont l’auteur n’est pas entièrement décomposé. Une conception extensive du droit d’auteur y est résolument respectée. Grant Wood par exemple, qui est dans le domaine public en Europe depuis 2013, ne l’est pas aux États-Unis. Toutes ses gravures sont reproduites au format d’une carte postale, et seul le fameux tableau « American Gothic » peut être agrandi et détaillé (mais pas téléchargé). C’est parce qu’il est devenu, comme « Le monde de Christina » d’Andrew Wyeth, une icône de l’Amérique courageuse et prospère, et qu’il eut été humiliant de présenter l’une des « Joconde » du musée aux dimensions d’un timbre poste.

On l’aura compris, le site de l’Art Institute de Chicago n’est pas fait pour le badaud ingénu qui pense qu’internet lui fera découvrir le monde mieux que le journal télévisé. Il est fait pour un homo sapiens moderne, instruit et efficace. On le visite quand on sait très précisément ce que l’on cherche. Et si possible en anglais. Sans quoi l'exploration s’embourbe inéluctablement, comme dans l’escalade d’une dune de mélasse dont le sommet s’éloignerait à chaque pas.

***
Il y a pourtant de belles choses dans cette collection. Ci-dessous quelques détails de portraits par Berthe Morisot, Velazquez, Jean Hey, Thomas Sully, de paysages par Carl Blechen, P.J. Volaire, Magritte, M.J. Heade, et de diverses choses par Thomas Fearnley, Fussli, Dalí, et J.J. Lefebvre.
Vous y verrez aussi, sans aucun ordre évidemment, Hopper, Caillebotte, Sanchez Cotan, Homer, Turner, Van Ruisdael, Fantin-Latour, Cambiaso, Boudin, Aert de Gelder, Goya, Canaletto, Rembrandt, Sargent, Utamaro, Dalí encore

Pour le reste, bon courage !


jeudi 13 octobre 2016

Revue de détails à Washington (1/2)

Contrairement aux grands musées français qui se pavanent sur tous les médias, le musée d’art de la ville de Washington en Amérique, la National Gallery of Art, n’a pas besoin de claironner qu’elle est un des plus beaux musée du monde. Elle le prouve tous les jours en partageant sur internet des images de haute qualité de sa collection, libres de toute utilisation, même commerciale. La planète entière peut le constater.
Le musée conseille même fortement de partager et diffuser ses images.

Alors abimons-nous à distance dans les détails inouïs des tableaux accrochés dans ce musée généreux mais lointain et qu’on ne visitera peut-être jamais autrement.   
(n'oubliez pas d'appuyer sur le bouton Zoom) 



1.1  De La Tour Georges - Madeleine repentante 1640
1.2  Gentileschi Orazio - Sainte Cécile et un ange 1620
1.3  Gentileschi Orazio - Sainte Cécile et un ange 1620
2.1  Chardin - La petite maitresse 1740
2.2  Largilliere Nicolas de - Elizabeth Throckmorton, religieuse 1737
2.3  Leonard de Vinci - Ginevra de Benci 1478
3.1  Rotari Pietro - Portrait de femme avec une fleur 1761
3.2  Reynolds Joshua - Miss Beatrix Lister 1765
3.3  Barocci Federico - Portrait Quintilia Fischieri 1600



1.1  Botticelli Sandro - Madone et enfant 1470
1.2  Bronzino - Jeune femme et enfant 1540
1.3  Cranach l’ancien - Portrait de femme 1522
2.1  Weyden Rogier van der - Portrait de femme 1460
2.2  Gainsborough Thomas - Mrs Cobb Methuen 1777
2.3  Gainsborough Thomas - Mrs Graham 1777
3.1  Cercle de Velazquez  - Pape Innocent 10 1650
3.2  Titien - Portrait de Ranuccio Farnese 1542
3.3  Rembrandt - Autoportrait 1659

À suivre...

mardi 7 février 2012

Améliorons les chefs-d'œuvre (1)

Jean-Léon Gérôme, Le marchand de couleurs, 1891, retouché en 2012


On trouve dans le catalogue des œuvres du peintre Jean-Léon Gérôme, au milieu des spectacles pompeux et des portraits de naïades en caoutchouc quelques gemmes au charme inattendu, comme « Deux générations sur le pas de la porte » du musée de Rouen, ou « Le marchand de couleurs », reproduit ci-dessus. Ce dernier était exposé dans la récente rétrospective parisienne, fin 2010. L'étiquette le situait au Museum of Fine Arts de Boston, mais il ne fait curieusement pas partie des cinq tableaux de Gérôme recensés dans les collections du musée.
Il est parfois appelé « Le pileur de couleurs ». En effet, sur le tableau original, un personnage pulvérisait d'un geste ample des pigments roses dans le panier à gauche, mais par un adroit subterfuge inspiré des meilleures méthodes de l'information chinoise et des journaux à sensation, la rédaction de Ce Glob est Plat a préféré le supprimer, le jugeant dissonant dans l'harmonie générale du tableau.

Gérôme avait peint un personnage manifestement posé en studio. L'attitude artificielle, raide comme le Vieil Horace dans le Serment peint par David. Les jambes dans une position indéterminable. Affublé d'une lumière qui se raccordait si peu à l'ambiance de la scène que ce corps qui ne projetait pas d'ombre semblait découpé dans un livre illustré et collé approximativement ici, quelques centimètres au dessus du sol.

Absolument conscient du sacrilège que constitue cette atteinte à l'intégrité du patrimoine de la France, Ce Glob est Plat proposera dans cette nouvelle série de massacrer également des tableaux italiens, par exemple en redonnant un peu de vie au sourire inanimé et enfumé de la Joconde, ou des tableaux espagnols, en effaçant certains angelots grotesques.

dimanche 30 août 2009

1618, le nombre bête

Avertissement au lecteur : cette chronique à teneur très technique a été relue et corrigée par un scientifique de renom, qui a insisté pour garder l'anonymat, afin de ne pas s'approprier indument la gloire qui rejaillira nécessairement des révélations qu'elle dispense.
Il existe dans la nature nombre de phénomènes qui ne sont pas dus au hasard mais à une sorte de dessein délibéré et transcendant, presque intelligent. S'il n'y avait qu'un exemple à produire afin de confondre les incrédules, ce serait celui de l'emplacement des contrôles des excès de vitesse par la police. Une espèce de loi naturelle fatidique les positionne sans aucune exception en bas d'une longue descente de la route, en principe après un virage ou un tunnel.
Quel mystérieux motif conduit alors la nature ?

Tout esprit aguerri aux lois des nombres et des symboles y verra aisément l'empreinte du «Nombre d'Or». C'est un nombre (Un plus racine de cinq, divisés par deux) aux propriétés mathématiques remarquables. Sans entrer dans de ténébreuses explications techniques, on dit que c'est le plus irrationnel des nombres réels. C'est dire tout son mystère. Il serait même le seul nombre dont l'inverse est égal à lui-même moins l'unité (Un divisé par Lui égale lui-même moins un). On ose à peine le croire. Son vrai nom est 1, 618 033 988 749 894 848 204 586 834 365 638 117 720 309 179 805 76... jusqu'à l'infini, sans période. C'est pourquoi on préfère l'appeler par son diminutif 1,618 ou 1618.

Quelle forme insensée aurait notre univers sans les nombres, par exemple ici le nombre Pi ? (Nébuleuse Bulle de savon PN G75.5+1.7 - Cliché NOAO)Il est de notoriété publique qu'on le retrouve partout dans la nature, essentiellement dans le mouvement des étamines des fleurs de tournesol, des écailles de pomme de pin et dans le rapport entre le nombre de petits pois et de carottes, relativement à leur poids respectif, dans les conserves Cassegrain. Il est ainsi la clef des énigmes et des beautés du monde. On sait que certains calculs épineux inaccessibles aux profanes prouvent que le Nombre d'Or équilibre les proportions des pyramides d'Égypte, des temples grecs les plus en ruines et des cabines téléphoniques londoniennes, les rouges, celles qui sont des passages vers le monde fantastique des communications télépathiques.

Ça n'est pas un hasard si Kepler a publié sa troisième loi du mouvement des planètes, fondement de l'universalité des lois physiques, en 1618, l'année même où Velázquez peignait la «vieille femme faisant frire des œufs». Jusqu'à nos jours où le Nombre d'Or est devenu le symbole des objets de luxe et du développement durable réunis «on peut maintenant consommer le luxe tout en sauvegardant la planète, sur les plans environnemental et social». On comprend que de telles affirmations révolutionnaires dérangent. Et certaines études scientifiques ou artistiques mal intentionnées pourront toujours chicaner, ce ne sont pas de misérables pamphlets financés par la concurrence, notamment la Grande Distribution, qui empêcheront le Nombre d'or de s'infiltrer dans l'univers et d'y répandre ses bienfaits, à l'instar du nombre Pi dont plus personne, de nos jours, ne songe à mettre en doute la souveraineté.

Et l'étude minutieuse des contraventions prodiguées par les fonctionnaires de police en cas d'excès de vitesse confirme définitivement cette intentionnalité qui dépasse l'humain et le guide en permanence. Il suffit en effet d'additionner les 6 montants d'amende convertis en décimes (8930), d'en soustraire 1937 (la date de la mort de l'écrivain H.P. Lovecraft, les initiés comprendront), et de diviser par le résultat le numéro de référence figurant sur la contravention, en bas à droite (11316), pour obtenir le Nombre d'Or avec une précision d'un dix-millième...

C'est ainsi que le Nombre d'Or contrôle de son impitoyable logique les routes de notre destinée.

samedi 24 janvier 2009

Les délices au microscope

Comme tout le monde vous n'habitez pas Madrid ni ses alentours. Comme tout le monde vous avez, un jour d'été, poireauté sous le soleil espagnol de midi, pour réaliser, après deux heures d'attente sans l'ombre d'une ombre, votre ticket d'entrée au musée du Prado en main, qu'il vous restait peu de temps pour admirer tous ces tableaux de Velazquez, Goya, Greco dont vous rêviez depuis si longtemps. Comme tout le monde, quand vous êtes arrivés devant le «Jardin des délices», l'immense collage surréaliste de Jérôme Bosch, vous avez réalisé qu'il était inutile de vouloir le voir en entier tant il y avait de monde devant.

Alors, comme tout le monde, désabusé, vous avez grappillé quelques détails furtifs, aperçus entre deux touristes japonais, au moment où les gardiens annonçaient déjà l'heure de fermeture du musée. Comme tout le monde vous ne reviendrez peut-être jamais à Madrid.



Les années ont passé. Vous vous êtes récemment consolés en constatant que le musée mettait progressivement en ligne sur son site de splendides reproductions détaillées. Vous pouviez alors scruter (1) les personnages ironiques et macabres du «Triomphe de la mort» de Brueghel l'ancien ou les paysages idylliques de Patenier.

Et puis voici quelques jours, Gougueule (encore Elle) annonçait que tout le monde pouvait désormais découvrir les détails les plus microscopiques de certains chefs-d'œuvre du Prado et examiner le «Jardin des délices» comme seul Jérôme Bosch ou quelques experts couverts de laissez-passer ont pu le voir. Et c'est indescriptible (2). Il suffit de lancer Google Earth (3).


Mise à jour du 2 février 2016 : les calomniateurs d'internet n'ont pas tort. Planter des repères, créer des liens vers d'autres sites est inutile, penser qu'une ressource sera disponible plus d'une ou deux années est illusoire. Gougueule s'est probablement fâchée avec le Prado car la gigantesque reproduction du Jardin des délices a maintenant disparu de Google Earth, et avec elle les autres tableaux du Prado. Le musée s'est également volatilisé du site culturel de Gougueule (Google Art Project). Les choses se présentent mal pour les amateurs de Bosch à distance.

Mise à jour du 13 février 2016 : c'est un vrai coup de théâtre, le Jardin des délices est réapparu aujourd'hui. C'est l'image en extrêmement haute résolution photographiée par Gougueule en 2009, pourvue d'une ergonomie idéale. Le voyage peut reprendre dans l'univers de Bosch.


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(1) Cliquez sur la reproduction du tableau, puis à nouveau sur la reproduction suivante. Une fenêtre apparaît alors avec l'image en haute définition.
(2) Les 4 illustrations de cette chronique sont extraites du Jardin des délices. Les droits de reproduction sont détenus par Jérôme Bosch et Google, inévitablement.
(3) Cherchez «Madrid Prado» (ou ouvrez ces coordonnées) avec Google Earth. Assurez-vous que l'option «bâtiments 3D», dans l'onglet «Infos pratiques», à gauche de l'écran, est bien cochée. À l'emplacement du Prado, cliquez sur l'étiquette blanche «Museo nacional del Prado», choisissez un tableau et abusez de la mollette de votre souris.

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Pour les oreilles : Tyranny and Mutation de Blue Öyster Cult, un rock limpide, carré, irréprochable, des phrases de guitare mémorables. Écoutez par exemple «Mistress of the salmon salt».

samedi 24 mai 2008

La Terre en vraies couleurs

Le philosophe grec Démocrite est souvent représenté dans le long débat fait d'exils, d'autodafés, voire de bûchers (et dans lequel par stricte rigueur journalistique nous ne prendrons pas parti) qui oppose depuis 2500 ans les adeptes d'une Terre plate aux apôtres de sa sphéricité.

La tradition picturale le figure avec un sourire moqueur montrant du doigt le
globe terrestre, comme l'ont peint Bramante ci-dessus (vers 1480, à la pinacothèque Brera de Milan), Velazquez ci-dessous (vers 1630, au musée des beaux arts de Rouen), et Ter Brugghen (en 1628, au Rijksmuseum d'Amsterdam). Ce dernier l'a affublé d'un globe céleste, et a octroyé le globe terrestre à son symétrique, le portrait d'Héraclite, auquel Démocrite est fréquemment associé dans l'iconographie.
On a appris depuis que cette tradition sur la personnalité de Démocrite, reprise des auteurs romains, était assez fausse. Mais au moins a-t-elle permis pendant ces siècles obscurs d'afficher des idées alors réprimées et de s'en innocenter en les attribuant à une sorte de savant fou, prédicateur d'un matérialisme absolu et d'un déterminisme inéluctable. Rien dans les fragments qu'il reste de Démocrite ne présente cette vision de la Terre ni ne confirme son cynisme. Mais sa vision prophétique d'une pluralité des mondes, dans des états et des âges différents, et parmi lesquels le nôtre n'a rien de particulier *, est finalement bien illustrée ainsi. Il désigne le globe terrestre avec l'air de nous dire «c'est notre monde, on n'aura que lui, et il faudra faire avec».

On trouve sur Internet des reproductions acceptables des Démocrite de Velazquez et de Ter Brugghen, mais la fresque de Bramante fait l'objet d'une sorte de malédiction. Déjà inexplicablement absente des catalogues et autres guides de la pinacothèque Brera de Milan, on en trouve une seule reproduction passable en ligne, pillée et répétée par tous, dont la source est l'inépuisable base de la Web Gallery of Art. Elle est hélas atteinte d'une sorte de monochromie maladive comme d'un excès de carotène. Dans le cadre de sa série de chroniques «Aime la vie, peins la en rose», Ce Glob Est Plat, défenseur de tous les globes de la Terre, se sentait tenu de corriger la situation, et proposer aujourd'hui au monde ébahi les vraies couleurs naïves et acidulées de la fresque de Bramante. Aparté technique : cette fresque de Bramante aux «vraies» couleurs ci-dessus est un montage, très imparfait. Le dessin, les lignes et détails proviennent de la version Web Gallery of Art, les couleurs sont issues d'une photo dérobée sur place à Milan, mal cadrée et floue, prise subrepticement sans regarder dans le viseur. Les photographies y sont interdites, on s'en sera douté, mais jusqu'où n'irions nous pas pour honorer notre devise «La vérité sinon rien!».
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* Dans la fable Démocrite et les abdéritains, La Fontaine le fait parler ainsi:
Aucun nombre, dit-il, les mondes ne limite :
Peut-être même ils sont remplis
De Démocrites infinis.


Mise à jour du 10.04.2019 : on raconte que Bramante s'est peint à droite en Démocrite, et qu'il a représenté Léonard de Vinci en Héraclite, à gauche. À l'époque ils travaillaient ensemble sur des projets d'architecture à Milan pour Sforza. On reconnaitrait Léonard à ses vêtements roses et au livre devant lui qui serait écrit de la droite vers la gauche.