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lundi 14 avril 2025

Notre-Dame-des-Chiffres

Façade ouest de la cathédrale de Paris, sur les voussures du portail central, à droite, ces personnages infernaux, malgré leur figuration inventive et fantaisiste, et leur peu de similitude avec les gargouilles romantiques inventées par Viollet-le-Duc, ne datent pas du 13ème siècle. Ils ont bien été sculptés d’après les dessins du célèbre architecte, vers 1850-1860. Quoi qu’il en soit, les signes de la douleur changent peu à travers les siècles, et on imagine bien, à leurs grimaces, les tourments qu’éprouvent encore aujourd’hui, au début du 3ème millénaire, ces milliers de touristes qui les contemplent, et les envient peut-être à piétiner dans le vent glacé sur le parvis durant des heures les mains pleines de la mayonnaise qui dégouline des cornets de frites.   


Comme l’a démontré avec brio le professeur Darwin, la vie se contrefout de la morale ; Liberté et Égalité pour elle sont des lubies ; tout juste pratique-t-elle un peu la Fraternité, limitée à l’espèce, et encore. Alors les humains, pour ne pas se massacrer trop vite et prétendre à un traitement égal pour tous, ont inventé des lois. Ils ont fixé pour toute action des valeurs de seuil et de plafond à respecter, ce qui permet aux machines de juger les contrevenants à leur place, et leur épargne d’éreintantes dépenses intellectuelles. Ainsi sur la planète entière notre vie en société est-elle gouvernée par les nombres. 

Mais pour évaluer justement et juger un comportement il faut avoir sur lui des données fiables. Et là, reconnaissons que dans certains domaines règne une libre improvisation.  

Prenons exemple sur le calcul des nombres de visites dans les établissements culturels, publics ou privés, indispensable à la prévention de la sécurité des personnes et des biens. On a déjà beaucoup écrit sur le sujet : la surenchère systématique dans la course au record qui dégrade les conditions de visite, les chiffres noyés dans des systèmes de comptage à dessein invérifiables, jusqu’à la falsification des chiffres de fréquentation des expositions et des musées ; et les médias, qui ne servent plus qu’à passer les plats fournis par les institutions publiques ou privées, et qui ne songent même plus à s’interroger sur leur cohérence.


Tous les nombres qui suivent, dont les sources sont souvent douteuses, seront très sérieusement arrondis, parfois au million.



Le 6 avril 2025 paraissait sur le site italien du Journal de l’Art (ilgiornaledellarte), quotidien très sensible aux données chiffrées et ému par la vision du parvis de Notre-Dame de Paris, un article sur la création d’un "Musée de l’œuvre Notre-Dame", promesse du président français, et qui exposerait près de la cathédrale les chefs-d’œuvre relatifs à son histoire, fouilles, donations, trésors, comme cela se pratique pour beaucoup de cathédrales en Europe, répartissant ainsi le nombre toujours croissant de visiteurs dans deux établissements au lieu d’un, prétend l’article. 


Il annonce des chiffres sur la fréquentation de la cathédrale depuis sa réouverture au public le 16 décembre 2024 : après 3 mois la cathédrale aurait reçu 2,4 millions de visites à raison de 30 000 par jour (le calcul serait plus proche de 26 000). Il ajoute que le diocèse escompte 13 à 15 millions de visites cette année. Or à raison de 30 000 par jour, une année pleine n’atteindrait pas 11 millions de visites. Ailleurs le diocèse a déclaré avoir atteint la capacité d’accueil maximale du monument avec 30 à 35 000 visites par jour. Là encore on serait en dessous de 13 millions par an. Par surcroit, l’ouverture d’un monument public voit toujours sa fréquentation initiale fortement amplifiée grâce à l’effort promotionnel occasionnel, et les années suivantes se calmer (le Louvre-Lens dont la première année complète, 2013, a enregistré 860 000 visites, est tombé à une moyenne de 450 000 sur les 6 années suivantes).


Beaucoup d’autres chiffres ont été annoncés. Cnews attendait 40 000 visites par jour, et Paris-city-vision arrondissait le tout à 50 000 les jours de fête religieuse. BfmParis déclarait le 30 décembre 250 000 visiteurs depuis mi-décembre, soit moins de 17 000 par jour, et la téméraire France3 comptait les visiteurs par minute, calcul certainement épuisant et sans doute incertain, quand on note qu'elle écrivait le nombre 10 000 de cette façon baroque : 10.00. 

Globalement la revue des médias pour les 4 premiers mois d’ouverture présente la moyenne quotidienne entre 25 000 et 33 000 visites.   

Avec beaucoup d’optimisme, le diocèse par son extrapolation de 13 à 15 millions par an prévoit donc qu’il pourrait friser tous les jours de 2025 les 40 000 visites (en moyenne s’entend, ce qui ne dit rien des jours de grande marée populaire). Dépasser tous les jours sa soi-disant capacité d’accueil maximale de 20% à 30% ne semble pas émouvoir le diocèse. Il est habitué à tous ces zéros. De mémoire le chiffre de visites qui circulait sur le parvis, avant l’incendie de 2019, était déjà 12 millions, parfois 14 millions. 


Il ne suffit évidemment pas de poser un compteur de fidèles sous le porche du Jugement dernier, s’en laver les mains, attendre que la trompette sonne le 40 000ème entré et repousser les suivants, car un autre critère de calcul intervient : Combien de personnes peuvent se tenir simultanément dans la cathédrale ?

Les architectes, qui ne doivent pas visiter bien souvent les bâtiments qu’ils construisent une fois qu’ils sont habités, annoncent fièrement : 9000. La surface habitable de Notre-Dame étant de 4800m² - pour simplifier les surfaces meublées n’ont pas été déduites - ils caseraient ainsi 2 personnes sur un m² ; ça demande un certain degré d'intimité.

Les normes de sécurité ne sont pas si enthousiastes. Les lieux de culte sont soumis aux règles de sécurité des établissements recevant du public (ERP), à quelques aménagements près. Et quels aménagements ! La surface obligatoire d’au moins 5 m² par personne dans un musée tombe, pour les lieux de culte, à 1 m². On a le droit de tasser 5 fois plus de croyants que d’athées dans un espace équivalent. Nous n’en déduirons rien de particulier, mais ne l’ébruitez pas trop chez les fidèles.

Les normes de sécurité autorisent donc 4800 personnes au même moment dans la cathédrale de Paris. En réalité, le diocèse dit avoir fixé, avec les services de la préfecture, une jauge maximale de 3000 personnes. C’est beaucoup si la toiture s’effondre mais cela peut être raisonnable si les procédures d'alerte et d’évacuation d’urgence sont éprouvées…


Ainsi le compteur de fidèles devra également calculer le nombre de sorties de l’édifice et le soustraire au nombre d’entrées pour savoir à tout moment le nombre de présents dans le monument et suspendre les entrées s'il atteint 3000. 

On suppose que le diocèse le fait et le faisait déjà avant 2019, automatiquement par des capteurs ou à la main par ses dizaines de bénévoles.


Attendez, ne partez pas, vous croyiez que c’était terminé ? 


On a donc une valeur sure, la jauge maximale fixe de 3000 personnes simultanément dans la cathédrale, mais le nombre de visites par jour reste très approximatif, 30 000, 40 000… et par conséquent encore plus imprécises les prévisions de visites annuelles, ce chiffre qu’on exhibe partout comme un trophée et qui rend depuis longtemps les concurrents de la cathédrale, le Louvre, la tour Eiffel et même Versailles verts de jalousie (excepté entre 2019 et 2024, vous vous en doutez). 

Or ces estimations sont approximatives parce qu’elles dépendent d’un paramètre mystérieux, difficile à cerner : Combien de temps reste chaque personne dans la cathédrale ? Question métaphysique à laquelle le Louvre dit qu'il a constaté chez lui une durée moyenne de 2h30, alors qu'encore récemment il ne savait même pas calculer son nombre d'entrées.


Eh bien l’Office de tourisme de Paris connait ce nombre magique pour la cathédrale, il le tiendrait d’un certain Paris Je t’aime, qui n’est autre que l’Office de tourisme de Paris, lui-même (oui, ça n’est pas simple). Et ce nombre est ………… 32 minutes ! 

Mais comment l’a-t-il obtenu ? C’est un mystère. Et il est possible qu'il soit faux.

Tentons une approximation de plus en simplifiant les calculs, plaçons-nous dans une situation idéale où le nombre de personnes disponibles pour la visite ne serait jamais épuisé, ce qui semble avoir été le cas à entendre les témoignages des heures passées à patienter sur internet pour réserver ou dans les files d’attente transies sur le parvis.

La cathédrale est ouverte durant 11h15 par jour (675 minutes), soit 21 fois les 32 minutes de visite de l’Office de tourisme, elle peut par conséquent recevoir idéalement 63 000 personnes par jour (21 x 3000). Or, comme elle n’en a accueilli que 30 000 en moyenne pendant ces 4 mois où elle a pourtant fait le plein, on pourra en conclure que la durée moyenne d’une visite n’était pas de 32 minutes, mais du double, ce qui est plus vraisemblable.


Peut-être connaitra-t-on un jour la miraculeuse règle de calcul. En tout cas, 30 ou 60 minutes pour une visite de la cathédrale, c’est à peine le temps de se faufiler sur le parcours de 300 mètres de l’entrée à la sortie du gigantesque édifice en jouant des coudes sur ses propres 1,6 m², comme s’il n’y avait finalement pas grand chose à y voir.


mardi 12 novembre 2024

Sur les remparts de Blaye

Le champ de tir de la forteresse de Blaye sur la Gironde


Conçue par Vauban et construite sur la rive droite de l’estuaire de la Gironde à la fin du 17ème siècle pour éviter que la ville de Bordeaux ne se vende au premier venu anglais ou espagnol, la Citadelle de Blaye aurait dit-on fort peu servi.
Elle a vécu au long des siècles le sort de ce genre d’édifice, d’abord caserne, puis prison pour deux ou trois nobles en disgrâce, geôle pour une poignée de prêtres, légèrement bombardée tout de même en 1814, enfin monument historique, patrimoine mondial de l’UNESCO et attraction touristique modérée (60 000 visites par an, soit un weekend ordinaire pour le Louvre). 
Ceux qui vivent de la sécurité diront qu’elle a joué le rôle essentiel d’une forteresse, qui est de dissuader, et ainsi protégé le florissant commerce de Bordeaux avec les colonies, sucre, café, tabac, épices, esclaves africains.
Sur les remparts qui longent le fleuve quelques canons faisaient semblant de menacer les vaisseaux importuns. Leur portée, insuffisante pour les 3 kilomètres de l’estuaire, avait nécessité la construction de deux autres forts, sur l’autre rive et sur un ilot central, également équipés de canons et parfaitement alignés sur la citadelle histoire de se bombarder mutuellement. En réalité ils n’ont jamais servi. 
Si on voit à peu près le genre de boulet que pouvaient postillonner ces bouches à feu (ci-dessous à  gauche, la batterie des matelots, allée de la poudrière), on s’interroge encore sur les projectiles lâchés sur les assaillants à travers ces grilles qui jouxtent les canons (ci-dessous à droite).

 

mercredi 11 septembre 2024

Du bon usage de la logique Shadok

La centrale électrique EPR de Flamanville, vue de la route touristique. On sent à certains détails imperceptibles qu’on souhaite faire comprendre au quidam en villégiature (de préférence francophone) qu’il aborde à ses risques et périls les secrets de la Défense nationale. 

Le 3 septembre dernier, sur la côte marine de Flamanville en Cotentin, non loin de Cherbourg, l’uranium du premier réacteur pressurisé européen en France (EPR) subissait les outrages de quelques neutrons sciemment envoyés pour semer la discorde. L’agression énervait passablement les noyaux du métal qui ne tardaient pas à s'échauffer. Leur énergie thermique savamment captée taquinait alors une simple bouilloire du commerce dont l’eau, à son tour surexcitée, tentait de fuir l'offensive en se vaporisant. Cette pression était intelligemment captée et détournée vers une turbine placée là opportunément pour transformer le désordre cinétique en un travail mécanique régulier, apte à faire tourner sur son axe le champ magnétique d’un aimant dans la bobine d’un alternateur… Là, on est en train de perdre le lecteur ! 


Résumons. Tout cela générait finalement un flux électrique grâce auquel le plus haut responsable de la centrale de Flamanville présent ce jour-là et un haut fonctionnaire du gouvernement, désigné d'office, se congratulaient rassérénés devant la machine à café de la salle de réunion, qui venait donc de redémarrer.

Et encore, on a énormément simplifié la description du mécanisme.


Évidemment les médias ont suivi l'évènement, mais au lieu d’informer le public sur le fonctionnement de cette merveille de la technologie, ils ont insisté lourdement sur les délais et les couts démesurés de réalisation du projet, en détaillant les 12 ans de retard, le délai multiplié par 3, et le budget initial multiplié par 4 (en réalité c'est par 6, soit 20 milliards d’euros, car la presse recopie sans réfléchir les communiqués de l'AFP, qui a oublié les frais annexes dont les frais financiers, rappelés par la Cour des comptes et par Reporterre).


Tout cela est mesquin. Les médias savent, leurs archives l’attestent, que le mensonge prévisionnel par omission est la raison d’être de tous les projets d’envergure, sans quoi ils n’obtiendraient jamais le moindre financement. Quant au délai, il est permis d’espérer qu’il aura servi à récupérer un peu de l’expérience et des compétences perdues au long des dizaines d’années de sous-traitance au rabais de cette industrie.

Enfin, rappelons comme le répète M. Jancovici sur la chaine Public-Sénat, que le prix de l’électricité, même multiplié par 3 ou 4, sera toujours quasiment gratuit compte tenu de l’absolue nécessité du produit. 



***

Le lendemain, 4 septembre, l’électricité était coupée par le système d’alerte automatique. Plus de réaction nucléaire, plus de café.


La porte-parole d’EDF et l’AFP étaient rassurantes. Contrôles et analyses étaient mis en œuvre pour identifier l’aléa, peut-être y avait-il une pièce défectueuse ou une "mise en configuration inappropriée de l’installation." Et d’ajouter "Ça prouve que le système de sécurité fonctionne bien."


Magnifique sentence ! 

En effet, s’il faut qu’un système sur deux tombe en panne, il est préférable que ce ne soit pas le système de sécurité, celui qui surveille l’autre, notamment en matière nucléaire. Et puis personne ne contredira que le socle de tout progrès scientifique est l’expérimentation, faite d’essais et de ratés continuels. C'est la méthode expérimentale préconisée dans le livre 1 chapitre 18 de la philosophie des Shadoks de Jacques Rouxel, qui a depuis longtemps supplanté Descartes dans les hautes sphères de l’État.  


Rappelons l’article 1 de la philosophie expérimentale Shadok :

Chez les Shadoks la situation est satisfaisante, les essais de fusée continuent à très bien rater. Car c’était un des principes de base de la logique Shadok, ce n’est qu’en essayant continuellement que l’on finit par réussir, ou en d’autres termes, plus ça rate plus on a de chances que ça marche. […] Il commençaient donc à essayer très tôt le matin. Les essais rataient d'abord pendant toute la matinée. […] Vers midi, ils prenaient un repas léger. Ça continuait ensuite jusqu'à la nuit. Et le lendemain, de très bonne heure, toujours, ils recommençaient.


***

La machine a café fonctionne à nouveau depuis le 7 septembre, à 0,2% de sa puissance théorique. Les cafetières des habitants du Cotentin seront probablement alimentées à partir de cet hiver, sauf aléa, imprévu, impondérable, ou manque de chance. 


Et il est réconfortant d’apprendre qu’une floraison d’EPR de future génération poussera bientôt dans les régions de France (loin de la capitale, si possible). Ils ne sont pas encore conçus mais on nous dit qu’ils seront moins compliqués et moins chers, tout en restant aussi fiables et sécurisés. On est impatient de les voir fleurir près de chez nous, par exemple pour remplacer à Saint-Laurent-des-Eaux les deux réacteurs dont le combustible avait commencé à fondre en 1969 et 1980, hors service depuis 1992 et toujours en cours de démantèlement, mais qui, en dépit de ces accidents ("incidents graves" dit la police), manquent cruellement à la prospérité économique, culturelle et sportive de cette belle région.



***

Pendant ce temps aux antipodes, dans feue la centrale nucléaire de Fukushima, tout est parfaitement conforme au pire des scénarios. Les millions de mètres cubes d’eau de refroidissement encore un peu contaminée commencent à être déversés dans l’océan, pour faire place, dans les citernes, aux eaux nettement plus contaminées. La Chine et la Russie utilisent ce prétexte pour cesser leurs achats de poisson, coquillages et crustacés Japonais. 

Mais 13 ans après la fusion du combustible des cœurs de la centrale, l’opérateur Tepco a bien d’autres choses en tête. Il cherche à se défaire des centaines de tonnes de débris fondus ultraradioactifs. Et conformément à la philosophie Shadok, décidément fort pratiquée dans ce secteur d’activité, il envoie dans l'enfer des robots de plus en plus sophistiqués et cuirassés, que les radiations déglinguent instantanément.


Pourquoi s’embêter à les récupérer au lieu de tout laisser sur place ? Pour les vendre à la France qui les entreposerait, rente viagère éternelle, dans ses cimetières de déchets de La Hague ou du plateau de Bure ? Sa réputation d’excellence dans les projets sans fin aurait-elle traversé les frontières, comme la radioactivité ? 


dimanche 11 décembre 2022

Améliorons les chefs-d’œuvre (25)



L’église Saint-Vincent du Mas d’Agenais, village sur la Garonne entre Bordeaux et Agen, abritait, depuis le don en 1805 d’un officier de l’armée napoléonienne, un tableau sombre de taille moyenne, accroché à plus de 3 mètres de hauteur et figurant le prophète de la religion chrétienne, dans une situation manifestement douloureuse au moment le plus désagréable de son histoire, "chétif et misérable" dit la conservatrice des Monuments historiques. 

En 1959 un restaurateur découvrait au centre du tableau, peint sur le bois au pied de la croix, un paraphe illustre, les lettres RHL imbriquées pour "Rembrandt fils d’Harmens, de Leyde" et une date, 1631.
Sans aucune protection mais jamais volé pendant 200 ans, à peine mieux protégé derrière une vitre de 2002 à 2016, le tableau vient de séjourner 6 ans dans la salle sécurisée du trésor de la cathédrale de Bordeaux, le temps de lui construire dans l’église Saint-Vincent un écrin blindé et vidéo-surveillé à outrance, avec des petits trous pour l’hygrométrie, homologué par les instances.  

Son retour au Mas d’Agenais le 24 mai 2022 fut une fête. Sur le site de la mairie la revue de presse en est impressionnante. La planète entière sait maintenant que le village possède, dans l'église accessible tous les jours pour des repérages, une chose invendable mais estimée 90 millions d’euros (ou "70 ans de budget de la commune"). De quoi donner des démangeaisons à tous les monte-en-l’air amateurs d’art et de sensations. On sait que l’épithète "invendable" ne les arrête plus.

Le 7 aout, dans l’église romane renaissante, une messe filmée par la télévision néerlandaise (Rembrandt est la fierté des Pays-Bas à l’égal de leur fromage) se concluait par une scène irréelle qui mérite d’être relatée (à 13:45 sur la vidéo) : un homme âgé couvert d’une cape vert-olive et d’une jolie petite calotte fuchsia au sommet du crâne, faisait vers la vitre qui protège le tableau des gestes mystérieux avec un petit marteau de métal argenté, puis balançait dans la même direction un appareil précieusement ciselé suspendu à une chainette et qui fumait un peu. Le commentaire en hollandais ne permet pas de savoir ce qu’il se passait mais la ferveur des chœurs en fond sonore soulignait l’importance de cet étrange cérémonial.

Importance au moins économique, car cet été, aux dires d’une commerçante du bourg, il fallait presque réserver pour aller prendre un café au Bistro de la Halle, et l’église voyait alors passer pas loin de 100 touristes par jour, "essentiellement des cyclistes", y compris en semaine. 
On entend même qu’un boulanger s’installerait dans le village. Il semble pourtant y en avoir déjà un, discret, au bout de la rue du beurre, et une boulangerie sans boulanger, abandonnée au coin de la Grand-Rue. L’euphorie et les micros-trottoirs font parfois dire n’importe quoi.
  

vendredi 28 mai 2021

Mystère de l’Extrême-Orient

De notre correspondant très loin…

La physique du 20ème siècle a découvert qu’on ne peut pas connaitre à la fois la position précise et les paramètres de mouvement d’une particule, parce que la matière se comporte aussi comme une onde, et que plus on connait l’une, moins on en sait sur les autres, et inversement. Or tout être humain est composé d’une quantité innombrable de particules.
Dans ces conditions comment parvenir à compter précisément le nombre d’habitants de la Chine ?

D’un côté, le Financial Times, qui sait tout sur le monde parce que ses ordinateurs sont équipés de Windows 98, déclare qu’aujourd’hui la population chinoise décline, pour la première fois depuis 60 ans, depuis la célèbre politique économique de Mao-Zedong, le « Grand bond », qui avait entrainé, on s’en souvient, une telle famine que le seul grand bond fut pendant quelques années celui de la mortalité.

De l’autre côté, le directeur du bureau des statistiques de Chine, froissé (1), annonce une augmentation de plus de 5% en 10 ans (70 millions), et rétorque que le Parti contrôle encore 18% de la population de la planète, mais admet que l’âge moyen du Chinois augmente un peu et qu’il faudra donc augmenter l’âge du départ à la retraite.

(1) Aucun gouvernement n’est prêt à accepter une baisse de sa population. Ça serait inconvenant. On soupçonnerait l’incompétence. Au lieu de se laisser porter par la spirale étourdissante de la consommation il faudrait se prendre la tête avec des questions rasantes sur la gestion des ressources.
   
Qui croire ? Quelles vérifications pourraient convaincre ?

Des esprits mal préparés aux subtilités de la science ont objecté qu’on ne peut pas comparer des êtres humains, notamment chinois, à des particules élémentaires.
Qu’ils se détrompent. Le citoyen chinois se comporte précisément comme une particule et peut parfaitement, par ses propriétés ondulatoires, se trouver au même instant à plusieurs endroits à la fois. 
On en trouvera la preuve incontestable sur le site de BigPixel, vitrine d’un savoir-faire chinois, qui vante sous une apparence touristique sa science en matière de caméras de surveillance des citoyens (2). Vous y constaterez par exemple qu’à Shangaï, ville la plus peuplée du pays, sur une seule prise de vue dont on imagine qu’elle a été vérifiée par les autorités, on trouve déjà un grand nombre de doublons (en illustration ci-dessous un échantillon de doublons proches, présents sur la photo du site).
 
(2) Ceux qui en vivent insistent pour qu’on remplace l’expression « caméras de surveillance » par « caméras de sécurité ou de protection » tant il est vrai que l’apport essentiel de ces caméras est, d’après eux, une augmentation sensible de la sécurité du citoyen. 
Prenons Atlanta, ville la plus sécurisée des États-Unis, avec près de 10 000 caméras pour 500 000 habitants. Elle vient de vivre le 16 mars 2021 le meurtre de 8 personnes de la communauté asiatique dans 3 attentats consécutifs. « Les caméras indiquent - dit la police - qu’il est hautement probable que le même tireur soit impliqué dans les 3 attentats ». On ne saurait apporter éléments d’information plus décisifs pour la protection des citoyens.
 

 
 
Il conviendra donc d’abord d’identifier tous les doublons, y compris distants l’un de l’autre, et d’en établir le pourcentage parmi la totalité des habitants enregistrés par cette caméra, puis de corriger le biais en soustrayant ce pourcentage du total. 
Il ne restera qu’à multiplier le résultat par le nombre de caméras de surveillance protection du pays pour obtenir une estimation consolidée de sa population. Le B-A-BA de la physique statistique en somme.

Ici, nous serons cependant confrontés à un obstacle substantiel, car personne ne s’accorde non plus sur le nombre de caméras de surveillance protection installées en Chine dans le cadre du projet de gestion du crédit social des citoyens. Elles ne sont pourtant pas dissimulées (sans doute parce que la technique ne le permet pas encore).
Le chiffre le plus courant, mais qui date un peu, parle de 200 millions, certaines sources relativement fiables n’hésitent pas à affirmer 400 millions et bientôt 600, jusqu’à soupçonner un objectif de 2,76 milliards, soit 2 caméras par Chinois.
Mais ce sont des conjectures, personne n’est allé les compter, ce qui serait pourtant la méthode scientifique pertinente.

On parle toutefois d’un artiste chinois, Deng Yufeng, qui, par des repérages méticuleux, a fait un inventaire précis des caméras de certaines rues de Pékin (Béijing), modèles, localisations, orientations, angles de vue, et organisé des itinéraires touristiques narquois (c’est un artiste), où le jeu consistait à effectuer le parcours en évitant le plus grand nombre possible de caméras, et en tournant le dos aux autres, pour ne pas être repéré ni reconnu.
Inutile de préciser qu’à ce jeu nombre de citoyens ont été identifiés - pas toujours les vrais coupables, on ne dira jamais assez les conséquences dramatiques du port du masque sanitaire - et ont perdu, pour comportement incivil, des dizaines de points de crédit et certains droits sociaux.
Il devient illusoire, dans ces conditions, de penser se fier à des recensements de caméras aussi précaires.

On réalisera finalement que le dénombrement d’une population par le moyen des caméras est une opération sans limite, sisyphéenne diraient certains dictionnaires, car le nombre et la puissance des caméras paraissent augmenter plus vite que le nombre d’habitants, sans que l’on ait pour autant les moyens de justifier chacun des chiffres de cette comparaison.

Ainsi la Chine restera un mystère. Et ça n’est pas dû au Chinois. Hors de son pays, on s’aperçoit que c’est un être humain. Mais en Chine, les règles de la biologie et de la sociologie ne sont plus les mêmes.

On balaiera aisément les accusations de xénophobie que ne manqueront pas d’éveiller ces constats. Ces dérèglements sont générés par les relations malsaines qui lient les détenteurs d’un pouvoir et ceux sur lesquels il s’exerce. La chose est banale, elle a été pointée depuis longtemps par Étienne de la Boétie, et si la Chine parait emblématique, c’est que son système est en avance sur les autres nations, dont les gouvernements lui envient les méthodes et l’efficacité.

Par exemple on peut sourire, en France, des désaccords systématiques entre les autorités et les intéressés sur le décompte des participants à une manifestation, ou à une réunion politique. Or les deux chiffres sont à chaque fois exacts.
C’est que les lois de la physique y ont déjà entamé leur lente dérive, et qu’il suffirait d’un rien, pour que les chiffres de la pandémie soient annoncés officiellement en omettant de les relativiser, pour que l’état d’urgence sanitaire soit négocié en échange d’autres mesures liberticides avec la gratitude des soumis, pour qu’une loi répressive sur la « sécurité globale » soit entérinée par des députés en vacance…

lundi 20 juillet 2020

Arithmétique récréative au Louvre

Le mensonge, ou plutôt le « n’importe quoi pourvu que ce soit gros » a de tout temps été le moyen de communication favori des humains (remplacez gros, au choix, par grossier, simpliste, caricatural, primaire).
Les neurologues les mieux informés affirment que le cerveau humain préfère entendre ce qu’il sait déjà ou ce qu’il a le moins de mal à comprendre, comme cela il peut économiser son énergie et continuer à flotter doucement dans le formol de ses inclinations routinières.

Admettons, mais alors, quand le « n’importe quoi » est très gros à avaler, disons comme un autobus, toutes ses alertes devraient se mettre à sonner et le réveiller en sursaut « Attention, surcharge, on coule ! »
Il semblerait que non. Quelques moins crédules jetteront peut-être l’intrus par-dessus bord, mais pour la plupart, contre les lois les plus élémentaires de la physique, le poids de l’autobus renforcera la flottaison cérébrale.
Il en est même qui excusent cette conduite du cerveau en prétendant que l’humain n’aurait pas vécu bien longtemps s’il avait fallu qu’il doute de tout ce que ses sens lui rapportaient. C’est un peu facile.

Lorsque l’Agence d’État en voie de Privatisation (AFP) annonçait, dès le 25 février 2020, sous la dictée du président du musée Louvre, que l’exposition Léonard de Vinci avait reçu 1 071 840 visiteurs en 4 mois exactement, personne ne fut surpris. Le matraquage médiatique avait été si intense pendant les mois précédant l’exposition que pour tout le monde Léonard était un génie omniscient et universel, qui avait choisi de mourir en France, et de prendre le Louvre comme impresario, en lui confiant le plus grand nombre sur terre de ses chefs-d’œuvre immortels, dont la légendaire Joconde, connue même hors du système solaire.

Alors, une moyenne de 9783 visiteurs par jour, personne ne tiqua. Pourtant la chose était impossible.

Seul M. Rykner, la petite bête du site La tribune de l’art, qui ne cesse d’aller gratter les contrevérités des grandes institutions de l’art, s’en inquiétait 4 mois plus tard dans un long article plein de laborieux calculs de jauge et concluait tièdement qu’il restait un mystère.

Pourtant les calculs sont simples. Pour mémoire « Les normes de sécurité (notamment incendie) dans les lieux recevant du public, musées ou expositions, interdisent de dépasser une personne pour 5 mètres carrés accessibles au public, sauf autorisation d’une commission de sécurité ».
Dans le cas du hall Napoléon du Louvre, l’aire d’exposition de 1350 mètres carrés devait donc refuser plus de 270 visiteurs simultanés.

En prenant une moyenne, large, de 12 heures d’ouverture par jour (comptant les jours avec nocturne et les prolongations), et un temps de visite moyen par client d’une heure et demi (ce qui est déjà sportif, ça revient à consacrer 30 secondes seulement à chacune des 175 œuvres exposées), le nombre de visiteurs quotidiens n’aurait pas dû dépasser 2160 [(12 / 1,5) x 270].
Or le Louvre en déclare une moyenne de 9783, soit 4,5 fois la limite, c’est à dire 1200 personnes simultanément devant 175 œuvres. À peine plus d’un mètre carré par visiteur. Est-ce vraiment sérieux ?

À moins qu’une majorité de clients soient entrés, puis sortis immédiatement après avoir constaté que la Joconde, seul motif de leur visite, n’y était pas. Dans ce cas l’exposition serait plutôt un échec, puisque la Dame voit habituellement passer plus de 20 000 touristes par jour. C’était d'ailleurs exactement la raison invoquée par le président du Louvre pour justifier son absence « les espaces d’exposition ne permettent d’accueillir que 3 à 5000 personnes par jour ». Et ces espaces en auraient toutefois ingurgité près de 10 000 par jour sans interruption pendant 4 mois ?


À la revue de son royaume, quand il longe la cour intérieure où sont remisées les sculptures antiques, le président du Louvre ressent toujours un frisson de terreur devant cette statue chthonienne qui lui indique, menaçante derrière sa grille régulière comme les repères d’un graphique, la courbe que devront suivre sans faute les résultats de sa gestion du musée.

Ainsi les chiffres annoncés par le Louvre, et sans doute ceux d’autres grandes expositions, privées ou publiques, sont des bobards. Le billet unique ou jumelé permet de noyer les visites dans un grand nombre global qui évite les statistiques détaillées. Le seul objectif étant la surenchère, il suffit de déclarer plus que le voisin, et tout le monde le croit. Personne ne vérifiera, et les données réelles (billetterie, avis de la Commission de sécurité…) ne seront éventuellement publiques que s’il arrive une catastrophe, suivie d’un déballage médiatique où chacun essaiera de se défausser sur l’autre.

Et comment peut-on affirmer que ce sont des fables plutôt que des erreurs ?
C’est simple. Un mensonge est une donnée imaginaire, sans référence objective, et on doit donc le conserver précisément en mémoire, qui est faillible. Ainsi le 25 juin, 4 mois après la clôture de l’exposition et l’annonce du record de 1 071 840, le président du Louvre annonçait fièrement au New York Times, en anglais (*), que l’exposition Léonard avait accueilli 1 200 000 visiteurs. La fréquentation enregistrait alors une belle progression de 12%.

On ne saurait illustrer plus clairement qu’on peut raconter n’importe quoi.

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(*) NYT : How much did your blockbuster Leonardo da Vinci exhibition, which closed right before the lockdown, bring in?
    JLM : We had 1.2 million visitors, which works out to about €2.5 million in revenue. That’s quite exceptional. Generally, exhibitions are loss-making, which is not a word I like to use. They cost us money.
 

jeudi 7 novembre 2019

L’art de la rayure verticale



Pour nombre de raisons dont l'énumération ici ennuierait certainement, les œuvres d’art ont toujours attiré outrages et dégradations.

Rappelons-nous cette militante inflexible, Mary Richardson, qui lacérait au hachoir le dos nu de la Vénus de Velázquez, le 10 mars 1914 à Londres, et Laszlo Toth qui défigurait avec un marteau de géologue la vierge de la Pietà de Michel-Ange, et lui arrachait l’avant-bras, dans la basilique Saint-Pierre à Rome le 21 mai 1972, et dont certains réclamèrent la mise à mort mais qui passa deux ans en asile psychiatrique.
Souvenons-nous également de Pierre Pinoncelli, qui s’était soulagé dans l’urinoir de Marcel Duchamp (enfin, dans un des nombreux exemplaires en circulation), le 25 aout 1993 à Nîmes, d’un geste artistique qu’il pensait être l’aboutissement de l’œuvre du célèbre dadaïste, mais geste inconséquent car l’appareil exposé n’avait pas été branché à un réseau d’évacuation.
Plus récemment, et abordés ici-même, les cas du tableau blanc de Twombly à Avignon en 2007, de la tasse volante et de la Joconde en 2009, de la Liberté de Delacroix à Lens en 2013, du Monet de Dublin en 2014, montrent que le sport de l’iconoclasme revendicatif se pratique toujours, et avec succès puisque les gazettes en parlent, ce qui est son but.

L’activité vise toujours les œuvres qui ont acquis un caractère officiel, qui représentent un pouvoir, une forme d'autorité au moins dans l’esprit des profanateurs.
Ainsi Daniel Buren, artiste décorateur contemporain engagé, représentant régulièrement la France officielle, soutenu par des politiciens influents et de prospères capitaines d'industrie, devait-il fatalement en souffrir un jour.

C’est arrivé le 13 septembre dernier, dans le musée du Centre Pompidou à Paris, où une toile emblématique de Buren, « Peinture [Manifestation 3] » a été balafrée de plusieurs entailles au cutter par un homme qui avait abusé les contrôles de sécurité et s’est dirigé directement vers l’objet de son méfait.
Le musée n’a pas diffusé de photographie ni encore évalué l’importance des dégâts. La presse s’en est chargée, l’estimant potentiellement à plus d’un million d’euros. Quant aux motivations et au sort du visiteur, le scénario habituel est en marche, l’individu tenait des propos incohérents et a été transféré à l’institut psychiatrique de la Préfecture de police. Il y a une logique à placer dans une « institution » les malheureux qui agressent les Institutions.

Le musée a immédiatement remplacé l’œuvre. On comprend sa discrétion, en lisant les réactions hostiles du public dans les journaux qui ont relaté la chose (essentiellement le Figaro). Habituellement, ces dégradations font l’objet d’une vindicte unanime des éditorialistes et des commentateurs contre le coupable, mais ici, c’est une averse de saillies qu’on pourrait résumer par ce commentaire « le vrai scandale, c'est pas un coup de cutter dans le papier peint Castorama, c'est que ça soit exposé dans un musée ».
Car Buren est depuis 50 ans un « artiste controversé », c’est à dire globalement vilipendé par les conservateurs et encensé par les progressistes, quoi qu’il produise. Constat simpliste, mais les productions de l’artiste ne le sont pas moins.

Pour qui ne le connait pas encore, il est aisé de présenter Daniel Buren, car son site officiel est très abondamment illustré et fort bien classé.
On y ressent l’impression poignante d’un être soumis à une fixation morbide pour les rayures verticales.
Adolescent, il aura certainement été traumatisé par l’apparition des dentifrices à rayures qui ont troublé plus d’un enfant intelligent à l’heure où se forme la compréhension du monde. Comment une pâte pouvait-elle sortir d’un tube sous la forme d’un boudin à bandes longitudinales alternées blanches et rouges ? Comment les rayures étaient-elles rangées à l’intérieur du tube ?
On n’ose imaginer ce que serait devenue la destinée de l’artiste si les rayures avaient été transversales. Même les religions les plus respectables sont fondées sur des phénomènes moins prodigieux.

Vous noterez peut-être, feuilletant son inépuisable catalogue, qu’il n’est pas toujours aisé d’identifier sur chaque photographie où se trouve l’œuvre de Buren, et il arrive qu’elle ne soit pas celle qu’on pense : petit moment de détente, saurez-vous repérer où est l’œuvre de Buren, sur les deux photos en lien ? Attention, il y a un piège !

Lucide, Buren se nomme lui-même décorateur in situ, parce que ses productions sont intégrées au décor et aux objets, dans les lieux publics ou privés. Réaliste, il les qualifie parfois de degré zéro de la peinture.
Mais on dit qu’il y réfléchit beaucoup. L’encyclopédie Wikipedia, informée de tout, précise que « ses interventions in situ jouent sur les points de vue, les espaces, les couleurs, la lumière, le mouvement, l’environnement, […] assumant leur pouvoir décoratif ou transformant radicalement les lieux, mais surtout interrogeant les passants et spectateurs. », description consensuelle qui peut aussi bien qualifier l’architecture fameuse de Phidias et Callicratès que le mobilier urbain de l’entreprise Decaux et fils.

Ajoutons pour la rigueur scientifique de l’exposé, que l’artiste est aussi atteint, depuis une vingtaine d'années, d’une pathologie assez fréquente dans sa tranche d'âge, une manie pour les grossiers effets lumineux diffusés par des vitres teintées aux couleurs primaires. Nous ne l’illustrerons pas ici, d'abord pour de sordides histoires de droits d’auteur, et pour ne pas accabler le créateur. Ce blog n’est pas de cette presse qui se nourrit de l’infortune des gens fortunés.

Concluons un peu légèrement cet épisode lamentable de la vie des musées par la citation d’un commentaire, somme toute très raisonnable, de Mme de La Motte, sur le site du Figaro du 19 septembre à 22h21, à propos de la toile désormais tailladée de Buren : « Il n'y a qu'à la présenter comme un Lucio Fontana»